[Vignettes cliniques] Approche systémique de la physiopathologie pour les étudiants en Médecine
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[Vignettes cliniques] Approche systémique de la physiopathologie pour les étudiants en Médecine



  1. #1
    Pterygoidien
    Animateur Biologie

    [Vignettes cliniques] Approche systémique de la physiopathologie pour les étudiants en Médecine


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    Bonjour à toutes et à tous, je vais tenter de faire un topic sur ce forum qui a en fait pour but de présenter des cas cliniques que je trouve assez intéressants pour bien cerner les mécanismes physiopathologiques importants à connaître chez les jeunes étudiants en médecine. Vous êtes bien évidemment tous bienvenus à interagir, à émettre vos hypothèses ou encore à expliquer ce que vous connaissez à d’autres étudiants qui tentent de comprendre la vignette.
    Je suis actuellement étudiant en médecine à l’Université de Liège (ULiège, ou ULg) en cours de bachelier, où il est coutume à la fin de chaque trimestre d’avoir des épreuves intégratives : l’approche de l’homme sain étant systémique (par module), chaque fin de trimestre comporte une épreuve intégrative contenant une vignette clinique à résoudre, où il faut alors expliquer devant un jury les mécanismes physiopathologiques en jeu dans un cas clinique donné.
    Les vignettes présentées suivent le même schéma. La plupart touchent un ou plusieurs systèmes en même temps, mais certaines seront plus intégratives et feront appel à des notions qui doivent normalement être considérées comme acquises (les principaux fondamentaux de la physiologique cellulaire, physiologie du/des systèmes concernés dans la vignette, biochimie générale, histologique, anatomie et éventuellement embryologie).
    Bien entendu, le but de ce topic est entièrement pédagogique : il n’a pas vocation à vous donner une réelle formation, ni à donner les outils magiques de l’auto-diagnostique au premier venu. Les cas présentés sont totalement fictifs. Dans certaines vignettes, vous devrez émettre une hypothèse sur l’éventuel diagnostic, proposer un diagnostic différentiel ou proposer des méthodes qui permettront de le confirmer. Dans d’autres, le diagnostic sera posé, mais d’autres aspects de la maladie seront abordé : facteurs aggravants, traitements potentiels, cadre préventif, etc…

    Quoi qu’il en soit, tout le monde est la bienvenue sur ce topic, et n’ayez pas peur d’interagir ici !

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  2. #2
    Pterygoidien
    Animateur Biologie

    Vignette n°1 - Endocrinologie

    Vignette n°1
    Madame Y, âgée de 39 ans, consulte chez le médecin généraliste pour un état de fatigue généralisé et d'anorexie. Elle n'a pas d'antécédents particuliers, si ce n'est un accident de voiture en 2011 qui a eu pour résultat une fracture du péroné ainsi qu'une rupture du ligament croisé antérieur à la jambe gauche.

    Madame Y dit se sentir fort "flagada" ces derniers temps. Elle a peu de force en journée, dort beaucoup, et se sent un déprimé. Elle est également sujette à des angoisses, qu'elle dit avoir du mal à gérer. Elle dit que la vie devient fort monotone et qu'elle n'a plus la force de continuer le même train de vie. Elle a du mal à se concentrer sur son travail, doit régulièrement faire des pauses et explique oublier fréquemment où elle pose ses affaires. De même, elle fait mention de douleurs articulaires et musculaires, ainsi que des douleurs au poignet lorsqu'elle tape à l'ordinateur.
    Elle explique aussi être essoufflée lorsqu'elle monte les escaliers, ou même lors d'efforts légers. Au niveau du régime, madame Y explique moins manger ces derniers temps ; elle rapporte également que son transit est ralenti, elle va moins souvent à selle, et se sent ballonnée. Elle fait également mention de reflux gastro-œsophagiens et de nouvelles caries dentaires.
    Elle explique également être peu active sexuellement : elle se sent moins attirante, à moins envie en général, et a du mal avec sa propre image. Madame Y pense que ce sentiment vient aussi du fait qu'elle ait pris 5 kg sur les deux derniers mois à peine. Elle a également des ennuis de couple, et est d'humeur irritable.

    Les seuls médicaments qu'elle prend actuellement sont la pilule (prep. monophasique de 2e gen), et un laxatif osmotique (macrogol) pour sa constipation.

    A l'examen, madame Y semble plus pâle que d'habitude. Sa respiration est lente et profonde. Sa fréquence cardiaque est à 62 et sa pression artérielle est un peu élevée, autour de 140 mmHg/90 mmHg. A la palpation, le cou en extension, on note un goitre dans la région basse du cou, d'aspect hétérogène, en palpable à travers le muscle sternocleidomastoïdien à gauche. Sa température axillaire est de 36,3°. Son IMC est de 24,84 kg/m². En comparant avec la dernière consultation, madame Y avait une fréquence de 72 et une pression à 12/8, et un IMC de 22,95 kg/m². Le médecin généraliste note également une expression faciale changée, d'apparence plus apathique ainsi qu'un aspect un peu "bouffis". Ses chevilles sont également plus gonflées (œdème périphérique malléolaire).

    Une prise de sang est alors demandée, ainsi qu'une prescription de consultation en endocrinologie. En attendant, le médecin généraliste lui prescrit un médicament pour le reflux gastro-œsophagien (pantoprazole 20 mg à prendre le matin avant le petit-déjeuner) ainsi qu'un antidépresseur de type SSRI (Escitalopram à 10 mg).
    Les résultats qui apparaissent sont les suivants. Ils sont comparés avec un bilan de santé annuel fait l'année précédente :

  3. #3
    mh34
    Responsable des forums

    Re : Vignette n°1 - Endocrinologie

    On peut commencer à donner des idées ou bien on attend le résultat du bilan bio?
    Bonne idée en tout cas, bravo!
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    Rachmaninoff

  4. #4
    Pterygoidien
    Animateur Biologie

    Re : Vignette n°1 - Endocrinologie

    Oups ! Désolé, envoyé trop tôt.

    Les résultats de sa prise de sang sont les suivants :
    Nom : 2018-06-04 21_40_25-Vignette 24 _ thyroïdite d'Hashimoto - OneNote.png
Affichages : 1607
Taille : 40,2 Ko

    Quel tableau pathologique peut-on voir apparaître chez cette patiente ? Sur base de ces résultats, vous pouvez tenter d'établir un diagnostic différentiel. Quel serait l'étape suivante si madame Y venait vous consulter vous avec ces résultats là ?

    Le recours à l'imagerie serait-il utile dans ce cas ? Si oui, quel type d'imagerie serait alors le plus recommandé, et pourquoi ?

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    mh34
    Responsable des forums

    Re : Vignette n°1 - Endocrinologie

    merci!
    Ce serait bien que ceux qui répondent utilisent la balise "spoiler", au passage.
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    Rachmaninoff

  7. #6
    Pterygoidien
    Animateur Biologie

    Re : Vignette n°1 - Endocrinologie

    Merci à vous ! J'espère qu'il pourra aider

  8. #7
    mh34
    Responsable des forums

    Re : Vignette n°1 - Endocrinologie

    Bon alors je tente une réponse.
     Cliquez pour afficher
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    Rachmaninoff

  9. #8
    Pterygoidien
    Animateur Biologie

    Re : Vignette n°1 - Endocrinologie

     Cliquez pour afficher


    Je pense que les vignettes endocrines ne sont pas les préférées, je tenterai d'en faire une plus amusante la prochaine fois ahah .
    Images attachées Images attachées  
    Dernière modification par Pterygoidien ; 06/06/2018 à 23h54.

  10. #9
    mh34
    Responsable des forums

    Re : Vignette n°1 - Endocrinologie

    Oh le joli Hashimoto... ( dommage il manque la biométrie.)
    Pas compris TLC?
    Quant au diagnostic différentiel...ma langue au chat!
    Substituer déjà, vu l'état clinique, oui bien sûr.

