La longueur de Planck
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La longueur de Planck



  1. #1
    BACHIR2023

    La longueur de Planck


    ------

    Bonsoir amis physiciens

    je pose la question suivante:

    Pourquoi la longueur de Planck est la distance mesurable la plus courte. Et est ce que cela n'est pas en contradiction avec la relativité restreinte, pour laquelle La mesure d'une longueur donne des résultats différents suivant le référentiel où elle est faite.
    Il est certes que La longueur de Planck est une grandeur bricolée avec des constantes fondamentales et qui n'a pour l'instant aucun sens physique. Mais On s'attend à ce que ça rôle dans une théorie de gravité quantique.


    a+

    -----

  2. #2
    Deedee81

    Re : La longueur de Planck

    Salut,

    Attention, le fait qu'elle soit la plus courte n'est qu'une hypothèse. C'est spéculatif.

    On trouve cette grandeur simplement en combinant les constantes fondamentales. En soit, ça ne prouve rien. Comme tu l'as d'ailleurs fait remarquer.

    Toutefois :
    - on montre facilement (en extrapolant à petite) échelle) que cette longueur est celle où les forces de gravitation sont d'intensité comparable aux aux interactions fondamentales (et dans ce cas, on a forcément besoin d'une théorie de gravitation quantique)
    - par des raisonnements heuristiques utilisant le principe d'indétermination de Heisenberg, on montre que ce devrait en effet être une longueur minimale : https://arxiv.org/abs/hep-th/0505144
    - La gravité quantique à boucles montre ensuite que (dans cette théorie) il y a une longueur minimum qui est la longueur de Planck (fois un nombre proche de un, lié au paramètre d'Imirzi)

    Dans certaines formulations avec un espace-temps discret, cela entre forcément en contradiction avec la relativité restreinte à cause de la contraction des longueurs. On obtient toutefois ce qu'on appelle "les transformations de Lorentz saturées" (la contraction des longueurs tend vers la longueur de Planck et pas en dessous). Je ne les connais pas bien d'autant que les théories avec espace-temps discrète ne m'intéressent pas (d'après Rovelli elles auraient un impact mesurable sur les spectres atomiques, impact non observé).

    En gravité quantique à boucles, l'espace-temps n'est pas discret mais quantifié, ce qui est différent. Le spectre de l'opérateur longueur (enfin, l'opérateur aire mais restons simple) est quelque chose comme :
    0, Lp, 2*Lp, 2.8*Lp, 3.5*Lp etc.... (Lp = longueur de Planck). On observe deux choses :
    Pour de grandes tailles le spectre se resserre et devient quasiment continu
    il y a la valeur 0 (logique, la distance entre un point et lui-même est forcément 0 ).
    Et si on a un état correspondant à la longueur de Planck, en appliquant une transformation de Lorentz, on se retrouve dans une superposition quantique d'états incluant la valeur propre 0. La longueur moyenne est bien contractée et plus petite que Lp !!!! Même si les états de base (hors 0) ne sont jamais plus petit que Lp.
    La relativité reste donc respectée.
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  3. #3
    Antonium

    Re : La longueur de Planck

    Il y a aussi la version introduite par t’Hooft et Susskind où l’unité «*fondamentale*» devient non pas Lp mais Lp^2, une aire de Planck qui serait l’aire d’un carré dont les côtés mesurent une longueur de Planck.

    Cette aire est importante car il a été montré que l’information maximale (en bits) qui peut être stockée dans une zone de l’espace en 3D correspond au nombre d’aires de Planck nécessaires pour former une surface 2D qui englobe la région 3D. Autrement dit, chaque aire de Planck peut contenir 1 bit, et pas plus, ce qui en fait en quelques sortes l’unité d’aire minimale.

    La raison pour laquelle l’information n’est pas proportionnelle au volume comme on pourrait s’y attendre est que la majorité des configurations possibles d’une zone de l’espace formerait un trou noir, dont l’entropie est donnée par la formule de Bekenstein-Hawking, qui est proportionnelle à l’aire et pas au volume.

    Il n’y a aucun problème avec la relativité car cette aire est une «*aire propre*», elle est mesurée depuis un référentiel dans lequel le trou noir ne se déplace pas. Donc pas de contraction de ce côté là.

    On a aussi des formulations microscopiques précises de l’espace-temps pour rendre cette propriété manifeste. La gravité quantique à boucles est un exemple, la théorie des cordes en est un autre. Dans ce cas l’espace temps n’est pas fondamental mais émergent. C’est une autre manière de voir la longueur de Planck comme une sorte de barrière après laquelle il n’y a plus trop de sens à parler d’espace temps. Mais c’est hautement spéculatif, c’est pourquoi je préfère la version avec l’entropie qui est universelle.

