En deuxième lecture, j'ai du mal à comprendre comment on peut mettre sur le même plan un non-acte (ne pas concevoir) et un acte (avorter; un acte violent, de surcroit).Est-il moralement "plus acceptable" d'empêcher quelqu'un de mettre au monde un enfant parce qu'il y a un risque (environ 1/2 pour le cas de la personne atteinte de myopathie évoquée dans ce fil) que l'enfant soit malade ou handicapé ou de pratiquer un IVG sur un foetus quand on a la certitude que l'enfant va être malade ou handicapé ?
(J'ai enlevé les références à l'IVG, pour éviter ce qui m'apparaît comme un amalgame.)Une autre question soulevée dans les cas que j'ai évoqués, et qui est soulignée par V. Pécresse dans son intervention : Peut-on hiérarchiser les êtres humains ? Est-ce moralement acceptable de décider si un enfant à le droit (...) d'être conçu en fonction de la valeur de sa vie ? Peut-on prévenir la venue au monde (en empêchant la conception(...) d'une personne parce qu'il y a un risque que sa vie coute plus à la société que ce qu'elle lui rapporte ?
Je voudrais juste souligner le problème sémantique de ces phrases, qui parlent d'une personne qui n'existe pas. Un non-être comme un enfant potentiel (à concevoir dans le futur) ne peut pas avoir de droit, à mon sens. Le "droit à être conçu" paraît une construction intellectuelle sans fondement, parce que sans objet.
Autre manière de dire que l'amalgame entre un enfant potentiel et un embryon vivant me semble de plus en plus difficilement acceptable.
Cordialement,
Justement, tu me parles de différence entre ce qui est possible et ce qui est réalisé. C'est justement là dessus que porte mon argument. Un enfant qui né d'une mère souffrant d'une maladie génétique n'héritera pas forcément de cette maladie. On est donc en train de parler de retirer un droit fondamental à une personne pour une question de possible.C'est la différence entre le putatif et le réalisé, entre l'intention et l'acte, entre la prévention et les soins.
Et après ? On va établit le profil génétique d'une personne puis lui interdire de procréer avec telle autre ?
"Non madame, désolé, mais vous ne pouvez pas avoir d'enfant avec monsieur, parce que votre possible futur enfant a une chance sur 40 d'être roux avec les yeux noisettes. Et croyez moi, madame, c'est vraiment pas assorti."
Etant donné le nombre incroyable de tares génétiques dont chacun d'entre nous est porteur (sans forcément les déclarer), il risque de ne plus y avoir beaucoup d'habitants sur Terre. Le truc bien, c'est qu'ils seront super parfaits... Ce qui est moins bien, c'est qu'au moindre changement environnemental, une grande partie d'entre eux disparaitra.
Pas plus que quelqu'un qui roule à 200 km/h sur une autoroute n'aura forcément un accident.
Parler de "retirer un droit fondamental" consiste à donner la réponse dans la question! La question est l'argumentation permettant de défendre l'idée que c'est un droit fondamental.On est donc en train de parler de retirer un droit fondamental à une personne pour une question de possible.
Rouler sur l'autoroute à 200 km/h n'est pas un droit fondamental à cause du risque d'accident, pour une question de possible, exactement.
Là on entre dans le problème pratique. Kinette a donné des arguments sur la difficulté pratique. Si tu lis bien mes messages, j'avais dit d'entrée ou presque que c'était un problème bien trop difficile.Et après ? On va établit le profil génétique d'une personne puis lui interdire de procréer avec telle autre ?
On est d'accord sur le fond, je pense: il y a des arguments solides contre des pratiques légales et coercitives dans ce domaine.
Mais ça n'empêche pas de discuter si la morale, ou les faiseurs d'opinion comme les média, doivent présenter le choix d'avoir un enfant avec des risques avérés et significatifs (deux qualificatifs pour distinguer des tares que nous portons tous) comme "bien", comme l'exercice d'un droit fondamental, ou comme "mal", comme un acte assez égoïste que la morale n'approuve pas tout en le tolérant, ou même réprouve sans le condamner légalement, à l'instar de nombres d'actes et de pratiques.
Cordialement,
Fabrice g a écrit:
<<...Peut-on prévenir la venue au monde (en empêchant la conception ou en imposant une IVG)...>>
Le débat ne porte pas sur LE MOYEN d'empêcher la venue au monde d'un enfant.
