Les espèces ou lignées "à connaître"
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Les espèces ou lignées "à connaître"



  1. #1
    Amanuensis

    Les espèces ou lignées "à connaître"


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    Bonjour,

    M'intéressant en amateur à la biologie, il me semble que l'enseignement et la vulgarisation de la biologie souffrent d'un biais qui est une sorte de cline : les descriptions sont d'autant plus détaillées qu'on est proche de l'espèce humaine, en belle application de l'adage The proper study of mankind, is man. (A. Pope).

    La notion de proximité est subjective, combinant la morphologie, la distance phylogénétique, la taille, le mode de vie, etc. Ce biais est en partie historique, en partie pragmatique. L'aspect pragmatique amène à un autre biais, celui des interactions avec l'espèce humaine ; cela était manifeste dans la classification entre utiles et nuisibles, qui a de beaux restes. Cet aspect amène à s'intéresser à des formes de vie très éloignées pour les critères ci-dessus quand il s'agit de parasites, de sources d'infections, affectant es êtres humains, les espèces domestiquées par les humains ou l'industrie humaine.

    En conséquence, il y a une énorme partie du vivant qui reste dans l'ombre, et l'abord vulgarisé de la biologie amène, inconsciemment, à voir de manière étroite le vivant.

    Une manière de remédier à cette myopie est de connaître quelques espèces ou lignées du vivant qui détonent fortement, et réfutent des généralisations intempestives, permettant ainsi de prendre du recul pour penser le vivant comme il est, en oubliant un moment notre nombrilisme.

    L'idée est de proposer une liste d'espèces ou lignées ou clades dont la connaissance est utile à ces buts. J'en ai repéré quelques-unes au gré de mes lecture, et j'en donne ici une première liste, partielle, qui pourra s'allonger par la discussion.

    Je cherche donc des cas qui 1) mettent en doute certaines généralisations, 2) sont mal-connues du fait de leur peu d'intérêt pour l'humanité, bref sont "à connaître" pour qui s'intéresse au vivant dans sa généralité.

    Le vivant étant assez compliqué, je classe les cas selon quelques aspects importants. Un seul est développé ici, d'autres nommés. Non que je n'ai pas déjà des cas à y ranger, juste pour ne pas trop disperser le fil, même si je sais pieu un tel vœu. Peut-être lancerai-je d'autres fils, couvrant des aspects cités mais non développés ici.

    Les cas sont cités avec une mention minimale, les lecteurs sont encouragés à rechercher la littérature pour en apprendre plus.

    Aspects

    Plans d'organisation

    Dans la vulgarisation, le plan d'organisation d'un organisme vivant est basé sur la cellule, et divise les organismes en unicellulaires et multicellaires. Voici quelques espèces élargissant la vision.

    * Unicellulaire à morphologie complexe: la complexité d'organisation n'est pas spécifique aux multicellulaires ; la cellule eucaryote est déjà une sorte d'organisme complexe, et certains unicellulaires poussent loin l'idée:

    +++ Acetabularia : grande cellule d'un seul noyau (d'un autre côté, les neurones des mammifères font mieux)

    +++ Stentor : unicellulaire à multiples noyaux, mais restant groupés, avec "système digestif" et autres spécialisations fonctionnelles

    * Notion de plasmode, qu'est-ce qu'une cellule? Est-ce la paroi (ou son absence partielle) qui joue, ou les noyaux ? Quoi qu'il en soit, des organismes de grande taille peuvent être ni vraiment unicellulaires (de par les noyaux bien répartis chacun avec son domaine d'influence), ni totalement multicellulaires (une seule paroi cellulaire englobant tout l'organisame)

    +++ Blob, Physarum polycephalum

    * Organisme d'organismes: les multicellulaires sont des colonies de cellules avec spécialisation, mais on peut y mettre un cran de plus, i.e., une colonie d'organismes avec différentiation fonctionnelle entre les composants:

    +++Siphonophores


    Evolution, 'technologie avancée'

    Mutualisme

    Importance écologique

    Cycle de vie, reproduction et procréation

    Bonnes recherches!

