Inégalités sociales au néolithique.
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Inégalités sociales au néolithique.



  1. #1
    gunthiern
    Modérateur

    Inégalités sociales au néolithique.


    ------

    Inégalités sociales en Europe au néolithique

    Un sujet toujours d'actualité.


    https://www.academia.edu/3837526/Ega...notre_%C3%A8re

    Une remise en cause intéressante des premiers théories et classifications d'archéologues,


    -----

  2. #2
    philippedelimoges

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Bonjour à tous

    J'ai lu cet article avec intérêt. Il date un peu (1999). Si certains points on retenu mon attention, d'autres ne m'ont pas convaincu. J'ai lu sur internet d'autres articles de spécialistes qui notent eux aussi l'apparition de clivages sociaux très hiérarchisés à partir de cette période d'apparition de la métallurgie. Les données archéologiques sont indiscutables et je ne les discuterai pas. Mais les explications données sur cette évolution sociale ne sont pas claires et donc ne m'ont pas convaincu. Quelqu'un du forum aurait-il des connaissances sur ce sujet et pourrait-il apporter des arguments explicatifs sur cette évolution ?

    Cordialement

  3. #3
    philippedelimoges

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Bonjour à tous

    Je me permets de réactualiser cette discussion suite à la lecture de critiques sur un livre paru en 2017 : Emmanuel Guy : Ce que l'art préhistorique dit de nos origines - Flammarion. Si sur ce forum certains l'on lu, j'aimerai bien avoir leur point de vue.
    Personnellement, le peu que j'ai glané ci et là, m'inciterait à croire que l'auteur généralise trop ce qui a été remarqué par Alain Testart. A savoir, effectivement l'existence de sociétés de chasseur/cueilleur sédentaires, pratiquant le stockage et dont l'organisation sociale est très inégalitaire (hiérarchisation sociale nettement stratifiée). Qu'il faille admettre l'existence au mésolithique, voire à la fin du paléolithique supérieur des sociétés inégalitaires j'en conviendrais bien volontiers. Mais les conditions nécessaires à cette sédentarisation et à la possibilité de stockage alimentaire restent (me semble-t-il) marginales. La multiplicité des organisations sociales est certainement à envisager. Qu'en pensent les experts du paléolithique supérieur et du mésolithique ? Avez-vous des textes contradictoires ou qui renforcent la thèse d'Emmanuel Guy ?

    Merci pour vos réponses.

    Cordialement

  4. #4
    tezcatlipoca

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Salut Phil',

    J'ai trouvé cela : https://pm.hypotheses.org/6

    Il y a là des fils à tirer, je pense.

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    tezcatlipoca

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Pour les évolutions ultérieures du phénomène, je propose : https://www.cairn.info/revue-innovat...-1-page-11.htm

  7. #6
    philippedelimoges

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Bonjour à tous, bonjour tezcatlipoca

    Merci pour tes deux pistes de lecture. Je les ai lues avec intérêt.

