Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016
Répondre à la discussion
Affichage des résultats 1 à 21 sur 21

Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016



  1. #1
    philippedelimoges
    Animateur Actualités

    Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016


    ------

    Bonjour à tous,

    Julien Benoit, paléontologue et auteur de la chaine YouTube "Entracte Science", réalise actuellement un résumé (vulgarisation), chapitre par chapitre, de l'ouvrage universitaire Biologie évolutive (de Boeck, 2016), dont les auteurs sont Frédéric Thomas (Directeur de recherche au CNRS à Montpellier, au MIVEGEC), Thierry Lefevre (Professeur d'écologie évolutive, CNRS) et Michel Raymond (Directeur de recherches CNRS à l'Institut des Sciences de l'Evolution de Montpellier).

    S'il y en a qui peuvent apporter des informations supplémentaires (voire des corrections aux résumés de Julien Benoit), qu'ils n'hésitent pas. Afin de donner de la cohérence et de l'intérêt à ces potentielles interventions, je sollicite les auteurs à préciser le chapitre auquel il se réfère.

    A ce jour, deux vidéos sont en ligne :
    - chapitre 1 : https://www.youtube.com/watch?v=_r47h7v1EO0&t=452s
    - chapitre 2 : https://www.youtube.com/watch?v=RzCv5_hKkEE&t=2209s

    Pour info : le livre est accessible dans la partie grisée de la vidéo du chapitre 1.

    Cordialement

    -----

  2. #2
    GBo

    Re : Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016

    Je ne connaissais pas cette chaine, ça a l'air excellent merci.

  3. #3
    philippedelimoges
    Animateur Actualités

    Re : Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016

    Bonsoir à tous,

    Suite de la présentation de l'ouvrage :
    - chapitre 3 : https://www.youtube.com/watch?v=NmTYFCroXKo

    Cordialement

  4. #4
    philippedelimoges
    Animateur Actualités

    Re : Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016

    Suite de la présentation de l'ouvrage :
    - chapitre 4 : https://www.youtube.com/watch?v=PFwPOhmZefI

    Cordialement

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    philippedelimoges
    Animateur Actualités

    Re : Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016

    Suite de la présentation de l'ouvrage :
    - chapitre 5 : https://www.youtube.com/watch?v=LK21ofR3W3k

    Cordialement

  7. #6
    philippedelimoges
    Animateur Actualités

    Re : Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016

    Suite de la présentation de l'ouvrage :
    - chapitre 6 : https://www.youtube.com/watch?v=cQpZ1YZ0TJ8

    Cordialement

  8. #7
    Geb

    Re : Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016

    Bonjour,

    J'apprécie l'effort du paléontologue Julien Benoit. Cela dit, j'ai trouvé que dans son résumé du 1er chapitre, il y a des passages qui laissent franchement à désirer.

    J'ai tout de même une question : comment peut-on faire un travail comme celui-là sans enfreindre le droit d'auteur ? Ça me paraît quand même franchement problématique.

    Est-ce que vous croyez que l'auteur de la vidéo y a pensé une seule seconde ? On dirait que non.

    Il y a même un lien Google drive dans la description des vidéos, à travers lequel on peut télécharger le livre en intégralité. Ça m'a l'air illégal au regard de la loi française, non ?

    Cordialement.
    Dernière modification par Geb ; 22/05/2025 à 10h32.

  9. #8
    philippedelimoges
    Animateur Actualités

    Re : Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016

    Bonsoir à tous,

    Suite de la présentation de l'ouvrage :
    - chapitre 7 : https://www.youtube.com/watch?v=nhDoqWoee54

    Geb, si tu juges qu'il y a des corrections a faire au résumé du chapitre 1, il ne faut pas hésiter à les apporter - il ne faut pas hésiter aussi à apporter des données nouvelles pour enrichir le contenu de ces chapitres.

    Cordialement

  10. #9
    Geb

    Re : Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016

    Bonsoir,

    Citation Envoyé par philippedelimoges Voir le message
    Geb, si tu juges qu'il y a des corrections a faire au résumé du chapitre 1, il ne faut pas hésiter à les apporter - il ne faut pas hésiter aussi à apporter des données nouvelles pour enrichir le contenu de ces chapitres.
    C'est très rusé de ta part. Tu sais que ça va me prendre des heures. Néanmoins, tu sais que je vais le faire. Tu sais que je vais y employer une bonne partie de mon week-end : à trouver les références bibliographiques qui vont bien, à rédiger mes messages. Tu le sais parce que j'ai une obsession compulsive en ce qui concerne tous les sujets sur ce forum qui touchent de près ou de loin aux origines de la vie sur notre planète (et que je le vis bien en plus !).

