Salut,
on m'a posé la question en MP et comme je pense que la réponse peut en intéresser d'autres, je la poste ici.
Existe-t-il une représentation intuitive permettant de comprendre les forces attractives en terme d'échange de particules ?
Le fait est que je ne peux pas vraiment te donner une image classique sans te mentir, le phénomène n'est pas classique, on ne peut pas vraiment l'expliquer en utilisant la conservation de l'impulsion avec l'analogie d'un ballon photonique lancé entre deux électrons canotiers (répulsion) ou d'un boomerang photonique entre un électron et un positron sur des patins à glace (attraction). Tu peux cependant trouver l'image par exemple dans la réponse d'anna. Je n'ai pas réussi à trouver les diagrammes de Feynman en terme d'échange de photons virtuels correspondant, alors je les ai bricolés moi-même, Baez style :
On peut argumenter avec Strassler que le mot "échange" (de particules virtuelles) n'est qu'un mot et que sa définition imprécise (ou trop liée à la vision classique d'un échange) conduit à plus de confusions que d'éclaircissements. Sur-interpréter les diagrammes de Feynman et plus particulièrement la réalité des particules virtuelles est de manière générale un jeu dangeureux. On peut d'ailleurs construire d'autres types de diagrammes, avec une interprétation complétement différente, sans particules virtuelles : les particules sont toutes "réelles" (on-shell). Tu peux aller jeter un oeil sur l'intro et la jolie figure sur la dernière page de Arkani-Hamed et al..Code:\ / \ répulsion / \ / >~~~ / ^ temps / ~~~~ / | / ~~~< | / \ ---> espace / \ / \ attraction / \ ~~< \ ~~~ ~~~ \ \ ~~~ ~~ \ >~~~ \ /
On peut commenter comme Baez que l'échec de cette analogie (et de la conservation de l'impulsion) est une conséquence du principe d'incertitude, les particules virtuelles (off-shell) ne sont pas tenues de respecter la conservation de l'impulsion.
On peut noter avec Tanedo que l'apparition d'une force macroscopique et classique nécessite beaucoup de photons virtuels (c'est le principe de correspondance) et qu'une visualisation un peu moins fausse ressemblerait plutôt à ça :
ce qui permet de comprendre attraction et répulsion plus symétriquement sans être obligé de changer le projectile : c'est un effet moyen.Code:|<------->| \ ~~ \ >~~ \ / >~~ ~ / / ~~~ ~< / ~~ \ ~~~~~< >~~~~ \ / \ / \ ~~ ~< \ ~~ \ >~~ \ _ / >~ / \ / / ~~< >~ / / \_/ ~< / \ / \ |<- - - - - - ->|
On peut, avec Passon et al., faire la remarque importante que ce genre de diagramme ne peut pas capturer la physique de l'attraction/répulsion parce qu'il ne raconte que la moitié de l'histoire (le s-canal)
et que la différence entre attraction et répulsion nécessite la prise en compte de diagramme d'un autre type (le t-canal).Code:\ / >-< / \
Il faut se souvenir ici qu'un résultat physique (observable) est obtenu seulement après avoir sommé sur toutes les alternatives possibles (tous les canaux notamment), dans l'esprit des intégrales de chemin. Une discussion sur le même thème (qui parle de la répulsion quand tu touches ton nez) peut être consultée chez Motl.Code:\ / | / \
L'approche correcte la plus directe que je connaisse se trouve dans le bouquin de Zee (lien dans le billet de Tanedo) et repose essentiellement sur les intégrales de chemin. Il introduit le formalisme sans excès de mathématiques dans les 30 premières pages (en discrétisant non seulement le temps comme en mécanique quantique, mais aussi l'espace en le traitant comme un matelas). Il s'attaque au cas des forces électriques page 32 et extrait rapidement l'acteur essentiel de cette histoire : l'énergie potentielle (elle est positive/négative pour une force répulsive/attractive). En bonus, il s'occupe ensuite du cas de la gravitation avec la même méthode, ce qui permet une comparaison aisée entre les deux interactions et l'identification des hypothèses clés (la physique) pour comprendre l'universalité de l'attractivité de la gravité.
Une approche alternative (et assez directe, l'article ne fait que 8 pages) qui évite consciencieusement les dédales des mathématiques quantiques (mais en conservant les concepts) pour se focaliser sur les contraintes imposées par la relativité restreinte (avec des photons et des gravitons classiques) peut-être trouvée chez Deser. Le caractère inévitable de l'attraction y est peut-être encore plus évident (la stabilité de tout l'édifice en dépend) et l'accent est mis sur le lien avec le spin du médiateur (dans son incarnation classique, c'est à dire le nombre d'indices de Lorentz portés par le champ). Comme le résumait parfaitement Hawking en 1975 dans la première phrase de son "Breakdown" :
Et ça fait réfléchir.Le principe d'équivalence, qui dit que la gravité se couple au tenseur énergie-impulsion de la matière, et l'exigence de la mécanique quantique selon laquelle l'énergie doit être positive impliquent que la gravité est toujours attractive.
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