    Quelques remarques sur ce sujet de "l'origine" des inégalités.
    D'abord, je pense qu'il faudrait en préalable que nous définissions correctement ce que nous entendons pas "inégalités" et quelle "type" d'inégalité nous voulons chronologiquement étudier.
    Personnellement, je pense que les inégalités au sein de notre espèce ont toujours existé. Les humains sont naturellement inégaux car nous ne sommes pas identiques. Il y a des individus plus intelligents, plus beaux, plus courageux, plus agressifs ... Et ces inégalités naturelles impactent notre vie et notre positionnement social. Il est probable que les groupes humanoïdes qui vivaient entre 6 et 3 millions d'années étaient des sociétés "inégalitaires" : il y avait des mâles et des femelles dominants. L'enjeu de cette inégalité était l'accès à la nourriture et la reproduction. Le plus fort et (aussi) le plus stratège pour établir un réseau social d'alliance exerçait une domination sur les autres. Il y avait de fait une hiérarchie sociale qui déterminait la place de chacun au sein de son groupe.
    Après 2,8 millions, il est possible qu'il y ait eu une évolution au sein du fonctionnement des sociétés humanoïdes. La raison : l'adaptation à une variabilité climatique a impliqué la recherche d'un mode alimentaire plus carnivore (pour la branche qui est à l'origine des Homo actuels) ; ce qui a pu entraîner une coopération accrue entre les partenaires d'un même groupes (prédation et partage alimentaire). Il est possible qu'au sein de groupe à effectif nettement plus réduit qu'avant, la hiérarchisation ait été amoindrie.
    Dire qu'au paléolithique moyen (300/45 000) et au début du paléolithique inférieur, que des inégalités ont été plus notables. Personnellement, je ne vois pas de différence avec la période précédente. Une exception : effectivement, vers 100 000 (très approximativement) il semble que l'expression de l'individualité soit plus marqué (apparition de parures en Europe et en Afrique). Naturellement, tout humain désire se distinguer et se valoriser. Cette quête pour la reconnaissance, d'affirmation de soi, se manifeste par des aspirations matérielles, des statuts ou des marques symboliques. Durant cette époque, il est clair qu'il y a des marqueurs symboliques. Mais ces marqueurs symboliques n'impliquent pas l'existence d'une hiérarchisation stratifiée socialement. A mon avis, les groupes humains restaient encore modestes, pour des raisons alimentaires ; néanmoins, ces groupes humains étaient probablement connectés en réseau et pouvaient se réunir de temps en temps en un lieu donné (chasse et rencontre d'accouplement).
    En revanche, la fin du paléolithique inférieur et durant le mésolithique, deux phénomènes apparaissent avec la fin de l'âge glaciaire : une hausse démographique et une adaptation alimentaire à un nouveau système écologique. Adaptation qui a pu impliquer une moindre collaboration dans la chasse (petit gibier et utilisation de l'arc). Il est probable que, dans des lieux propices (ce qui n'est pas le cas partout), des sociétés se soient sédentarisées. Cette sédentarisation implique une possibilité de stockage.

    On peut alors se poser la question si ce n'est pas durant cette époque qu'une autre forme d'inégalité est apparue, ci et là : une hiérarchisation sociale héréditaire qui amorce de facto une stratification sociale entre des supérieurs et des inférieurs fondée sur une possession matérielle transmissible à sa descendance (certains possédant plus que d'autres).

    Cette autre forme d'inégalité diverge de la précédente sur deux points : (1) la hiérarchie première était fondée sur l'aptitude de l'individu à s'imposer au sein de son groupe et cette aptitude n'était pas transmissible à sa descendance ; (2) la hiérarchie seconde fondée sur la possession de biens pouvant entretenir (par distribution) un réseau d'influence, elle est transmissible à la descendance (quelque soit les aptitudes de cette descendance) parce que cette descendance conserve l'avantage d'hériter les biens de ses aînés.
    Qui dit assise sociale dominante dit nécessairement proximité avec le pouvoir religieux. Renforçant l'influence des dominants socialement.

    Pour ma part, je pense que la piste haute d'une origine des inégalités "héréditairement stratifiées" est à méditer. Quant à la version basse (époque de la métallurgie) de cette stratification sociale, je pense (peut-être à tort) qu'elle n'est qu'une accentuation d'un phénomène préexistant. Cette accentuation résultant de la spécialisation de catégories d'individus dans des tâches définies (techniques, religieuses, guerrières) ; spécialisations qui naturellement se transmirent héréditairement. Auquel vint s'ajouter une organisation sociale de type pyramidale (avec à son sommet un chef), justifiée par la nécessité de réguler des sociétés démographiquement plus importante.

    Voilà mon point de vue - qui pourra évoluer selon les lectures et surtout selon les découvertes archéologiques car toute construction théorique doit partir des faits et s'accorder dans ses analyses avec les seuls faits.