    Une question ; c'est vous qui l'avez "créé" ce cas clinique?
    Dernière modification par mh34 ; 07/06/2018 à 12h50.
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    Rachmaninoff

  11. #10
    Pterygoidien
    Animateur Biologie

    Re : Vignette n°1 - Endocrinologie

    TLC dans la légende c'est pour Thyroïdite Lymphocytaire Chronique, donc bien une Hashimoto . En fait pas vraiment de diagnostic différentiel :/, j'ai mis ça puis j'ai plus su l'enlever, le tableau est quand même fort parlant d'une hypothyroïdie, mais on peut suspecter plusieurs types sur base du premier résultat en laboratoire (carence en iode, thyroïdite chronique ou subaiguë).
    Oui, j'ai tenté d'en faire une un peu crédible mais c'est très imparfait comme cas, ça se voit aux valeurs qui sont pas toujours très cohérentes. En fait j'ai d'autres vignettes déjà proposée par l'université, je tâcherai la prochaine fois de m'en inspirer ou sur des case reports plutôt que de partir sur rien.

    Donc c'est bien une Hashimoto pour cette première vignette, bravo ! Maintenant, il reste le plus important : expliquer les phénomènes physiopathologiques en jeu dans une telle pathologie (c'est vraiment ça qui est intéressant pour le jeune étudiant). Donc il faut ici bien cerner le rôle des hormones thyroïdiennes : les principales hormones T4 et T3 sont des hormones globalement apolaire qui agissent comme facteurs de transcription à l'intérieur de la cellule (contrairement aux hormones peptidiques, qui agissent en surface). Elles ont de nombreux effets sur les tissus, et la diversité des effets rencontrés dépend de la distribution différentielle des récepteurs et de leur isoforme, qui vont sélectivement aller se lier dans des régions différentes de l'ADN et moduler la transcription de gènes spécifiques à l'organe ou au système. Dans le coeur par exemple, on retrouvera une augmentation de l'expression des récepteurs beta1, ainsi que de l'isoforme beta des chaines lourdes des myosines, augmentant l'efficacité de la contractilité (déplacement de la courbe P-V vers le haut par Sarnoff, régulation homéométrique). Au niveau vasculaire, en revanche, on ne retrouvera pas d'augmentation des récepteurs alpha.

    Chez l'hypothyroïdien, on a donc une diminution des récepteurs beta, ce qui diminue la performance cardiovasculaire sur plusieurs points : effet inotrope, lusitrope, chronotrope, dromotrope, badmotrope négatifs. Globalement, le volume télédiastolique est diminué, et le volume d'éjection aussi (par Sarnoff et par Frank-Starling). Par ailleurs, les hormones thyroïdiennes ont un impact important sur le métabolisme et la thermogenèse : une diminution a pour effet une baisse du métabolisme et de la thermogenèse, et l'élicitation d'un réflexe myogène local dans les tissus périphériques en raison de la demande accrue en substrats énergétiques, en O2 et la baisse de CO2 produite : on retrouve alors une augmentation de la résistance artériolaire périphérique, ce qui augmente la postcharge. On retrouvera donc un tableau de bas-débit cardiaque avec augmentation de la postcharge plus ou moins importante, expliquant la légère hypertension artérielle. En fait, on ne retrouve pas systématiquement une hypertension, on peut retrouver au départ une hypotension expliqué par la baisse de la contractilité et du VES. Tout va dépendre des mécanismes d'adaptations qui sont en jeu.

  12. #11
    Pterygoidien
    Animateur Biologie

    Re : [Vignettes cliniques] Approche systémique de la physiopathologie pour les étudiants en Médecine

