Âge de l'univers, observation et vitesse de la lumière
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Âge de l'univers, observation et vitesse de la lumière



  1. #1
    inviteb1fb5b06

    Âge de l'univers, observation et vitesse de la lumière


    ------

    Bonjour à tous.
    Voilà plusieurs années que je me pose une question et j'ose enfin venir la poser. C'est surement une question idiote et si c'est le cas, j'espère que vous pardonnerez ma naïveté et/ou mon manque de connaissance.
    Voilà, quand on dit que nous recevons la lumière d'étoile vieille de 4 milliards d'années, ne présupposons-nous pas que l'univers avait la taille qu'il a actuellement ? En effet, il y a 4 milliards d'années, l'univers était plus petit qu'il n'est et s'il grandit moins vite que la vitesse de la lumière, la lumière d'il y a quatre milliards d'années n'aurait-elle pas dû atteindre les limites de l'univers connu ?
    Du coup, pour cette vieille lumière que se passe-t-il, rebondit-elle sur une "limite" de la réalité ? Et la datation des étoiles ne devrait-elle pas être corrigée d'un facteur de temps relatif à la vitesse d'expansion de l'univers ?
    Dans le fond, je ne sais pas si ma question est claire, l'idée qu'elle recouvre ne l'étant pas complètement pour moi.
    Vous remerciant par avance pour vos lumières !

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  2. #2
    Gilgamesh
    Modérateur

    Re : Âge de l'univers, observation et vitesse de la lumière

    Citation Envoyé par inaden Voir le message
    Voilà, quand on dit que nous recevons la lumière d'étoile vieille de 4 milliards d'années, ne présupposons-nous pas que l'univers avait la taille qu'il a actuellement ? En effet, il y a 4 milliards d'années, l'univers était plus petit qu'il n'est et s'il grandit moins vite que la vitesse de la lumière, la lumière d'il y a quatre milliards d'années n'aurait-elle pas dû atteindre les limites de l'univers connu ?
    Du coup, pour cette vieille lumière que se passe-t-il, rebondit-elle sur une "limite" de la réalité ? Et la datation des étoiles ne devrait-elle pas être corrigée d'un facteur de temps relatif à la vitesse d'expansion de l'univers ?
    Dans le fond, je ne sais pas si ma question est claire, l'idée qu'elle recouvre ne l'étant pas complètement pour moi.
    Vous remerciant par avance pour vos lumières !
    Les 4 milliards d'années ne représentent pas une distance comme tu le dis bien, mais le temps de parcours de la lumière. Ça nous dit combien de temps la lumière a voyagé pour arriver jusqu'à nous. Cela ne signifie pas que la source était à 4 Gly (distance dite radiale), ni qu'elle est aujourd'hui à cette distance (distance dite comobile). Car dans un univers en expansion, les notions de distances qui sont univoque dans un espace statique donnent naissance à 4 concepts distincts.

    les différentes notions de distances en cosmologie

    _____
    note :
    y: year (année), ly : light year (année-lumière), 1 Gly = un milliard d'années-lumière, 1 Mly = un million d'années-lumière.
    _____

    1- La première notion de distance est en fait un temps : le temps de trajet du photon (ou temps de regard en arrière, lookback time in english). C'est celle qui est donnée usuellement, en années-lumière. Il s'agit bien d'années qu'a passé le photon dans l'espace, pour nous parvenir. Mais à quelle distance en mètres cela correspond ?

    Dans un univers en expansion, il n'y a pas de définition univoque de la distance, il y en a deux (plus une troisième qu'on verra après).

    2- la distance entre les objets au moment de l'émission du photon (distance dite angulaire) Da
    3- la distance entre les objets au moment de la réception du photon (distance dite comobile) Dc.