    Cordialement

  8. #7
    tezcatlipoca

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Bonsoir,

    Toujours dans l'idée d'alimenter tes réflexions :

    https://www.latribune.fr/opinions/tr...es-764640.html

    A+

  9. #8
    gunthiern
    Modérateur

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Citation Envoyé par tezcatlipoca Voir le message
    Bonsoir,

    Toujours dans l'idée d'alimenter tes réflexions :

    https://www.latribune.fr/opinions/tr...es-764640.html

    A+
    Effectivement la possession du cheval en combat, en seigneuries lors de montres ou de reformation a toujours été un facteur de richesse


  10. #9
    gunthiern
    Modérateur

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    De nos jours la Voiture
    a remplacé le cheval
    et c'est là une flagrante évaluation visuelle de l'inégalité,
    encore que voiture puissante peut signifier richesse mais pas toujours

  11. #10
    philippedelimoges

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Bonsoir à tous, bonsoir tezcatlipoca

    Lu l'article. Plusieurs réflexions :
    (1) Il me semble que l'utilisation de la traction animale pour le travail agricole (araire) et le transport est tardif (IV° millénaire en Mésopotamie). Pour le cheval la domestication remonte à ce même IV millénaire (mais il semble que son utilisation pour le transport remonte au millénaire suivant). Or, il me semble qu'il y a de notables inégalités (démontrées archéologiquement) avant le IV millénaire.
    (2) En revanche, on peut se demander si la domestication animale (pour la nourriture) ne serait pas LA grande différence entre l'Eurasie/Afrique et l'Amérique au sujet d'un écart comparatif des richesses : entre un surplus de blé et un troupeau de vaches, à mon avis c'est le troupeau de vache qui est plus source de prestige et de richesse en potentiel d'échange et de distributivité (repas en commun et offrande à la divinité). Pour que le surplus de blé représente un intérêt économique (et de richesse) il faut qu'il y ait une organisation qui centralise ce surplus de récolte.
    En outre, un homme peut difficilement avec une houe entretenir un grand espace. Donc son espace "privé" ne peut qu'être limité. En revanche, l'espace pour entretenir des animaux domestiques est nécessairement plus vaste.

    Autres (oublié dans mon précédent post) :
    (1)Le cas de la tombe de Sungir, en Russie n'est pas une preuve d'une haute origine des inégalités (un homme adulte qui a été inhumé il y a 25 000 ans avec une vingtaine de bracelets en ivoire, un bandeau de tête et des vêtements rehaussés de quelque 3 500 perles cousues, soit - selon les experts des milliers d’heures de travail). D'abord, les chasseurs cueilleurs avaient plus de loisirs que nous (j'ai lu que le temps consacré à la quête alimentaire quotidienne devait être environ de 5 heures par jour). Il devait bien s'occuper à faire d'autres choses ...
    En revanche, je reconsidère mon propos précédent : une forme de stockage a pu existé (dès 100 000 ?) --> accumulation de coquillages pour réaliser des parures - accumulation parfaitement transmissible de génération en génération.
    (2) Paradoxalement, les débuts de l'agriculture ont pu favoriser une forme d'égalitarisme : une famille ne pouvant approximativement cultiver qu'une même surface. L'article laisse à penser qu'il y a eu un certain temps entre l'invention de l'agriculture et l'amorce notable d'une hiérarchisation économique de la société. La pression démographique en s'accentuant a pu déséquilibrer cette apparence égalité. La domestication animale a pu elle aussi participer à cette évolution.

    Bref, rien d'arrêté ...

    Cordialement

  12. #11
    cherallier
    Animateur archéologie

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Citation Envoyé par philippedelimoges Voir le message
    Bonsoir à tous, bonsoir tezcatlipoca


    Autres (oublié dans mon précédent post) :
    (1)Le cas de la tombe de Sungir, en Russie n'est pas une preuve d'une haute origine des inégalités (un homme adulte qui a été inhumé il y a 25 000 ans avec une vingtaine de bracelets en ivoire, un bandeau de tête et des vêtements rehaussés de quelque 3 500 perles cousues, soit - selon les experts des milliers d’heures de travail). D'abord, les chasseurs cueilleurs avaient plus de loisirs que nous (j'ai lu que le temps consacré à la quête alimentaire quotidienne devait être environ de 5 heures par jour). Il devait bien s'occuper à faire d'autres choses ...

    Bref, rien d'arrêté ...

    Cordialement
    Bonjour,
    Je rebondis juste sur l'action de chasse. Oui peut-être 5 heures par jour mais en guise d'occupation annexe, cela devait bien tourner autour de la chasse et cela devait bien les occuper le restant de la journée, juste quelques exemples:
    - Recherches de matières brutes pour les outils et notamment les armatures de flèches, couteaux, grattoirs...
    - Tailler les outils pour les préparer en vue de la chasse, monter les flèches...

