"Galileanité" d'un référentiel
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"Galileanité" d'un référentiel



  1. #1
    Guillaume79

    "Galileanité" d'un référentiel


    ------

    Bonjour à tous, j'aurais une question quasi philosophique à laquelle je n'ai pas réussi à trouver de réponse claire sur le net, j'explique ma réflexion : souvent on entend à l'écol, chez certains rationnalistes ou même dans un test de culture générale de l'État que c'est bien la Terre qui tourne autour du Soleil et que croire l'inverse serait l'exemple d'une mauvaise éducation ou d'une vision complotiste.
    Or, ça me semble clair pour quiconque a un certain niveau de science, les deux points de vues sont totalement équivalents par principe de relativité. Il est tout à fait correct de dire que le Soleil tourne autour de la Terre et que des forces d'inerties expliquent le mouvement des autres planètes. De fait j'oserais même affimer que le modèle de Ptolémée, en tant qu'illustration ou "table de calcul" des trajectoires est correct avec une bonne précision, qu'en dites-vous ?

    Mais ma question est la suivante : malgré tout j'ai du mal à me satisfaire de ce que je viens de dire, il me semble effectivement plus "vrai" de dire que la Terre tourne autour du Soleil (et plus vrai encore que les deux tournent autour de leur centre de masse). Par ailleurs aucun référentiel n'est 100% galiléen dans la nature donc cette séparation galiléen/non-galiléen est peu commode "philosophiquement". Du coup y aurait-il une grandeur qui quantifie de façon continue la "galiléanité" d'un référentiel ? Quelque chose comme la somme des normes des forces d'inerties rapportée à la somme des normes de toutes les forces mises en jeu ?
    Je pense que ça n'a qu'un faible intérêt purement physique (puisque dans le doute on se met dans le centre de masse du système) mais ça pourrait avoir un intérêt conceptuel et explicatif ? Ce n'est là qu'une curiosité provenant de discussions avec des amis, rien de bien important. Merci d'avance !

    -----

  2. #2
    Deedee81

    Re : "Galileanité" d'un référentiel

    Salut,

    Le modèle de Ptolémée avait pas mal de défaut car il ne concernait pas seulement Le "soleil tournant autour de la terre" mais également les planètes (comme Mars) considérées comme tournant autour de la Terre. Et avec des orbites circulaires. Avec des conséquences comme les mouvements rétrogrades de Mars

    D'où pleins de trucs comme les épicycles etc... A la fin face à l'augmentation de précision des observations, ce modèle devenait TRES compliqué.

    Ensuite Copernic et Galilée sont arrivé en disant que les planètes (dont la Terre) tournaient autour du Soleil et Kepler a dit que les orbites étaient des ellipses. Ce modèle était beaucoup plus simple et plus précis.

    Il s'avère qu'à la même époque quelqu'un (dont j'oublie toujours le nom !) avait imaginé un modèle ou le soleil tourne autour de la terre et les autres planètes autour du soleil (et donc de la terre en même temps). Il est évident qu'un tel modèle donne les mêmes résultats que le modèle de Copernic. Il est juste plus compliqué.

    Depuis la physique a progressé, on parle de référentiels (géocentriques, héliocentriques) etc... et les choix :
    - sont basés sur la facilité du calcul. Si tu veux calculer la trajectoire d'un satellite le référentiel géocentrique est le plus simple, si c'est une sonde interplanétaire il vaut mieux utiliser le référentiel héliocentrique sauf à vraiment aimer les difficultés
    - sont basés sur des aspects dynamiques : Newton (puis Einstein). Physiquement il est plus juste de dire que a Terre et le Soleil tournent ensemble autour d'un centre de gravité commun. Il se fait que le Soleil est tellement massif et gros que ce centre de gravité est situé .... DANS le Soleol (pas tout à fait en son centre). Mais ça veut dire que le Soleil oscille autour de ce centre de gravité. Et cet effet qui est vrai aussi avec les étoiles et leur planète peut servir pour la détection des exoplanètes (c'est la méthode des distances radiales). Et donc dans ce sens physique est il juste de dire "la terre tourne autour du soleil"
    - Tout autre considération mise de coté, le choix d'un référentiel est purement et strictement arbitraire. C'est les humains qui choisissent : il n'y a donc pas de "plus vrai ou de plus juste ou autre". C'est juste un choix (qui n'influence pas la réalité physique, quand un peintre peint tout en bleu on ne se transforme pas en schtroumpfs).