  4. #4
    Deedee81

    Re : La longueur de Planck

    Merci Antonium,

    Ce lien entre information/thermodynamique/gravité quantique est très profond et, il faut bien le dire, pas encore entièrement bien compris (forcément vu que les théories de gravitation quantique sont nombreuses et souvent encore en pleines élaboration). Mais le point est majeur. Et tu as raison de dire que c'est beaucoup plus solide que les théories spéculatives.

    Le livre de Wald sur la thermodynamique des trous noirs est très bien fait sur ce point. Les démonstrations y sont détaillées et très solides. Attention pour celui qui est intéressé : le livre est en anglais et assez difficile à lire (si on n'est pas un bon anglophone).

    Merci

    Pour les cordes je n'avais pas cité. Mais j'ai lu que vu que toute les particules sont des cordes, mesurer la position d'une corde avec une corde (par collisions par exemple) va forcément conduire à une imprécision : et on a là aussi une limite fondamentale, la longueur de Planck. Bien que contrairement aux boucles, l'espace-temps de fond est classique (en tout cas dans la formulation perturbative) et cette limite non, explicite. Je n'en sais pas plus, les cordes ne sont pas ma tasse de thé.

    Cette limite existe aussi (explicitement) dans les géométries non commutatives et forcément puisque le commutateur est comme d'hab en MQ, lié à la constante de Planck. Mais là non plus je n'en sais guère plus (j'ai essayé de potasser les travaux de Cones et je dois avouer que je me suis noyé au bout d'une dizaine de pages. J'ai trouvé ses travaux sur le classement des algèbres de Von Neumann beaucoup plus abordables ).

    Dans les théories de types "triangulations causales" c'est explicite aussi par construction.

    Je ne sais pas du tout par contre dans d'autres approches comme le super espace ou les twisteurs.
    Dernière modification par Deedee81 ; 23/08/2023 à 09h13.
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    Antonium

    Re : La longueur de Planck

    Pour les cordes je n'avais pas cité. Mais j'ai lu que vu que toute les particules sont des cordes, mesurer la position d'une corde avec une corde (par collisions par exemple) va forcément conduire à une imprécision : et on a là aussi une limite fondamentale, la longueur de Planck. Bien que contrairement aux boucles, l'espace-temps de fond est classique (en tout cas dans la formulation perturbative) et cette limite non, explicite. Je n'en sais pas plus, les cordes ne sont pas ma tasse de thé.
    Oui c’est vrai que dans la formulation perturbative c’est pas clair, mais je pensais aux formulations modernes non perturbatives et holographiques, en particulier le modèle BFSS et ses cousins.

    On a alors un système de bosons en mécanique quantique, sans aucune géométrie a priori. (Peut être une géométrie non commutative). En revanche pour des longueurs L>Lp ces bosons commutent entre eux (c’est la limite semiclassique) et décrivent les coordonnés d’objets géométriques. On a alors une construction explicite d’une géométrie émergente à travers un modèle holographique. (On est très très très loin de savoir faire ça pour le monde réel….). Une référence introductive est par exemple cette review de Bilal : https://arxiv.org/abs/hep-th/9710136

  7. #6
    Deedee81

    Re : La longueur de Planck

    Citation Envoyé par Antonium Voir le message
    Oui c’est vrai que dans la formulation perturbative c’est pas clair, mais je pensais aux formulations modernes non perturbatives et holographiques, en particulier le modèle BFSS et ses cousins.
    Là c'est clair, je n'y connais rien
    (j'ai lu un très très bon article sur le sujet, mais vulgarisé, assez complet, mais c'est pas avec ça qu'on peut vraiment comprendre, encore moins maîtriser)

    Merci pour la référence, (pour BACHIR, attention, elle m'a l'air bien foutue mais nécessite quand même de bonnes connaissances de base sur les cordes et donc sur ce qui précède : MQ, RG...)
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  8. #7
    BACHIR2023

    Re : La longueur de Planck

    Citation Envoyé par Deedee
    En gravité quantique à boucles, l'espace-temps n'est pas discret mais quantifié
    Bonjour
    Tout d'abord Merci pour la référence : https://arxiv.org/abs/hep-th/0505144
    mais je ne comprends pas la phrase citée en haut, à cette échèle l'espace-temps est-il pas discret ou continu?
    a+

  9. #8
    Deedee81

    Re : La longueur de Planck

    Citation Envoyé par BACHIR2023 Voir le message
    mais je ne comprends pas la phrase citée en haut, à cette échèle l'espace-temps est-il pas discret ou continu?
    Ni l'un ni l'autre Il est quantique.