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    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

  2. #2
    Amanuensis

    Re : Les espèces ou lignées "à connaître"

    Une autre discussion (message de Geb) me fait penser que j'ai oublié un "aspect" important:

    Mode de nutrition

    Cela inclut quelques exemples pertinents de chimio(auto)trophie, pour sortir de l'antique dichotomie animaux/végétaux...
    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

  3. #3
    MissJenny

    Re : Les espèces ou lignées "à connaître"

    Ton projet me fait penser à la notion d'organisme modèle. La liste des organismes modèles (par exemple ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Organisme_mod%C3%A8le) couvre déjà une bonne partie des plans d'organisation.

  4. #4
    Geb

    Re : Les espèces ou lignées "à connaître"

    Bonsoir,

    Aujourd'hui, j'ai envie de proposer Spinoloricus cinziae.

    Il s’agit de la première espèce de métazoaire connue capable de passer la totalité de son cycle de vie dans des conditions totalement anoxiques. Cet animal mesure environ 0,3 millimètre de long et il a été découvert en 2010 dans le bassin de l’Atalante, un lac de saumure hypersalin situé au fond de la mer Méditerranée, à 200 km au large de la Crète (Danovaro et al., 2010). L’espèce Spinoloricus cinziae a été complètement décrite en 2014 (Danovaro et al., 2014).

    Voilà. J'espère que ça correspond un tant soit peu aux critères définis par Amanuensis.

    Cordialement.
    Dernière modification par Geb ; 27/11/2022 à 23h27.

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    Geb

    Re : Les espèces ou lignées "à connaître"

    Bonsoir,

    Pour rester dans le thème de l’oxygène, j’ai envie aujourd’hui d’ajouter une des bactéries qui me fascinent : Candidatus Methylomirabilis oxyfera.

    Comme son nom l’indique (Candidatus), bien qu’elle ait été découverte en 2008 (Ettwig et al., 2008), à partir d’échantillons étudiés en 2006 (Raghoebarsing et al., 2006), elle n’est pas encore cultivable en laboratoire. Mais la métagénomique ayant déjà fait des pas de géants à l’époque, on a été rapidement capable de donner des détails de plus en plus précis sur son fonctionnement métabolique (Ettwig et al., 2010 ; Oremland, 2010), qui lui ont valu son surnom de merveille (ce qui est peu ou proue la traduction de mirabilis).

    Pour faire court, comme l’ont démontré Ettwig et al. (2010), il s’agissait de la première bactérie connue à pratiquer une voie métabolique dite "intra-aérobie" :

    Citation Envoyé par Ettwig et al. (2010)
    Only three biological pathways are known to produce oxygen: photosynthesis, chlorate respiration and the detoxification of reactive oxygen species. Here we present evidence for a fourth pathway, possibly of considerable geochemical and evolutionary importance. The pathway was discovered after metagenomic sequencing of an enrichment culture that couples anaerobic oxidation of methane with the reduction of nitrite to dinitrogen. The complete genome of the dominant bacterium, named ‘Candidatus Methylomirabilis oxyfera’, was assembled. This apparently anaerobic, denitrifying bacterium encoded, transcribed and expressed the well-established aerobic pathway for methane oxidation, whereas it lacked known genes for dinitrogen production. Subsequent isotopic labelling indicated that ‘M. oxyfera’ bypassed the denitrification intermediate nitrous oxide by the conversion of two nitric oxide molecules to dinitrogen and oxygen, which was used to oxidize methane. These results extend our understanding of hydrocarbon degradation under anoxic conditions and explain the biochemical mechanism of a poorly understood freshwater methane sink. Because nitrogen oxides were already present on early Earth, our finding opens up the possibility that oxygen was available to microbial metabolism before the evolution of oxygenic photosynthesis.
    Déjà à l’époque un tas d’implications fascinantes de cette découverte avaient été explorées, notamment sur l’évolution des enzymes aidant à la gestion des molécules oxydées avant même l’invention de la photosynthèse oxygénique (Ducluzeau et al., 2014), ou même sur les origines de la vie (Schoepp-Cothenet et al., 2013 ; Nitschke & Russell, 2013).

