Esquisse d'un cadre conceptuel "grand public" pour la compréhension de la MQ. Qu'en pensez-vous?
Il n'y a qu'une seule image de la particule quantique qui soit capable de réconcilier le sens commun avec la réalité: c'est de dire qu'une particule est une entité présente partout, étendue dans tout l'espace et tout le temps.Toute tentative d'imaginer quelque chose qui part d'une source, se dirige vers une cible, et l'atteint un certain temps après, est le meilleur moyen de se fourvoyer.
C'est dire à quel point non seulement l'espace, mais aussi le temps, doivent être repensés si on veut laisser toute sa place à cette seule idée acceptable de la particule. Il serait finalement assez simple et sans paradoxe de se la représenter dans cet espace et ce temps repensés, alors qu'on aboutit à des énigmes complètes si on persiste à voir l'espace et le temps comme nous en avons l'habitude. Finalement, le grand questionnement introduit par la Physique quantique, n'aura pas été celui de la nature des particules, mais celui de l'espace et du temps (et donc indirectement de la conscience). Si on accepte de voir l'espace et le temps avec une vison neuve, alors les propriétés des particules deviennent quasi-évidentes.
Dans ce cadre conceptuel, les anciennes querelles sur la complétude de la mécanique quantique et les variables cachées s'évanouissent.
On peut poser comme définitivement acquis que la mécanique quantique est complète, qu'il n'y a aucune variable cachée dans une paire de photons émis et il ne saurait y en avoir puisqu'ils ne sont pas émis. Toutes les paires de photons dans une expérience EPR sont légitimement décrites par la même équation d'états superposés, et ces états sont réels au même titre. Notons au passage que cela extirpe, au moins à ce niveau, la notion incasable en Physique de processus aléatoire: il n'y a rien d'aléatoire, puisque la vraie réalité est la coexistence de tous les états possibles. La Nature n'est en rien contrainte de tirer des dés au hasard, et l'insistance que l'on met à marteler cette notion de hasard dans les esprits novices est une cause supplémentaire de leur incompréhension.
Alors, si tout est si simple, pourquoi l'observation revêt-elle un caractère aléatoire? C'est parce que, d'une certaine façon, on veut "forcer" quelque chose qui est multiple à apparaître comme unique. On veut forcer quelque chose qui est partout dans le temps et dans l'espace à se manifester ici et maintenant. Cette chose n'a alors que deux options: ne pas se manifester, ignorant superbement notre question, et nous laissant face au néant, ou se manifester précisément là où on a installé un dispositif pour enregistrer un de ses effets. La vraie question n'est pas: "que choisira-t-elle de faire", mais plutôt: "que choisira-t-elle de nous montrer". Et, là encore, c'est la somme de tous les dispositifs possibles (ou même concevables) pour la détecter qui va imposer à la particule de s'étaler sur chacun d'eux, le total de ces étalements constituant pour nous la particule, dont seule l'existence est une certitude.
C'est sans doute là, en essayant de préciser la raison ultime de cet aléatoire (qu'on n'a fait que déplacer en le rejetant sur une sorte de multi-univers), que va peut-être venir s'insérer naturellement la Relativité et la vitesse de la lumière. Voyons cela de plus près.
Un photon est "soi-disant" émis par une source localisée en x à un instant t donné (c'est la vision "expérimentale"). En fait, d'après le paradigme que je défends, le photon existe depuis toujours, et se trouve déjà répandu dans tout l'univers. Il n'a pas de localisation, ou, plus précisément, il les a toutes. Mais la "source" est un appareillage que nous avons installé et qui va "étaler" la tendance à apparaître d'un de ces photons dans une hypershère d'espace-temps centrée autour de cette source. Il n'y a alors rien d'étonnant, vu les "caractéristiques" spatio-temporelles que par là-même nous lui imposons, qu'il ait une probabilité forte de "construire une histoire" dans le voisinage de la "source". Cependant, le "reste" du photon, sa partie étendue dans tout l'univers (notre espace et notre temps), ne se réduit pas à rien pour autant.
Si j'osais risquer une image, je dirais que tout se passe (vu de notre point de vue d'observateur, je tiens à insister là-dessus) comme si l' "attention" du photon s'était "concentrée" plus particulièrement sur le système que nous avons installé, et que c'était cette sphère d' "attention" du photon qui se propage dans toute sa substance à la vitesse de la lumière, enjoignant à une part de plus en plus large de lui-même de se conformer (d'entrer en résonance?) avec ce qui se passe là. D'avoir détecté le piège qui lui était tendu en (x,t) l'oblige à répercuter sur toutes ses parties situées en (x+dx, t+dt) des contraintes de cohérence avec tout ce qu'implique ce dispositif pour l'observateur en (x,t). On pourrait voir là l'expression d'une sorte de "prise de conscience" du photon.
