Bonjour à tous,
L'ouverture de ce fil fais suite à une discussion à propos de la croissance des trous noirs initiée ici, et à la remarque selon laquelle ce sujet ne peut pas être traitée rigoureusement avec les métriques utilisées habituellement pour décrire la géométrie de l'espace-temps autour (et à l'intérieur) d'un trou noir :
en effet, qu'il s'agisse de la métrique de Schwarzschild pour un TN statique, ou de celle de Kerr pour un TN en rotation, elles s'appliquent à un espace-temps vide. En-dehors d'une masse centrale M constante, les seuls objets massifs qu'on peut considérer lorsqu'on utilise ces métriques sont des particules-test dont la masse (et même, la somme des masses) est négligeable devant M. Dès qu'un objet traversant l'horizon des événements du TN a une masse suffisamment significative, c'est une nouvelle version de la métrique, avec une nouvelle valeur de la masse centrale, qu'il faudrait utiliser.
On peut certes donner une explication "avec les mains" de la croissance d'un TN en partant de la métrique de Schwarzschild, dont il faudrait appliquer une nouvelle version (avec une nouvelle valeur de M) à chaque fois qu'une coquille sphérique homogène de matière de masse ΔM et d'épaisseur infinitésimale traverse l'horizon (comme proposé par mach3 dans l'autre fil) - seule manière d'envisager ce processus en conservant la symétrie sphérique :
si l'espace-temps est vide à l'extérieur de cette coquille, on peut continuer d'en décrire la géométrie à l'aide de la métrique de Schwarzschild pour une masse centrale M+ΔM, avec un rayon de Schwarzschild R+ΔR, que ce soit avant ou après l'instant t où le rayon de la coquille devient plus petit que cette valeur - alors qu'à l'intérieur de la coquille c'est encore la métrique de Schwarzschild pour une masse centrale M qui s'applique (la discontinuité entre ces deux métriques au niveau de la coquille doit pouvoir être évitée si celle-ci n'est pas d'épaisseur nulle). Un observateur situé à l'extérieur de la coquille continue de "voir" un horizon apparent en R=M différent du rayon de Schwarzschild tant que le rayon de la coquille est supérieur à R+ΔR.
On remarque au passage que, dans le temps propre d'un l'observateur "à l'infini", cela a pour effet de "rapprocher" l'horizon apparent, initialement de rayon R=M et situé dans à l'infini dans son futur, puisque l'instant t est atteint en un temps fini (et ça reste vrai même pour une coquille de masse infinitésimale, si on considère l'accroissement infinitésimal du rayon de l'horizon apparent dû à l'effondrement de la coquille).
Mais, quitte à envisager un espace-temps de symétrie sphérique constitué d'un empilement de coquilles de matière de masse infinitésimale et de rayon de plus en plus grand, autant aller un peu plus loin, et utiliser la métrique de Lemaître-Tolman-Bondi (ou LTB), qui décrit de manière générique la géométrie d'un espace-temps empli d'un fluide parfait sans pression, de symétrie sphérique, mais dont la densité n'est pas nécessairement homogène radialement.
Cela ne peut encore conduire qu'à un "toy-model", mais celui-ci devrait être plus instructif. Il n'est certainement pas représentatif de la croissance d'un trou noir stellaire, mais on peut raisonnablement penser qu'il représente mieux la formation et la croissance du trou noir central d'une (future) galaxie durant la phase de collapse gravitationnel qui conduit à sa formation à partir d'une zone de sur-densité de l'univers.
Ce sujet est traité dans pas mal de publications, mais j'ai du mal à m'y retrouver - disons qu'elles ne sont pas au niveau "étudiant avancé".
De mon côté j'ai déjà un peu travaillé sur le sujet, en utilisant la métrique LTB (avec courbure négative ou positive suivant le cas) pour essayer de modéliser la formation des grandes structures (vides cosmiques et amas de galaxies) à partir des zones de sous- ou sur-densité de l'univers post-CMB. Cela reste assez basique, avec l'avantage que ce n'est pas trop compliqué à comprendre, et l'évolution du modèle jusqu'à l'époque actuelle donne des résultats à peu près cohérents avec les observations (taille et densité de ces structures).
En partant de conditions initiales appropriées, le modèle avec courbure positive doit pouvoir être adapté pour représenter la contraction d'une zone de sur-densité correspondant à une future galaxie. Si on fait abstraction d'autres phénomènes, il conduit inévitablement à une singularité centrale; l'idée serait de regarder si (et dans quelles conditions) un horizon se forme auparavant, et comment il évolue. Le tout en se contentant si possible du modèle simple que j'ai déjà pondu et que je peux vous mettre à disposition (NB: c'est un travail perso, mais ce n'est pas une "théorie personnelle" !).
Mais il y a encore du boulot et j'aurai sans-doute besoin d'aide...
Pensez-vous que ça en vaut la peine ?
-----