    Bon, ben je n’aurais peut-être pas dû faire ce post pendant les examens héhé, mais bon je vais retenter tout de même. Dans ce post je vais mettre les gros points intéressants de la physiologie et de la physiopathologie de la thyroïde qu'il faut en retirer, sans non plus en faire tout un cours. Je rappelle également que ce topic cible un public bien particulier, qui est le jeune étudiant en médecine, et n’a pas vocation à donner des outils d’auto-diagnostique. Si vous ressentez des signes cliniques proches de ceux décrits dans l’une des vignettes, ne vous alarmez pas et allez plutôt consulter : il est totalement impossible de s’auto-diagnostiquer que sur base d’une symptomatologie, surtout si vous ne disposez pas des connaissances requises pour établir un diagnostic. Donc, aux éventuels anxieux qui viendraient à la recherche de réponses : ce topic vous est déconseillé.
    Je suis conscient que cette vignette n’était pas parfaite, compte des erreurs (dans les mesures, ainsi que sur certains termes), et je tâcherai de prendre une vignette plus simple et plus cohérente la prochaine fois. La prochaine vignette concerne le système cardio-vasculaire 
    Résolution de la vignette n°1
    Synthèse et sécrétion des hormones thyroïdiennes
    L'élément central à cette vignette est la glande thyroïde. C'est une glande endocrinienne située dans la partie basse du cou, devant la trachée et le cartilage cricoïde (cartilage laryngé), qui sécrète les hormones thyroïdiennes. On en retrouve deux types : les hormones iodothyronines et la calcitonine. Les premières sont impliquées dans le métabolisme énergétique et possèdent de très nombreuses fonctions, expliquées par l'expression quasi ubiquitaire de leur récepteur dans les cellules de l'organisme (très grand trophisme tissulaire), et leur diversité fonctionnelle par les différentes isoformes de ces récepteurs d'un tissu à l'autre. La deuxième, la calcitonine, est impliquée dans l'homéostasie phospho-calcique, bien qu'elle joue un rôle secondaire (elle n'est pas indispensable).
    glande thyroide.jpg
    La thyroïde présente les caractéristiques histologiques et ultra-structurales d'une glande endocrine : l'essentiel de l'organe est représenté par un parenchyme épithélial soutenu par un tissu conjonctif lâche (stroma) richement vascularisé. Les unités sécrétoires, épithéliales, sont dépourvues de canaux excréteurs (à contrario de glandes exocrines) et déversent leurs produits de sécrétions dans le sang. Ici, ces unités sécrétoires sont des follicules : les cellules épithéliales se disposent autour d'une cavité centrale fermée qui renferme une solution colloïde qui sert de réservoir. Ces cellules épithéliales sont en très grande partie (>90%) des thyréocytes, chargées de synthétisées les hormones iodothyronines. Les autres sont des cellules parafolliculaires (ou cellules C), chargées de synthétiser la calcitonine.
    L'origine embryologique de ces deux cellules est également différente : en fait, la glande thyroïde est d'origine entoblastique (endoderme), et naît d'une invagination ventrale du plancher l'intestin pharyngien qui s'engage ensuite caudalement dans la région cervicale présomptive (un anlage thyroïdien, ou diverticule thyroïdien) par un canal thyréoglosse, entre les bourgeons qui donneront la langue (entre les bourgeons distaux de la langue et l'éminence hypopharyngienne, dont il persistera entre les deux le foramen caecum, à la base du canal thyréoglosse). Ce tissu entoblastique donnera l'essentiel du parenchyme thyroïdien, qui se différenciera en follicules thyroïdiens (différenciation des thyréocytes) : les cellules parafolliculaires sont en réalité d'origine neurectoblastique, et investissent les corps ultimo-branchiaux, avant de migrer finalement dans la thyroïde en voie de migration.
    Les hormones qui nous intéressent ici sont les hormones iodothyronines : ce sont en réalité des dipeptides (deux unités peptidiques) formés de deux acides aminés tyrosine modifiés. On a agencé 3 à 4 atomes d'iode sur leur hydroxyphényl, de façon à former la tri-iodo-thyronine et la tetra-iodo-thyronine. L'agencement des iodes ne se fait pas à même sur les résidus tyrosine, mais sur une chaine polypeptidique précurseur appelée la thyréoglobuline. Cette glycoprotéine est donc synthétisée dans la cellule folliculaire, par l'expression génomique d'un simple gène (TG), qui forme une chaine polypeptidique possédant des sites de tyrosine. Elle passe classiquement par le système endomembranaire, puis est extériorisée dans la substance colloïde des follicules, où elle sert de réservoir extracellulaire. En parallèle, les cellules folliculaires captent l'iode à leur pôle basal (qui fait face aux vaisseaux capillaires et au stroma) via un symporter électroneutre Na+/I- (NIS). Au pôle apical, face au colloïde, un échangeur membranaire (antiport) appelé pendrine extériorise les anions iodure I- contre des anions chlorure Cl-.
    Une enzyme particulière, sécrétée dans le colloïde avec la thyréoglobuline (par exocytose des vésicules golgiennes), entre alors en jeu : c’est thyroperoxydase (TPO), qui est la cible de notre vignette. Cette enzyme a pour but d’oxyder les anions iodure sous l’effet du peroxyde d’hydrogène (H2O2) en leur forme diatomique I2 (diiode), pour leur agencement subséquent aux résidus de tyrosine de la thyréoglobuline. Les molécules I2 réagissent spontanément avec les résidus tyrosils de la Tg, et les modifient : chaque résidus Tyr possède deux sites potentiel d’iodination, en position ortho par rapport à l’hydroxyle du phénol. Ainsi, un résidu peut être iodiné une fois formant un résidu (3-) monoiodotyrosine (MIT), ou deux fois et donner un résidu (3,5-)diiodotyrosine (DIT). Les résidus MIT et DIT se conjuguent ensuite entre eux, pour former des dipeptides, toujours liés à la thyréoglobuline : deux résidus DIT donnent une 3,5,3’,5’-tétraiodothyronine (T4 thyroxine), un MIT agencé à un DIT donne une 3,5,3’-triiodothyronine (T3, liothyronine). Une petite quantité est formée par un DIT agencé à un MIT, donnant un T3 inverse (rT3, reverse T3), ou 3,3’,5’-triiodothyronine. L’organification et le couplage des résidus iodotyrosils est également sous l’action de la TPO. La glycoprotéine thyréoglobuline iodée est alors stockée dans le colloïde, puis est à nouveau internalisée dans la cellule par pinocytose. Les résidus iodothyronines sont ensuite clivés de la protéine, peut peuvent être excrétés par un transporteur basal MCT.
    In toto, la thyroïde sécrète entre 100 et 200 µg d’hormones thyroïdiennes par jour, et en libère à raison de 80 µg/jour en moyenne. Le stock intrathyroïdien d’iode est 100 fois plus élevé que la quantité qu’utilise chaque jour la glande, ce qui peut protéger durant une période de deux mois un individu contre un apport déficitaire en iode. Environ 90% des hormones thyroïdiennes sont sous la forme de tétraiodothyronine (thyroxine, T4), et les 9,9% sous forme de triiodothyronine (T3). Une très faible fraction (~0,1%) est sous forme de rT3. C’est évidemment la T3 qui est la forme la plus active, mais la moins nombreuse : la T4 est alors convertie en périphérie, ce qui permet un contrôle plus ajusté aux besoins métaboliques dans les tissus, qui convertissent alors « à convenance ».
    580px-Thyroid_hormone_synthesis.png
    Peu solubles, les hormones thyroïdiennes circulent majoritairement dans le plasma en étant liées à des protéines plasmatiques : la protéine liante à la thyroxine (TBG), l’albumine et la préalbumine liant la thyroxine (TBPA). C’est la forme libre qui est captée, et il existe une constante d’équilibre entre la forme liée et la forme libre. Les fractions libres représentent une proportion minime (0.03% pour la T4 et 0.3% pour la T3), mais essentielle. Une modulation des hormones thyroïdiennes peut se faire par le pool de protéines plasmatiques qui lient ces hormones (le foie étant le site de synthèse, il peut augmenter ce pool dans diverses circonstances, ou le diminuer).
    La TBG possède la plus haute affinité pour les hormones thyroïdiennes, de sorte qu’elle transporte à elle seule plus de 70% des hormones thyroïdiennes. Toutefois, l’albumine et la TBPA (transthyrétine), bien qu’elles aient une affinité plus faible, ont une capacité de transport bien plus augmentée. Une telle forme liée permet d’une part d’augmenter considérablement la demi-vie de ce dipeptide peu soluble, mais également de former un réservoir facilement mobilisable ainsi que d’empêcher leur perte urinaire (le dipeptide pouvant filtrer aisément à travers la barrière glomérulaire).
    La conversion périphérique de la T4 en T3 se fait sous l’action d’une déionidase. Cette conversion se fait essentiellement dans les tissus très vascularisés comme le foie et les reins. Elle se retrouve dans toutes les cellules, une fois que la T4 rentre dans le cytoplasme : c’st la T3 qui possède la plus forte affinité pour le récepteur aux hormones thyroïdiennes, récepteur intracellulaire nucléaire.

  13. #12
    Pterygoidien
    Animateur Biologie

    Re : [Vignettes cliniques] Approche systémique de la physiopathologie pour les étudiants en Médecine