    Cordialement.
    Dernière modification par Geb ; 29/11/2022 à 17h02.

  7. #6
    Geb

    Re : Les espèces ou lignées "à connaître"

    Bonjour,

    Cette discussion n’a manifestement pas le succès qu’elle mérite, mais j’aimerais ajouter ici deux autres espèces, Picrophilus oshimae et Picrophilus torridus, qui ont été mentionnées dans une autre discussion :

    - La vie peut-elle exister à pH négatif ?

    Il s’agit encore aujourd'hui des seuls organismes connus capables, non seulement de survivre, mais de se multiplier dans une solution acide à un pH négatif (Schleper et al., 1995).

    Cordialement.

  8. #7
    Amanuensis

    Re : Les espèces ou lignées "à connaître"

    Citation Envoyé par MissJenny Voir le message
    Ton projet me fait penser à la notion d'organisme modèle. La liste des organismes modèles (par exemple ici : https://fr.wikipedia.org/wiki/Organisme_mod%C3%A8le) couvre déjà une bonne partie des plans d'organisation.
    Presque le contraire! Le "projet" est justement d'étendre la connaissance du vivant au-delà des modèles "usuels", de "casser" des généralisations, qui sont autant d'idées préconçues sur le vivant.

    Si je prends l'exemple (non cité) des cubozoaires, le "plan général" des "méduses" (ou même des cnidaires) ne va pas amener l'idée d'un animal chasseur muni d'yeux (et en forme de "cube").

    L'idée d'organisme modèle est, au vu de la liste citée, très loin de ce je proposais, et ne couvre au fond pas grand chose en termes de plans d'organisation ; ce n'est pas le même but.
    Dernière modification par Amanuensis ; 27/03/2023 à 12h29.
    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

  9. #8
    Amanuensis

    Re : Les espèces ou lignées "à connaître"

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    Bonsoir,

    Aujourd'hui, j'ai envie de proposer Spinoloricus cinziae.

    Il s’agit de la première espèce de métazoaire connue capable de passer la totalité de son cycle de vie dans des conditions totalement anoxiques. Cet animal mesure environ 0,3 millimètre de long et il a été découvert en 2010 dans le bassin de l’Atalante, un lac de saumure hypersalin situé au fond de la mer Méditerranée, à 200 km au large de la Crète (Danovaro et al., 2010). L’espèce Spinoloricus cinziae a été complètement décrite en 2014 (Danovaro et al., 2014).

    Voilà. J'espère que ça correspond un tant soit peu aux critères définis par Amanuensis.
    Oui. Et je pose une question allant plus loin, connait-on d'autres eucaryotes ayant encore des mitochondries fonctionnelles ayant cette propriété ?
    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

  10. #9
    Amanuensis

    Re : Les espèces ou lignées "à connaître"

    Citation Envoyé par Geb Voir le message

    Pour rester dans le thème de l’oxygène, j’ai envie aujourd’hui d’ajouter une des bactéries qui me fascinent : Candidatus Methylomirabilis oxyfera.
    Là encore, oui, et merci pour ces contributions.

    Je pense que c'est peut-être un cas que j'entrerais dans "mode de nutrition". La génération d'oxygène n'est pas à proprement parler un "mode de nutrition", mais le cas cité pourrait être un mode de nutrition (au sens d'un processus fournissant à partir de molécules puisées à l'extérieur de l'énergie et du carbone "moyennement réduit", adapté à l'anabolisme . Si je comprends bien, NO2 -> N2 fournirait un "pouvoir oxydatif" permettant d'oxyder partiellement CH4 (et peut-être de l'énergie ?).

