Salut a tous,
Je ne sais pas si c'est le bon endroit pour commencer cette discussion, mais c'est un sujet qui m'interesse beaucoup et je n'ai pas beaucoup de personnes avec qui en discuter donc je me lance ici.
Le 6eme probleme de Hilbert consiste essentiellement a axiomatiser la physique de la meme facon que les gens ont cherche a axiomatiser les mathematiques en partant de la logique et de reduire la logique a la theorie des ensembles vers la fin du XVIIIeme siecle.
Historiquement, le 6eme probleme de Hilbert a ete interprete comme la possibilite de fournir la preuve (en utilisant un raisonnement essentiellement deductif) des equations hydrodynamiques a partir de l'equation de Boltzmann; programme qui n'est toujours pas acheve aujourd'hui.
Le 6eme probleme de Hilbert a egalement ete interprete comme la quete d'une "theorie du tout" axiomatisee i.e. la recherche d'un systeme d'axiomes de taille finie qui soit universel c'est a dire dont toute question relative a la "physique" peut etre encodee et sa reponse trouvee dans ce systeme axiomatique.
Actuellement en physique, ce systeme est le Model Standard de la physique des particules (+ gravitons).
Notons, par ailleurs, que Godel a montre que l'arithmetique (de Peano ?) etait universelle mais necessairement incomplete.
De la meme facon, dans son livre A New Kind of Science, Stephen Wolfram fait la distinction entre un systeme universel et un systeme dont on peut court-circuiter l'evolution pour connaitre explicitement le futur d'une condition initiale a n'importe quel instant ulterieur.
Typiquement, un systeme universel a un tres grand nombre de situations pour lesquelles il est virtuellement impossible de connaitre le futur explictement sans le faire tourner jusqu'a l'instant voulu. Dans le cas d'un systeme axiomatique en mathematique, l'idee est que en partant de certaines hypotheses et en utilisant les axiomes d'une certaine facon, il est impossible de deviner quel sera la proposition au bout d'un certain nombre de lignes sans expliciter chacune d'elles.
Ce type de raisonnement plaide evidemment en faveur de l'outil de simulation numerique qui, au lieu d'etre un aveu de faiblesse intellectuel (comme cela est interprete par les physiciens francais), serait en fait quelque chose d'inevitable pour tout probleme non trivial.
Wolfran resume cela pour les maths et les sciences de la Nature en disant que tout systeme universel est forcement incomplet dans le sens ou certaines affirmations ne sont pas prouvables avec un nombre fini de lignes et/ou pour lesquelles la taille de la preuve/simulation recquise est indecidable.
Il precise rapidement qu'il pense que ce genre de choses est tres important par exemple en physique statistique pour laquelle les gens regardent des comportements asymptotiques en espace et en temps.
Je pense egalement que c'est tres important et en particulier, cela pourrait etre a l'origine des difficultes que l'on a, d'un point de vue mathematique, a justifier ne serait-ce que l'emploi du cadre theorique de la physique statistique en physique classique. On pourrait mentionner comme resussite le theoreme de Landford qui dans une certaine limite (limite de Boltzmann-Grad), permet d'obtenir l'equation de Boltzmann a partir des equations d'Hamilton pour un gaz de spheres dures mais ce serait oublier que meme ce theoreme ne deroge pas a la regle de mettre les probabilites un peu "a la main" comme cela a par exemple ete discute par Cedric Villani.
L'exemple que j'ai donne plus haut de la difficulte de "prouver" les regimes hydrodynamiques a partir de l'equation de Boltzmann est assez probant egalement.
Les problemes de renormalisation en physique des hautes energies me semblent aussi etre un bon exemple car on est oblige de savoir a l'avance que les parametres effectifs de masse, charge etc... sont finis pour pouvoir regulariser des sommes infinies contenant des termes divergents.
Une reponse proposee a ces divergences est la theorie des cordes mais je ne suis pas sur que cela ne fait pas que deplacer le probleme.
Enfin, les theoremes d'incompletude de Godel sont bases sur des propositions qui referent a elles memes. L'homme faisant parti de l'univers et la physique cherchant a decrire l'univers, il est donc tout a fait possible que ces theoremes soient pertinents pour la physique. J'en ai eu un exemple a une conference recemment lorsqu'un chercheur a presente un nouveau cadre de la thermodynamique d'equilibre qui engloberait l'observateur et l'information qu'il contient.
Je pense que discuter de ces choses la est important car cela pourrait montrer que certains reductionismes sont essentiellement impossibles, independament de la qualite des chercheurs ou des ordinateurs impliques. Ainsi, la philosophie reductioniste serait toujours dominante en science mais pourrait s'exprimer avec une version plus faible qu'auparavant de la meme facon que le theoreme de Godel n'a pas arrete le programme d'axiomatisation des mathematiques mais a simplement permis de reflechir a differents concepts de "preuves" qui tiennent compte des limitations imposees par les idees de Godel.
A defaut de n'en savoir d'avantage, je pense que ce type de connaissances sur les difficultes voire impossibilites essentielles qu'il y aurait a deriver des resultats vrais a une certaine echelle a partir d'une plus petite echelle est important pour l'inconscient collectif en general et pour les etudiants en sciences plus particulirement. Cela permettrait en effet de briser cette "hierarchie" de la physique qui nous est enseignee et mediatisee ou la physique des hautes energies trone tout en haut de la pyramide et la chimie/biologie tout en bas.
Desole c'est tres fouilli, j'ai ecrit un peu comme je le sentais mais tout commentaire est le bienvenu pour remettre de l'ordre/recadrer ce que j'ai ecrit .
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