    Attention : la philosophie est proscrite sur Futura (c'est un choix éditorial). Donc, pas de "plus vrai" mais la question du référentiel reste avant tout physique (et en partie historique), donc ça va

    P.S. les pires cranks ne sont pas ceux qui disent que la Terre est au centre de l'univers mais ceux qui disent que la Terre est plate !!!! A peine croyable mais on a carrément dû mettre une interdiction du sujet dans les épinglés en attachement de ce forum.
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  3. #3
    mach3
    Modérateur

    Re : "Galileanité" d'un référentiel

    Un référentiel galiléen est un référentiel dans lequel il n'est pas nécessaire d'ajouter "à la main" des forces d'entrainements pour que les 2 premières lois de Newton soient respectées, et où la 3e loi de Newton est respectée.

    En effet dans un référentiel non galiléen, un objet libre, c'est à dire soumis à aucune force, n'a pas un mouvement rectiligne uniforme, et certains objets, soumis à des forces ont au contraire un mouvement rectiligne uniforme ce qui invalide les 3 lois de Newton (les 2 premières de façon évidente, la troisième parce que la quantité de mouvement n'est pas conservée de fait). Pour que les 2 premières lois redeviennent valides dans un tel référentiel, on ajoute alors à la main des forces d'inertie. Cela ne résout pas le souci avec la 3e loi : il y a de la quantité de mouvement qui apparait ou disparait de nul part.

    Exemple, dans le référentiel "séléno-terrestre", où la Terre et la Lune sont immobiles, il faut des forces centrifuges sur la Terre et la Lune pour compenser la force de gravitation et expliquer qu'elles restent immobiles. Il faut aussi des forces d'entrainement pour expliquer les mouvements du Soleil et des étoiles qui tournent en environ 28 jours autour de la Terre. La quantité de mouvement du Soleil et des étoiles varient sans cesse à cause de ces forces et à moins qu'elles se compensent parfaitement (ce qui suppose une certaine distribution de matière), il n'y a aucun corps qui absorbe ces variations, c'est à dire pas de forces égales et opposées exercées : 3e loi violée

    Un peu plus technique, la force de gravitation et les forces d'inertie ayant le même comportement (masse de l'objet fois champ d'accélération), il n'est pas possible en pratique de s'assurer qu'un référentiel est vraiment galiléen car impossible de différencier totalement la force de gravitation des forces d'inertie. On parlera donc de forces d'inertie "générales".
    Certes on peut se dire que si le champ d'accélération de ces forces d'inerties "générales" se conforme à la loi de gravitation (GM/r²), c'est à dire qu'il dérive d'un potentiel (-GM/r) qui reflète la distribution des masses, alors ces forces se limitent à la gravitation et le référentiel est alors galiléen. Mais dans le détail on s'aperçoit que cela n'est vraiment possible que si on peut annuler le potentiel à l'infini, c'est à dire qu'au delà d'une certaine distance, il n'y a plus de matière. Si on ne peut pas annuler le potentiel à l'infini, alors il existe une ambiguité : un référentiel en translation non uniforme par rapport à un référentiel galiléen peut prétendre être aussi galiléen que celui-ci.

    Ceci est évidemment très résumé et simplifié. On peut consulter à ce sujet le chapitre 12 de "Gravitation" de Misner, Thorne et Wheeler, en particulier le paragraphe 12.3, pour plus de détails.

    Citation Envoyé par deedee
    Il s'avère qu'à la même époque quelqu'un (dont j'oublie toujours le nom !) avait imaginé un modèle ou le soleil tourne autour de la terre et les autres planètes autour du soleil (et donc de la terre en même temps). Il est évident qu'un tel modèle donne les mêmes résultats que le modèle de Copernic. Il est juste plus compliqué.
    c'était Tycho Brahe, le "boss" de Kepler.

    m@ch3
    Dernière modification par mach3 ; 14/12/2021 à 10h25.
    Never feed the troll after midnight!

  4. #4
    Deedee81

    Re : "Galileanité" d'un référentiel

    Citation Envoyé par mach3 Voir le message
    c'était Tycho Brahe, le "boss" de Kepler.
    Merci. Mais pourquoi j'oublie toujours ???? pfffffff
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    stefjm

    Re : "Galileanité" d'un référentiel

    Citation Envoyé par mach3 Voir le message
    c'était Tycho Brahe, le "boss" de Kepler.
    Je ne sais plus si c'était le boss, mais il avait les tables de mesures.
    Moi ignare et moi pas comprendre langage avec «hasard», «réalité» et «existe».