    Après la chasse beaucoup d'occupation aussi:
    - à commencer par le dépeçage du gibier.
    - préparation des peaux pour le tannage ou la conservation des peaux et même si certains veulent considérer qu'il s'agissait peut-être d'un "travail essentiellement féminin" tout le monde devait participer un peu y compris le chasseur, c'est un travail en famille au même titre que les femmes devaient participer aussi au rabattage du gibier dans certains cas. C'est la survie pour tous.
    - après une chasse, les armes sont souvent endommagées: armatures de flèches brisées ou émoussées. Il faut les retoucher, les reprendre bref les réaffûter si ce n'est les refaire. Pour refaire une flèche, il y a naturellement la prospection et taille du silex, ils pouvaient avoir de la matière en stock mais sûrement pas indéfiniment, tailler du bois pour la hampe, l'empennage...Chercher et préparer par exemple de l'écorce de bouleau pour la bétuline qui servait de colle aux assemblages ligaturés (flèches, couteaux...). Lorsque l'on voit une représentation d'un chasseur qui tend son arc pour chasser, on imagine pas toujours le travail en amont.

    La chasse engendre une grosse préparation et une remise en état du matériel quasiment permanente.
    Je ne sais pas s'ils se levaient au champ du coq et se couchaient comme les poules mais ils devaient bien être occupés durant la journée.

    Et pour en revenir à l'esprit de la question initiale: Une seule famille de 4-5 individus c'est compliqué à survivre, un petit groupe de 4-5 familles, l'entraide est déjà meilleure, après pour un clan, cela demande une organisation et même une hiérarchisation. S'il y a hiérarchisation il y aura des inégalités entre la part du chef, des chasseurs et la part de la famille qui ne peut pas (plus) forcément participer. Ils devaient sûrement avoir une certaine solidarité (mort du chasseur d'une famille) et s'entraidaient mais les différences sur les bouches à nourrir devaient bien se faire sentir. Au-delà de la perte d'un être cher, la famille qui restait devait se retrouver dans une position sociale non (peu) participative qui rendait la survie précaire, elle devait payer en premier la moindre pénurie alimentaire.

  13. #12
    philippedelimoges

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Bonjour à tous, bonjour cherallier

    Tout à fait d'accord sur le temps occupé hors temps de chasse effectué. Le mot "loisir" n'est pas judicieux : il convient plus à notre société actuelle de divertissement.
    Néanmoins, nos ancêtres du paléolithique supérieur réalisaient des activités qui n'étaient pas seulement utilitaires - ex. les objets décorés ou décoratifs (genre Vénus) ou invention de flûtes ...

    Cordialement

  14. #13
    cherallier
    Animateur archéologie

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Citation Envoyé par philippedelimoges Voir le message
    Bonjour à tous, bonjour cherallier

    Tout à fait d'accord sur le temps occupé hors temps de chasse effectué. Le mot "loisir" n'est pas judicieux : il convient plus à notre société actuelle de divertissement.
    Néanmoins, nos ancêtres du paléolithique supérieur réalisaient des activités qui n'étaient pas seulement utilitaires - ex. les objets décorés ou décoratifs (genre Vénus) ou invention de flûtes ...

    Cordialement
    Bonjour,
    Bien sûr qu'ils devaient avoir quelques instants récréatifs et même cultuels. Il fallait sculpter des objets, si on prend juste l'exemple de la Vénus de Brassempouy, il a dû y passer du temps le gars ! A commencer par se faire des outils appropriés etc.
    Une entorse ou une jambe cassée si elle n'entrainait pas la mort elle devait bien immobiliser pour la chasse et le blessé de travailler en atelier de taille ou de sculpture. La météo pouvait aussi sûrement les bloquer à l'abri s'il y avait de quoi manger, ils devaient attendre quelques accalmies sous abris et ils ne regardaient pas la télé en attendant !!