La société veut tout mais offre ce qu'elle peut. Des choix sont fait; le dernier médicament ou le traitement le plus récent n'est pas nécessairement offert à tous immédiatement. Pour faire un choix, le critère du dieu dollar n'est jamais celui invoqué officiellement - cela dérange. Mais on sent bien que l'enjeu est toujours ramené à un critère monétaire; une vision multidimensionnelle d'un problème complexe simplifié à l'extrême dans une unité monétaire.Ce soutien apporté par la société serait dirigé ailleurs si l'enfant n'est pas. Et, comme par hypothèse l'enfant pourrait être malade, il diminuera statistiquement le soutien moyen que la société offre aux autres jeunes, la possibilité totale de soutien étant limitée. S'il est malade ou handicapé, cet enfant prendra, sans qu'il l'ai demandé d'ailleurs ni qu'on puisse lui reprocher, aux autres.
Aussi, dit comme ça (cf. la citation), cela semble un "vrai" problème. Mais en relativisant, il n'y pas de problème à laisser le libre choix dans notre société. Je n'ai jamais lu ou eu connaissance d'une société où les personnes handicapées ou les malades représentaient un tel poids monétaire au point d'en devenir un fardeau moral pour cette société hormis le cas des sociétés sous la botte du nazisme; et encore là, il me semble que l'argument économique n'était qu'une façade.
Et toutes ces personnes ne se plaignent pas d'exercer une profession qui leur permet de vivre, de payer des taxes, des impôts et d'élever leurs enfants. Et aussi, le poteau cassé, les dégâts matériels et tout le reste, c'est aussi une activité économique.C'est assez loin d'être vrai. Il y a peut-être une partie des couts proximaux qui sont pris en charge pas les assurances, etc. Mais pas tout. Une personne qui a un accident de la route, ça a un bon nombre d'implications qui chacune ont un cout (plus ou moins proximal) pour la société. Un accident de voiture, ce sont des dégâts matériels pour les personnes impliquées (une voiture, un poteau) qui sont plus ou moins bien pris en charge par les assurances, des dégâts humains dont une partie seulement sera prise en charge. Ce sont aussi des personnes que l'on mobilise, des gendarmes ou policiers, des pompiers, etc. Tout cela à un cout.
Oui bon, mais ça n'a rien a voir avec l'eugénisme
J'entre un peu plus dans le débat.
La gène que porte en soi l'eugénisme, ne serait-elle pas le reflet de notre inconfort à nous substituer à mère nature? À être responsable de ?
De tout temps, être porteur d'un handicap ou être malade signifiait une vie plus difficile voir écourtée. Bref, une sélection s'opérait mais après avoir exposé les parents, amis et voisins du malade ou du handicapé à des souffrances morales (compassion, pitié, sentiment d'impuissance, peur devant l'inexpliqué...) . Aujourd'hui, la recherche amène des solutions qui prolonge la vie mais sans nécessairement la rendre "égale" à celle des personnes "en bonne santé". Ce qui auparavant ne laissait le temps à aucun dilemme de ce poser (la société n'avait aucune solution ou remède satisfaisant à offrir à la personne handicapée ou malade et cette dernière décédait relativement rapidement) pose maintenant de vrai dilemme très gênant à résoudre par une personne publique (notamment). Voilà l'origine de l'inconfort moral dans lequel notre société se trouve pris comme si la science apportait elle aussi son lot de dégâts collatéraux.
Jusqu'à maintenant, et là je suis un peu réducteur, les mécanismes de l'économie de marché (dont entre autre la maximisation des profits) semblent avoir arbitrer les situations et résolus les dilemmes. Ainsi, pourquoi si peu de recherche sur la céphalée de Horton (un exemple parmi tant d'autre) et autant sur l'esthétique sous toutes ses formes ?
<<...La gène que porte en soi l'eugénisme...>>
Désolé de critiquer un modérateur, mais, étant donné le sujet traité, j'ai eu une hésitation avant de comprendre qu'il fallait lire:
"...la gêne que porte en soi..."
Ben oui, une p'tite faute de français. Bien vue.
Bonjour,
Le principal problème avec ce genre de concept est le décalage entre le but et la mise en œuvre ; une humanité meilleure, ça, je vois pas ce que les gens peuvent y trouver a redire. On remarque d’ailleurs que toute les grandes avancées vont dans ce sens ; être plus résistant, l’espérance de vie augmente, nos organismes sont de moins en moins frustres (comparez le avec celui d’une amibe) etc. Donc c’est bien.