    Ce serait alors un bon exemple de ce que je pousse de proposer, car cela "casse" l'idée (fausse) que le carbone partiellement réduit viendrait toujours de la réduction de CO2, et donc qu'un des aspects de la nutrition est l'acquisition d'un "pouvoir réducteur" (du moins en dehors du cas des flemmards qui récupèrent du carbone partiellement réduit d'origine biologique...)
    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

  11. #10
    Amanuensis

    Re : Les espèces ou lignées "à connaître"

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    Aujourd'hui, j'ai envie de proposer Spinoloricus cinziae.

    Il s’agit de la première espèce de métazoaire
    Je rebondis sur ce message pour poser une question qui est en fait un peu hors sujet, et pourrait mériter un fil séparé.

    Je cherche désespérément dans la littérature les cas de monocellulaires (et donc pas métazoaire) dont la nutrition (oxygène inclus) ne viendrait pas des productions d'êtres photosynthétiques (ce qui inclut l'oxygène et le carbone réduit). Et dans ces cas la description précise de

    1) la source d'énergie (typiquement générant de l'ATP à partir de ADP+Pi--e.g., fermentation du glucose--, ou créant un potentiel trans-membranaire ensuite utilisé par l'ATP-synthase)

    2) la source de carbone réduit (par exemple par réduction de CO2, ce qui demande du "pouvoir réducteur" comme intrant)

    Je sais qu'il y a de nombreux cas (chez les bactéries) d'oxydo-réduction qui sont exploités, mais ce que je trouve n'est jamais vraiment clair sur les deux processus à la fois. Par exemple j'ai un article sur la dissimilation de FeIII (intrant FeIII, sortant FeII), mais si cela semble bien décrire une source d'énergie, je ne trouve pas dans le texte la source de carbone autre que de la matière organique, déjà au bon degré d'oxydation (qui doit bien venir de quelque part!), et qui même semble être utilisée pour l'équilibre en charge (faut bien que l'électron supplémentaire du FeII vienne de quelque part!).

    Merci d'avance,
    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

  12. #11
    Geb

    Re : Les espèces ou lignées "à connaître"

    Bonsoir,

    Citation Envoyé par Amanuensis Voir le message
    Je rebondis sur ce message pour poser une question qui est en fait un peu hors sujet, et pourrait mériter un fil séparé.

    Je cherche désespérément dans la littérature les cas de monocellulaires (et donc pas métazoaire) dont la nutrition (oxygène inclus) ne viendrait pas des productions d'êtres photosynthétiques (ce qui inclut l'oxygène et le carbone réduit).
    J'aurais besoin que tu précises ta question. Que penses-tu du méthane d'origine géologique ? Certes, c'est du carbone réduit, mais ce n'est pas la production d'êtres photosynthétiques.

    Aussi, que penses-tu d'Aquifex pyrophilus, qui je crois réponds à ces critères, mais qui est "aérobie facultatif" ?

    Cordialement.

  13. #12
    Geb

    Re : Les espèces ou lignées "à connaître"

    Bonjour,

    En me documentant sur le métabolisme des deux espèces connues du genre Aquifex, je suis tombé sur un passage intéressant qui démontre que ces bactéries sont intéressantes à plus d’un titre, ce qui, en outre, convient parfaitement au but de la conversation que tu as initié :

    - The Naphthoquinol Oxidizing Cytochrome bc1 Complex of the Hyperthermophilic Knallgasbacterium Aquifex aeolicus: Properties and Phylogenetic Relationships (Schütz et al., 2003)

    Bioenergetic electron transfer in Aquifex is based on an uncommon and only scarcely studied metabolic pathway, the electron transfer from hydrogen to oxygen, earning the species the classification among the “Knallgasbacteria”. Only a few extant bacteria utilize this reaction for their energy supply, and none of them have been studied in detail so far.
    Je ne connaissais pas cette notion de "Knallgasbakterien" (pour reprendre le terme original en allemand), introduite par le botaniste allemand Wilhelm Ruhland (1878-1960) au début du siècle dernier, dans un article intitulé "Beiträge zur Physiologie der Knallgasbakterien" (Ruhland, 1924) :

    - Reduction of Carbon Dioxide Coupled with the Oxyhydrogen Reaction in Algae (Gaffron, 1942)

    The surprisingly high yield of carbon reduced per molecule of oxygen in so called Knallgas bacteria has been pointed out by those who first discovered it (34) and gave rise to a treatise on thermodynamics in living cells (35). Since that time the problem has certainly not become less interesting.
    Cordialement.