  15. #14
    tezcatlipoca

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Bonsoir,

    A l'origine des sociétés :

    https://www.scienceshumaines.com/com..._fr_21696.html

  16. #15
    gunthiern
    Modérateur

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Merci tezcat,
    très intéressant

  17. #16
    philippedelimoges

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    re-merci tezcatlipoca

    Ajout (ne pas négliger cet aspect ...) : https://www.scienceshumaines.com/soi..._fr_26762.html

  18. #17
    CDarmangeat

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Bonjour

    Je me permets de signaler la tenue, en octobre prochain, d'un colloque sur la question de l'éventuelle existence d'inégalités de richesse dès le Paléolithique récent, à l'initiative d'Emmanuel Guy (dont il est quastion dans cette discussion) et de moi-même.
    Tous les renseignements sont sur le site du colloque (www.paleo-inegalites.net), et les débats sont ouverts au public (nous ferons de notre mieux pour les filmer et les mettre sur le site).
    Amitiés

    Amitiés

  19. #18
    gunthiern
    Modérateur

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Merci Darmangeat
    voici une photo que j'ai prise sur lascaux, 18 000 ans je crois une parure de jeune 15 ans?
    époque paléo avec de mutiples coquillages venant de méditerranée ,
    Inégalité flagrante à cette époque
    Images attachées Images attachées  

  20. #19
    philippedelimoges

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Bonjour à tous,

    Merci à Christophe DARMANGEAT pour son intervention sur ce forum et sur ce thème. Ce colloque annoncé sera sans aucun doute riche en information. Je me permets - et j'espère qu'il ne m'en voudra pas - de communiquer aux forumeurs de Futura mes premières lectures, en lien avec le contenu de cette discussion. Elles se rapportent d'abord à des réflexions de Dominique HENRY-GAMBIER.
    (1) une intervention filmée de 2018, où elle fait un état des lieux du nombre de sépulture par période au paléolithique supérieur
    https://vimeo.com/282488710
    (2) un article un peu ancien (donc potentiellement caduc) : Dominique Henry-Gambier, « Comportement des populations d’Europe au Gravettien : pratiques funéraires et interprétations », PALEO, 20 | 2008, 399-438. Accessible en ligne : https://journals.openedition.org/paleo/1632

    De cet article, je retiens ces passages :
    « doit-on considérer le petit nombre de sépultures, comme la preuve d’une hiérarchisation des sociétés gravettiennes, les inhumés appartenant à un groupe social privilégié ? En l’absence de toute connaissance sur les autres dispositifs de gestion des morts, il est impossible de répondre, sauf si l’on attribue une valeur particulière à l’inhumation. »
    « Les sépultures les plus riches (Soungir 1-3, Brno 2, Malt’a, Arene Candide 1) marqueraient l’appartenance des défunts à un groupe social privilégié ? Cette approche implique un jugement à l’aune des critères actuels de valeur. En second lieu, l’importance relative du mobilier « constitue une base très fragile pour argumenter de la différenciation sociale au Paléolithique », le dépôt de mobilier autour des défunts pouvant relever de multiples causes (Testart 2004 - p. 184). En outre, l’abondance et la « qualité » du mobilier et de la parure des sépultures les plus dotées d’Europe centrale et orientale pourraient tout aussi bien marquer une évolution chronologique des pratiques dans cette région, puisque les sépultures les plus pauvres sont aussi les plus anciennes. En Italie, l’écart de « richesse », en réalité peu marqué, pourrait renvoyer à une diversification régionale, des centaines de km séparant les sépultures de Ligurie de celles du sud de l’Italie. »
    « L’hypothèse d’une hiérarchisation des sociétés gravettiennes, souvent avancée à partir des inégalités de richesse du mobilier ou de la fonction supposée de certains défunts, n’est pour l’instant pas démontrée. Aucune des tombes multiples ne peut être rattachée de manière probante à des pratiques telle que l’accompagnement hiérarchique ou le sacrifice. »

    J'ajouterai enfin ceci (remarque intéressante) : « En Europe centrale et orientale, les sépultures proviennent de grands sites de plein air occupés par des groupes pour lesquels l’exploitation du mammouth joue un grand rôle (Svoboda 2003). La richesse et l’extension de ces sites évoquent des formes de « sédentarité » ou au moins des occupations répétées et longues par des groupes importants. »