    Régulation de la synthèse et de la sécrétion des hormones thyroïdiennes
    La sécrétion des hormones thyroïdiennes est sujette à un rétrocontrôle négatif (rétroinhibition) sous la dépendance de l’axe hypothalamo-hypophysaire. Lorsque les hormones thyroïdiennes sont en insuffisance, l’hypothalamus augmente sa décharge en TRH (thyréolibérine, ou hormone thyréotrope), hormone autacoïde à très courte demi-vie qui est sécrétée dans le système porte hypothalamo-hypophysaire. Cette hormone agit au niveau de l’hypophyse, où elle stimule la sécrétion de TSH (thyréostimuline) par les cellules thyréotrophes. Cette TSH a une plus longue demi-vie (de l’ordre de 30 min) et rentre dans la circulation systémique, où elle va agir sur la glande thyroïde et avoir un effet stimulateur sur cette dernière : elle se lie à son récepteur TSHR, un récepteur métabotrope de type RCPG exprimé au pôle basal des thyréocytes.
    La TSH a plusieurs effets sur la glande thyroïde, affectant quasi tous les processus impliqués dans la synthèse et l’excrétion des hormones thyroïdiennes :
    • Elle augmente la captation de l’iode en stimulant l’activité des symporteurs NIS
    • Elle augmente l’activité de la TPO, augmentant l’iodination de la thyréoglobuline
    • Elle stimule la conjugaison des résidus de tyrosine iodinés, menant à la formation de plus de thyroxine (T4) et triiodothyronine
    • Elle augmente l’endocytose apicale des thyréoglobuline iodinées
    • Elle augmente la libération d’hormones thyroïdiennes à travers MCT
    Outre ces effets directs, la TSH a un effet trophique sur le moyen et long terme sur le parenchyme thyroïdien : elle provoque l’hypertrophie folliculaire, avec augmentation du colloïde, puis une hyperplasie, par augmentation du nombre de follicules.
    L’augmentation de la TSH est donc normalement accompagnée d’une production et d’une libération accrue d’hormones thyroïdiennes. A contrario, un excès en hormones thyroïdienne inhibe la libération de TRH par l’hypothalamus, formant une boucle de rétroaction négative ; la T3 est le principal modulateur. La T3 agit notamment au niveau du noyau arqué de l’hypothalamus, contenant des neurones parvocellulaires à TRH. Certains neurones à TRH se retrouvent également directement au niveau de l’éminence médiale, au plancher du 3e ventricule.
    HHT.jpg
    Conversion périphérique des hormones thyroïdiennes
    Non abordé ici.
    conversion des thyronines.jpg
    Action périphérique des hormones thyroïdiennes
    Les hormones thyroïdiennes agissent sur virtuellement toutes les cellules de l’organismes et stimulent le métabolisme énergétique et le turn over des protéines. La croissance est alors accélérée, l’activité mentale est stimulée, de même que le fonctionnement de la plupart des glandes endocrines. C’est une hormone de la classe des hormones lipophiles qui agit sur des récepteurs nucléaires : une fois liée à son récepteur, le complexe récepteur-hormone forme un facteur de transcription, qui peut augmenter ou diminuer l’expression différentielle de certains gènes. Les gènes cibles dépendent du type de récepteur, et ce type de récepteur est lui-même sous la dépendance du type de tissu.
    Le récepteur étant intracellulaire, et non pas exprimé à la surface de la cellule, les hormones doivent traverser la membrane plasmique des cellules ; on pensait autrefois qu’elles traversaient par simple diffusion, en raison de leur caractère apolaire. On sait aujourd’hui qu’elles traversent en fait la membrane par diffusion facilitée, grâce à une protéine MCT (Mono-carboxylate transporters, MCT8 et MCT10) ou OAT1.
    Les récepteurs thyroïdiens (TR) sont codés par deux gènes : un gène pour le récepteur alpha (TRalpha), et un pour le récepteur bêta (TRbeta). Les deux récepteurs peuvent exister sous plusieurs isoformes par épissage alternatif. TRB2 est présent dans le cerveau, tandis que TRa1, TRa2 et TRb1 sont ubiquitaires. Chaque récepteur possède un site de liaison à l’ADN (souvent en doigt de zinc), un site de liaison pour les hormones thyroïdiennes, et un domaine A/B de régulation transcriptionnelle. Les récepteurs TR se lient à l’ADN sous forme d’homodimère ou d’hétérodimère (notamment via le récepteur de l’acide rétinoïque X, RXR). Ils se lient sur des régions nucléotidiques spécifiques de l’ADN, près des régions promotrices, appelés éléments de réponse aux hormones thyroïdiennes (TRE). L’expression des gènes cibles est ainsi modulée positivement ou négativement.
    action génomique.jpg
    Impacts sur le métabolisme
    In vivo, les hormones thyroïdiennes augmentent le métabolisme énergétique, et se traduit donc par une élévation de la consommation en oxygène de tous les tissus métaboliquement actifs, et une production accrue de chaleur : l’augmentation des hormones thyroïdiennes s’accompagne donc d’une élévation du métabolisme de base. On pense par ailleurs que les hormones thyroïdiennes a une action non génomique, directe, sur les mitochondries, où elle stimule la chaine respiratoire. Ce mécanisme est toutefois peu documenté. On retrouve toutefois une augmentation du nombre et de l’activité des mitochondries dans la plupart des cellules qui fonctionnent en aérobiose.
    L’augmentation du métabolisme énergétique se traduit par une consommation accrue en O2 et une production accrue en CO2 : le quotient d’extraction est alors augmenté. Une conséquence importante de cette effet est une vasodilatation tissulaire, pour pallier à la demande accrue, ce qui a pour effet de diminuer la résistance artériolaire périphérique, qui est un élément important de la post-charge du cœur (voir impact sur la performance cardio-vasculaire).
    L’activité des transports membranaire est également augmentée, en rapport avec l’augmentation des activités cellulaires. Les pompes, notamment la pompe Na+/K+/ATPase très couteuse en énergie, augmentent leur activité, et contribue à l’effet calorigène des hormones thyroïdiennes.
    Le métabolisme énergétique consomme plus de substrats énergétiques en général, même en condition basale : On retrouve une captation intestinale du glucose augmentée, s’accompagnant d’une élévation de la thermogenèse postprandiale, d’une production accrue de glucose hépatique par gluconéogenèse, de glycogénolyse. A la fois le catabolisme oxydatif du glucose et des lipides sont augmentés. Presque toutes les étapes du métabolisme des glucides sont stimulées, que ce soit la captation du glucose, l’accroissement de la glycolyse, l’expression augmentée d’enzymes de la voie glycolytique en périphérie etc… Dans le foie, ce sont plutôt les enzymes clés de la néoglucogenèse dont l’expression augmente, favorisant la gluconéogenèse et l’utilisation préférentielle d’acides gras comme substrats. La glycémie n’est en général pas impactée, bien que l’on peut retrouver une sensible élévation de la glycémie chez les deux populations de patients dysthyroïdiens (hypothyroïdie ou hyperthyroïdie). Par ailleurs, chez le patient hyperthyroïdien, on observe un accroissement de la sécrétion d’insuline par le pancréas. Le métabolisme lipidique est également modifié, on trouve une diminution des lipoprotéines de basse densité (LDL et VLDL), du cholestérol et du cholestérol total. Cette diminution est due d’une part à l’augmentation de leur dégradation (résultant du métabolisme énergétique accru), et par la constitution en plus faible nombre par le foie.
    La figure ci-dessous montre l’évolution du métabolisme de base en fonction de l’apport journalier en hormones thyroïdiennes :
    MB.jpg
    Au niveau du tissu adipeux, les acides gras sont plus facilement mobilisés, ce qui diminue les réserves de graisses de façon plus importante que tout autre constituant tissulaire. Cela contribue à l’augmentation de la concentration d’acides gras libres dans le plasma et l’accélération considérable de l’oxydation des acides gras dans les cellules. Un excès d’hormone thyroïdiennes diminue la concentration plasmatique de cholestérol, de phospholipides et de triacylglycérols, alors même que celle des acides gras est augmentée. A l’opposé, en cas d’insuffisance en hormones thyroïdiennes, il y a forte augmentation de la concentration plasmatique de cholestérol, de triacylglycérols et de phospholipides, et presque toujours une accumulation excessive de graisses dans le foie (stéatose hépatique). Une hypothyroïdie prolongée est souvent associée à une athérosclérose sévère, qui peut notamment toucher les artères coronaires.
    Cette augmentation du métabolisme énergétique nécessite en plus un apport augmenté en vitamines et des coenzymes du métabolisme. Il n’est pas rare de retrouver des carences en vitamines chez l’hyperthyroïdien. Chez l’hypothyroïdien, c’est surtout le fer qui est déficitaire (voir plus loin).
    Le métabolisme des protéines est également augmenté : l’anabolisme protéique est augmenté, de même que le catabolisme, ce qui accélère le turn-over (régénération) des protéines. Sur le long terme, on retrouve toutefois une protéolyse, avec une fonte musculaire et une balance azotée négative chez le patient hyperthyroïdien. La protéolyse musculaire est augmentée si le patient ne compense pas l’augmentation de son métabolisme par un régime plus riche en calories : les acides aminés glucoformateurs sont alors recrutés, notamment l’alanine et le glutamate, à partir des protéines musculaires pour la gluconéogenèse. Toutefois, l’élément principal de la protéolyse musculaire n’est pas dû à ce dernier objectif, mais plutôt en raison du catabolisme accru des protéines qui dépasse l’anabolisme.
    Chez l’hyperthyroïdien, on retrouvera une perte de poids parfois importante, accompagnée d’une augmentation de l’appétit. Le contraire s’observe couramment chez l’hypothyroïdien. Dans les deux cas, la prise de poids peut être fortement variable d’un individu à l’autre, en raison du changement de l’appétit et des habitudes alimentaires de l’individu.

  14. #13
    Pterygoidien
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    Re : [Vignettes cliniques] Approche systémique de la physiopathologie pour les étudiants en Médecine

    Effet des hormones thyroïdiennes sur le développement et la croissance
    Nous n’en parlerons quasiment pas ici, puisque ce n’est pas l’objet de la vignette. Globalement, les hormones thyroïdiennes sont importantes dans la croissance. Dans certains organismes, elles ont un rôle crucial dans la différenciation de certains organes et la métamorphose, notamment la transition chez le batracien de sa forme larvaire (têtard) à sa forme adulte. Chez l’homme, les hormones thyroïdiennes sont cruciales durant les premières années de la vie, à la fois pour le développement du système nerveux et pour la croissance osseuse et générale de l’organisme.
    En outre, une hypothyroïdie congénitale non traitée s’accompagne d’un retard mental (crétinisme) assez atypique et irréversible, ainsi qu’une petite stature (nanisme), qui peut toutefois être corrigée par l’administration d’hormones thyroïdiennes dans les premières années.
    A contrario, une hyperthyroïdie chez le jeune enfant ne provoque pas pour autant un gigantisme : il est essentiel à la croissance, mais n’en est pas l’acteur principal ni exclusif. Par ailleurs, on sait qu’une hyperthyroïdie chez le jeune adolescent peut provoquer une maturation osseuse précoce par ses effets sur le tissu osseux, avec soudure des épiphyses si bien qu’en définitive l’adulte peut être de petite taille.