    Je vois que personne n'a relevé l'essentiel de mon propos :

    Donc, je vais commenter le résumé du 1er chapitre du livre de cours de niveau Master intitulé "Biologie évolutive" et édité par Frédéric Thomas, Thierry Lefèvre et Michel Raymond, deuxième édition, qui date d'avril 2016 et qui est toujours la version la plus récente du livre, et par conséquent elle est toujours disponible à la vente chez son éditeur, De Boeck Université, pour la modique somme de 96,90 € (ce qui n'est vraiment pas cher pour un syllabus de 1000 pages).

    Il est donc, je le répète, parfaitement illégal d'en proposer des longs passages parfaitement lisibles, sur des pages entières dans une vidéo YouTube. Il est encore plus illégal d'en proposer un fichier téléchargeable à volonté sans aucune restriction par lien Google Drive.

    En matière de vidéo YouTube, tout ce que la Loi française autorise, à ma connaissance, ce sont des citations de courts passages de l'ouvrage avec les références de l'ouvrage. Ce qui correspond d'ailleurs parfaitement à la longueur des passages surlignés en jaune dans la vidéo de Julien Benoit que j'ai regardé. Donc c'est une occasion manquée. Tout ce qu'il manque à Julien Benoit pour être en conformité avec la loi, c'est de remplacer le PDF visible dans son intégralité par une présentation PowerPoint avec juste les passages sur lesquels il a envie d'attirer notre attention dans le livre. Et surtout, de supprimer définitivement le lien Google Drive dans la description de ses vidéos et de le remplacer par le lien suivant : Biologie évolutive.

    La Loi française sur le droit d'auteur autorise bien quelques exceptions, mais la seule qui s'appliquerait ici (l'exception pédagogique), serait valable si la vidéo était un amphi filmé, que la scène se passait devant des étudiants de Master et que Julien Benoit était leur professeur, entre autres conditions nécessaires.

    Je précise que je ne suis pas juriste (je ne suis même pas Français), mais je serais intéressé de savoir si je ne rêve pas. Donc, si quelqu'un voulait prouver que j'ai tort, j'en serais ravi.

    Désolé de jouer les rabats-joies, mais je le fais au cas où de futurs youtubeurs se trouveraient parmi nous, pour leur permettre de ne pas répéter les erreurs des autres.

    À 3:21 dans la vidéo :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    Même les micro-organismes ont de l'ARN 16S/18S
    Il aurait pu/dû préciser, selon moi, par soucis de clarté, que l'on retrouve l'ARN 16S chez les archées et les bactéries (les procaryotes) et l'ARN 18S chez les eucaryotes.

    À 3:50 dans la vidéo :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    Tous les êtres vivants actuels n'utilisent que 20 acides aminés pour synthétiser des protéines
    C'est une simplification historique. Julien Benoit aurait pu/dû aussi mentionner la sélénocystéine (découverte en 1986 ; ) et la pyrrolysine (découverte en 2002 ; ) parmi les acides aminés protéinogènes.

    À 5:50 dans la vidéo :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    Notre planète se forme par accrétion et seulement 30 millions d'années après, nous dit le livre, on a déjà un champ magnétique terrestre qui nous protège des bombardements solaires.
    Or ce qu'il oublie de dire c'est que la formation du noyau est une condition nécessaire, mais pas suffisante à la production d'un champ magnétique.

    La désintégration de hafnium-182 en tungstène-182 a été utilisé pour imposer des contraintes de temps sur la séparation entre le noyau (riche en fer et en nickel et le manteau (riche en silicates), en d'autres mots, la formation du noyau terrestre.

    Le bouquin se contente de ne citer que l'une des premières études à ce sujet (Kleine et al., 2004). Or, le modèle de l'étude précitée, avec les suppositions et simplifications intégrées à celui-ci, était nécessairement naïf (c'était une première tentative avec très peu de données). Depuis 2004, il y a eu de très nombreuses études du même genre (Jacobsen, 2005 ; Wood & Halliday, 2005 ; Kleine et al., 2009 ; Rudge et al., 2010), certaines beaucoup plus raffinées en combinaison avec des simulations numériques (Nimmo & Agnor, 2006 ; Nimmo et al., 2010 ; Fischer & Nimmo, 2018 ; Zube et al., 2019), études qui continuent encore aujourd'hui (Rubie et al., 2025).

    De nos jours, les modèles qui semblent avoir la faveur des astronomes sont ceux qui postulent une formation du noyau terrestre en plusieurs étapes (Rubie et al., 2015, 2016 ; Fischer et al., 2017 ; Blanchard et al., 2022 ; Dale et al., 2023 ; Gu et al., 2023).

