Mes chers lecteurs, cette semaine je me penche sur un sujet qui m’a été inspiré d’un article sur lequel je suis tombé par hasard, certes moins pointu que d’habitude, mais tout de même d’une importance capitale dans la communauté scientifique : L’instrumentalisation des sciences et les fondements de ce phénomène.
A notre époque, nous entendons presque quotidiennement parler de crises en tous genres, les nouveaux médias et plateformes sociales donnant à tous une opportunité d’expression d’une ampleur jamais inégalée. Les plateformes comme twitter deviennent ainsi des prétoires publics où les opinions les plus infondées et les fake news côtoient des arguments justifiés et vérifiables. La science, qui semblait être un pilier d’objectivité autour duquel des débats non partisans pouvaient se dérouler, perd aujourd’hui de sa crédibilité. En effet, quelle est la valeur d’une recherche scientifique si elle a été financée par des entreprises, consortium ou partis, auxquels sa conclusion pourraient nuire ?
Les procédés frauduleux et les points de vue complaisants ne sont pas un phénomène nouveau dans le monde de la recherche scientifique. En effet, les pratiques des industriels dans différents domaines (tabac, pharmaceutique ou agroalimentaire, par exemple) ont déjà été largement documentées. Mais qu’en est-il des agences d’évaluations, des universités, des financeurs publics ou privés et des politiques qui interviennent à différents niveaux du fonctionnement de la recherche ? Peut-on identifier sans difficultés ni pressions des méconduites de ces structures ? C’est là que le bât blesse.
Une analyse de la littérature scientifique sur les méconduites de l’administration de la recherche récemment publiée (janvier 2022) identifie trois types de comportements retrouvés dans la majorité des exemples étudies : l’abus de pouvoir, le manquement aux obligations et le manque de responsabilité.
L’abus de pouvoir est le plus évident des trois, ce dernier peut être illustré par le refus d’enquêter sur des allégations justifiées ou, à l’inverse, la volonté abusive d’enquêter sur des plaintes injustifiées pour détourner l’attention du public. Un autre exemple est l’attribution des financements, qui découle souvent de considérations sans rapport avec le fondement scientifique des recherches envisagées. On pourrait aussi citer le phénomène malheureusement trop répandu d’institutions qui finissent par exclure des chercheurs pour des motivations politiques (voire parfois même confessionnelles) afin de garder une sécurité financière.
Le manquement aux obligations signifie ici l’ignorance, le non-respect ou l’interprétation partisane des recommandations et des chartes de bonnes pratiques/conduite en vigueur dans l’institution en question. Elle concerne également la nomination en toute connaissance de cause de personnes n’ayant pas les compétences requises pour un poste.
Quant au manque de responsabilité, il consiste à placer la réputation institutionnelle au-dessus de l’éthique et de la justesse, quels qu’en soient les conséquences et le prix…
En conclusion, le rapport souligne notamment que la méconduite des administrations est sans doute sous-évaluée car les signalements proviennent essentiellement des administrations elles-mêmes. Il émet sept recommandations, parmi lesquelles l’obligation pour chaque institution de se doter de règles spécifiques relatives aux mauvaises pratiques de sa propre administration, la mise en place de sanctions substantielles pour les personnes reconnues coupables ainsi qu’un dédommagement pour celles injustement accusées, un recours à une autorité externe et indépendante pour aider à enquêter et juger. Si ces solutions peuvent sembler judicieuses, elles ne sont appliquées que dans de très rares entreprises (ou administrations) , ce qui éclaire sur les difficultés dans la mise en œuvre d’un contrôle sur l’indépendance financière ou politique des recherche scientifiques par des administrations ou des entreprises privées.
La situation ne pourra qu’empirer en l’absence de mesures à l’échelle internationale (ou du moins européenne) dans un futur proche. Mais l’article qui m’a inspiré la rédaction de ce post m’a redonné espoir en la communauté scientifique et je vous conseille vivement d’y jeter un coup d’œil si vous voulez plus de détails.
Merci de m’avoir suivi jusqu’ici et je vous souhaite une bonne semaine bien garnie de sciences !
A vendredi Prochain !
Source :
Robert JS, “Misconduct in research administration : What is it ? How widespread is it ? And what should we do about it ?”
-----