    Impacts sur la performance cardio-vasculaire
    Les hormones thyroïdiennes ont de nombreux effets sur le système cardio-vasculaires, certains étant sur le moyen terme et d’autres sur le long terme. Nous parlerons ici d’effets directs et indirects. Grossièrement, un excès d’hormones thyroïdiennes (hyperthyroïdie) a pour effet d’augmenter le débit cardiaque en parallèle à la demande accrue en énergie, tandis qu’une insuffisance en hormones thyroïdiennes (hypothyroïdie) a l’effet inverse.
    Dans les effets directs, les hormones thyroïdiennes agissent sur le tissu cardiaque en augmentant le métabolisme énergétique des cellules, le turnover des protéines cardiaques, mais aussi en augmentant l’expression de deux protéines clés :
    • Les récepteurs β_1-adrénergiques
    • L’isoforme α des chaines lourdes de la myosine cardiaque (MHC)
    • La pompe SERCA, qui séquestre le Ca2+ dans le réticulum sarcoplasmique
    Le cœur possède principalement deux isoformes de chaines lourdes des myosine : une isoforme α et une isoforme β. Il est admis que l’isoforme α est associée à une meilleure efficacité contractile, augmentant la contractilité cardiaque. Elle est prédominante dans les atria, tandis que c’est l’isoforme β qui est prédominante dans les ventricules : toutefois, les hormones thyroïdiennes augmentent l’expression différentielle des MHC, favorisant l’expression de l’isoforme α. C’est l’un des deux facteurs directs qui augmentent la contractilité du cœur.
    En plus de cela, l’expression augmentée des récepteurs béta-adrénergiques augmente la sensibilité du cœur aux catécholamines : la performance cardiaque est augmentée par régulation homéométrique (Sarnoff), déplaçant la courbe P-V vers le haut (effet inotrope positif). Enfin, le troisième paramètre qui augmente la contractilité du cœur résulte de la régulation hétérométrique de Frank-Starling, en raison de l’augmentation de la précharge (cette augmentation provient de la force résiduelle de l’arbre artériel, augmentant le remplissage du cœur [vis a-tergo], ainsi que de l’effet lusitrope du cœur [vis a-fronte]).
    Globalement, l’expression accrue des β_1 exacerbe en fait les effets des catécholamines sur le cœur (les hormones thyroïdiennes ont alors un effet dit permissif) : effet inotrope, lusitrope, chronotrope et dromotrope positifs. Une augmentation des hormones thyroïdiennes a donc pour effet principal une élévation de la fréquence cardiaque, de la précharge (volume télédiastolique, sauf si changement de compliance ventriculaire, sur le long terme), et de la contractilité (qui se traduit par une augmentation du volume éjection systolique à postcharge égale).
    Globalement, la postcharge est définie par la pression résiduelle dans l’arbre artérielle du cycle cardiaque précédent ; c’est la charge que le ventricule doit vaincre en cours de systole pour l’éjection du sang intraventriculaire à travers l’aorte, dans le ventricule gauche. Cette postcharge s’oppose à l’ouverture de la valve aortique, et à l’éjection du sang dans l’arbre artériel. Chez le patient hyperthyroïdien, on retrouve une diminution de la postcharge, permettant une augmentation du VES, tandis que l’hypothyroïdien a plutôt généralement une postcharge augmentée. Ces effets dépendent de mécanismes adaptatifs, de l’élastance artérielle, d’autres conditions cardio-vasculaires, et de l’âge.
    Au niveau périphérique, les hormones thyroïdiennes n’influencent pas le taux d’expression des récepteurs adrénergiques des myocytes lisses vasculaires (vascular smooth muscular cells, VSMC). Toutefois, un excès d’hormones thyroïdiennes s’accompagne d’une diminution de la résistance artériolaire périphérique par plusieurs effets :
    • L’augmentation du métabolisme énergétique, qui augmente la pCO2 et la pO2 et provoque une vasodilatation réflexe
    • L’effet calorigène des hormones thyroïdiennes sur ces mêmes tissus périphériques
    • L’augmentation de l’activité de la NO synthase, produisant plus de NO, un puissant vasodilatateur local
    Le mécanisme par lequel la NO synthase est simulée fait l’objet de plusieurs désaccords. Plusieurs facteurs sont incriminés, notamment des facteurs non génomiques, via une activation de la voie de signalisation PI3K/AKT.
    La résistance artériolaire périphérique est un important paramètre de la postcharge ventriculaire : sa diminution par les hormones thyroïdiennes augmente une diminution de la postcharge, et une augmentation du temps d’éjection ventriculaire et du volume d’éjection systolique, comme mentionné plus haut. Par ailleurs, puisque c’est un élément important de la pression résiduelle du circuit, on retrouvera surtout une diminution de la pression diastolique, tandis que la pression systolique est sensiblement augmentée chez l’hyperthyroïdien, marquant une élévation de l’écart des pressions sytolo-diastolique ; chez l’hypothyroïdien, c’est l’inverse qui s’observe (augmentation de la diastole, diminution de la systole, augmentation globale de la postcharge et diminution du VES). Sur le long terme, on retrouve une augmentation de la rigidité vasculaire (augmentation de l’élastance artérielle) chez l’hypothyroïdien, ce qui contribue à l’augmentation de la pression diastolique.
    L’augmentation de la performance cardio-vasculaire est évidemment parallèle à la demande accrue en énergie des tissus périphérique. On retrouve un débit de perfusion tissulaire augmenté dans la plupart des tissus, dont la peau : la diminution de la résistance de certains tissus, augmentant leur débit de perfusion, provoque une diminution du débit de perfusion d’autres organes normalement hautement perfusés tels que les reins. Cet effet est toutefois rapidement contrebalancé par l’appareil juxtaglomérulaire du rein qui, lorsqu’il ressent une diminution du débit de perfusion et de la pression dans son artériole afférente, augmente la sécrétion de rénine, lequel va activer le système rénine-angiotensine-aldostérone (RAA), ayant pour effet une augmentation de l’angiotensine II (un puissant vasoconstricteur), et de l’aldostérone, qui augmente la rétention hydrosodée et s’accompagne d’une augmentation de la volémie.
    L’activation du système RAA est l’un des mécanismes adaptatifs les plus importants qui viennent contrebalancer l’effet des hormones thyroïdiennes. En fait, en raison des mécanismes adaptatifs qui s’opposent à ces effets, il n’est pas inhabituel de retrouver une légère hypertension chez le patient hyperthyroîdien, en raison de l’augmentation de la contractilité de la volémie, si la résistance artériolaire périphérique est rabaissée (via l’ANG II et, dans une plus faible mesure, par l’augmentation d’efférences orthosympathiques).
