D’après la thèse de Jeanne Hersh, toute philosophie part d’un étonnement, c’est-à-dire d’une métabolisation d’une situation vécue en questionnement. L’existence est le domaine des questions. La pensée est le domaine des réponses. Mais nul n’est obligé d’être étonné, de s’interroger, de penser. Pour ma part personnelle, je dois confier que plus rien ne m’étonne et que l’homme, autant que la nature et la société ne recèlent plus aucun mystère excepté le fait qu’il y ait de l’étant plutôt que rien et que cet étant s’offre à la compréhension des origines et des fondements. Donc, philosopher est devenue une tâche ennuyeuse. A quoi pourrait bien servir la philosophie ? Pour certains, elle est une profession qui ouvre un droit à une rémunération convenable jusqu’à la mort, pour d’autres un divertissement, pour les plus opportunistes, une marchandise. La philosophie ne transforme plus le monde au sens de Marx. Elle peut à la limite jouer un rôle de désacralisation lors d’une lutte symbolique pour peu qu’il y ait un ring avec des spectateurs. Pour mon compte personnel, ce que je me souhaite, c’est de faire comme Billy Graham et d’utiliser la philosophie comme marchandise qu’on diffuse avec des hauts-parleurs. Mais bon, la philosophie ne peut rivaliser avec la vieille religion qui fait vendre pour peu qu’on ait des talents de prédicateurs et donc de beau-parleur. La philosophie du vendre dit spéculatif (2 centimes d’euros !). Le spéculatif embrouille les âmes qui préfèrent être anesthésiées par les bonnes paroles évangéliques. La philosophie m’ennuie. Tout a été déjà dit et compris, le reste j’en ai fait mon affaire.

La philosophie ne peut agir sur le monde, elle ne peut le transformer, elle n’a pas de plan ou d’architecture ou de feuille de route ou de signalisation à proposer. La philosophie ne se confond pas avec un code de la route, en dépit de ce rôle que certains voudraient lui faire jouer. République idéale, conduite idéale, non merci Messieurs Platon et Kant !

La philosophie est tout au plus un sa-Voir. Elle permet de voir intellectuellement ce que sont les choses du monde, de la société, de la nature, pour peu qu’elle fasse un pacte avec les sciences spécialisées dont les formalismes constituent autant de facettes qu’il existe de point de vue pour ouvrir les régions de l’étant avec les ouvres-boîtes technologiques. On mesure, on trace des formes, on observe les œuvres, surtout on lit. Le langage est un ouvre-boîte des plus performants avec l’Art, le vrai, l’authentique. L’Art conceptuel est un ouvre-boîte spécial qui ouvre vers l’insignifiant et le vide. Pure représentation de la vacuité existentielle et du rôle social que les politiques affichent pour faire accroire à leurs intentions culturelle.

De nos jours, on ne peut plus assigner à la philosophie ce dernier rôle à jouer, celui de livrer l’accès au sa-Voir, vu que rien de sert de savoir, pour peu qu’on sache consommer à point les marchandises. On célèbre encore l’eucharistie du concept à la Sorbonne. Moi, je me demande si on pourrait se présenter aux abords de cette vénérable institution pour y vendre des statuettes en plastique fluorescentes figurant Kant ou Platon. Chacun aura chez lui une part de la lumière qui éclaire le monde. Même que je pourrais créer un holding avec les sociétés gestionnaires de Lourdes, pour fabriquer les statuettes au meilleur coût.

La philosophie reste un sa-Voir. Récemment, j’ai lu les nouveaux possédés d’Ellul ce qui m’a confirmé dans mes vues tout en m’éclairant sur des situations sue mais pas encore pensées nettement. « § 1 §» Mon intuition s’est cristallisée dans l’intellect. Et je suis devenu un peu plus philosophe, notamment pour les questions relatives au monde contemporain et à la croissance spirituelle des individus en société, enfin, croissance ne signifiant pas que l’âme humaine pousse droit, loin s’en faut, elle est soumise aux superstitions, aux croyances, au sacré, aux fétichismes, aux dévotions. « § 2 § » Si de l’intellect je monte dans l’Intuition, alors c’est ma foi qui s’éveille et je deviens un peu plus contemplatif. (oui je sais, Plotin l’a déjà dit et Alice Bailey l’a redit) Que demander de plus à la philosophie ?

En fin de compte, ce n’est peut-être pas la philosophie qui m’ennuie mais le désert philosophique qui croît. Je ne sais pas quoi faire de toute cette philosophie. Arroser le désert ne sert à rien, que des bonnes paroles, qui s’enfoncent dans le sable des âmes pour diffuser dans le néant akashique et servir d’arômes aux nappes phréatiques de la mémoire humaine.