    Ce qui suit est proprement lunaire :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    Et ça, ça fait que seulement 30 millions d'années après la formation de notre planète, la vie est déjà possible.
    C'est tellement exagéré comme propos que je n'ai même pas envie de commenter.

    Ensuite, il y a confusion totale dans le discours, entre ce que dit le texte et ce que résume Julien Benoit :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    On nous parle du bombardement tardif, qui aurait normalement lieu immédiatement après l'accrétion de la Terre. Il faut savoir que l'accrétion ce n'est pas un phénomène instantané. Évidemment, les cailloux de l'espace, ils s'agrègent, et à partir du moment où la planète est, globalement, formée, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas encore des cailloux qui se promènent et qui vont continuer à s'agréger à la planète. Donc, on nous parle du bombardement météoritique tardif en nous disant qu'en fait, depuis les années 2000, l'existence de ce bombardement météoritique tardif il est de plus en plus contesté. On aurait éventuellement un bombardement météoritique qui aurait lieu, mais qui n'aurait pas été si intense que ça. La preuve*: on a des océans, on a des preuves d'océans et on a des preuves de croûte solidifiée. Donc, si ce bombardement tardif a eu lieu, et il a possiblement eu lieu, il n'a pas, en tout cas, vaporisé les océans ni fait fondre la croûte terrestre, comme on nous le montre dans les documentaires. En réalité, les données les plus récentes semblent indiquer que si bombardement il y a eu, c'était relativement "chill", relativement pas trop intense. Pas suffisant pour faire disparaître l'eau. Et donc, on arrive avec une Terre au tout début de l'archéen qui est relativement vivable. Donc, entre 4,0 et 4,4 milliards d'années, on a une Terre qui est déjà relativement vivable.
    Or, ce que dit le texte c'est que la Terre ne semble pas hostile dans la période qui précède le Grand bombardement tardif (c'est-à-dire entre -4,4 Ga et 4,0 Ga), d'où l'hypothèse dite de la "Terre primitive fraîche" (Cool early Earth) et que le Grand bombardement tardif n'arrive que dans un second temps (entre 4,0 Ga et 3,85 Ga).

    Ensuite, ce qu'il faut savoir, c'est que la roche en fusion peut contenir plus d'eau que la même roche à l'état solide. Donc, même dans l'idée d'un impact géant du type de celui qui aurait formé notre Lune, on n'imagine pas que ce n'est même « pas suffisant pour faire disparaître l'eau », pour reprendre l'expression utilisée par Julien Benoit.

    Or, là où les données récentes diffèrent un peu aujourd'hui, c'est dans l'intensité, en effet, du Grand bombardement tardif, mais ce sont des résultats qui concernent bien, cette fois, la période de 4,0 Ga à 3,85 Ga.

    Dans ce domaine du Grand bombardement tardif, il y a au moins deux modèles qui sont venus compléter le Modèle de Nice qui est le seul cité (sous Gomes et al., 2005) dans ce premier chapitre du livre. Le premier modèle est celui dit de la "ceinture E" (E-belt) de William Bottke et collaborateurs (voir sa conférence au SETI Institute). D'après ce modèle, une partie de la ceinture d'astéroïdes telle qu'elle était à l'époque aurait été déstabilisée dès 4,1 Ga. Le deuxième modèle est celui dit du Grand bombardement tardif tardif (Late Late Heavy Bombardment ; voir cette autre conférence du SETI Institute), c'est-à-dire que de gros impacts d'astéroïdes auraient perduré plus tard que prévus, c'est-à-dire jusqu'à il y a 3,6 milliards d'années. Donc, on suppose aujourd'hui que le Grand bombardement tardif a été moins intense (il n'a pas pu vaporiser les océans) parce qu'il a commencé plus tôt et s'est terminé plus tard.

    Voilà la conclusion d'une des premières publications qui a su faire le bilan des publications que je viens de citer (l'équipe d'Alessandro Morbidelli) :

    - A sawtooth-like timeline for the first billion years of lunar bombardment (Morbidelli et al., 2012)

    In the classic view of the lunar cataclysm, the prominent impact spike 3.8–3.9 Gy ago conceivably sterilized the Earth by vaporizing all the oceans and thereby creating a steam atmosphere (Maher and Stevenson, 1988; however see Abramov and Mojzsis, 2009). In our sawtooth view, big impactors hit over an extended period, with more lulls and therefore more opportunities for the Hadean-era biosphere to recover. Perhaps in this scenario, life formed very early and has survived in one form or another through the lunar cataclysm.
    Voilà pour mes commentaires des 10 premières minutes du résumé du 1er chapitre.

    Plus que 5 week-ends et j'aurai trouvé le temps de faire toute la vidéo.

    À la semaine prochaine !

