bonsoir
je voulais vous faire part de mon témoignage :
j'ai un syndrome de Koenig, soit une obstruction de l'intestin grêle, qui se manifeste par les blocages sans rythme ni raison et qui se lève avec la mise au repos digestif à l'hopital durant quelques jours ( perfusions, calmants )
si cela ne se lève pas, c'est chirurgie
depuis le début de l'année cela doit faire 7 crises et 2 avec hospitalisation
dans mon cas, même si j'en faisais 100 ce serait pareil, on tente le traitement médical
par chance, je n'ai pas d'autres maladies, mon syndrome vient d'une suite d'interventions ( 7 en 3 ans ) qui ont laissé des cicatrices dans le ventre, source de ces blocages
si on m'opère, on libère ces cicatrices mais on en créé d'autres sans compter les risques de plaie du grêle, qui nécessitent plusieurs mois d'arrêt de l'alimentation orale et perfusion, à l'hopital bien entendu
ceci n'est déjà pas fréquent, pas très connu, j'ai déjà eu des médecins qui sont passés à côté du diagnostic par manque d'expérience
j'ai du insister
mais le comble c'est que je suis moi même gastro entérologue
on n'est pas un malade ordinaire quand on est docteur
on n'a pas le droit de montrer qu'on est malade :
lorsque je suis à l'hopital cela implique d'annuler les consultations en urgence et un docteur, cela ne peut pas être malade plus que son patient
on retourne vite au travail car on est à son compte, et les charges tombent même sans revenus
j'ai même eu un appel pour faire accepter d'hospitaliser quelqu'un en urgence alors que j'étais moi même au fond d'un lit
si on s'absente, soit les gens vont voir quelqu'un d'autre, soit dès le retour tout est plein
tout cela pour dire que dès que je peux, je sors, soit maxi 48h, c'est très court pour guérir et se reposer
la société n'accepte pas le mi temps :
j'ai essayé une reprise à mi temps, qui s'est vite soldé par un 3/4 temps qui est de fait un plein temps mais sur 4 jours
les confrères inconsciemment et les gens en général n'acceptent pas la maladie
soit on est malade et cela doit se voir et on est traité avec mépris ou avec une condescendance "ne restez pas debout" ( je suis malade pas invalide ) soit on en l'est pas
si on est malade, on reste chez soi
si on vient on doit être performant ;
ce n'est pas possible pour une femme de quitter une réunion en disant mon enfant est malade, ce n'est pas possible de dire non plus je ne suis pas à 100% mais je fais l'effort d'être là quand même
on a moins d'aide parce que on est docteur :
on est sensé tout savoir de la maladie, on a moins le droit de se plaindre au personnel, d'évoquer peur et questions ( si un peu quand même ), tout le monde sait ou croit savoir pour vous
une fois à mon réveil de réa, j'ai eu cette phrase " ah, c'est vous le Dr X. ? c'est de vous dont on parle dans toutes les cliniques de la ville ?!?"
lors de la dernier hospi, l'ensemble des secrétaires savait que j'étais là
lorsque de la dernière hospitalisation, on m'a demandé si j'avais des nouvelles du dossier Y. pour dimanche car on ne le trouvait pas
un soir à 2h du matin ,
l'infirmier ne trouvait pas la veine dans la nuit et il enfonçait son aiguille dans le bras un peu au hasard, j'ai eu le malheur de dire aïe, réponse "ben comme ça vous savez ce que vous faites aux gens"
je précise que c'était un endroit où je ne travaille pas, que je ne le connaissais pas
sans oublier le fameux, "c'est un comble un gastro qui a mal au ventre"
c'est con, non ??? pourquoi on n'aurait pas le droit d'avoir mal au ventre ?
c'est pour moi la même chose que d'entendre, "c'est un comble, un docteur qui est malade"
sans oublier le fameux " ça fait quoi d'être de l'autre côté de la barrière ?"
biensur, il y a aussi des avantages quand on est docteur, on comprend ce qu'on nous dit, on nous parle peut être un peu mieux ( parce qu'il m'est arrivé de ne pas dire que j'étais docteur et c'était affolant de voir comment on peut être traité ), on prend le temps de nous expliquer
mais cela fait il le poids ?
alors je voudrais dire à tous ceux qui me lisent :
vous n'êtes pas que des malades, mais des hommes et des femmes à part entière, qui ont une vie, une histoire et qui dans votre parcours avez un problème de santé
que la médecine est là pour soigner mais jamais contre vous et malgré vous
qu'elle n'aura de bon résultat que si elle prend en compte ce que vous êtes et qu'elle restera humaine si derrière le malade, le corps, elle voit l'humain et sa souffrance
et n'oubliez pas qu'en face de vous, il y a un docteur, mais qui est lui aussi un humain, avec sa vie et son histoire et qu'il a le droit d'être malade ou d'avoir des faiblesses
la maladie ne donne pas tous les droits même si elle remet beaucoup de choses en perspective
bonne soirée
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