    La distance angulaire Da est ainsi nommée parce que c'est celle qu'il faut prendre en compte pour juger de la taille angulaire de l'objet-source sur la voute céleste. L'angle alpha sous lequel on observe l'objet de taille h est :


    (pour les petits angles)


    Donc, quand le photon a été émis, la source était la la distance Da de l'endroit où nous sommes. Et à ce moment là, le taux d'expansion H(t) était plus élevé que maintenant. Le photon "remonte" donc un "flot d'espace" comme un saumon remonte la rivière (à une vitesse propre constante : c) pour arriver jusqu'à nous. On conçoit que si l'intégrale sur le temps de trajet du courant d'espace qui s'écoule sur les flancs du saumon excède ct, il ne progresse pas, mais recule et ne parvient jamais à l'observateur.

    Donc, notre photon-saumon progresse, c'est-à-dire qu'à chaque instant, la distance entre lui et sa "cible" (l'observateur futur) diminue. Mais bien sûr elle diminue bien plus lentement que ct puisque à chaque instant la distance augmente de Hd entre le photon situé à la distance d et l'observateur futur. Quand d et H était maximal (donc à l'émission) la progression était minimale. Puis, peu à peu, le photon-saumon progresse de plus en plus efficacement vers l'observateur, car la distance d diminue (c'est la principale raison) ainsi que le taux d'expansion.

    En même temps qu'il progresse difficilement vers le futur observateur, la distance qui le sépare de sa source augmente plus vite que ct. Car en plus de la distance parcourue par les moyens propres du photons (soit ct) il faut ajouter la distance que rajoute l'expansion. Quand le photon-saumon regarde dans son rétroviseur, il voit une source qui s'éloigne de plus en plus vite de lui, quoique sa vitesse propre soit constante.

    Quand il arrive à l'observateur et achève sa glorieuse (quoique monotone) existence sur la rétine de l'observateur, il a parcouru par ses moyens propres ct = 13 Gly mais la source est bien plus éloignée que cela désormais. Et cette distance réelle est ce qu'on appelle la distance comobile. C'est la distance à laquelle se trouve aujourd'hui la source, après 13 Gy d'expansion.

    Le ratio entre Da la distance angulaire (à l'émission) et Dc la distance comobile (à la fin du trajet) est extrêmement simple à calculer, il est égal par définition au facteur d'expansion a0/a = 1 + z, a0 étant n'importe quelle distance mesurée aujourd'hui et a la même distance au moment de l'émission, z étant le décalage vers le rouge.




    4- Distance de luminosité
    Les objets lointains nous apparaissent comme étant très proches (Da relativement petit) mais par contre il sont beaucoup moins lumineux que ce que leur taille angulaire pourrait laisser supposer, car le photon-saumon en luttant contre le flot d'espace qui défilait sous lui, a perdu du 'gras', c'est à dire de l'énergie. Il arrive exténué à l'observateur : c'est le décalage vers le rouge z. De façon totalement équivallente, ça nous fait mesurer la température de la source du rayonnement plus froide qu'à l'émission. On définit donc une distance de luminosité Dl qui est celle qu'il faut prendre en compte pour savoir combien d'énergie va arriver au récepteur depuis la source. C'est Dl qui nous donne la magnitude de l'objet. Là encore c'est très facile à calculer avec le z :




    Ainsi, un objet qui nous parait, d'après sa taille être situé à mettons Da = 1 Gly avec un z = 6 est situé aujourd'hui à une distance de Dc = 1 Gly * (1 + 6) = 7 Gly et l'énergie qui nous en parvient est la même que s'il était situé à 1 Gly (1 + 6)² = 49 Gly.