  7. #6
    Deedee81

    Re : "Galileanité" d'un référentiel

    Salut,

    Citation Envoyé par stefjm Voir le message
    Je ne sais plus si c'était le boss, mais il avait les tables de mesures.
    Oui, Tycho Brahe fut le mentor de pas mal d'astronomes à l'époque. Kepler fut son assistant puis son héritier. Wikipedia est assez complet à ce sujet.

    Et il était particulièrement réputé pour la précision de ses mesures. Il était par contre assez conservateur (cela explique peut-être son modèle ?).
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  8. #7
    invite18230371

    Re : "Galileanité" d'un référentiel

    Du coup y aurait-il une grandeur qui quantifie de façon continue la "galiléanité" d'un référentiel ? Quelque chose comme la somme des normes des forces d'inerties rapportée à la somme des normes de toutes les forces mises en jeu ?
    On peut effectivement le faire,
    Mais je pense qu'il faut surtout être en mesure de prendre en compte une taille/durée de l'expérience.

    Par exemple,
    un modèle de pendule (dans un référenciel galiléen) permet très bien de rendre compte de l'oscillation du pendule de Foucault à l'échelle de la minute.
    A l'échelle d'une poignée d'heure le modèle ne fonctionne plus.

    Ce que tu proposes permet d'avoir un critère sur (en gros) l'erreur faites sur l'accélération.
    C'est un critère instantanée.
    Mais souvent ce qu'on mesure c'est une position (l'erreur est donc intégrée)...

    Par exemple, un truc du genre :
    CRIT = 1/2 . MAX_sur_t (ae + ac) . dt^2 / dx

    Avec 'dt' un intervalle de temps typique pour l'expérience, et 'dx' une erreur tolérable typique.
    Si le CRIT est proche de 0 on peut négliger les forces d'inertie. Si Supérieur à 1 on ne peut plus...

    D'autre auront probablement de meilleur idée,
    je souhaitais juste montrer l'importance de devoir définir des ordres de grandeur temporel et spatiale.

    +
    Dernière modification par StrangQuark ; 15/12/2021 à 14h07.

  9. #8
    Lansberg

    Re : "Galileanité" d'un référentiel

    Bonjour,
    Citation Envoyé par Deedee81 Voir le message
    Et il était particulièrement réputé pour la précision de ses mesures. Il était par contre assez conservateur (cela explique peut-être son modèle ?).
    Davantage un problème de parallaxe stellaire plutôt que de conservatisme, il me semble.

  10. #9
    Deedee81

    Re : "Galileanité" d'un référentiel

    Salut,

    Citation Envoyé par Lansberg Voir le message
    Davantage un problème de parallaxe stellaire plutôt que de conservatisme, il me semble.
    J'ai du mal à te suivre. Tu veux dire que son modèle résulterait d'un effet lié à la parallaxe ?
    Comme l'expliques-tu ??? (ça m'intéresse mais j'ai du mal à faire le rapprochement)
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  11. #10
    Lansberg

    Re : "Galileanité" d'un référentiel

    Il n'échappait pas pour Tycho Brahé que si la Terre était en mouvement autour du Soleil, cela devrait entrainer une parallaxe stellaire observable à 6 mois d'intervalle. Pour les coperniciens l'éloignement important des étoiles était surement la cause de l'absence de parallaxe mesurable. Mais pour Tycho cela posait un autre problème lié aux dimensions des étoiles. Il avait échafaudé tout un raisonnement autour de l'éclat apparent des étoiles et de leur diamètre réel qui l'amenait à conclure, que si les étoiles étaient aussi éloignées que le supposaient les coperniciens, elles devaient avoir des tailles gigantesques dont le rayon devait (largement) dépasser la distance Soleil-terre. Il faudrait que je retrouve cette histoire.

  12. #11
    Deedee81

    Re : "Galileanité" d'un référentiel

    D'accord, c'est vrai que ça c'est intéressant. Merci,
    (et le conservatisme de Brahé est réel, j'avais lu ça dans PLS il y a fort longtemps, mais c'est moi qui avait extrapolé abusivement à son refus du modèle copernicien. Je suis pas à l'abri d'un petit DK de temps à autre )

    Ca me rappelle l'histoire de Bradley qui avait échoué à mesurer la parallaxe mais avait trouvé l'aberration stellaire.

