Bonjour
Dans une récente discussion à propos des modèles climatiques (en l'occurrence, les résultats du modèle français IPSL pour le CMIP5, future base du rapport GIEC 2013), nous avions évoqué la question de la "dérive climatique" au sein des modèles. Mais elle était alors HS.
Je profite d'une publication toute récente pour relancer ici le débat, sur cette question précise.
Il s'agit d'un article de Sen Gupta et al paru dans le Journal of Climate. On peut trouver la version libre de cet article ici.
En substance, on appelle "dérive climatique" (climate drift) le fait que dans un exercice de simulation, et en l'absence de tout forçage, les itérations des modèles tendent à produire spontanément une tendance dans les températures de surface de l'eau ou de l'air. Se pose la question de savoir si cette tendance (la "dérive") reflète une réalité physique (une variabilité à basse fréquence du climat réel) ou un artifice du modèle. Dans la seconde hypothèse, le modèle peut produire une dérive climatique "fausse" pour plusieurs raisons : problème d'ajustement lors des conditions initiales de la simulation, erreur dans la partie paramétrisée des équations numériques ou erreur plus fondamentale dans la physique du modèle.
Dans le travail mis en lien, Sen Gupta et al. analysent la dérive climatique des modèles du CMIP3, ayant servi à produire les simulations de l'AR4. Mais la dérive climatique est un problème ancien (déjà analysée dans les années 1980) et, pour les auteurs, un problème qui ne sera pas résolu à court terme (donc qui concernera aussi bien l'AR5 de 2013). Leur conclusion est que les modèles du CMIP 3 ont des dérives locales qui peuvent représenter 15 à 35% du signal de température observé entre 1950 et 2000. Mais que les modèles ne convergent pas dans leurs dérives (elles n'ont pas forcément le même signe), de sorte que les projections en "moyenne multimodèle" tendent à réduire le phénomène. La dérive est par ailleurs particulièrement prononcée au-delà de 1000 à 2000 m de profondeur dans les océans, ce qui peut affecter les projections de hausse du niveau des mers (car la part stérique de cette hausse provient à cette profondeur du signal de la dérive climatique plus que du signal forcé).
Mais je vous laisse lire l'article, afin de répondre aux questions de ce débat :
Cette dérive est-elle un problème important?
Peut-elle correspondre à une réalité physique ou est-elle forcément un artifice numérique?
Si elle devait correspondre à une réalité physique (une tendance réelle du climat à varier de quelques dixièmes de K sur un siècle), quels en seraient les mécanismes possibles?
Merci de votre participation.
Nota : précaution d'usage, mais qui semble nécessaire, on évite dans ce débat toute généralité sur le réchauffement climatique et le GIEC, on s'en tient aux questions posées et cadrées par l'article de Sen Gupta et al. On peut lire de manière complémentaire les rappels de l'AR4 2007 sur l'initialisation des modèles et les ajustements de flux.
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