  14. #13
    Amanuensis

    Re : Les espèces ou lignées "à connaître"

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    J'aurais besoin que tu précises ta question. Que penses-tu du méthane d'origine géologique ? Certes, c'est du carbone réduit, mais ce n'est pas la production d'êtres photosynthétiques.
    La question est au fond celle d'un métabolisme "primitif", avant tout usage direct ou indirect de l'énergie solaire. Un métabolisme dont tous les intrants sont d'origine géologique, et qui fournit (comme tout métabolisme) de l'énergie et des chaînes de carbone adaptées à entrer dans les processus anaboliques, typiquement dans lesquelles le carbone est en moyenne de degré d'oxydation "moyen", typiquement 0 ou un peu plus (exemple dans le glucose, le degré moyen est 0, dans un acide gras entre 0 --acétique -- et asymptotiquement -2).

    Que penses-tu du méthane d'origine géologique ? Certes, c'est du carbone réduit, mais ce n'est pas la production d'êtres photosynthétiques.
    C'est un intrant acceptable. Mais cela ne donne qu'un aspect du métabolisme. Cela peut être la source de carbone, mais faudra un oxydant dans les intrants pour obtenir du carbone d'oxydation moyenne. Si c'est O2 cela ne répond pas à ma question. (Si c'est CO2, oui, mais il faut une source d'énergie...)
    Dernière modification par Amanuensis ; 07/04/2023 à 06h47.
    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

  15. #14
    Amanuensis

    Re : Les espèces ou lignées "à connaître"

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    ...
    J'essaye de comprendre. Les deux articles n'informent qu'indirectement syr Aquifex aeolicus. Le sujet du premier est sur une toute petite partie des processus métabolique, et le second parle principalement d'un eucaryote photosynthétique. Il me faut reconstruire à partir de quelques phrases

    Knallgas, c'est juste un mélange de H2 et O2 gazeux, donc chimiquement instable et ainsi susceptible de fournir de l'énergie.

    Il est question de couplage entre cette source d'énergie et la réduction de CO2. Cette réduction demande un réducteur, et c'est H2.

    D'accord pour un exemple d'un métabolisme rare, pointant à un mode d'assimilation de CO2 exceptionnel (comparé à la photsynthèse, où H vient de H2O et O2 est évacué).

    Mais pour un métabolisme indépendant de O2, ça colle pas.
    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

  16. #15
    Amanuensis

    Re : Les espèces ou lignées "à connaître"

    Par ailleurs, en continuant le sous-sujet sur l'assimilation du CO2 (sa réduction...), c'est un sujet très à la mode puisque cela permettrait de réduire (jeu de mot) le taux de CO2 de l'air! Il y a énorme littérature sur le sujet, cause le réchauffement climatique. Et on y trouve des pistes pour le vivant, dont voici un exemple.

    It's estimated that more than 90% of CO2 is captured (or ‘fixed’) through the Calvin cycle of photosynthesis and its key enzyme, RuBisCO. It’s the most prevalent carbon-fixing metabolic pathway across plants and microbes, but only one of many that exist in nature. Dr. Erb and colleagues have so far discovered several previously undescribed carbon-fixing microbial pathways and enzymes, including a new class of enoyl-CoA carboxylases/reductases (ECRs) [9, 10]. They are the most efficient CO2 converting enzymes found to date, and up to twenty times more productive than RuBisCO.

    avec

    [9] https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.0702791104
    [10] https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.0903939106


    "enoyl-CoA carboxylases" est une classe d'enzymes intégrant un CO2 sur un acide gras, en utilisant du "pouvoir réducteur", pour résumer.

