Comment pense un sourd de naissance?

[invite91d9a212]

Bonsoir.

Lorsque l'on raisonne, on passe systématiquement par les mots, on construit un "discours interne".

Me vient donc la suivante question: comment les sourds de naissance, qui ne connaissent pas les sons (et donc, à fortiori, les mots), raisonnement-ils?

Merci d'avance.
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[invite952f0ff9]

Bonsoir.
qui ne connaissent pas les sons (et donc, à fortiori, les mots),
Merci d'avance.

Les mots ne sont pas réductibles aux sons, tout comme le langage n'est pas réductible à la parole.

Le mot est un vecteur, c'est le signifiant qui renvoi au signifié.
Autrement dit, les sourds sont capables de raisonner de manière formelle et abstraite comme les entendants, du moment qu'ils ont accès au langage. Celui peut recouvrir différentes formes : le langage des signes, le langage parlé complété, le langage écrit.
Lorsque le signifié est concret (une chose, un objet, une action), on raisonne alors avec les images.
La pensée abstraite n'est accessible qu'avec le langage qui apporte des symboles aux concepts abstraits.
Chez les enfants, le raisonnement opératoire n'émerge qu'autour de 5 ou 6 ans, et le raisonnement formel, c'est à dire complètement indépendant de l'environnement et de l'expérience, que vers 11 ans.
On comprend donc ici que les enfants sourds ne sont pas vraiment lésés ici, car ils ont accès à la lecture avant la mise en place du raisonnement formel.

j'aimerais rajouter en outre que pour son bon développement, il faut lui permettre très tôt d'avoir accès à une méthode de communication pour structurer sa pensée. Longtemps, et ça continue aujourd'hui, certains forcent les enfants sourds à oraliser, à parler, alors qu'ils n'entendent pas, pour favoriser leur intégration à la société. En contrepartie, ils ne leurs enseignent pas la langage des signes ou un autre système de communication... Ceci fait beaucoup de tord, car oraliser pour un sourd est très difficile et exige tellement de ressources cognitives qu'ils ne sont plus du tout disponibles pour l'apprentissage de la lecture ...

[shokin]

Je rejoins Nanaille. Les personnes sourdes utilisent la plupart du temps la langue des signes (notamment entre elles). Les signes (avec les mains) sont un autre bain de signifiants. Quand nous, personnes entendantes, parlons entre nous, nous utilisons comme signifiants des mots (verbalisation ; verbum, i n. = le mot, la parole), manuscrits, oralisés ou "virtualisés" .

Nanaille parle du langage parlé complété ( pour plus d'informations, http://www.alpc.ch entre autres sites), le LPC, qu'on appelle aussi code (phonétique). C'est un code - et non une langue ! - basé (presque) uniquement sur la phonétique. Pour le LPC francophone, les sons consonantiques (consonnes) sont exprimés par la configuration (forme) de la main, tandis que les sons vocaliques (voyelles) sont exprimés par la position de la main (dans l'espace) par rapport au visage de l'émetteur (la personne qui code). Chaque syllabe peut alors être codée. A l'aide du LPC et de la lecture labiale (lecture des lèvres), la personne sourde qui a appris à décoder, peut comprendre les mots et les phrases que nous codons. Il va de soi que le LPC francophone est différent du LPC anglophone (qu'on appelle cued speech) ou encore du LPC germanophone (qu'on appelle ELS, Ergänzte Lautsprache).

Le LPC (se rapprochant des méthodes syllabiques) permet de mieux structurée son langage et sa pensée. L'oralisation et la langue des signes (se rapprochant des méthodes dites globales), à elles seules, ne suffisent pas.

Récemment est apparu l'implant cochléaire. Il est encore difficile (car récent) d'observer et de "lister" tout ce qu'il apporte. Cela dépend aussi, entre autres, de l'âge auquel est implantée la personne sourde, qui reste une personne sourde, même implantée.

Alors, oui, les personnes sourdes et malentendantes raisonnent, même si les sons ne résonnent pas de la même manière. Le plus important est le soutien pédagogique, l'accompagnement, ainsi que la mise en contact de personnes sourdes entre elles. Les personnes sourdes peuvent même être intégrées dans des classes/formations, en bénéficiant de l'aide d'un(e) CI (codeur/euse-interprète), qui codera ce que l'enseignant(e) dit en classe.



Shokin