Mais en réalité, cette image est insatisfaisante (même si elle n'est peut-être pas à rejeter entièrement, dans le cadre d'une réflexion sur la nature de la conscience). D'abord, les expériences poussant la particule dans ses retranchements prouvent sans ambigüité la non-localité à vitesse supérieure à c. Mais surtout, il ne serait pas logique que ce que j'appelle -d'une façon peut-être pas très heureuse- l' "attention" du photon, se limite à ce qui se passe dans cet étroit domaine, alors qu'il est partout et tout le temps. Il semble plus satisfaisant de dire que ce que nous pourrions interpréter comme son "attention", c'est en fait l'image réfléchie de la nôtre, qui se concentre sur cette région du photon, et qui, elle, ne peut aller plus vite que la lumière. La finitude de c est le facteur qui nous empêcherait de "voir" toutes les manifestations multiples du photon, nous limitant aux seules manifestations qui sont compatibles dans le voisinage de l'expérience. La seule information que les expériences EPR ont laissé filtrer, c'est le photon était non-local. Maintenant, savoir ce qu'il fait hors de notre sphère de causalité est impossible. On pourrait dire que c est la frontière qui sépare la Physique de la Métaphysique! On peut même aller jusqu'à se demander si ce qu'il fait hors de cette sphère doit nécessairement respecter les lois quantiques. Tout comme il est permis de supposer qu'il n'existe pas des photons, mais, comme cela a déjà été proposé, un seul photon unique rendant compte de toutes les manifestations photoniques dans l'univers (voilà une façon inattendue de ressusciter la notion d'éther plus de cent ans après!).
Mais on voit peut-être un peu mieux où je veux en venir: l'existence d'un facteur responsable de la causalité serait ce qui oblige le photon localement à "faire des choix", ou du moins à donner l'impression qu'il en fait. En le cherchant à tel endroit, on l'oblige à prendre en compte tous les systèmes de détection possibles qui pourraient être installés dans la sphère de causalité de cet endroit, et à se répartir également sur chacun d'eux. Mais il ne peut le faire sans tenir compte aussi de l'activité (énergie?) de ses parties "éloignées". La vitesse de la lumière est en quelque sorte ce qui nous protège (du moins au premier ordre) de cette activité holistique. Elle crée autour de nous une sphère de causalité (d'autres diraient un cône de lumière) qui nous oblige à ne voir, parmi toutes les manifestations co-existantes dans l'univers, que celles qui racontent une histoire cohérente pour les êtres qui vivent ici et maintenant. Mais, la contrepartie, c'est que lorsqu'on veut regarder de trop près les détails de cette histoire, là les particules se rebiffent, et on se rend compte qu'il "manque quelque chose" à cette belle cohérence: c'est l'indéterminisme, appelé à tort l'aléatoire quantique, qui n'apparaît ainsi que parce qu'on néglige tout ce que fait la particule hors de la sphère causale de cette histoire. Cet apparent indéterminisme, c'est finalement la mesure concrère de notre ignorance relativiste à savoir tout ce qui se passe hors de notre sphère causale. Le principe d'Heisenberg serait au fond un principe... relativiste.
Finalement, je voudrais revenir sur ce que nous appelons la conscience, et qui pourrait se définir comme le résultat de la propagation d'une information à vitesse finie dans un système, alors que ce système, de par sa nature non-locale, dispose aussi d'un mode de transfert d'information instantané. La "prise de conscience" pourrait alors être définie comme le "ressenti" de tout système susceptible de traiter de l'information quand l'onde de propagation de l'information rencontre des parties du système qui, par une autre voie, en avaient déjà enregistré certains effets. Comme quand ce bon vieux commissaire Bourrel se disait: "bon sang, mais c'est bien sûr!". Il y a conscience parce qu'il y a déphasage entre deux modalités de perception, peut-être même pourrait-on oser dire: interférence. La conscience nécessite la dualité, alors que la particule (peut-être devrais-je écrire: la Particule ?) est une. La localité imposée par la vitesse des signaux physiques est ce qui provoque cette dualité, laquelle à son tour engendre des apparences aléatoires car elle ne peut avoir accès à tout. Et c'est pour cette raison que je soupçonne fortement c et h de s'auto-impliquer.
Est-ce qu'une conjecture comme celle-ci: "le degré d'indéterminisme est une mesure de notre ignorance (humaine ou non, peu importe) de ce qui se passe hors notre sphère de causalité" serait non-scientifique, et, dans le cas contraire, est-elle susceptible d'être dotée d'un sens physique précis? Ce n'est pas évident, car a priori aucune expérience ne peut nous renseigner sur ce qui se passe hors de la sphère de causalité. Mais on peut le savoir après coup, comme en cryptographie quantique. Et même dans la négative, est-ce que cette conjecture pourrait au moins nous remettre à l'aise face à cette Nature incompréhensible? Rien que cela mériterait, je crois, qu'on s'y intéresse.
Notons aussi que cette conception relève aussi des variables cachées, mais il s'agit évidemment là de variables non-locales.
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