    [9] et [10] parlent du même sujet, et citent Rhodobacter sphaeroides, avec la réaction crotonyl-CoA + CO2 + NADPH → ethylmalonyl-CoA− + NADP+ . Dans cette réaction la carboxylation consiste en CO2 + [H] donnant un radical -CO2H, soit une réduction de C de +4 à +3 , très général dans le vivant. L'article dit "The reductive carboxylation of an enoyl-thioester is a unique biochemical reaction, unprecedented in biology." Mais la "particularité" n'est que sur l'acide gras (ici le crotonique, C4 insaturé) sur lequel la carboxylation s'applique.

    Il y a plein d'autres exemples de "acyl-CoA carboxylation" portant sur un acide gras, saturé ou non, dont celle sur l'acide acétique.
    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

  17. #16
    Geb

    Re : Les espèces ou lignées "à connaître"

    Bonjour,

    Citation Envoyé par Amanuensis Voir le message
    D'accord pour un exemple d'un métabolisme rare, pointant à un mode d'assimilation de CO2 exceptionnel (comparé à la photsynthèse, où H vient de H2O et O2 est évacué).
    Par rapport aux Knallgasbacterien, oui, c’est bien le côté "rare" qui m’a motivé à y faire allusion sans rentrer dans les détails.

    Je ne faisais pas référence à la dernière "variation" par rapport au sujet de base, que tu as introduite au message #9 dans ta discussion, mais au principe général de la discussion telle qu’elle a été initiée, qui de la façon dont je l’interprète, concerne les organismes qui, d’une certaine manière, sont "exceptionnels" (dans le sens qu’ils n’entrent pas dans les principes d’organisation et de fonctionnement qui d’ordinaire prévalent).

    Évidemment, les bactéries de type Knallgasbacterien, ne sont pas l’apanage d’une seule "espèce", mais d’après l’extrait de la publication de 2003 que j’ai mentionné, il m’a semblé que c’était suffisamment rare pour être mentionné ici.

    Citation Envoyé par Amanuensis Voir le message
    Mais pour un métabolisme indépendant de O2, ça colle pas.
    Pourquoi ? A. pyrophilus étant anaérobie facultative, on peut estimer qu’en l’absence d’oxygène moléculaire, elle utilise le nitrate, qui a priori peut être disponible dans l’environnement de manière abiotique, non ? Si je comprends bien, on a l’hydrogène moléculaire, le thiosulfate ou le soufre natif (S0) comme donneurs d’électrons et l’oxygène moléculaire ou alternativement, le nitrate (dans des conditions anoxiques) comme accepteurs d’électrons. En définitive, même si A. pyrophilus était la seule forme de vie sur Terre, elle ne souffrirait pas du manque d’oxygène moléculaire dans l’atmosphère.

    Dans l’optique de proposer d’autres êtres vivants potentiellement intéressants, j’ai remarqué que l’article Wikipédia en anglais sur l’eau lourde (dans sa section "Effet sur les systèmes biologiques", mentionne quelques organismes qui peuvent résister à des concentrations importantes de deutérium dans l’eau. Il mentionne même que « des expériences ont montré que des bactéries peuvent vivre dans de l’eau lourde à 98 % ». Or, la source à l’appui de cette affirmation est le fruit d’une équipe russe, et elle ne citait pas le cas de simples "bactéries", mais une culture symbiotique de bactéries et de levures utilisée couramment dans la préparation du thé komboutcha.

    Il y a tout de même des espèces précises qui sont citées comme particulièrement résistantes : une levure (Schizosaccharomyces pombe[/I]), plusieurs plantes (Panicum virgatum, Arabidopsis thaliana, Vesicularia dubyana, Funaria hygrometrica) et même un nématode (Panagrolaimus superbus).

