Bien enseigner la théorie de l'Evolution
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Bien enseigner la théorie de l'Evolution



  1. #1
    Floda200489

    Bien enseigner la théorie de l'Evolution


    ------

    Bonjour,

    Je suis en lien proche avec une personne ayant récemment fait un mémoire sur les limites dans la transmission des savoirs en théorie de l'Evolution. Et beaucoup de questions me sont venues depuis que je l'ai lu, et depuis que j'ai consulté certaines sources que j'ai trouvé extrêmement pertinentes pour traiter ce genre de sujet.

    Bien-sûr, notre compréhension repose sur des mots, ainsi il faut utiliser un vocabulaire clair et précis afin de savoir de quoi on parle. Or voici une des premières limites d'une bonne transmission de cette théorie, car on sait qu'il existe, même au sein des enseignants, une manière de vulgariser avec un langage simplifié, ce qui induit des biais, à la fois chez les étudiants mais aussi chez les enseignants eux-mêmes. Il est donc facile de tomber dans les classiques finalisme, essentialisme mais aussi et souvent l'anthropocentrisme. J'ai pu moi-même le constater sur ce forum.

    Un gros soucis qui a été identifié par certains chercheurs, c'est la non incorporation de la sociologie dans les sciences dures du vivant, et le fait qu'il ne soit pas permis de parler de sociologie sur ce forum en est une belle illustration. La sociologie c'est pourtant ce qui étudie les comportements sociaux des individus sociaux, c'est donc pleinement une science du vivant. Mais bref, ne parlons pas de sociologie au risque que ce message ne saute...

    Ce qui me dérange le plus, personnellement, c'est le fait qu'il existe un essentialisme très présent au sein de la communauté des chercheurs (du moins ceux que j'écoute ou que je lis), où justement la place de l'humanité ne semble pas avoir été comprise comme étant une espèce parmi d'autre, justement du fait que les sciences humaines ne soient pas prises au sérieux par les sciences naturelles. J'ai l'impression qu'il subsiste toujours une frontière entre les sciences biologiques et les sciences humaines. Bernard Lahire tente dans son ouvrage "Les Structures Fondamentales des Sociétés Humaines" de réconcilier justement ces différentes disciplines et parle surtout aux sociologues qui placent l'être humain à part. Il est aussi question de la barrière nature-culture qui évidemment n'a pas de sens en science.

    Tout cela rejoint les travaux de vulgarisation de Guillaume Lecointre, et je pense surtout à son livre "Démystifier le Vivant" ou encore "Le Guide Critique de l'Evolution" qui ont été d'une grande aide pour ce mémoire. Dans ces ouvrages, on comprend que l'être humain n'a pas de place spéciale dans le vivant.

    Sur ce forum, on m'a par exemple déjà dit que l'agriculture n'a rien à voir avec la théorie de l'évolution. Or l'être humain étant produit de l'évolution naturelle des espèces, je ne comprends pas pourquoi un tel essentialisme sur l'être humain.


    Voilà, j'aimerai bien discuter de cela scientifiquement, mais en sortant le plus possible de l'essentialisme pour essayer de se concentrer sur le monde réel, affranchi de toutes les cases qu'on a pu créer pour essayer de comprendre nos objets d'étude. Je ne veux braquer personne ni enfreindre les règles, j'aimerai simplement comprendre si c'est moi qui ai un problème ou si effectivement il existe bien un souci de cet ordre là sur ce sujet.

    Merci beaucoup pour vos réponses !

    -----

  2. #2
    philippedelimoges
    Animateur Actualités

    Re : Bien enseigner la théorie de l'Evolution

    Bonsoir Floda200489,

    Intervention rapide (beaucoup de choses sont dites et mériteraient plus de développement de ma part),

    1) une conférence de Maxime Hervé très instructive en lien avec le sujet de cette discussion (2025) : https://www.youtube.com/watch?v=5EpazSiqVCw
    Pour Guillaume Lecointre, une belle et indiscutable référence.

    2) réflexion et constat perso en lien avec la paléoanthropologie : c'est depuis peu (en gros année 90 du XX siècle) que l'évolution de notre espèce commence véritablement à être étudiée "éthologiquement" (avant, regard évolutif actée certes, mais évolution humaine à part).

