Bonjour à toutes et à tous
Lisant cet article Quels sont les traitements de la fibromyalgie ? mon sang n’a fait qu’un tour. Il est plein d’imprécisions, de raccourcis hasardeux, de lieu communs, de lacunes et de contre-vérités qui nécessitent une mise au point. Ayant moi-même souffert de cette maladie pendant le plus clair de mon existence je la connais par cœur.
J’ai déjà commis en 2008 une discussion sur le sujet : La fibromyalgie, ses causes, ses traitements
Cet article est visiblement le résultat d’une compilation à partir de diverses sources par quelqu'un qui ne maitrise pas du tout le sujet.
Ce ne sont pas des douleurs dans des “régions“ mais surtout au niveau des articulations (j’ai bien dit “au niveau“ pas “dans“).Le symptôme principal de la fibromyalgie est la douleur chronique, présente chez tous les patients. Localisée au début de la pathologie, elle s'étend ensuite à tout le corps. Les régions les plus douloureuses sont la nuque, les épaules, la zone entre les épaules, les omoplates, le bas du dos et les hanches.
C’est faux. Les symptômes sont parfaitement stéréotypés. Tous les fibromyalgiques racontent exactement les mêmes choses. Ce qui diffère ce sont l’intensité et le cycle des crises et des rémissions. Ce qui est frappant c’est que c’est une collections de symptômes tout à fait disparates.Les caractéristiques de cette douleur diffèrent beaucoup d'un patient à l'autre.
Pour les personnes atteintes aussi du syndrome de fatigue chronique (ce qui n’est pas toujours le cas) le symptôme le plus aigu est le sommeil non réparateur qui fait qu’on se réveille le matin plus fatigué que quand on s’est couché la veille. Autrement dit, alors qu’on n’a pas encore posé le pied par terre, la journée est pourrie avant même d’avoir commencé. On se traine alors en gémissant jusqu’à la salle de bain car rien il n’y a de tel qu’une bonne douche bien chaude pour se remettre d’aplomb, pas vrai ? Faux. On est tellement mal dans sa peau que ce n’est pas la douche qui soulage : on a l’impression au contraire de pourrir la douche. On va donc continuer à se trainer pendant une petite heure avec le moral en berne avant de devenir à peu près opérationnel.Chez près de 80 % des patients, la douleur peut être plus importante au réveil avec un besoin de se désengourdir le matin. Son intensité et sa localisation peuvent varier au cours de la journée. Elle peut être ressentie et caractérisée par des fourmillements, des engourdissements, des brûlures, des décharges électriques ou bien des crampes.
Ceci dit, alors que ce qui domine ce sont des douleurs au niveau des articulations, en plus il y a en effet des tas de fourmillements, d’engourdissements, de sensations de brûlures, de décharges électriques ou bien de crampes qui sont complètement erratiques. Mes crises s’annonçaient en général par une douleur aigüe dans l’oreille gauche comme si on m’enfonçait un poinçon. Alternativement cela pouvait être une soudaine douleur dans le gros orteil droit comme si je m’étais fait une entorse.
Il y a donc un mélange de symptômes stéréotypés identiques chez tous les sujets et de symptômes erratiques plus ou moins constants selon chacun.
Tout ça est entièrement faux : strictement rien n’y fait, ni médicament (paracétamol, antidépresseurs, etc.), ni exercice physique, ni massages, ni bains chauds, ni musique douce, ni acupuncture. L’exercice physique peut même augmenter les symptômes. C’est une maladie qui résiste à absolument tout ce qu’on connait.Elle est généralement soulagée par la chaleur (bain chaud) et le repos.
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L'activité physique joue un rôle clef dans la prise en charge de la fibromyalgie. Elle a des effets bénéfiques sur les douleurs et la sensation de fatigue. Elle permet de maintenir les capacités fonctionnelles et améliore la sensation de bien-être.
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En l'absence d'amélioration suffisante de l'état de santé du patient par l'exercice physique, un traitement médicamenteux peut être proposé. Des antalgiques de niveau II comme le tramadol, des antiépileptiques comme la prégabaline ou la gabapentine, ou encore des antidépresseurs à faible dose comme la duloxétine ou l'amitryptiline peuvent être indiqués.