    Sachant à quel point l’eau lourde est mortelle par ailleurs pour l’immense majorité des organismes, les mécanismes d’adaptation par lesquels des organismes y résistent doivent être particulièrement intéressants à étudier.

    Enfin, j’aimerais revenir sur les deux espèces de bactéries du genre Picrophilus. Il y a des études fascinantes sur la manière dont ces organismes parviennent à s’accommoder aux environnements très acides. Notamment, il arrive à maintenir un pH très bas dans le cytoplasme, apparemment très inférieur à celui de tout autre organisme connu. Autre détail intéressant, Picrophilus oshimae meure à un pH supérieur à 4.

    - Bioenergetics and cytoplasmic membrane stability of the extremely acidophilic, thermophilic archaeon Picrophilus oshimae (van de Vossenberg et al., 1998)

    Cells maintain an intracellular pH at around 4.6 at extracellular pH values ranging from 0.8 to 4.0. Above pH 4.0 cells lyse rapidly and lose their viability.
    Là aussi, je le précise en tant qu’exception remarquable à ce qu'on pourrait appeler la "règle".

    Citation Envoyé par Amanuensis Voir le message
    La question est au fond celle d'un métabolisme "primitif", avant tout usage direct ou indirect de l'énergie solaire.
    A ma connaissance des avancées en mathématiques ont permis, depuis 2004, d’envisager la simulation suffisamment précise de voies proto-métaboliques, par des méthodes informatiques. En conséquence, ces 6 dernières années, les propositions de ce genre sont légion, bien qu’il n’y ait que 4 ou 5 équipes qui soient vraiment à la pointe dans ce domaine de mon point de vue.

    Du point de vue expérimental, c’est beaucoup plus cher, beaucoup plus chronophage, et donc beaucoup plus rare. J’ai compris que ce n’était pas vraiment le sujet, mais comme tu le sais, je partageais régulièrement, jusqu’en septembre 2020, mes réflexions sur le forum à propos des travaux de Mike Russell, en particulier, pour ce qui est du métabolisme "primitif" (pour réutiliser l’expression que tu as employée), les fruits de sa collaboration avec l’équipe de Wolfgang Nitschke à Marseille.

    Pour beaucoup de gens, ces travaux (qui sont devenus véritablement expérimentaux, au sens littéral du terme, "que" depuis 2010) peuvent paraître absconses, voire inutiles, mais de mon point de vue, en terme de suspense et de rebondissements, ils sont dignes des plus célèbres séries télévisées d’enquête criminelle et si j’étais un réalisateur multi-millionnaire, j’en ferais immédiatement l’objet d’une série documentaire entièrement dédiée.

    Voilà quelques uns de ces "rebondissements", parmi ceux qui sont disponibles gratuitement :

    - Was nitric oxide the first deep electron sink? (Ducluzeau et al., 2009)

    - Redox bifurcations: mechanisms and importance to life now, and at its origin (Nitschke & Russell, 2011)

    - The ineluctable requirement for the trans-iron elements molybdenum and/or tungsten in the origin of life (Schoepp-Cothenet et al., 2012)

    - Beating the acetyl coenzyme A-pathway to the origin of life (Nitschke & Russell, 2013)

    - Methane: Fuel or Exhaust at the Emergence of Life? (Russell & Nitschke, 2017)

    J’ai même un attachement quasiment sentimental aux propos que Mike Russell a tenu lors d’une conférence au SETI Institute, au cours de laquelle on l’entendait exprimé des avancées aux résultats inattendus, mais aussi (et en toute honnêteté) ses doutes, ses espoirs déçus et sa détermination, tout ça à la fois. Pour moi, il y a clairement du potentiel cinématographique ou livresque derrière cette aventure !

    Cordialement.

  18. #17
    Amanuensis

    Re : Les espèces ou lignées "à connaître"

    Bonjour, et merci. J'ai encore à exploiter ce message. Juste quelques questions.

