Bonjour,
Je reprends une question qui était restée en suspens dans une ancienne discussion.
Soit une lampe de poche en train de chuter dans un trou noir. En théorie, un observateur extérieur verra sa lumière éternellement, affectée d'un redshift gravitationnel qui tend vers l'infini.
Que se passe-t-il si le trou noir vient à grossir, de sorte que l'accroissement du rayon de Schwarzschild de ce dernier dépasse la distance qu'il y avait auparavant entre la lampe de poche et le trou noir ? Voit-on toujours la lumière de la lampe de poche ?
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Ici, j'ai représenté l'hypothèse 1 : on ne voit plus la lumière de la lampe de poche, car elle est sous l'horizon.
C'est le cas qui avait été envisagé dans l'ancienne discussion. Il implique que sur un diagramme d'espace-temps conforme, l'horizon du trou noir qui grossit est incliné à plus de 45°, de sorte que le rayon lumineux émis par la lampe de poche depuis l'extérieur du trou noir finit par être rattrapé par l'horizon.
C'est un cas un peu bizarre, car si l'horizon d'un trou noir dont le rayon de Schwarzschild augmente pouvait rattraper un rayon lumineux, cela autoriserait, réciproquement, à un rayon lumineux émis sous l'horizon d'un trou noir de sortir de ce dernier si, par évaporation, le rayon de Schwarzschild du trou noir diminue, et donc si son horizon était incliné à moins de 45° sur un diagramme conforme.
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Ce dessin montre l'hypothèse 2 : on voit toujours la lumière de la lampe de poche, représentée ici à l'extérieur du trou noir, dont le rayon a augmenté. Ici, l'horizon du trou noir, même si le rayon de Schwarzschild varie, reste incliné à 45° sur un diagramme d'espace-temps conforme.
Ce cas paraît plus logique. Mais du coup, les conséquences sont très intéressantes.
Sur le dessin, j'ai été obligé de dessiner la lampe de poche plus à droite (les deux trous noirs supplémentaires avalés avaient une quantité de mouvement totale nulle dans le référentiel où le trou noir initial est immobile), donc plus proche de l'observateur. Comme si elle avait été repoussée par l'horizon du trou noir lorsque le rayon de Schwarzschild de ce dernier a augmenté.
La distance d2 entre la lampe et l'observateur semble donc avoir diminué, comme si la lampe de poche avait fait demi-tour dans son mouvement de chute vers le trou noir !
Mais d2 est-il réellement plus petit que d1 ? N'oublions pas que la lampe de poche est située dans un espace incroyablement courbé, où la force centrifuge est dirigée vers l'intérieur au lieu de l'extérieur, et où il y a toute cette sorte de paradoxes.
Une façon de mesurer la distance qui nous sépare de la lampe de poche, c'est de mesurer le temps mis par le rayon lumineux pour nous parvenir depuis la lampe de poche et de multiplier par la vitesse de la lumière.
Il peut y avoir plusieurs façons de définir ce temps. Mettons que la lampe de poche est en fait un réveil-matin qui affiche l'heure. A cause du redshift gravitationnel, l'affichage de l'heure nous apparaît fortement ralenti, presque figé.
Il semble donc à l'observateur distant que, si on prend comme référence le temps affiché par le réveil, l'image a mis énormément de temps à parcourir la distance entre le trou noir et l'observateur. L'espace autour du trou noir paraît donc extrêmement dilaté.
En effet, si un photon met une année pour partir d'un point situé presque sur l'horizon et pour échapper à l'attraction gravitationnelle du trou noir et atteindre un détecteur situé, mettons, à un mètre au-dessus de l'horizon (et le redshift qui tend vers l'infini à l'approche de l'horizon implique qu'il existe un point tel qu'une année sera nécessaire) alors selon cette définition, le photon a parcouru non pas un mètre, mais une année-lumière.
On en déduit donc que sur la dernière figure, d2 est plus grand que d1 du point de vue d'un rayon lumineux dirigé à l'opposé du trou noir !
On pourrait même dire que si on considère les rayons lumineux qui se dirigent à l'opposé du trou noir, il leur faudrait un temps infini pour parcourir l'intervalle entre l'horizon du trou noir et une sphère de rayon Rs + 1 centrée sur le trou noir (Rs étant le rayon de Schwarzschild, et le nombre 1 est exprimé en mètres). De ce point de vue, le volume d'espace compris entre le trou noir et cette sphère est infini !
Par contre, si on se dirige vers le trou noir, pour nous, la distance à parcourir avant de traverser l'horizon est plus courte.
Qu'en pensez-vous ?
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