Ce qui est aussi très stéréotypé chez les fibromyalgiques c’est le parcours médical : comme on a mal au niveau des articulations on va d’abord voir un rhumatologue. J’étais autrefois le patient modèle tel qu’en rêve la plupart des médecins : bête et discipliné, c’est-à-dire que j’étais presque totalement ignorant en médecine et que je partais du principe que la personne que je consultais était compétente. Grossière erreur. J’ai consulté un bonne demi-douzaine de rhumatologues. Sur le moment ça ne m’a pas frappé mais rétrospectivement j’ai réalisé qu’aucun d’entre eux ne m’avait fait d’examen clinique. Ils m’ont prescrit des radios et des médicaments et/ou des crèmes. Comme il n’y avait aucun pathologie apparente sur les radios ils me disaient : « Pas de problème, tout va bien. » J’ai entendu ça des douzaines de fois… comme tous les fibromyalgiques et pas seulement de la part des rhumatologues. Si les radios des articulations étaient normales c’était parce que malgré les apparences ce n’est pas une pathologie articulaire. Si seulement ils m’avaient touché ils se seraient rendus compte que les articulations n’étaient pas en cause. Comme son nom l’indique cette maladie est un problème musculaire et surtout tendineux.La prise en charge de la fibromyalgie est globale et pluridisciplinaire si besoin (rhumatologues, neurologues, psychiatres).
La fibromyalgie est une sorte d’inflammation des tendons, ce qui induit des contractions musculaires qui ne font qu’aggraver la chose. C’est en quelque sorte une tendinite généralisée : ça peut atteindre les doigts, les poignets, les muscles zygomatiques, bref, partout où il y a tendons ou ligaments il y a potentiellement douleur fibromyalgique. On peut même avoir des effets qui ressemblent exactement à une entorse.
On lit souvent l’idée que les douleurs seraient diffuses. L’article n’emploie pas le terme mais parler de “douleurs dans des régions“ revient au même. Il faut comprendre l’évolution de la maladie :
- Les débuts sont en général difficiles à tracer car ça se traduit par une gêne dans les articulations qui peut passer pour une forme de fatigue. Ça ne se présente donc pas comme une vraie maladie. Pour ma part à quelques années près je ne peux pas dire quand ça a commencé durant mon enfance.
Ce sont d’abord donc des symptômes à bas bruit qui font qu’on n’est pas aussi opérationnel que les copains : impossible de faire de la gymnastique par exemple sans éveiller des douleurs intenses. Tout effort tant soit peu intensif et prolongé devient vite insupportable. Étant gamin je ne pouvais pas faire ce que font tous les autres : lire un livre allongé par terre, appuyé sur mes coudes. Rapidement j’avais des douleurs dans les coudes et les épaules. Idem pour lire un livre au lit : j’avais des douleurs dans le cou et dans le dos. Tout ce qui provoque des chocs comme le tennis ou demande des mouvements vifs comme le ping-pong entraine des douleurs dans le coude et l’épaule. On n’a aucune endurance non plus. J’ai le souvenir d’avoir couru un 1000 mètres et d’avoir mis trois jours à m’en remettre.
On développe donc des conduites d’évitement : on ne lit pas livre allongé par terre, on ne fait pas de gymnastique, on ne joue pas au tennis, on ne fait pas de jardinage, pour les tâches demandant un effort prolongé on essaie de doser son effort pour rester en dessous de la limite de la douleur. On arrive donc à maintenir cette gêne dans des limites relativement gérables. C’est donc un micro-handicap avec lequel on a pris ses marques.- Mais pour beaucoup de fibromyalgiques ce qui n’était en temps ordinaire que des symptômes à bas bruit, s’intensifiant quand ils faisaient des efforts physiques, devient progressivement à bruit élevé et chronique. Avant l’âge de 50 ans j’étais déjà comme un papy souffreteux, fatigué, démotivé, consultant constamment les spécialistes divers et variés. Ce ne sont pas des douleurs “dans des régions“ mais dans des endroits précis. Beaucoup de fibromyalgiques disent qu’une fois la maladie installée elle se présente sous une forme cyclique de crises parfaitement stéréotypées dans leur déroulement avec des signes avant-coureurs qui signalent leur arrivée imminente.