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    au principe général de la discussion telle qu’elle a été initiée, qui de la façon dont je l’interprète, concerne les organismes qui, d’une certaine manière, sont "exceptionnels" (dans le sens qu’ils n’entrent pas dans les principes d’organisation et de fonctionnement qui d’ordinaire prévalent).
    Oui, faut revenir au sujet!

    Mais je ne cherche pas tant les raretés, mais plutôt les espèces (ou taxons), qui "détruisent" des idées reçues, ou du moins des généralités sur le vivant trop facilement acceptées. Pour moi, une exception détruite une règle, et je cherche les "concepts" importants en biologie.

    Évidemment, les bactéries de type Knallgasbacterien, ne sont pas l’apanage d’une seule "espèce", mais d’après l’extrait de la publication de 2003 que j’ai mentionné, il m’a semblé que c’était suffisamment rare pour être mentionné ici.
    C'est un bon exemple. C'est peut-être rare, mais je n'ai pas encore compris ce que cela illustre.


    Pourquoi ? A. pyrophilus étant anaérobie facultative, on peut estimer qu’en l’absence d’oxygène moléculaire, elle utilise le nitrate, qui a priori peut être disponible dans l’environnement de manière abiotique, non ?
    C'est ce que je cherche à comprendre. Les oxydants ne se substituent pas automatiquement les uns aux autres, et d'ailleurs c'est la paire rédox qui compte. Une réaction oxydation-réduction met en jeu quatre espèces chimiques, deux paires rédox (1), et chaque combinaison a des particularités, comme l'énergie (libre) maximale qu'un être vivant va en tirer. Me trompe-je ?

    (1) que j'appelle dans mon jargon personnel le réducteur de gauche, l'oxydant de gauche, le réducteur de droite et l'oxydant de droite (rien de politique), la réaction étant écrite dans le sens exothermique (dans les conditions où c'est utilisé comme source d'énergie)


    Si je comprends bien, on a l’hydrogène moléculaire, le thiosulfate ou le soufre natif (S0) comme donneurs d’électrons et l’oxygène moléculaire ou alternativement, le nitrate (dans des conditions anoxiques) comme accepteurs d’électrons.
    Déjà, par formation, je préfère oxydant et réducteur, et dans une phrase comme celle-ci, je suis obligé de transformer en paires! H2 (=H moléculaire ?) est un réducteur, la paire est simplement H2/2H liés ; S est indiqué ici comme réducteur (dont voué à devenir par exemple SO2), thiosulfate idem , O2 est un oxydant ; NO3- est un oxydant pour la paire nitrate/nitrite (soit NO3-/NO2-). Me trompe-je ?

    Si je prend la réaction 2H2 + 1/2 O2, l'idée serait qu'elle puisse être remplacée par H2 + NO3- -> H2O + NO2- , c'est ça?

    Si tout cela est correct, alors ce que l'exemple montre n'est pas "exceptionnel", c'est juste le cas d'une bactérie capable d'exploiter différentes réactions d'oxydo-réduction pour en tirer de l'énergie (au passage cela ne dit rien sur la source de carbone). Dans un tel cas, il doit y avoir une réaction la moins productive, et la substitution d'une des paires n'est pas une difficulté thermodynamique, juste la question d'avoir les bons catalyseurs.

    Ici je suppose que la réaction de base est H2 + NO3-, la substitution de O2 de NO3- comme "oxydant de gauche" ne pose pas de difficulté pour cette bactérie. C'est ça?

    Pour être candidat à un métabolisme indépendant du soleil, il reste à ajouter la manière dont le carbone est assimilé. Origine (CO2 ou CH4 ?), et origine du réducteur (dans le cas du CO2) ou de l'oxydant (dans le cas du CH4).

    Je ne doute pas que ça existe, je cherche simplement des exemples complets : l'être vivant et ses "modes de nutrition" !


    Voilà pour une première série de réactions (de ma part!), en espérant que cela éclaire mon approche, éventuellement hérétique, et/ou naïve et/ou béotienne...

    Cordialement,
    Pour toute question, il y a une réponse simple, évidente, et fausse.

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