Mais dans la pratique Dame Nature nous envoie souvent sur terre quelques gros désaxé pour lui mettre quelques options supplémentaires, dans cette mise en oeuvre ; « l’humanité doit être parfaite ? Très bien, alors on va gazer des juifs –Hitler-, tuer les handicapés –a peu près toute les sociétés selon les époques-, brûler les roux –moyen age et Egypte, … » et je ne sais quels autres horreurs de notre histoire. J’inclus dans ces désaxés l’inventeur même du concept (le Suisse). En effet sa notion de perfection est franchement subjective (est-ce que je suis plus beau bleu que vert à pois rose ? non mais franchement !, venant d'un Suisse c'est l'hopital qui se fiche la charité )
Un jour je pense lorsque nous aurons quelque synapse plus ouvert(es) et neurones mieux connectés nous verrons que tendre vers un but n’est pas forcement lié à une modification de l’état du présent (là j’ai du mal à le formuler). En gros pour illustrer c’est inutile de se débarrasser d’un « non-conforme » si on ne trouve pas la cause de cet état. Agir sur les causes et non sur les conséquences.
Cette réflexion marche avec la religion, tous les systèmes économique, et politique, le poker, enfin bref toutes les machines bien huilée sur le papier mais qui, mis dans les mains des hommes deviennent un vrai beau gros et joyeux bordel.
Salut !
Bonjour,
Je vais tenter un éclaircissement philosphique de la question de l'Eugénisme. Pour l'Eglise, l'Eugénisme n'est pas un problème car la solution est donnée : seul Dieu a droit de vie et de mort. Pour certains naturalistes, l'eugénisme n'est pas un problème car, Nature s'étant substitué à Dieu, il faut poursuivre dans la continuités de la nature. Mais l'un comme l'autre sont dans des cadres bien définis qui ne peuvent se comprendre que sur fond de présupposés propres aux boulversements de cette période.
Il me semble que le problème de l'Eugenisme n'apparaiit comme problématique qu'à partir du moment où apparaissent les conditions d'une véritable "science de la vie", lorsque la biologie se substitue à l'Histoire Naturelle. Le boulversement qui s'est passé au 18-19e c'est l'apparition du vivant (au sens ou nous l'entendons aujourd'hui) en tant que qualificatif des êtres qui contiennent en eux même leurs principes de fonctionnement (Cuvier) et non plus dans un schéma continu de la nature.
Par cet événement, une différence dans le tableau de classification cesse d'être nécessairement un progrès ou une régression dans l'absolu mais seulement une forme d'adaptation concernant un individu dans un certain milieu (Darwin). Les individus contiennent en eux même le principe de leur propre histoire.
Cependant, il persiste la nécessité d'un progrès qui désormais est dans les êtres mêmes. La coupure avec l'Histoire Naturelle n'est pas nette. A un type de finalité de l'Histoire se substitue un autre type de finalité.
En effet, parallèlement, c'est au 19e siècle que David Ricardo boulverse l'économie politique avec sa théorie de la valeur qui se fonde sur la quantité de travail; c'est à dire de l'effort et de la souffrance.
La théorie de ricardo repose sur une anthropologie pessimiste de l'Homme comme être fini, ayant en lui la condition de la vie: il est constamment en carrence. L'Homme travaille donc dans un rapport contre la mort.
Or, la démographie ne cesse de progresser alors que les ressources limitées et le rendement des terres est constamment décroissant; ce qui signifie que le travail demandera de plus en plus d'effort pour de moins en moins de rendement. Il arrivera donc un moment où l'Histoire va finir par se figer, l'Homme ne pourra plus échapper à sa mort. Il doit donc à un moment se limier en nombre et être de plus en plus performant.
C'est dans ce contexte idéologique que naît l'Eugenisme (au sens où nous l'entendons de nos jours), la nécessité d'un Homme mieux adapté, mieux fait pour répondre aux problèmes croissants qui s'imposent à lui. C'est de là que deviennent possible le Romantisme...
De façon significative, à la fin du 19e siècle, viendra Alfred Adler et sa psychologie individuelle qui fonde sur le modèle des complxes d'infériorité et de supériorité. Le plus fort doit compenser les carrences du plus faible, mais à l'inverse, le plus faible est contraint de faire moins par les excès du plus fort.
Ce n'est donc plus sur fond de progrès ou régression vers un absolu que surgit le problème de l'Eugenisme mais sur fond d'un équilibre-désiquilibre n'ayant pas de solution toute faite. Le "Bien" que traduit le "Eu-" grec dans "eu-génisme" est en fait considéré au 19e et 20e siècle par rapport à une forme d'équilibre nécessaire en réaction à la fin de l'Histoire. C'est sur fond d'homeostasie entre les individus dans un même milieu que se pose la question de l'Eugenisme. C'est ainsi que se justifient les idéologies socialistes, fascistes et nazies sur le modèle de l'Homme Idéal qui s'intègre de façon magistrale dans ce cadre.