    Les hormones thyroïdiennes stimulent également la synthèse d’autres protéines importantes dans la maintenance du système cardio-vasculaires, et entretiennent normalement un effet positif sur le cœur et les vaisseaux, en maintenant une compliance ventriculaire et artérielle optimale, et en ayant un effet anti-athérogène. Elles ont également des effets documents sur l’angiogenèse. L’hypothyroïdie a souvent pour complication sur le long terme une augmentation marquée de l’athérosclérose (notamment des artères coronaires), et l’élastance vasculaire, et une diminution de la compliance vasculaire. Si elle est accompagnée d’une augmentation importante et prolongée de la postcharge, elle peut s’accompagner d’une hypertrophie ventriculaire gauche concentrique et d’une malperfusion, rendant le sujet plus à risque à des complications (insuffisance cardiaque, infarctus du myocarde, …).
    De même, on retrouve des complications cardio-vasculaires chez l’hyperthyroïdien, notamment une insuffisance cardiaque à haut débit, un remodelage ventriculaire avec augmentation de la silhouette cardiaque pouvant aller jusqu’à une insuffisance cardiaque congestive. Parmi les autres complications, la plus fréquente et assez inquiétante est la fibrillation atriale, qui s’explique notamment par la dilatation des atria. Il s’explique également en partie par l’expression accrue de la connexine-40, élément des jonctions communicantes (nexus) dans les stries intercalaires des atria, ce qui augmente le couplage électrique. Deux signes importants que l’on retrouve chez le patient hyperthyroïdien sont une augmentation de la pression pulsée (diff. Entre P. syst et P. diast), et des sons cardiaques plus audibles (en particulier B1).
    On retrouve également des changements dans le système de conduction du cœur, avec tachyarythmie chez l’hyperthyroïdie, et bradycardie chez l’hypothyroïdien. Les variations touchant l’expression de certains canaux ioniques peuvent s’exprimer par des troubles du rythme cardiaque. Enfin, les hormones thyroïdiennes ciblent également certains canaux ioniques voltage-dépendant des myocytes contractiles, augmentant la contractilité cardiaque même lors de l’administration de beta-antagonistes. Finalement, le plus redouté chez le patient hyperthyroïdien est une crise de thyréotoxicose (thyroid storm), potentiellement mortelle.
    Impacts hémodynamiques
    En cas d’hyperthyroïde, dans les stades précoces, l’extraction augmentée de l’oxygène peut mener à une anémie fonctionnelle transitoire qui est compensée par une sécrétion accrue d’EPO par le cortex rénal, qui stimule l’érythropoïèse. La T3 pourrait également stimuler la sécrétion de l’EPO directement, par son effet génomique (à vérifier). L’augmentation de l’hématocrite qui intervient, et compense la demande accrue en oxygène, joue également un rôle dans l’augmentation de la volémie. Les hormones thyroïdiennes s’adaptent également à la demande accrue en oxygène par une élévation de la synthèse de l’hémoglobine, en plus de l’érythropoïèse, de l’absorption du folate et de la B12 (par sécrétion accrue du facteur intrinsèque).
    Chez l’hypothyroïdien, on peut également retrouver une anémie : elles peuvent être de trois type, normocytaire (la plus récurrente), macrocytaire (anémie mégaloblastique) ou microcytaire. L’étiopathologie des trois est différente, mais la fonction thyroïdienne semble jouer un lien important. Plusieurs études ont tenté d’élucider les paramètres en cause dans l’anémie chez le patient hypothyroïdien, et ont pour conclusion que les liens sont complexes et multifactoriels, mais dressent toutefois l’association de la fonction thyroïdienne avec les paramètres hématologiques (hématocrite, volume globulaire moyen, hémogramme, numération globulaire, etc…
    Chez des patients hypothyroïdiens anémiques, on estime que plus de la moitié sont généralement atteint d’une anémie normocytaire non régénérative. C’est le type d’anémie le plus complexe à décrire dans le cas de l’hypothyroïdie ; plusieurs facteurs sont causés, dont une diminution de la sécrétion d’EPO par le cortex rénal, une prolifération diminuée des colonies érythropoïétiques médullaires (BFU-E et CFU-E notamment). Les hormones thyroïdiennes, via la T3, semblent avoir un effet direct sur la prolifération des cellules souches hématopoïétiques, en stimulant l’expression de certains facteurs spécifiques, et en stimulant la différenciation terminale des érythrocytes, et la synthèse de l’hémoglobine.
    L’anémie microcytaire correspond le plus souvent à une anémie ferriprive par carence en fer, expliquée par une malabsorption et par une diminution de son stockage. C’est le deuxième type d’anémie le plus courant dans l’hypothyroïdie, et il atteint plus les femmes que les hommes, notamment dans la thyroïdie d’Hashimoto, notamment pour les troubles du système génital chez la femme que provoque l’hypothyroïdie (ménorragies importantes avec perte de fer).
    L’anémie macrocytaire correspond à une anémie mégaloblastique de Biermer en raison d’un déficit en B12 ou en folate : c’est la moins courante (<15%).
    L’hypothyroïdie est souvent accompagnée d’une athérosclérose augmentée, qui s’explique par plusieurs facteurs (augmentation de la pression diastolique et du taux de cisaillement, dysfonctions endothéliale, augmentation de l’homocystéine et de l’inhibiteur de l'activateur du plasminogène 1 (PAI-1) sériques, et de la protéine C-réactive (CRP). Ces mécanismes sont complexes et ne seront pas abordés ici.
    Impacts sur le système respiratoire
    Le métabolisme énergétique accru provoque un déplacement de la courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine vers la droite, avec une plus rapide délivrance de l’oxygène. La demande est compensée par une érythropoïèse augmentée. Au niveau respiratoire, on retrouve une augmentation de la fréquence respiratoire.
    Il n’est pas rare de retrouver des troubles respiratoires chez les patients dysthyroïdiens, à la fois chez l’hyperthyroïdien et l’hypothyroïdien. Dans la première population, le patient hyperthyroïdien est souvent intolérant à l’effort : l’augmentation considérable de la performance cardiovasculaire fait que le système cardio-respiratoire est déjà sur sa réserve, et ne peut compenser à une augmentation accrue. Au niveau respiratoire, on retrouve également une faiblesse musculaire atteignant les muscles respiratoires.