    3) sur l'ouvrage de Bernard Lahire "Les Structures Fondamentales des Sociétés Humaines" - La Découverte, 2023 - https://www.editionsladecouverte.fr/...-9782348077616 - je ruminais de l'aborder sur le forum en psychologie sociale (plus qu'en biologie).
    J'en ai fait une présentation (rapide et dans un contexte de discussion particulier) ici https://forums.futura-sciences.com/l...rea-femme.html (à noter : dans cette discussion, je mentionnais un autre ouvrage qui mériterait d'être aussi connu : "Biologie évolutive", post #25 & 30).
    Le livre de Bernard Lahire mérite d'être connu. Pour moi, c'est un ouvrage fondamental (et qui dépasse le cadre de la sociologie).
    Il y a beaucoup de vidéos sur le net où il expose son point de vue. Malheureusement, ces vidéos sont très insatisfaisantes : elles exposent sa démarche intellectuelle (en mode défensif) et très peu le contenu de son livre (du moins la partie qu'il consacre aux caractéristiques fondamentales qui structurent nos comportements sociaux - dommage car c'est la partie la plus intéressante de son livre). Pour avoir une idée de ces vidéos, je mets celle-ci : https://www.youtube.com/watch?v=k8yoOC0jxEY (de mémoire, celle que j'ai indiquée au post #24 me semble plus constructive)
    Avis perso :
    ouvrage fondamental car il propose de caractériser des comportements structurants et sa vision globale et synthétique est novatrice (surtout dans l'univers de la sociologie ... un peu moins en anthropologie). Reste que le référentiel anthropologique qu'il utilise est un peu trop ... classique ou académique (manque des études qu'on trouve dans "Biologie évolutive" - donc à compléter avec cet ouvrage). Quant aux comparaisons avec le monde animal, elles ne sont pas toujours convaincantes. Néanmoins, malgré ces deux réserves perso, son livre ouvre la porte à une révolution intellectuelle en psychologie sociale.

    Cordialement
    Dernière modification par philippedelimoges ; 23/04/2025 à 22h27.

  3. #3
    Floda200489

    Re : Bien enseigner la théorie de l'Evolution

    Merci pour ta réponse intéressante, je vois qu'on est sur la même longueur d'onde ! J'attends des avis plus nuancés pour voir s'il y a débat ou pas ^^

  4. #4
    oxycryo

    Re : Bien enseigner la théorie de l'Evolution

    c'est un vieux problème en biologie, que le vocabulaire utilisé pour décrire correctement « L'Origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour la survie, paru en 1859. » de Charles Darwin.

    les grammaires humain en-soi sont finaliste, soit quelles ont du mal à décrire des phénomènes non-humain, et non-intentionnel... le terme de sélection utilisé par Darwin est typique, une sélection ne peut-être faite que par un agent humain, ou doué d'intentionnalité...

    le terme évolution à aussi ce biais, car il implique un procédé mélioratif (jugement de valeur) des espèces dans le temps...
    - là où elles ne font tout bonnement que changer... d'apparence... en accumulant ou en perdant des traits acquis...

    c'est un vrai problème de fond, que de décrire ce que l'on pourrais poser comme – la disparition des variants faibles des espèces en regard des variations et accidents climatique – là où implicitement l'on ne tend à voir que ce qui reste, comme le fruit d'une sélection consciente... là les survivants, n'ont simplement pas été impacté par l'état de leur biome ou le changement de celui-ci...

    un vrai calvaire que se défaire du vocabulaire implicitement intentionnel, pour des termes à minima neutre, et pourtant essentiel à une description correcte du phénomène
    libera me : ungoogled chromium, e.foundation (anti-droid)

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    oualos

    Re : Bien enseigner la théorie de l'Evolution

    Citation Envoyé par Floda200489
    Sur ce forum, on m'a par exemple déjà dit que l'agriculture n'a rien à voir avec la théorie de l'évolution. Or l'être humain étant produit de l'évolution naturelle des espèces, je ne comprends pas pourquoi un tel essentialisme sur l'être humain.
    Une théorie assez admise vient du fait qu'on admet que les femmes sont à l'origine de l'agriculture. Les chasseurs-cueilleurs de la Préhistoire...
    Pendant que les hommes partaient à la chasse, les femmes apprenaient à cueillir, récolter, semer et accumulaient du savoir concernant les plantes, les légumes, les baies et les fruits.

  7. #6
    Cendres
    Modérateur

    Re : Bien enseigner la théorie de l'Evolution

    Bonjour,

    A mon sens, il faut déjà préciser ce qu'est une théorie scientifique, bien montrer que ces termes vont ensemble, et que ça n'est pas, comme il est assez souvent objecté, que ça n'est pas "juste une théorie, une opinion". Après, reste à transmettre des notions parfois contre-intuitives, et que la durée de la mise en place de diverses structures et phénomènes réclame as mal de temps, bien loin de la rapidité que demande souvent notre époque.
    N'a de convictions que celui qui n'a rien approfondi (Cioran)

  8. #7
    philippedelimoges
    Animateur Actualités

    Re : Bien enseigner la théorie de l'Evolution

    Bonsoir Floda,

    Un retour plus développé sur ton propos.

