LA FIN DE LA PHYSIQUE
par ...... (hsur2pi)
Personne n'avait jamais vu ou entendu rire le Professeur Dwight Donald Owland, facétieusement surnommé "HW" (heavy water) par ses collègues.
D²O était de petite taille, à moitié chauve, affectant parfois une surdité plus tactique que pathologique. Bref, eut-il voulu qu'on le confondît avec le professeur Tournesol qu'il ne s'y serait pas pris autrement. C'était de plus un chercheur dont l'humeur acariâtre et l'inclination personnelle avaient condamné à la solitude. Dans sa prime jeunesse, il avait fréquenté différentes équipes de chercheurs et, très tôt, avait tout à la fois stupéfié et irrité ses aînés par ses traits de génie fulgurant et par ses colères de n'être pas compris sur-le-champ. Après avoir parfaitement assimilé la Théorie Electrofaible avant même qu'elle ne fût achevée, critiqué certains aspects des Théories de Grande Unification, démoli la Théorie de la Supergravité, ricané à propos des Théories de Cordes et Supercordes, il se lança dans une recherche solitaire concernant la Théorie de Tout, beau défi pour un homme seul. Dés lors, plus personne n'entendit parler de lui.
Jusqu'au jour...
S. S. Weinking était penché une fois de plus sur un joli paquet d'équations et se demandait où pouvait bien se situer l'erreur. Il avait parfaitement conscience de toucher au but: les lois ultimes décrivant l'Univers en sa totalité. Pourtant, force lui était d'admettre que quelque chose n'allait pas. De plus, un certain malaise s'emparait de lui lorsqu'il imaginait que son erreur actuelle devait nécessairement être une des solutions des équations correctes. Il frissonna lorsqu'il fut amené à conclure que les équations correctes elles-mêmes devaient impérativement être solutions d'elles-mêmes.
C'est alors que le téléphone sonna.
Pestant contre l'intrus, SS Weinking décrocha et quelle ne fut sa surprise de reconnaître la voix de D²O. Une voix changée, altérée par l'excitation, franchement hilare, hoquetante même, qui l'invitait, toutes affaires cessantes, à le rejoindre immédiatement à son domicile afin de lui soumettre La Découverte Scientifique du Siècle!
Songeur, SS Weinking raccrocha.
Son premier réflexe fut de hausser les épaules, accusant impulsivement son interlocuteur d'avoir forcé sur le bourbon... Pourtant, un doute s'insinua: D²O, pas plus qu'il ne riait, ne buvait. Soupirant, résigné, SS Weinking attrapa son chapeau, son manteau, chercha un moment ses clés de voiture et, courageusement, entreprit un voyage de 12 miles et demi pour se rendre au domicile de son irascible collègue.
La maison était illuminée et silencieuse, la porte entr'ouverte. Ayant néanmoins sonné puis patienté en vain, il se décida à franchir le seuil et, tout en appelant, se dirigea vers le bureau où il supposait être attendu.
Ce qu'il vit tout d'abord fut une équation dessinée sur l'immense tableau vert, une partie effacée d'un coup d'éponge vertical, l'éponge gisant sur le sol à côté de son propriétaire, gisant lui aussi, mort.
L'affaire fit grand bruit. Evidemment, la partie visible de l'équation fut pieusement recopiée car ce qu'il en subsistait montrait clairement la nature des recherches de D²O: La Théorie de Tout, l'équation ultime devant révéler le grand secret de l'Univers, sa naissance, son évolution au niveau de la plus humble particule, sa mort. Une analyse poussée de la surface du tableau montra que la partie effacée n'affectait qu'une faible partie de l'équation et nombre de physiciens ne doutèrent pas de la pouvoir compléter. La disparition de D²O fut mise sur le compte d'une mort naturelle, et chacun se remit à vaquer à ses occupations, avec toutefois une tendance marquée à tenter de compléter l'équation mutilée.
Bien sûr, la suite logique de cette histoire conduirait tôt ou tard à une quelconque communication à Science ou à Physical Review ; la physique, enrichie d'une nouvelle découverte, continuerait sa marche triomphante et tout le monde serait content.
Il en alla pourtant autrement...
Deux mois plus tard, on apprit le décès soudain de J. B. K, physicien de réputation mondiale et spécialiste de cosmologie.
Puis, coup sur coup, les physiciens O. H. R, G. G. M et L. D. F nous quittèrent tout aussi soudainement et de la même façon. Un peu plus tard, il ne se passa guère de semaine sans qu'un physicien fut ainsi soustrait à notre légitime admiration.
L'opinion s'émut, la politique s'en mêla (comme toujours...).
Enfin, une commission d'enquête fut créée. Sa conclusion fut que la centaine des meilleurs physiciens de la planète qui disparurent avaient tous, sans exception, travaillé sur l'équation incomplète de D²O. De plus, les spécialistes conclurent tous à une mort naturelle. Mais une telle coïncidence troubla profondément la communauté scientifique internationale.
La gauche en profita pour accuser les compagnies pétrolières d'avoir fait disparaître ces physiciens, prétextant que l'équation incriminée pouvait déboucher sur un carburant à bon marché. Les journaux ayant évidemment publié l'EQUATION, chacun y alla de son hypothèse, et le "rouge", le whisky, le schnaps, la vodka eurent tôt fait de transformer bistros, pubs et tavernes en autant de séminaires de physique avancée...
Les taggers trouvèrent dans la mystérieuse équation une nouvelle source d'inspiration, et, comme un journaliste avait écrit que cette équation ne devait être après tout qu'une grosse équation de Schrödinger, ce dernier connut une nouvelle gloire sur les murs de maintes villes du monde. On entendit même des concierges citer la constante de Planck; les instituteurs adoptèrent un air mystérieux, voire dissuasif, face à leurs jeunes élèves.
C'est alors que se réunirent les plus éminents médecins légistes du monde. Chacun d'eux examina séparément les 108 corps des physiciens défunts. Chacun d'eux déposa ses conclusions sous enveloppe scellée.
Puis, solennellement, on procéda à l'ouverture des enveloppes. On constata alors ce fait surprenant: Il y avait unanimité de tous les spécialistes, il ne s'en trouva pas un seul pour arriver à une conclusion différente de celle-ci:
Tous ces physiciens étaient morts... de rire.
le 30 mars 1995
Références:
Davies , P.C.W. and Brown, J. (1988) Superstrings: A theory of everything? Cambridge University Press
Gary Taubes. A Theory of Everything Takes Shape in Science.Vol 269 15 september
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Re : La théorie de TOUT !!!
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Envoyé par Deedee81 