Dans “l’approche pluridisciplinaire“ proposée par l’article il me semble que
- Les rhumatologues sont hors jeu.
- Les neurologues itou. D’aucuns prétendent que la fibromyalgie serait un dysfonctionnement du SNC dans la gestion de la douleur. Le cerveau ressentirait donc de la douleur là il n’y a rien… forcément : les radios ne montrent rien donc il ne peut y avoir de vraie douleur, CQFD. C’est le jargon scientifique pour dire “C’est dans la tête“.
Les neurones ne sont pas du tout en cause. Ils font leur boulot : transmettre au cerveau une sensation de douleur là où il y a une inflammation.- Les psychiatres et les psy en général peuvent en effet apporter un soutien psychologique car il y a un effet secondaire stéréotypé chez les fibromyalgiques : la dépression. La fatigue, les douleurs lancinantes et une ribambelle de bobos de toutes sortes les rongent de l’intérieur. De plus leur entourage n’est pas toujours très compréhensif, surtout chez les ados. Mais ça ne peut être qu’un traitement symptomatique. Les antidépresseurs n’ont guère d’effet puisque la cause de la dépression demeure et que de toutes façons ils n’en ont aucun sur les symptômes eux-mêmes. Mais un soutien psychologique alors que les symptômes s’aggravent au fil des ans et qu’il n’y a aucune perspective de guérison n’a guère de chance de porter ses fruits.
La fibromyalgie est toujours considérée comme une maladie orpheline, de cause inconnue et sans traitement mais il existe tout de même, ce que l’article ne mentionne pas, un examen clinique très précis dit des points sensibles. Il a été établi par le Dr Muhammad Yunus, de l’University of Illinois College of Medicine qui est le premier à avoir décrit la maladie au début des années 1990 et qui lui a donné son nom. On le trouve dans le document PDF ci-joint (en anglais), Article sur la fibromylagie, Dr Yunus.pdf, représenté par les Trois Grâces, page 7. On y trouve aussi la liste complète des symptômes dont l’article de FS incriminé ne donne qu’une partie et de façon biaisée.
En français il y a La Fibromyalgie (FM), mais il contient des éléments qui me paraissent sujet à caution.
Pour la petite histoire : à la fin des années 1990, après avoir pendant presque trois décennies consulté le ciel et la terre, j’avais pratiquement renoncé à trouver une solution à cette collection de symptômes tout à fait disparates, parcours tout à fait typique du fibromyalgique. Je m’étais évertué en vain à faire comprendre qu’ils formaient un tout à des médecins qui ne voyaient que des symptômes isolés et n’arrivaient pas à entendre qu’ils formaient un syndrome unique. Mais un jour, alors que je consultais pour un tout autre problème un urologue, quand il eut fini son examen il m’a posé quelques questions sur mon état de santé général. Après un rapide résumé de mes bobos il a effectué des pressions sur mes poignets, mes coudes, etc., et comme ça me faisait mal il m’a dit : « Vous avez une fibromyalgie. », « Une quoi ? » rétorquai-je. J’ai noté le mot pour ne pas l’oublier et une fois rentré chez moi j’ai fait une recherche sur internet et je suis aussitôt tombé sur l’article en anglais. C’est alors des nues que je suis tombé : tous les symptômes que je décrivais à mes médecins faisaient bien partie d’un syndrome unique. J’avais donc raison. Je voyais enfin le bout du tunnel : cette maladie existait bien, elle avait un nom… sauf que la fin de l’article a été la douche froide : il n’y avait pas de traitement.
Ce n’était pas la spécialité de cet urologue et pourtant il connaissait l’existence de la maladie et il avait retenu le diagnostic clinique. Chapeau ! Mon généraliste n’en avait toujours pas entendu parler. Il faut que la maladie venait de sortir, le Dr Yunus ayant publié au début des années 1990.
Alors que c’était une maladie assez généralement inconnue jusque dans les années 2000, elle est progressivement devenue à la mode et maintenant certains la mettent à toutes les sauces. C’est pour ça que je demande à tous les gens qui pensent avoir une fibromyalgie si un médecin vraiment compétent leur a fait le diagnostic clinique du Dr Yunus.
Comment s’en débarrasser sera dans un autre post. À suivre.
Nico
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