    D’abord, dans la continuité de la conférence de Maxime Hervé, mentionnée dans mon post précédent, un article de Marc-André Selosse (2007), https://planet-terre.ens-lyon.fr/pdf...on-progres.pdf

    J’ajoute aussi cette remarque perso : l’éthologie (étude scientifique du "comportement animal" – cf. https://www.mnhn.fr/fr/qu-est-ce-que-l-ethologie ) est totalement assimilable à la sociologie et à l’anthropologie. Exemple : l’éthologue qui étudie les bonobos ne fait rien d’autre que de la sociologie lorsqu’il analyse les rapports sociaux propres à cette espèce et il fait de la "bonobologie" lorsqu’il étudie les cultures comportementales propres aux sociétés bonobos. Je considère aussi que les anthropologues et les sociologues sont également des éthologues puisqu’ils ont pour sujet d’étude une espèce animale : l’humain.

    Je pense aussi à l’une de mes réflexions exposée dans une autre discussion : (voir https://forums.futura-sciences.com/p...imatiques.html post #4).

    Ensuite, quelques remarques :

    Floda, ton texte initial part un peu dans toutes sortes de directions … Si les deux premiers paragraphes sont clairs (ils posent la question d’un biais d’usage anthropocentrique de la théorie de l’évolution), les suivants avancent des réflexions (parfois elliptiques) qui abordent d’autres sujets de discussions.

    Dans ce qui suit, je commenterai certains des points dont tu parles :

    1 – "Un gros soucis qui a été identifié par certains chercheurs, c'est la non incorporation de la sociologie dans les sciences dures du vivant" - Peux-tu expliciter ton propos ?

    2 – "Ce qui me dérange le plus, personnellement, c'est le fait qu'il existe un essentialisme très présent au sein de la communauté des chercheurs (…), où justement la place de l'humanité ne semble pas avoir été comprise comme étant une espèce parmi d'autre" - Je nuancerais ton affirmation : oui, dans certains domaines de la recherche (anthropologie, ethnologie, sociologie par ex.) il y a une "ornière" mentale qui doit évoluer … Mais, je suis en désaccord avec toi pour les chercheurs français des sciences naturelles : ils ont parfaitement assimilé que l’humanité est une espèce animale, parmi d’autres et comme les autres. Après, comme tu le dis justement ailleurs, les tournures de phrases, les simplifications de communication ne sont pas toujours heureuses et, surtout, elles ne sont pas en accord avec ce qu’ils pensent.

    3 – " la place de l'humanité ne semble pas avoir été comprise comme étant une espèce parmi d'autre, justement du fait que les sciences humaines ne soient pas prises au sérieux par les sciences naturelles " Il me semble que ce sont plus les éthologues et notamment les primatologues qui ont fait bouger les réflexions (du moins en ce qui concerne la paléoanthropologie). Donc, la révolution mentale me semble plus venir du monde des sciences naturelles que des sciences humaines (voir notamment les propos de Pascal Picq et de Bernard Lahire).

    4- "La barrière nature-culture qui évidemment n'a pas de sens en science." Je suis d’accord car ce sont des concepts (simplistes) qui sont fortement anthropocentriques (notamment dans notre culture occidentale cf. Philippe Descola). A mon avis, il serait nécessaire de repenser et de redéfinir nos modes d’analyses du fonctionnement du vivant (inné, instinctif, acquis, artificiel…). Mais là c’est un autre sujet de discussion.

    5– "On comprend que l'être humain n'a pas de place spéciale dans le vivant" - Perso, je nuancerais fortement ce propos.
    Certes, l’humanité est une espèce animale et on doit l’étudier comme toute autre espèce animale – j’insiste en précisant : comme on étudie n’importe quelle espèce animale.
    Certes, notre espèce a des singularités, comme chaque espèce animale à des singularités qui la caractérisent. Mais on ne peut nier une évidence : c’est une espèce animale très spéciale. Nous avons deux points qui nous singularisent des autres :
    (1) Nous avons une technoculture fondée, d’une part, sur l’innovation par exaptation associative et cumulative et, d’autre part, sur une transmission active et collaborative.
    (2) Nous avons le besoin de justifier nos comportement par des idéalités et nous structurons notre vie sociale autour de fictions partagées (mythes, religions, normes sociales …). Autrement dit, il y a un fonctionnement abstrait et symbolique dans notre imagination plutôt spécifique.

    Enfin, pour revenir au sujet des deux premiers paragraphes de ton écrit initial, je pense surtout que l’enjeu de la redéfinition de notre perception de "l’évolution" est moins de nier notre singularité (au nom d’une égalité antispéciste) que de mieux comprendre ce que nous sommes et de rappeler que notre animalité s’inscrit totalement dans le biologique et non dans des croyances en une intervention providentielle (ce qui est l’objectif premier de Guillaume Lecointre, notamment contre les créationnistes).

    Cordialement
    Dernière modification par philippedelimoges ; 12/05/2025 à 21h28.

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