L’intelligence artificielle a-t-elle un avenir ?
Je vais tenter de répondre à cette question d’actualité.
Je dois préciser que je sais de quoi je parle car, bien qu’ayant commencé ma carrière en astrophysique, je l’ai poursuivie en tant qu’en ingénieur expert en informatique théorique à IBM jusqu’à ma retraite.
Rappel : (pour ceux qui pourraient ignorer ce qu’est une machine de Turing)
Machine de Turing.
Une telle machine se présente ainsi :
Un ruban sans limitation de longueur et divisé en cases telles que chacune d’elles contient soit un bâtonnet, soit rien du tout (un blanc).
Ce ruban passe, case pas case, à travers une boîte contenant une tête de lecture/écriture.
Pour faire fonctionner cette machine, on rédige des instructions sur des lignes numérotées de 1 à n.
Les « instructions » que l’on peut donner à cette machine sont :
Si la tête de lecture voit un « blanc », alors soit elle le laisse soit elle écrit un bâtonnet.
Si la tête de lecture voit un bâtonnet, alors soit elle le laisse soit elle l’efface.
Après quoi, le ruban, sur instruction évidemment, se déplace soit d’une case à gauche soit d’une case à droite ou bien s’arrête.
Enfin, il est indiqué à la machine sur quelle ligne elle doit aller chercher ses prochaines instructions.
C’est tout.
Machine de Turing universelle.
On appelle machine de Turing universelle une machine de Turing dont les instructions sont encodées sur le ruban lui-même, en faisant ainsi un véritable ordinateur logiquement parlant.
Un résultat important : La thèse de Church.
Alonso Church a établi le résultat suivant :
La théorie des machines de Turing, la théorie des fonctions récursives et la théorie des algorithmes sont logiquement équivalents.
Ce résultat est extrêmement important car il signifie (et a été retrouvé par d’autres voies) qu’un ordinateur, même le plus moderne, est logiquement équivalent à une machine de Turing universelle !
Faisons maintenant un petit détour par le concept d’intelligence.
Rassurez-vous, je n’ai pas la prétention de définir l’intelligence, j’en suis bien incapable !
Mais je crois que tout le monde sera d’accord pour affirmer que la prise de décision en est une composante importante. Or, toute décision non due à un simple réflexe instinctif est la conclusion d’un raisonnement.
Concernant l’intelligence artificielle, la question qui vient donc naturellement à l’esprit est :
Une machine de Turing peut-elle se livrer à un raisonnement lui permettant de prendre seule des initiatives ?
La réponse est évidemment un non catégorique !
Il en est de même pour les superordinateurs qui ne sont pas logiquement plus puissants qu’une machine de Turing.
Certes, les langages informatiques évolués utilisés de nos jours sont impressionnants par leur efficacité, mais n’oublions pas qu’ils doivent être impérativement traduits en « langage machine » pour être exécutés par l’ordinateur et ce langage machine n’est pas, on l’a vu, logiquement plus puissant que celui d’une machine de Turing.
Pourtant, des logiciens, et non des moindres, persistent à croire en l’intelligence artificielle. C’est ainsi que le logicien américain Douglas Hofstadter pense que la conscience pourrait apparaître dans un système logique suffisamment complexe par une sorte de transition de phase.
Mais que signifie « suffisamment », quelles « phases » ?
Tout cela reste bien vague et ne rend pas plus riche logiquement le langage des machines de Turing !
On aura compris d’après ce qui précède que je ne crois pas que les recherches en intelligence artificielle puissent aboutir car les faits sont là : Un ordinateur ne peut effectuer que ce que l’on lui ordonne de faire et est incapable de prendre la moindre initiative et tout cela est dans la logique même de ces machines.
Peut-être dans un lointain futur verra-t-on fonctionner un « ordinateur quantique » dont la logique transcendera celle ces ordinateurs d’aujourd’hui, mais pour cela encore faut-il que de tels ordinateurs soient réalisables, ce qui est douteux étant donné l’existence du phénomène de décohérence.
Mais là, j’avance en terrain accidenté et je préfère ne pas m’y aventurer.
Amicalement.
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