Voyons l’analyse de B. Gay :
Il arrive à un total de 31 000 000 H/h, dont 29 000 000 H/h pour l’excavation et le transport de la terre.
Concentrons-nous sur le calcul relatif à la terre (excavation, transport et dépose) qui représente selon lui plus de 90% du temps total.
1- Les volumes
B. Gay arrive à un total de 1 245 000 m3 de terre excavée, et 1 600 000 m3 déplacée (avec la prise en compte du foisonnement). Pour arriver à cette valeur, B. Gay prend en compte les longueurs, largeurs et profondeurs de fossés citées par César, et non pas celles observées par les fouilles à Alise. Or on ne peut pas dire en même temps que les fossés d’Alise ont des dimensions qui ne correspondent pas au récit de César, et prendre en compte les dimensions de César pour démontrer que le site d’Alise aurait nécessité trop d’heures de travail.
1ère erreur : erreur de raisonnement.
Pour faire l’analyse d’Alise, il faut prendre en compte les longueurs, largeurs et profondeurs des fossés telles que déterminées par les fouilles. On arrive ainsi à environ 500 000 m3 (je vous fais grâce du calcul).
2- Les temps
Excavation de la terre
B. Gay écrit que « les manuels militaires actuels tablent sur 0,2 m3 à 0,3 m3 par heure pour un homme ».
On pourrait donc penser que B. Gay aurait pris une moyenne de 0,25 m3/h, ce qui aurait donné :
1 245 000 / 0,25 = 5 000 000 h.
Non, il a pris 0,138 m3/h (1 245 000 / 0,138 = 9 000 000).
2ème erreur : erreur de calcul, ou tromperie du lecteur qui n’aura pas vérifié le calcul
Beaucoup de valeurs de temps d’excavation de terre sont disponibles dans la littérature.
Si on prend par exemple l’expérience d’Erasmus faite en 1965 au Mexique (sous forte chaleur), on prend en compte 1,44 m3/h. De nombreuses autres expériences et valeurs données par des manuels de travaux publics donnent des valeurs voisines (Hurst, Rea, Pegoretti, Gauthey…).
Prenons par exemple les valeurs données par E.-M. Gauthey :
- 1,5 m3/h pour de la terre végétale,
- 1,1 m3/h pour de la terre franche,
- 0,5 m3/h pour de la terre dure et pierreuse.
3ème erreur : mauvaise foi, incompétence, ou les deux
En regardant les tracés des fossés, on peut estimer que la moitié est creusée dans des terrains meubles et l’autre moitié dans des terrains durs.
En prenant 1,3 m3/h pour les terrains meubles et 0,5 m3/h pour les terrains durs, cela donne une moyenne de 0,9 m3/h.
Les 500 000 m3 ont donc nécessité : 500 000 / 0,9 = 550 000 H/h. On est loin des 9 000 000 H/h de B. Gay.
Transport de la terre
Erasmus a montré que les indiens du Mexique transportaient et déposaient, sous forte chaleur, 0,63 m3/h de terre sur 50 mètres.
En prenant cette valeur, le transport des 625 000 m3 de terre (en prenant en compte un foisonnement de 25%) aurait nécessité : 625 000 / 0,63 = 1000 000 H-h.
B. Gay affirme qu’il a fallu 20 000 000 h de travail pour ce poste, soit 20 fois plus.
4ème erreur : mauvaise foi, incompétence, ou les deux
Au total, l’excavation et le transport de la terre auraient donc nécessité : 550 000 + 1 000 000 = 1 550 000 H/h, soit presque 20 fois moins que ce que donne B. Gay !
Evidemment, l’étude de B. Gay avait un objectif clair : démontrer que les troupes de César n’avaient pas pu construire leurs fortifications dans le temps imparti. Il a donc tout fait pour maximiser les temps.
La «précision scientifique» de l’analyse de B. Gay n’est qu’un leurre. C’est tout simplement une étude complètement biaisée.
Vous demandez "qu'est-ce que ça change ?", je vous répond donc : cela change tout, puisque avec des valeurs raisonnables et issues d'expériences, on démontre que les troupes de César ont pu construire l'ensemble des fortifications d'Alésia en moins d'un mois.
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