    L'histoire des sciences, ses errements et erreurs, et ses avancées, ça peut vraiment être passionnant
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  13. #12
    Lansberg

    Re : "Galileanité" d'un référentiel

    Juste pour conclure sur cette digression, voici un lien avec un paragraphe sur "Les oppositions de Tycho Brahé aux mouvements de la Terre" : https://planet-terre.ens-lyon.fr/res...ocentrisme.xml

    Le raisonnement sur les tailles apparente et réelle des étoiles est exposé.

  14. #13
    Deedee81

    Re : "Galileanité" d'un référentiel

    Salut,

    Merci, j'adore ce document.

    c'est particulièrement intéressant (il est drôlement bien foutu ce site de l'ENS, je ne le connaissais pas). On voit bien avec les arguments de Tycho (et l'histoire générale présentée dans ce document) : tant l'avancée des connaissances en mécanique qu'en outils d'observation, en particulier à travers les raisonnements et les erreurs et leurs rectifications. L'histoire du canon c'est amusant car Galilée avait utilisé (erronément) un argument similaire pour expliquer les marées Il a fallu Newton pour comprendre. La science balbutiante mais en marche
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  15. #14
    ThM55

    Re : "Galileanité" d'un référentiel

    Citation Envoyé par Guillaume79 Voir le message
    Du coup y aurait-il une grandeur qui quantifie de façon continue la "galiléanité" d'un référentiel ? Quelque chose comme la somme des normes des forces d'inerties rapportée à la somme des normes de toutes les forces mises en jeu ?
    Je pense que ça n'a qu'un faible intérêt purement physique (puisque dans le doute on se met dans le centre de masse du système) mais ça pourrait avoir un intérêt conceptuel et explicatif ?
    Je n'ai pas l'impression qu'on a répondu à cette question précise, que je trouve intéressante. Je trouve que la relativité générale éclaircit assez bien ce genre de question du point de vue conceptuel (pour ne pas employer le mot honni "philosophique"), au moins dans un domaine local, c-à-d. au voisinage d'un certain événement dans l'espace-temps. Si on trouve un référentiel dans lequel les symboles de Christoffel s'annulent en ce point, et on montre aisément qu'il en existe toujours un, on peut considérer le référentiel comme étant inertiel. J'ai le souvenir d'un après-midi de travaux pratiques où nous avions démontré que c'était aussi possible dans le voisinage d'une ligne d'univers, mais j'ai un peu oublié les détails. Dans ce voisinage, s'il y a pas loin de là un corps massif, le tenseur de Riemann le révélera: puisque c'est un tenseur contrairement aux symboles de Christoffel, il ne s'annulera pas par un choix de coordonnées. Je suppose donc que la "mesure continue du degré de galiléanité" en question pourrait exister: ce serait un rapport entre la valeur absolue des composantes de Christoffel et celle de leurs dérivées (soit celles du tenseur de Riemann)? Cela permet de considérer le référentiel en "chute libre" près d'un corps massif comme inertiel, localement. Juste une suggestion.

    Evidemment, cela est purement local et ne dit rien sur la question cosmographique de la terre autour du soleil ou le contraire. Pour cela, je pense que la réponse a été donnée ici: Le système de Ptolémée et celui de Galilée-Newton ne sont pas égaux. Le dernier est supérieur car il offre une théorie mécanique plus complète qui s'applique aussi bien aux corps célestes que chez nous sur terre. Ptolémée avec son modèle ne nous dit pas comment calculer des machines ou des montagnes russes. Et dans ce même système de Newton, il est infiniment plus simple et surtout plus logique de choisir pour décrire le système solaire un système centré sur le soleil (ou plus exactement sur son centre de gravité, proche du centre du soleil). Quand Copernic a fait ce choix, je pense qu'il ne le voyait que comme une décision de portée purement astronomique, un choix de modèle qui pouvait mieux expliquer le mouvement des planètes, et, avec Tycho et Kepler, avec une bien meilleure précision. Mais, pour Newton, ce n'est pas la vraie raison du choix. La raison est révélée par la dynamique telle que formulée par Newton et s'impose en tant que théorie physique (par sa vérification expérimentale plus étendue que l'astronomie) et son cadre théorique impose le système héliocentrique en tant que simple corollaire. Ce qui est d'ailleurs provisoire: le soleil est en orbite dans une galaxie, elle-même dans un amas qui participe au mouvement d'expansion cosmologique.
    Dernière modification par ThM55 ; 18/12/2021 à 14h36.

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