  15. #14
    Pterygoidien
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    Re : [Vignettes cliniques] Approche systémique de la physiopathologie pour les étudiants en Médecine

    Impacts sur le système nerveux central
    Les associations entre le système nerveux et les hormones thyroïdiennes sont très complexes. Il existe de nombreuses manifestations neurologiques et psychiatriques chez le patient dysthyroïdiens : trouble de la concentration, de la mémoire, fatigue, dépression, anxiété, irritabilité, insomnie, troubles de l’humeur, euphorie, etc.
    Les hormones thyroïdiennes influencent notamment l’activité de certaines voies centrales, notamment des voies sérotoninergiques et noradrénergique impliquées dans le système méso-limbique, la vigilance, l’éveil et l’alternance veille-sommeil (cycle circadien), la régulation de l’humeur, le circuit de la récompense, l’anxiété. Plusieurs études font état d’une densification des autorécepteurs 5-HT1A somatodendritiques dans les noyaux du raphé (noyaux sérotoninergiques), ainsi des récepteurs 5-HT2A dans le cortex et l’hippocampe chez l’hypothyroïdien. Globalement, on retrouve un turnover augmenté du métabolisme de la sérotonine. On retrouve ainsi des efférences sérotoninergiques provenant des noyaux du raphé diminuées vers les autres aires cérébrales, et un taux de sérotonine cérébral diminue. L’ensemble de ces facteurs contribuent à un terrain de prédisposition pour la dépression clinique, et l’évolution est favorable lors de l’administration d’hormones thyroïdiennes (hormone replacement therapy).
    Il ne faut pas pour autant penser que les hormones thyroïdiennes sont un produit antidépresseur miracle : ils ne font qu’augmenter la réponse sérotoninergique chez le patient dysthyroïdien et déprimé, et s’accompagne souvent d’un antidépresseur – le plus souvent un inhibiteur de la recapture de la sérotonine (SSRI). Les associations sont complexes, et font l’objet de nombreuses études actuellement. Quoi qu’il en soit, il est toutefois important de noter qu’une dysthyroïdie peut avoir un impact important sur l’état neurologique du patient. Chez l’hypothyroïdien, on peut retrouver de la dépression, des troubles du sommeil, une baisse de libido, des troubles de la concentration, de l’anxiété. Chez l’hyperthyroïdien, on retrouvera plutôt une irritabilité, un étant tantôt euphorique, tantôt anxieux.
    Un signe clinique également important dans l’hyperthyroïdie est un tremblement fin et irrégulier des extrémités, avec une fréquence assez basse (de l’ordre de 10 à 15 tremblement par minute), et une hyperkinésie. Le sujet semble généralement être agité, surtout s’il est jeune. La fatigue chez l’hyperthyroïdien, malgré l’état d’agitation apparent, provient souvent de troubles du sommeil ou en raison du travail musculaire augmenté chez ces individus. On retrouve d’autres perturbations neurologiques liées à la dysthyroïdie, qui peuvent notamment impacter la voie noradrénergique centrale, et augmenter les efférences des neurones du locus coerulus, responsable de l’agitation et de l’anxiété chez l’hyperthyroïdien. En général, l’activité cérébrale est augmentée chez l’hyperthyroïdien, et chez le jeune enfant épileptique, on peut retrouver une augmentation de la fréquence de crises convulsives.
    Les liens entre l’état psychique du patient et la dysthyroïdie en elle-même sont souvent difficiles à tirer, l’impact psychosocial de la maladie sur le patient joue un rôle non négligeable. Il existe également des complications neurologiques en lien avec le type de dysthyroïdie en question : la thyroïdie lymphocytaire chronique (Hashimoto), par exemple, peut très rarement se compliquer d’une encéphalopathie auto-immune (cela reste toutefois exceptionnel).
    Impacts sur le système digestif
    Il existe de nombreux liens entre le statut thyroïdien et le système digestif, et ces relations sont également complexes à évaluer. Globalement, le transit est accéléré chez l’hyperthyroïdien, qui présente des selles plus liquides et une plus mauvaise absorption des graisses, tandis que l’hypothyroïdien a un transit intestinal diminué, des selles plus solides et parfois de la constipation. Au niveau digestif, on retrouve une augmentation de la motilité gastro-intestinale générale chez l’hyperthyroïdien, malgré des efférences vagales (parasympathiques) normalement diminuées. La dysphagie est fréquente et peut être attribuable à un goitre volumineux, mais peut avoir d’autres causes, notamment musculaires ou myxoedémateuses.
    Hypothyroïdien : on peut retrouver une hypokinésie cardiale, responsable d’une diminution du tonus du SOI, et peut se manifester par un reflux gastro-oesophagien. Très variable d’une personne à l’autre, le reflux n’est pas constant chez l’hypothyroïdien, et le lien entre les deux est discutable.
    Hyperthyroïdien : dysphagie et dyspepsie par l’atteinte des muscles pharyngés (myopathie), une augmentation de la vitesse de conduction des ondes péristaltiques. On retrouve également une augmentation d’agents autacoïdes du système neuroentéroendocrine diffus, tels que la motiline, des complexes moteurs migrants plus fréquents (accompagnés de borborygmes). Il n’est pas rare d’avoir des vomissements chez l’hyperthyroïdien, par un shift de la balance ortho/para sympathique, allant en faveur de décharges orthosympathiques, un tonus sphinctérien augmenté au niveau du pylore, ou des éructations. Le patient se plaint d’un sentiment de plénitude plus vite atteint, d’inconfort abdominal, et parfois même de douleurs épigastriques. Le temps de transit est diminué, et les selles sont plus liquides (diarrhées fréquentes), ou plus grasses, et l’absorption des graisses est perturbée.
    Impacts sur les fonctions sexuelles
    La libido est globalement diminuée dans les deux conditions (hypo et hyper). Dans les deux sexes, on retrouve également une élévation de la SHBG (Sex Hormon Binding Globulin), une globuline plasmatique qui fixe les stéroïdes sexuels, en particulier la testostérone (et son métabolite, la dHT) et l’estradiol. Cette augmentation de la SHBG diminue la fraction libre de la testostérone, et chez l’homme, se manifeste par un rapport oestrogènes/androgènes augmenté, qui joue un rôle dans l’apparition d’une gynécomastie. Chez l’homme, l’élévation de la température corporelle peut s’accompagner d’une stérilité transitoire puis permanente si le problème n’est pas réglé, par métaplasie de l’épithélium séminifère ; on retrouve de plus nombreuses anomalies au spermograme. On retrouve aussi fréquemment une dysfonction érectile.
    Chez la femme hyperthyroïdienne, on retrouve des périodes intermenstruelles plus longues, et parfois des cycles menstruels anovulatoires avec oligoménorrhées.
    Autres caractéristiques
    On peut retrouver d'autres signes chez l'hypothyroïdiens :
    • Une macroglossie : gonflement de la langue
    • Un myœdème prétibial : gonflement des chevilles
    • Changement de la voix, qui devient plus grave , en raison du dépôt d’acide hyaluronique dans l’espace de Reinke
    • Le signe d’Hertoge, ou de la reine Anne : c’est un affinement de la partie latérale des sourcils, qui est un signe classique d’hypothyroïdie ou de dermatite atopique

    Thyroïdite lymphocytaire chronique : thyroïdite d’Hashimoto
    La thyroïdie d’Hashimoto est une maladie auto-immune qui touche la thyroïde, mais est souvent accompagnée de l’atteinte d’autres organes (notamment des glandes endocrines, telles que le pancréas). Cette maladie touche le plus souvent la thyroperoxydase (TPO), mais peut aussi parfois cibler la thyréoglobuline. On mesure alors les autoanticorps anti-TPO et anti-TG.
    Dans sa phase précoce, elle peut s’accompagner d’une hyperthyroïdie transitoire, mais la TLC évolue vers une hypothyroïdie. Les symptômes et signes cliniques attribuables à l’hypothyroïdie seront donc typiquement ceux décrits ci-dessus : on retrouve énormément de changement, en raison de la diversité de fonctions des hormones thyroïdiennes, mais se présenteront différemment d’un patient à l’autre, et selon la gravité de la dysthyroïdie. Ainsi, un patient légèrement hypothyroïdien peut ne présenter qu’une simple fatigue et une prise de poids, tandis qu’un autre, avec un même bilan, présentera des symptômes beaucoup plus parlant : fatigue, dépression clinique, prise de poids importante, anorexie, perte de cheveux, irritabilité, trouble de la concentration, etc…
    Le paramètre le plus sensible, et généralement le plus fiable, est la TSH. Dans notre vignette, la patiente présente une TSH très élevée, ce qui suggère une hypothyroïdie. De même, la T4L est basse, ce qui confirme un tableau d’hypothyroïdie. D’autres données vont dans ce sens : anémie normocytaire hypochrome, et dyslipidémie (LDL augmenté). Normalement, les acides gras non estérifiés (liés à l’albumine) sont diminués chez l’hypothyroïdiens.
    La deuxième démarche consiste à trouver la cause de cette hypothyroïdie : primaire ? secondaire ? Le test des auto anticorps indique que les anti-TPO et anti-TG sont élevés. La cause est donc auto-immune, par atteinte du parenchyme thyroïdien. L’échographie révèle ensuite une infiltration lymphoplasmocytaire et une fibrose du parenchyme thyroïdie, qui apparait sous forme de plages hypoéchogènes, confirmant le diagnostic d’une Hashimoto.
    « Madame Y dit se sentir fort "flagada" ces derniers temps. Elle a peu de force en journée, dort beaucoup, et se sent un déprimé. Elle est également sujette à des angoisses, qu'elle dit avoir du mal à gérer. Elle dit que la vie devient fort monotone et qu'elle n'a plus la force de continuer le même train de vie. Elle a du mal à se concentrer sur son travail, doit régulièrement faire des pauses et explique oublier fréquemment où elle pose ses affaires. » la fatigue est attribuable à un métabolisme et un débit cardiaque diminué, mais aussi par les effets neurologiques de l’hypothyroïdie, à savoir des troubles du sommeil. Elle fait état d’une dépression clinique, de troubles de la concentration et de la mémoire.
    « Madame Y sent un transit diminué, et va moins souvent à selle »: ceci s’explique par la diminution du transit intestinal. Elle dit également être ballonnée, ce qui peut également s’expliquer par le transit ralentit. Le reflux gastro-oesophagien peut être tout à fait indépendant de l’hypothyroïdie, puisqu’il touche bon nombres de personnes et peut avoir plusieurs causes, mais l’hypothyroïdie semble parfois jouer un rôle dans le tonus du cardia. Les caries dentaires peuvent s’expliquer à la fois par le reflux acide, qui attaque particulièrement les dents du fond (molaires). L’hypothyroïdie peut également accélérer l’apparition de caries par plusieurs mécanismes (hypominéralisation, débit sanguin diminué, changements périodontaires).
    « A l'examen, madame Y semble plus pâle que d'habitude. » La pâleur provient à la fois d’une vasoconstriction cutanée, et de l’anémie.
    « Sa fréquence cardiaque est à 62 et sa pression artérielle est un peu élevée, autour de 140 mmHg/90 mmHg ». Elle est bradycarde et hypertendue. Notez que, chez l’hypothyroïdien de longue date, l’hypertension est surtout diastolique, et la pression pulsée est étroite, en raison de la contractilité diminuée et de la résistance artériolaire périphérique augmentée.
    « Ses chevilles sont également plus gonflées » C’est le myxoedème tibial.
    Pour le traitement, si l’hypothyroïdie est relativement récente et le sujet est encore jeune, on peut administrer directement des hormones thyroïdiennes et augmenter par des palliers de max 50 µg par prescription (sur des périodes de 6 semaines), jusqu’à retrouver un équilibre. Chez le sujet atteint d’une hypothyroïdie sévère et prolongée ou chez le sujet âgé, il faut être attentif au risque de maladies ischémiques, notamment si le patient se plaint d’angine de poitrine. L’augmentation doit se faire par de petits paliers, recommandés souvent à 12.5 µg, jusqu’à équilibrage.