    Bref, en Europe et au Gravettien (31 000 à 22 000 ans BP), une hiérarchisation inégalitaire n'est pas démontrée. Je tiens à préciser que la richesse des parures vestimentaires - qui sont une forme de stockage - ne prouve pas l'existence d'inégalité stratifiée. Elle atteste avant tout de la volonté de l'individu de se singulariser par des matérialités symboliques. Dans notre société contemporaine, on peut appartenir à une classe sociale très modeste et avoir une voiture clinquante et "tunée" pour faire forte impression ... Néanmoins, je le reconnais le travaille minutieux d'objets "perlés" (coquillage, dents ou autres) questionne. Leur possibilité d'objet d'accumulation, d'échange et de prestige n'est pas à exclure.

    Cordialement

  21. #20
    philippedelimoges

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Bonjour à tous

    Ajout de remarques et de lectures (en lien avec le sujet) :

    (1) lectures :
    Critique du livre de Brian Hayden : L’homme et l’inégalité. L’invention de la hiérarchie durant la Préhistoire — CNRS Editions 2008
    https://pm.hypotheses.org/6
    Critique de Alain Testart et de Emmanuel Guy par Christophe Darmangeat : Art, sédentarité, inégalités : la Hutte des Glaces au Palélothique supérieur ? - L'Homme 2018/3-4 (N° 227-228), pages 113 à 122
    https://www.academia.edu/38371344/Ar...up%C3%A9rieur_
    Sur deux sépultures magdaléniennes - qui seraient selon les auteurs des indicateurs possibles de l'existence dès cette époque d'élite sociale et de lignage :
    - l'une de 15 500 BP : Marian Vanhaeren and Francesco d’Errico, « Le mobilier funéraire de la Dame de Saint-Germain-la-Rivière (Gironde) et l’origine paléolithique des inégalités », PALEO, 15 | 2003, 195-238. --> https://journals.openedition.org/paleo/1293
    - l'autre de 10 500 BP : Marian Vanhaeren and Francesco d’Errico, « La parure de l’enfant de la Madeleine (fouilles Peyrony). Un nouveau regard sur l’enfance au Paléolithique supérieur », PALEO, 13 | 2001, 201-240. --> https://journals.openedition.org/paleo/1058

    (2) Remarques personnelles :
    - l'expertise technique n'est pas une preuve de l'existence d'une répartition des tâches (mono activité) et d'un hiérarchisation sociale. Effectivement, il est très vraisemblable que les "artistes" des grottes ornées étaient expérimentés. Ce ne serait donc pas n'importe qui qui aurait été peinturlurer les parois. A noter : ces "experts" ont eu sûrement loisir d'exercer leur technique sur biens des supports disparus (peaux, bois, pierre ...), entre deux chasses et autres occupations (linge, repassage ...).
    - le stockage alimentaire n'est pas une preuve suffisante aussi. Que ce genre de stockage ait existé dès le moustérien, certes (cf. Marie-Cécile Soulier et Sandrine Costamagno : Le stockage alimentaire chez les chasseurs-cueilleurs paléolithiques - Techniques & Culture 2018/1 (n° 69), pages 88 à 103). Mais tout stockage alimentaire n'implique pas une différenciation de richesse au sein d'une communauté.
    - les parures en nombre, potentiellement choisies pour être esthétisantes, sont aussi, effectivement, un indice possible de hiérarchisation sociale (mettre en parallèle le nombre de plumes sur la coiffe des indiens d'Amérique). Les 2 sépultures magdaléniennes (et celles de Sungir) interrogent ... Mais elles peuvent être seulement aussi le signe d'un statut qui singularise (ex. un chaman à qui ont fait des dons pour avoir accès à son pouvoir). Pour autant, ce statut particulier - respecté - ne lui donne pas une supériorité hiérarchique sur le groupe.
    - la question démographique doit aussi se poser dans le cadre d'une hiérarchisation sociale : une communauté restreinte, ayant pour noyau une simple parentelle n'aura pas d'élite dominante ; en revanche, une communauté large, associant des parentelles éloignées, implique une structuration hiérarchique de gestion du groupe et donc la formation d'une élite.


    Cordialement
    Dernière modification par philippedelimoges ; 23/04/2019 à 22h35.