    Plus exactement, les états "réseaux de spins" https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau_de_spin décrivent des états quantiques de l'espace-temps mais ce ne sont pas des réseaux "dessiné" dans l'espace-temps.
    Ce sont des descriptions graphiques des états quantiques, donc des vecteurs d'états d'un espace de Hilbert.
    (les lignes du réseau ne sont d'ailleurs ni des distances, ni des durées !!!! Et la forme exacte du réseau n'a pas d'importance, seul est important les noeuds et le fait qu'ils sont reliés à d'autres noeuds avec des valeurs de spin assignées à ces noeuds et réseaux selon quelques règles précises)

    La version "sans résoudre la contrainte d'invariance par difféomorphisme" est des réseaux comme ça aussi, "dessiné dans l'E.T." mais pour un état donné il y a une infinité de tels réseaux superposés recouvrant tout l'E.T. et donc on a un E.T. continu. On ne travaille jamais avec cette formulation car l'espace d'état est non séparable (pas un espace de Hausdorff) et mathématiquement c'est un cauchemar.

    De même en passant aux mousses de spins (en gravité 2+1, la "bonne" 3+1 pose des difficultés techniques non résolues) pour "extraire" le temps de l'espace-d'état (on parle de "dégeler le temps") et en prenant la limite disons des états semi-classiques (les états quantiques les plus proches d'un état classique donné) on retrouve aussi un E.T. continu. On peut dire que l'E.T. continu est émergeant d'un espace-temps quantique décrit par un espace de Hilbert assez compliqué.

    La grosse différence entre "discret" et "quantique" pour l'espace c'est ceci :
    - discret, l'espace est une série de points (sans "rien" entre), fixés
    - quantique : n'importe quel point est valable, ce sont les distances entre points qui sont quantifiées (comme je l'avais dit plus haut). C'est difficile à visualiser évidemment (la géométrie décrite par les réseaux de spin n'est pas euclidienne, pas riemannienne, elle n'est même pas classique puisque la somme de deux valeurs propres des opérateurs géométriques n'est pas nécessairement une valeur propre !!!!!!)

    Désolé, pas facile de décrire ça avec les mains, la gravité à boucles c'est loin d'être élémentaire.
    Dernière modification par Deedee81 ; 23/08/2023 à 12h42.
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  10. #9
    BACHIR2023

    Re : La longueur de Planck

    Merci beaucoup pour toutes ces précisions.
    a+

  11. #10
    Deedee81

    Re : La longueur de Planck

    Citation Envoyé par BACHIR2023 Voir le message
    Merci beaucoup pour toutes ces précisions.
    De rien, j'ai fait de mon mieux. C'est une théorie difficile mais à ce stade (gravitation quantique) toutes les théories sont difficiles :

    - Elles sont très éloignées du sens commun (forcément, ça l'est de la MQ et de la RG et si on combine les deux c'est encore pire)
    - Elles font appel à des outils pointus
    - Elles ne sont pas encore validées/réfutées donc il y en a beaucoup (les boucles et cordes n'étant que les plus connues)
    - Elles ne sont pas mures (pleins de problèmes techniques doivent encore être résolus)

    J'avais potassé un peu les cordes. Juste les bases : cordes bosoniques, supersymétriques, groupes de jauge associés aux cordes et selon les repliement des dimensions, dualités, branes.... c'est déjà pas si mal note. Et la première chose qu'on te donne c'est un lagrangien de corde bosonique : déjà là il y a de quoi pousser un profond soupir
    Tiens pour celui que ça intéresse, voici justement ces bases (c'est pas celui que j'avais potassé mais il est bien et il a le bon goût d'être en français !!! Et en la parcourant rapidement il me semble bien foutu)
    https://arxiv.org/pdf/0808.2957.pdf

    Pour les boucles : ceci https://arxiv.org/abs/gr-qc/0210094
    reste un must. C'est une introduction mais déjà bien étoffées. Et j'ai beaucoup apprécié le temps qu'il prend pour les bases et justifier les motivations de la quantification canonique


    Même l'approche du superespace n'est pas simple. Si on maîtrise la relativité générale et ne fut-ce qu'un peu la MQ, c'est assez facile (c'est un des chapitres du livre Gravitation de MTW). Mais ça ne va pas loin car caractériser l'espace d'état nécessiterait de pouvoir classer toutes les variétés riemanniennes à trois dimensions et .... c'est un problème ouvert en math.
    Dernière modification par Deedee81 ; 23/08/2023 à 13h53.
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

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