Par la suite, c'est le technologisme qui va prendre le pas. En effet, à l'eugenisme qui veut améliorer par la négative, va suivre le transhumanisme qui veut améliorer grace aux technologies. On voit se profiler les symbiotes, organes artificiels,... Mais maintenant, la technologie et les sciences génétiques permettent de reformuler un certain idéal d'humanité. La questions des ressources insuffisantes resurgissent d'une façon nouvelle.
En vertu de quoi l'homme est-il sacré? Ou finit la liberté pour une femme de disposer de son corps et de la progéniture qu'il porte pendant 9 mois? C'est le moment du conséquentialisme. L'Eugénisme n'est plus mauvais car il touche au sacré, mais parce qu'il pourrait être la cause d'un plus grand désordre. Les conséquences seraient imprévisibles. On voit se développer une littérature contre-utopique, des scénarios de sciences fictions catastrophe, l'accoissement des inégalités financières auquel se superposent des inégalités bio-génétiques...
En fait, il y a un retournement qui semble s'être opéré au 20e siècle sur la question de l'Eugenisme. On est passé d'une analyse de l'eugénisme en tant que fondement général de l'organisation de la société à un eugénisme de la petite déifférence.
Mais l'une et l'autre ne sont que deux manières de parcourir le même schéma.
L'une part de général et provoque les changements au niveau particulier; alors que l'autre commence par le particulier et son effet a ses conséquences au niveau général. Dans le premier cas, les normes du groupe mettent en péril l'individu différent; alors qu' dans l'autre c'est l'individu différent qui met en péril l'identité du groupe.
Dans les deux cas, l'argument contre l'eugénisme est de ne pas avoir le choix. Soit parce que la norme est explicitement imposée, soit parce que la situation deviendrait telle qu'on n'aurait plus le choix.
L'analyse est exacte, mais elle ne me semble pas concerner exclusivement l'eugénisme, c'est-à-dire la seule partie innée de l'humain. Elle me semble déjà s'appliquer couramment à la partie acquise de l'humain. Non ?En fait, il y a un retournement qui semble s'être opéré au 20e siècle sur la question de l'Eugenisme. On est passé d'une analyse de l'eugénisme en tant que fondement général de l'organisation de la société à un eugénisme de la petite déifférence.
Mais l'une et l'autre ne sont que deux manières de parcourir le même schéma.
L'une part de général et provoque les changements au niveau particulier; alors que l'autre commence par le particulier et son effet a ses conséquences au niveau général. Dans le premier cas, les normes du groupe mettent en péril l'individu différent; alors qu' dans l'autre c'est l'individu différent qui met en péril l'identité du groupe.
Dans les deux cas, l'argument contre l'eugénisme est de ne pas avoir le choix. Soit parce que la norme est explicitement imposée, soit parce que la situation deviendrait telle qu'on n'aurait plus le choix.
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Oui, tu as raison. Il s'agit d'un cadre général dans lequel peut se penser la question de l'eugénisme, mais également d'autres problèmes plus généraux relatifs à l'être humain, les sciences...
Selon Foucault, l'évenement particulier du 19e c'est la création d'un nouvel être humain, d' un Homme tel qu'il est représenté aujourd'hui, mais qui n'existait pas encore au 17e et au 18e.
Cet Homme nouveau qui apparait à la fin du 19e a ceci de particulier qu'il est à la fois déterminant et déterminé, à la fois en rupture avec son histoire et dans la suite, à la fois pensant et impensé, conscient et inconscient... Ce qui signifie qu'il y a une nouvelle façon de poser la question "qu'est-ce qu'un Homme?" et donc une crise des valeurs.
Si la pratique était courrante depuis au moins l'antiquité grecque, l'eugénisme en tant que réel problème est très récent (20e siècle). Aussi, le problème se pose différemment avant 40-45, après 40-45 et maintenant.
En effet, avec le développements des technologies et les découvertes récentes en génétique, ressurgit le problème de l'eugenisme, mais sous un angle nouveau. Le danger vient cette fois d'une trop grande liberté au sein d'une société dont la chute des utopies socialistes tend à objectiver, par défaut, le système socioéconomique néo-libéral.
Même si nous l'interdisons, nous avons un mode d'organisation social qui tend et pousse vers certaine forme d'eugenisme. Ainsi, l'eugénisme, de façon limitée, je n'y vois pas un danger. Par contre il y a un courrant de fond qui rique d'être la cause de certaines dérives...