  16. #15
    Pterygoidien
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    Re : [Vignettes cliniques] Approche systémique de la physiopathologie pour les étudiants en Médecine

    Vignette n°2
    Les cas présentés sont fictionnels. Les noms affichés sont des noms d'emprunts.

    Monsieur Gerard Debonmatin (caucasien, Français), 41 ans, est admis aux services d'urgence dans un état critique. Sa femme décrit qu'il a ressenti, après un bref effort (monter les escaliers), une douleur rétrosternale intense, irradiée au membre supérieur gauche, qui a rapidement migré entre les omoplates puis dans le bas du dos. Sous la douleur, il s'est écroulé à terre : à l'arrivée de l'ambulance, monsieur s'est relevé et a insisté à marcher lui-même jusqu'au brancard, mais une fois arrivé aux services d'urgences, il est devenu incapable de mobiliser ses membres inférieurs.

    Monsieur Debonmatin fume depuis qu'il a 20 ans, à raison d'un paquet et demi de cigarettes par jour. Il est connu pour être hypertendu (> 172/96 à la dernière consultation). Monsieur Debonmatin est traité pour son hypertension par du captopril (inhibiteur de l'ACE), mais madame explique que monsieur n'est pas compliant dans son traitement et qu'elle doit être insistante pour qu'il prenne son médicament. En inspectant l'histoire familiale, on apprend que la mère est décédée de façon précoce d'un accident cardio-vasculaire dont la nature exacte n'est pas précisée. La cause de l'hypertension artérielle n'a jamais été inspectée, et on ne sait donc pas si elle est essentielle (multifactorielle) ou secondaire.

    Dans l'ambulance, ses paramètres ont été pris une première fois : le pouls radial est régulier à 130/min et la tension est à 100/60 mmHg à gauche. Il présente une saturation de 98%. Monsieur dit que la douleur est toujours persistante entre les omoplates et dans le bas du dos, et éprouve du mal à respirer. Il dit ne plus sentir sa jambe gauche, et ne sait plus mobiliser ses deux jambes.

    Aux services d'urgences, monsieur D. est très souffrant et anxieux. Il transpire abondamment (diaphorèse). On lui injecte de la nitroglycérine, mais la douleur persiste. Une prise de sang est alors effectuée pour les marqueurs cardiaques (troponine, myosine, ) et un ECG est passé. L'ECG est sans particularité, si ce n'est qu'un score positif pour une hypertrophie ventriculaire gauche de type concentrique : les ondes R sont >2.6 mV sur les dérivations précordiales V4 à V6, et l'amplitude de l'onde S en V1 est également haute (>3.5 mV). L'ECG ne révèle pas d'élévation ST typique d'un STEMI, ni de trouble du rythme. Le pouls dans l'aine est faible. Les réflexes ostéotendineux sont également évalués pour ses jambes, qui sont quasiment abolis : on remarque une perte de force des fléchisseurs et extenseurs. De plus, sa jambe gauche est pâle et froide, et le pouls fémoral est impalpable.
    Lorsque l'infirmière repasse prendre sa tension, elle remarque que la tension est très élevée : 190/110 mmHg. Elle alerte alors un médecin, qui remarque que la pression était prise initialement au bras gauche, et que cette fois-ci, elle a été prise au bras droit. La mesure est refaite : le bras gauche a toujours une basse tension autour de 100/60, et le gauche est à 190/60.

    Que recommanderiez-vous de faire ? Attendre les résultats de la prise de sang ? Une imagerie ? Pourriez-vous, sur base de ces premiers signes cliniques, penser à un diagnostic particulier ?

  17. #16
    Pterygoidien
    Animateur Biologie

    Re : [Vignettes cliniques] Approche systémique de la physiopathologie pour les étudiants en Médecine

    Petite correction : le bras GAUCHE est en basse tension (100/60 mmHg), et le bras DROIT est en hypertension (190/110 mmHg), les valeurs ont été mal notées. De plus, la prise de sang ne comporte pas uniquement les marqueurs cardiaques mentionnés, mais bien tout le pannel habituel des marqueurs cardiaques (MC-KB, Trp, LDH, AST, Mb), D-dimère
    Dernière modification par Pterygoidien ; 01/08/2018 à 12h39.

  18. #17
    mh34
    Responsable des forums

    Re : [Vignettes cliniques] Approche systémique de la physiopathologie pour les étudiants en Médecine

    Citation Envoyé par DarkSATAN Voir le message
    [SIZE=6] Pourriez-vous, sur base de ces premiers signes cliniques, penser à un diagnostic particulier ?
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    Rachmaninoff

  19. #18
    Pterygoidien
    Animateur Biologie

    Re : [Vignettes cliniques] Approche systémique de la physiopathologie pour les étudiants en Médecine

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    Je vais confirmer le diagnostic directement car ce qui est le plus intéressant, je pense, sont les phénomènes à expliquer. Ici, il y a plusieurs phénomènes particuliers qui permettent de rapidement penser à ce type d'accident vasculaire et d'orienter rapidement la prise en charge. L'angioscanner est vraiment le goldstandard, mais on peut aussi avoir recours à une échographie transoephagienne ou un CT-scan. L'angioscanner révèlera la présence d'une double lumière dans l'aorte avec un contraste différent, qui permettra de distinguer une vrai lumière continue et une fausse lumière (faux chenal). Le site d'entrée du faux chenal est repéré à l'origine de la subclavière gauche, et s'étend dans l'aorte thoracique, abdominale, et jusqu'à la bifurcation de l'iliaque commune gauche, entraînant un obstacle vers l'artère iliaque externe gauche. Les deux lumières sont séparées par une mince membrane, qui correspond à la tunique intimale disséquée (flap intimal) et qui se déplace avec le cycle cardiaque.
    La trajectoire du faux chenal a un aspect légèrement spiralé, affichant un virage vers la gauche. Ce sont surtout les branches dorsales de l'aorte qui sont alors mal perfusées, ainsi que l'artère rénale gauche.

    Pour ce qui est de ses jambe, quelle sera la nature de la perte de mobilité selon vous ? Quel type de prise en charge privilégieriez-vous ? Comment risque d'évoluer l'accident vasculaire sans intervention ?
    Nom : CT-TBD.png
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