    Pour savoir quel est le temps de regard en arrière (ou temps de trajet du photon), il faut intégrer H(t) et cela dépend cette fois ci du modèle d'expansion que l'on choisit.
    Dernière modification par Gilgamesh ; 26/06/2016 à 19h41.
    Parcours Etranges

  3. #3
    inviteb1fb5b06

    Thumbs up Re : Âge de l'univers, observation et vitesse de la lumière

    Merci pour cette réponse très complète.
    Je vais encore la relire deux trois fois pour tenter de bien la comprendre.
    J'imagine qu'en plus de tout cela, il doit falloir prendre aussi en compte les déformations temporelles dues aux masses qui se trouvent sur le chemin du saumon et vraisemblablement d'autres critères dont je n'ai pas idée et qui échapperont surement à ma compréhension.
    Si j'ai bien compris, jusqu'ici on doit (théoriquement) pouvoir voir tout ce qui se situe dans l'espace après le moment où la lumière peut s'échapper du magma initial. Mais si les photons (tant bien que mal) réussissent à remonter l'espace-temps qui gonfle, comment ce fait-il qu'ils n'échappent pas à notre univers ? J'imagine que ce pseudo-paradoxe provient d'une vision par trop euclidienne de la structure de notre univers dont les bords n'en sont pas !

    Quoi qu'il en soit, je vais cogiter sur cette quadruple notion de distance et essayer de l'intégrer. Les vulgarisations scientifiques utilisent le plus souvent (en tout cas, celles que j'ai croisées) un raccourci par trop simpliste de "plus le photon met de temps, plus c'est loin" qui, s'il est certes vrai, n'en est pas moins bien loin de la réalité.
    Et encore merci pour cette réponse vraiment très complète !

  4. #4
    Gilgamesh
    Modérateur

    Re : Âge de l'univers, observation et vitesse de la lumière

    Citation Envoyé par inaden Voir le message
    Merci pour cette réponse très complète.
    Je vais encore la relire deux trois fois pour tenter de bien la comprendre.
    J'imagine qu'en plus de tout cela, il doit falloir prendre aussi en compte les déformations temporelles dues aux masses qui se trouvent sur le chemin du saumon et vraisemblablement d'autres critères dont je n'ai pas idée et qui échapperont surement à ma compréhension.
    La trajectoire du rayon lumineux peut effectivement être courbée par effet de lentille gravitationnelle du fait de la présence de grandes masses (amas de galaxie) s'interposant entre la source et l'observateur. C'est un effet tout à fait secondaire (quoique précieux pour les astrophysicien, car ça leur permet de mesurer la masse de la lentille et ça amplifie l'intensité lumineuse de la source), vous pouvez en effet en faire abstraction dans un premier temps.

    Si j'ai bien compris, jusqu'ici on doit (théoriquement) pouvoir voir tout ce qui se situe dans l'espace après le moment où la lumière peut s'échapper du magma initial. Mais si les photons (tant bien que mal) réussissent à remonter l'espace-temps qui gonfle, comment ce fait-il qu'ils n'échappent pas à notre univers ? J'imagine que ce pseudo-paradoxe provient d'une vision par trop euclidienne de la structure de notre univers dont les bords n'en sont pas !
    L'expansion de l'univers ne désigne pas le phénomène par lequel une boule de plasma venu d'on ne sait où serait apparue au milieu de nulle part et aurait pris son expansion dans un grand espace vide préexistant qui attendait sagement depuis des éons qu'un fiat lux advienne. C'est une expansion de l'espace. Un création d'espace.


    Une façon de se représenter la chose :

    Considère la pièce ou la maison dans laquelle tu te tiens. Prenons une grande pièce de 10x10x10 mètres pour faire simple. Considère ce petit cube d'espace de 1000 m3. L'Univers visible fait en compte rond 1080 m3. Il contient donc 1077 petits cubes semblables, de 1000 m3 chacun. Considère les individuellement : chacun de ces cubes faisaient déjà partie de l'univers à sa naissance, simplement ils ont grandit depuis.

    Pour le dire de façon à peine plus formelle, commence par couvrir mentalement l'univers d'un repère de coordonnés, c'est à dire d'un grand calque millimétré en trois dimensions. Sur ce calque tu places les objets et tu notes leur coordonnées x, y, z, ou tu numérote simplement chaque petit cube de 1 à 1077. Une fois que tu as réalisé ton système de coordonné il n'y a plus à y toucher, c'est à dire qu'il n'y aura pas d'apparition ou de disparition de petits cubes. Tu peux maintenant concevoir deux types mouvements :

    - le mouvement propre : les coordonnées de l'objet changent avec le temps (il passe d'un petit cube au voisin). Le mouvement propre explique la formation des galaxies et des amas : les objets attirent les objets proches et se regroupent pour former des masses liées.

