Bonjour à tous,
Voici quelques temps que je recherche réponse à une question qui me tracasse.
Je m'intéresse aux réacteurs à fission. Si j'ai plutôt bien compris le fonctionnement général du réacteur et de ses composants, il demeure une question dont je ne trouve la réponse. La voici :
Comment démarre-t-on un réacteur à fission nucléaire ?
Merci d'avance pour vos réponses !
Mat
Salut ,
Un réacteur nucléaire est un assemblage de matériaux largement surcritique ( d'un point de vue neutronique ) surtout si le chargement est totalement neuf ( au maximum de sa teneur nominale en 235U ,
restons simplement dans le 235U , c'est généralisable aux autres éléments fissiles ).
On évite la divergence du système ( autrement le développement des réactions nucléaires en chaîne ) en insérant dans le volume critique des matériaux absorbants fortement les neutrons ( thermiques ) .
Ce sont les " barres " de sécurité ou de pilotage .
Les barres de sécurité ( qui sont une très forte réserve " d'antiréactivité "' sont toujours insérées à l'arrêt , et toujours retirées en fonctionnement normal .
Donc , on pilote et on maintient la puissance voulue du réacteur par les barres de pilotage .
Ou encore , en ajoutant à l'eau primaire un absorbant neutronique qui se consomme , tel le bore .
Mais cela , c'est un absorbant passif à long terme .
Le vrai pilotage , c'est l'insertion ou le retrait des barres de pilotage .
Celui qui accroît son savoir , accroît sa souffrance . L'Ecclésiaste 1-18
Cela , c'est la base , je peux développer , j'ai même des topos tout prêts :
il y a par exemple des subtilités entre un réacteur au chargement totalement neuf - ce qui est rare _ car on change le chargement combustible par 1/3 ou par 1/4 de coeur ( réacteurs EDF - REP ).
Celui qui accroît son savoir , accroît sa souffrance . L'Ecclésiaste 1-18
Merci pour cette réponse, mais ma question était plutôt axée sur le démarrage en lui-même. Comment initie-t-on le premier neutron, en somme ?
J'avais entendu parler que même un canon à neutrons pouvait jouer le rôle de démarreur. Mais lorsque je vois le démarrage d'un réacteur en vidéo, on dirait que la réaction est instantanée, comme le démontre cette vidéo ci-dessous :
https://www.youtube.com/watch?v=-o3BLWmcfdI
D'où ma question : comment démarre-t-on un réacteur ?
Oui , j'ai hésité , mais voici le détail .
Et ne pas oublier que les uranium et autres présentent des fissions spontanées , origine des accidents de criticité .
Démarrage des réacteurs nucléaires
Il s'agit du premier démarrage d'un nouveau réacteur qui est totalement chargé en éléments combustibles neufs.
En effet, si l'on prend l'exemple des réacteurs EDF – REP, les rechargements en éléments neufs ne s'effectuent que par tiers ou quart du chargement total, donc, pour ces réacteurs, les sources de neutrons résiduelles sont suffisantes pour assurer le redémarrage dans des conditions sûres.
Les neutrons résiduels proviennent :
des produits de fission accumulés dans le combustible partiellement consommé, émetteurs de neutrons retardés de période plus ou moins longue,
des réactions nucléaires ( gamma - neutron ),
des fissions spontanées sur les uranium .
Sur un réacteur neuf, on pourrait attendre le passage d'un neutron cosmique : trop rare et trop aléatoire…
On pourrait utiliser les fissions spontanées des uranium : en s'en tenant seulement à l'isotope 238 majoritaire, cet isotope produit 6.7 fissions/s/kg soit environ 14 neutrons /s/kg. Avec les 100 tonnes d'uranium, on arrive à environ 1.4 10^6 neutrons/s, c'est trop faible vu le volume important du cœur, le démarrage serait trop lent et non visualisable sur les chaînes de mesures.
On va donc ajouter des sources auxiliaires de démarrage émettrices neutrons tel le californium 252 : 1 mg de 252Cf produit 2.3 10^9 neutrons/s, plus de 1000 fois supérieur aux fissions spontanées des 100 tonnes d'uranium .