  22. #21
    philippedelimoges

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Oups ! ... Vu rapidement hier soir que la première lecture avait été déjà indiquée par tezcatlipoca ... (#4) mille excuses
    Autre : l'intervention de Dominique HENRY-GAMBIER date de 2014 et le lien est : https://www.youtube.com/watch?v=FgJVns84AZQ

    Cordialement

  23. #22
    gunthiern
    Modérateur

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Bonjour ,
    on en parlait le mois dernier en conférence

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Tumulus_Saint-Michel

    il est quasi certain que ce genre de tumulus ait été construit pour une caste de privilégies , reste à savoir lesquels ?

  24. #23
    philippedelimoges

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Bonjour à tous,

    Dans la continuité de cette discussion, une conférence en ligne d'Emmanuel Guy du 3 juin 2019, qui analyse la production artistique du paléolithique supérieure comme un vraisemblable témoignage de l'existence de sociétés inégalitaires : http://www.museedelhomme.fr/fr/au-pr...-origines-3740

    Je ne suis pas d'accord avec ses hypothèses :
    (1) l'art naturaliste Aurignacien (43/31 000 BP) et Magdalénien (17/12 000 BP), certes est vraisemblablement le produit de personnes expérimentées. Pour autant, je ne crois pas qu'on puisse le considérer comme un art ostentatoire ou de prestige pour confirmer/légitimer le pouvoir d'une élite.
    (2) je ne vois pas d'héraldique dans le choix des animaux dans les grottes.

    Cet art naturaliste, à mon avis, s'inscrit dans une conception vitaliste de l'image. Celle-ci doit représenter une symbolique spirituelle de la vie, telle qu'elle était perçue par les hommes de cette époque. Il y a avant tout de la spiritualité dans cet art.
    Néanmoins, le social n'y est pas absent. Cet art très complexe doit probablement s'inscrire dans un contexte communautaire. On peut se se demander si ces lieux sacralisés par ces productions n'étaient pas des points de rassemblement de groupes le plus souvent éparpillés. Ces lieux seraient alors des points (sanctuaire ... j'ose) fédérateurs, unifiant et transcendants des groupes familiaux divers.

    Cordialement

  25. #24
    JPL
    Responsable des forums

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    La vision que tu "oses" me semble, de mémoire, proche de celle de Jean Auel dans ses romans.
    Rien ne sert de penser, il faut réfléchir avant - Pierre Dac

  26. #25
    vanos

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Citation Envoyé par JPL Voir le message
    La vision que tu "oses" me semble, de mémoire, proche de celle de Jean Auel dans ses romans.
    Les romans de Jean Auel sont sensés se passer au paléolithique, notablement différent du néolithique.
    Connais toi toi-même (Devise de Socrate inspiré par Thalès)

  27. #26
    JPL
    Responsable des forums

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Je sais bien mais mon message se référait à celui de philippedelimoges qui parlait du paléolithique.
    Rien ne sert de penser, il faut réfléchir avant - Pierre Dac

  28. #27
    philippedelimoges

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Bonsoir à tous, bonsoir JPL,

    Je ne connaissais pas Jean Auel. Par contre, j'avais en tête Maurice Godelier et des travaux de préhistoriens sur les déplacements des communautés dans le sud-ouest de la France (je ne retrouve pas mes références ...).

    Cordialement

  29. #28
    vanos

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Citation Envoyé par philippedelimoges Voir le message
    Bonsoir à tous, bonsoir JPL,

    Je ne connaissais pas Jean Auel.
    C'est une romancière (oui c'est une femme, son prénom se prononce "jîn") qui a écrit une série de romans : "Les Enfants de le Terre" décrivant les aventures d'Alya. Cela se passe au paléolithique, on y trouve des descriptions de la vie de l'époque assez intéressants et aussi des conflits avec les néandertaliens encore présent alors.
    Connais toi toi-même (Devise de Socrate inspiré par Thalès)

  30. #29
    philippedelimoges

    Dernière modification par philippedelimoges ; 25/10/2019 à 21h25.

  31. #30
    gunthiern
    Modérateur

    Re : Inégalités sociales au néolithique.

    Merci philippe supers documents

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