    - le mouvement comobile : les coordonnées de l'objet restent identiques (il reste toujours dans son petit cube), mais l’intervalle entre deux graduations, l'arrête des cubes, grandit. Autrement dit, le calque est en expansion, le volume des cubes augmente. Le mouvement comobile est ce qu'on appelle l'expansion. Chaque objet voit tous les objets lointains s'éloigner de lui.

    Au moment de l'émission de la première lumière, les distances étaient 1000 fois plus petites dans l'univers. Le cube n°197247249709 de 10x10x10 m dans lequel tu te tiens actuellement était déjà là, simplement il ne faisait à l'époque que 1x1x1 cm et si on remonte encore plus avant dans le temps, il faut encore rapetisser les cubes.

    Ça c'est déjà pour que tu comprennes la notion d'expansion de l'espace, opposée à celle d'expansion dans l'espace.

    Maintenant tu te demande si les photons peuvent sortir de l'univers ? Oui, bien entendu, ils peuvent sortir de l'Univers observable tel que définit ci-dessus. J'ai mis un U majuscule à univers quand il désigne la sphère centrée sur nous définie par l'ensemble du volume du sein duquel des photons ont pu nous parvenir depuis le début de l'expansion. La frontière de cette sphère est appelée l'horizon cosmologique. Les photons émis depuis le bord dans notre direction nous sont parvenu, ceux qui sont partit dans l'autre direction poursuivent leur existence pépère au delà de l'horizon. Le volume de l'Univers observable s'inscrit dans un volume bien plus vaste qui ressemble sans doute comme deux gouttes d'eau au notre : même densité, même taux d'expansion, même constante cosmologique... On désigne par le vocable de Multivers (de type I) l'ensemble de ce grand volume auquel appartient notre Univers et soumis au même phénomène d'expansion.
    Dernière modification par Gilgamesh ; 26/06/2016 à 14h22.
    Parcours Etranges

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    inviteb1fb5b06

    Re : Âge de l'univers, observation et vitesse de la lumière

    OK. Je comprends. Ce n'est pas une augmentation de l'espace au sens d'une augmentation de la quantité d'unité de mesure, mais au sens d'une augmentation de l'unité de mesure elle-même. C'est fascinant !
    Il y a tellement de beauté à découvrir, ou tout simplement à appréhender dans notre existence (au sens d'un nous appartenant à l'Univers) qu'une vie n'y suffit pas. Pour quelqu'un de non scientifique comme moi (même si j'ai quelques notions qui me permettent de comprendre que je ne comprends pas grand-chose), le tout n'est effectivement pas de comprendre, mais juste de pouvoir continuer à me questionner, à être surpris et rester fasciner par l'incroyable subtilité de l'espace, du temps, de l'énergie, des forces et des nombres !
    Merci pour ta patience et pour ta gentillesse, je ne me sens pas forcément plus intelligent, ni même moins stupide, mais je suis heureux d'avoir pu poser cette question et d'avoir eu la joie d'une réponse aussi précise et compréhensible.
    Dans le fond, je trouve presque rassurant que l'on puisse distinguer un univers observable de l'Univers tout court. Si l'humain était moins prétentieux, il devrait se reposer sur cette réalité pour devenir plus modeste et accepter avec reconnaissance le fait qu'une part de mystère sera toujours là pour lui chatouiller les neurones !
    Encore merci.
    Denis

  7. #6
    Gilgamesh
    Modérateur

    Re : Âge de l'univers, observation et vitesse de la lumière

    Merci, c'était un plaisir et bienvenu à toi sur le forum.
    Parcours Etranges

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