Pierre Vanhove (théoricien en physique des hautes énergies) fera un exposé samedi 8 octobre à 15 heures dans le cadre du 6ième Mathematic Park organisé par l'Institut Henri Poincaré.
L'intitulé de l'exposé est "Invariance modulaire, théorie quantique des champs et trous noirs".
Les plus parisiens d'entre vous peuvent (et doivent, le nombre de place est limité) s'incrire pour assister à la présentation qui sera retransmise en directe sur Youtube, pour les autres. Le résumé de l'exposé, le formulaire d'inscription et le lien vers la video sont sur la page de IHP liée plus haut. Pour les twitteurs, le hashtag #MathPark peut être utile.
Pour en dire quelques mots, l'angle d'attaque choisit par Pierre, pour rentrer au coeur de la physique du 21ième siècle me parait des plus pertinents. Il se veut volontairement orienté vers un aspect mathématique, dans l'esprit du MathPark, et le choix de l'invariance modulaire est simplement brillant ! Le concept me parait tout à fait abordable (mathématiquement) pour un public avec un "petit niveau fac". Quelques souvenirs de terminale devraient faire l'affaire pour suivre les grandes lignes de l'exposé : un plan complexe, une matrice, une exponentielle sont tout ce qu'il faut pour comprendre que l'invariance modulaire relie entre elles les différentes formes possibles d'un tore.
Du point de vue de la physique, je ne pense pas qu'une quelconque connaissance en théorie quantique (conforme) des champs et/ou en théorie des cordes soit nécessaire. En revanche, je recommanderais de relire rapidement vos vieux cours de physique statistique (ceux qui n'en ont pas peuvent emprunter celui d'un aïeul) sur l'ensemble canonique, sa foncion de partition et le lien avec les grandeurs thermodynamiques. Ceci devrait faciliter l'ascension vers les plus hauts sommets de la physique fondamentale que je pressens pour samedi prochain. Bien entendu, je ne peux résister à donner quelques détails en apéritif.
Le concept d'invariance modulaire est central en gravité quantique. Il se cache derrière la disparition des "infinis" aux petites échelles / hautes énergies (UV) via une dualité (la dualité T) mettant en correspondance la physique dans l'UV à celle des grandes échelles (IR). Les divergences UV peuvent ainsi être traitées systématiquement comme des divergences IR par des méthodes équivalentes à celles utilisées en théorie quantique des champs.
L'invariance modulaire est tout aussi fondamentale pour une autre dualité (la dualité S), pouvant aussi s'appliquer aux théories de champs (c'est la célèbre dualité électro-magnétique), liant les régimes à fort couplage (interactions très intenses, calculs nonperturbatifs difficiles) à ceux aux faibles couplages (pour lesquels le traitement perturbatif est licite).
Ces deux dualités ont été les clés qui ont ouvert les portes, autour du 27 avril 1995, à un changement radical de perspective en physique fondamental, une révolution dont les effets se font encore grandement sentir aujourd'hui (et le comité Nobel ne semble pas vouloir me contredire ).
Pour revenir aux trous noirs, c'est ici encore l'invariance modulaire qui va permettre d'assoir définitivement l'entropie des trous noirs sur les bases solides de la physique statistique. En 1996, la mystérieuse analogie entre thermodynamique et trou noir pouvait enfin, après une 20aine d'années, être élevée au statut de thermodynamique "réelle" des trous noirs, une thermodynamique dérivant d'une théorie microscopique dans laquel les microétats peuvent être dénombrés. La dualité qui rend le calcul possible est, à mon sens, un hybride entre les deux dualités précédentes, qui s'incarne dans une équivalence entre la physique (encodée dans une fonction de partition) aux basses températures, dominée par le vide et son énergie à la Casimir (calculable) et la physique aux hautes températures où on cherche à compter les micro-états (ultra-énergétiques) dans un régime (couplage fort) où les calculs sont inextricables sans le miracle modulaire.
Le calcul de l'entropie des trous noirs en gravitation quantique est en réalité un peu plus subtile que ce que je viens de raconter : la dualité doit être montrée valable pour toutes les énergies positives et pas seulement dans la limite ultra énergétique, notamment. Ce que j'ai grossièrement esquissé ici, ce sont les grandes lignes d'un vieux truc de la communauté des physiciens statisticiens. Il est utilisé depuis Cardy en 1986, pour étudier les phénomènes critiques qui sont eux-aussi être décrits par une théorie conforme des champs. On peut noter que, dans toute cette histoire modulaire, l'invariance conforme joue le rôle de l'empereur Palpatine, tirant les ficelles dans l'ombre depuis le début.
Vivement samedi...
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