Bonjour à tous,
J'ai le sentiment que cette question a déjà été traitée sur ce forum, quoique jamais frontalement. Désolé si je suis redondant !
Je lis que la suppression des interférences, la fixation d'une base privilégiée, et finalement, l'émergence d'un monde "classique" -- ou plus exactement, de son apparence -- sont assurées par la décohérence, sans que celle-ci nécessite d'introduire quelque chose comme un observateur conscient. Ainsi, si la lune occupe -- nous apparaît occuper -- une position bien précise, c'est parce que le soleil la "regarde" (j'emprunte cet exemple à P. Ball) ; c'est parce que des myriades de photons interrargissent avec ses particules à elles, occasionnant la dilution de leurs superpositions dans tout cet environnement. Tous les états de position (ceux des particules lunaires, des photons, etc...) s'intriquent de façon à former un gros ensemble (et en droit toujours plus vaste, l'intrication se répandant comme une trainee de poudre), qu'encode la matrice densité.
Dès lors il devient très rapidement impossible de suivre à la trace le devenir de la superposition initiale -- celle des particules lunaires. Le sous-système qu'est la lune (ou l'ensemble de ses particules) se comporte comme un mélange statistique*, de fait de cette "fuite" de l'information. Si bien que tout se passe comme si notre astre occupait un état (une position) bien déterminé... même si nous ignorons lequel, tant qu'une observation n'a pas été faite (ce n'est cependant qu'une simple ignorance statistique ; A ou B, mais point A+B).
*Certes, ce comportement n'est qu'approximatif, la diagonalisation n'étant jamais complète. M'enfin en pratique, c'est tout comme.
Déjà, dites moi si je trompe. J'ai conscience que c'est plus que succinct.
Ma question est alors la suivante : le fait d'une telle position, bien déterminée, n'est-il pas tributaire de nos capacités perceptives, techniques et cognitives ?
Car prise globalement, la matrice encode toujours des états superposés et intriqués. Ce n'est jamais que sa reduction qui laisse envisager notre système à la maniere d'un mélange statistique. Mais c'est bien que nous ignorons, volontairement, les etats de l'environnement, pour ne regarder que la sous-ensemble.
Certes, "volontairement" est de trop ; en pratique, nous n'avons pas le choix.
Imaginons cependant que nous ayons à disposition un appareil de mesure suffisamment puissant pour détecter des interférences macroscopiques. Il faudrait bien sûr, faire porter l'expérience sur l'objet (mettons le coussin. C'est moins que la lune, mais ça comporte déjà bcp de degrés de liberté !) ET son environnement immédiat (plus il y a de degrés de liberté dans un système, plus riche et plus véloce est son intrication au réservoir). Sans doute l'appareil en question serait-il plus gros que l'univers tout entier (cf Roland Omnès, 94). Mais l'univers serait-il (bien) plus vaste, la chose serait-elle envisageable ?
Bon déjà je flirt avec la philosophie, alors je conclus :
Serions-nous des démons de Laplace, nous serait-il permis, en droit, d'observer des effets de superpositions macroscopiques ?
Et qu'au fond, le programme de la décohérence ne prétende pas expliquer autre chose que l'apparence de classicalité à notre échelle ; cela ne signifie-t-il pas qu'elle dépend de nous, en l'occurrence, des limitations internes à nos facultés (ainsi que de la finitude de l'univers)? De la décohérence, me semble-t-il, ne résulte pas la destruction pure et simple des superpositions/intrications quantiques ; mais simplement notre incapacité à les observer.
Merci d'avance![]()
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