Le démarrage de l'EPR est prévu avec 20 sources de 252Cf, réparties au mieux sur tout le volume du cœur ( c'est important : ces cœurs de gros volume peuvent parfaitement être critique dans une zone et " à l'arrêt" dans une autre ).
Ces sources auxiliaires rendent le milieu très multiplicateur en neutrons ce qui permet de visualiser maintenant le flux de neutrons sur les chaînes neutroniques de démarrage ( la dynamique de l'instrumentation nucléaire en réacteurs s'étend sur 11 décades en 3 types de compteurs qui doivent se recouper sur 2 décades minimum …).
A ce moment le réacteur sera vers 100 - 300 W thermique ( à comparer aux 3800 MW thermique nominaux ), on peut commencer à retirer la barre absorbante de pilotage par pas , cran par cran.
A chaque nouvelle position, un nouvel équilibre multiplicatif est atteint, plus élevé que le précédent et plus long à se stabiliser dans le temps, jusqu'à la position où l'on visualise " la divergence " : la puissance ( en fait le flux neutronique ) ne se stabilise plus , elle commence à monter lentement , sans plus aucune action sur le pilotage : la réaction en chaîne a démarré de façon totalement contrôlée. Par des codes de calculs neutroniques très performants , on connaissait par avance la position de la barre absorbante de pilotage qui allait entraîner la divergence …
…Il est temps maintenant de s'intéresser au champagne !
Celui qui accroît son savoir , accroît sa souffrance . L'Ecclésiaste 1-18
Un immense merci XK150 pour ces précisions for utiles pour ma curiosité.
Seulement, serait-il possible d'avoir un schéma montrant où est placé le C252 dans le réacteur ? Parce que sur les vidéos où démarrent des réacteurs avec des barres neuves, on entend un décompte, donc on sait précisément quand il va démarrer. Comment est-ce possible ?
Je suis désolé d'insister autant mais je désire juste comprendre.
https://www.frontier-cf252.com/wp-co...0s-drawing.pdf
https://gizmodo.com/californium-the-...cto-1736166075
On voit bien ces petits cylindres de cf252 sur ces liens ci-dessus. Seulement, où sont-ils placés et comment font-ils pour que la réaction soit instantanée ? Ils sont comme des bougies d'allumage dans un moteur à explosion ?
Je prends comme modèle les réacteurs franco-français ( enfin presque ... ) de puissance , du type EDF REP . Après , les variations sont infinies ...
L'assemblage combustible comporte des crayons combustibles , et aussi des emplacements vide ( eau ) mais permettant l'insertion éventuelle d'un crayon absorbant de contrôle ( pilotage )
et encore des emplacements vide ( eau ) où l'on peut loger par exemple , les sources de démarrage . Donc , c'est une sorte de Meccano .
http://coursenvrac.eklablog.com/la-f...ble-a132783270
Oui , les sources de démarrage sont minuscules : le mg ( environ ... ) de 252Cf est sous double enveloppe inox soudée étanche .
Donc , les sources sont réparties où l'on veut dans l'élément combustible choisi qui compose le coeur .
Non , jamais vu de décompte temporel dans les divergences , surtout sur les réacteurs neufs à planning , ô combien glissant !!!! Plusieurs jours , plusieurs semaines , voir plusieurs mois ....
Ce qui est parfaitement normal sur ces installations complexes où tous les éléments interagissent et vont fonctionner en neutrons ensemble pour la première fois .
Des décomptes , oui , sur des réacteurs de recherches à fonctionnement pulsé , mais là , c'est vraiment particulier .
Celui qui accroît son savoir , accroît sa souffrance . L'Ecclésiaste 1-18
Le débit neutronique des sources est continu , c'est de la décroissance radioactive , il n'y a strictement rien à faire ,
sinon monter la première barre de pilotage prévue .
Celui qui accroît son savoir , accroît sa souffrance . L'Ecclésiaste 1-18
Ça y est, j'ai compris. Merci infiniement XK150 pour toutes ces explications !