  11. #10
    Tawahi-Kiwi
    Modérateur

    Re : Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    Il est donc, je le répète, parfaitement illégal d'en proposer des longs passages parfaitement lisibles, sur des pages entières dans une vidéo YouTube. Il est encore plus illégal d'en proposer un fichier téléchargeable à volonté sans aucune restriction par lien Google Drive.
    On se permet parfois des choses a des fins "educatives" mais ce que tu decris semble en effet aller un peu loin, surtout en acces libre.

    Or ce qu'il oublie de dire c'est que la formation du noyau est une condition nécessaire, mais pas suffisante à la production d'un champ magnétique.
    En effet, meme sans se pencher sur les modeles terrestres, les autres planetes telluriques en sont des exemples assez evidents.

    Ensuite, il y a confusion totale dans le discours, entre ce que dit le texte et ce que résume Julien Benoit :
    On nous parle du bombardement tardif, qui aurait normalement lieu immédiatement après l'accrétion de la Terre. ....
    ....Donc, on nous parle du bombardement météoritique tardif en nous disant qu'en fait, depuis les années 2000, l'existence de ce bombardement météoritique tardif il est de plus en plus contesté. On aurait éventuellement un bombardement météoritique qui aurait lieu, mais qui n'aurait pas été si intense que ça
    Ca semble en effet nager un peu dans la panade. Le point essentiel du bombardement tardif (LHB), c'est que statistiquement, il est tardif par rapport a l'accretion originale... ...tres tardif....c'est pas juste un asymptote qui a rendu l'accretion originale un peu plus longue que prevu. Les deux hypotheses etaient d'ailleurs en competition apres la publication originale de Tera & Wasserburg post-Apollo, pendant toutes les annees 80s et meme 90s.

    Au fur et a mesure que des donnees, surtout en datation, sont devenues plus abondantes, il est apparu que c'etait bien une anomalie statistique mais egalement que cela n'a jamais ete une periode (courte (quelques dizaines de millions d'annees) ou longue (centaines)) d'evenements sterilisateurs* se succedant les uns apres les autres. Le flux meteoritique du LHB est eleve, mais meme a l'heure actuelle; dans la version intense, de courte de duree, nos oceans et nos bacteries survivrait sans doute sans souci.

    (*Le probleme semble etre cependant du cote 'histoire des sciences) Les oceans (aqueux) hadeens/archeens; les annees 2000s, etc. , ce n'est pas juste la perception du LHB qui est concerné. Dans les années 90s, le statut de la Terre a l'Hadéen était toujours ambigu (voire franchement du cote chaud a tres chaud). Savoir si le LHB aurait pu ou non vaporiser les oceans pre-2000s, c'est supposer qu'il y avait des océans en premier lieu. L'hypothese de la Cool Early Earth comme théorie supportee par des données date du début des années 2000s, pas avant, et a ce moment la, on avait déja une idée de l'intensité de flux maximum possible pour le LHB.

    Ensuite, ce qu'il faut savoir, c'est que la roche en fusion peut contenir plus d'eau que la même roche à l'état solide.
    Ca, ce n'est pas tout a fait vrai. La solubilité de l'eau dans la lave est tres basse (la raison essentielle pour laquelle les volcans explosent ). Beaucoup plus basse que dans une roche solidifiée ou l'eau est combinée dans toute une serie de minéraux hydratés.
    Un sediment argileux sec, c'est quand meme 10-15 % d'eau. Les roches metamorphiques classiques, c'est toujours quelques % d'eau et toutes les roches magmatiques contenant des micas ou des amphiboles peuvent aussi avoir jusqu'a 1 ou 2 % d'eau.

    La solubilité de l'eau dans une lave basaltique, c'est 0,01%, dans une lave felsique, plutot 0,1%.

    Donc, ton affirmation est vraie seulement dans deux cas, soit sous pression et/ou soit lorsque l'on considere des facteurs cinetiques.

    A une échelle planetaire, concernant des impacts tres importants, il y a évidemment des facteurs supplémentaires a considerer pour imaginer vaporiser l'eau globalement.

    T-K
    Dernière modification par Tawahi-Kiwi ; 09/06/2025 à 06h31.
    If you open your mind too much, your brain will fall out (T.Minchin)

  12. #11
    Geb

    Re : Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016

    Bonjour,

    Comme toujours, merci T-K pour toutes ces précisions !

    Citation Envoyé par Tawahi-Kiwi Voir le message
    On se permet parfois des choses a des fins "educatives" mais ce que tu decris semble en effet aller un peu loin, surtout en acces libre.
    Oui, c'est l'exception pédagogique qui est très fréquente et utile dans le cadre universitaire. Mais une vidéo YouTube ne rentre pas dans ce cadre à ma connaissance.

    Citation Envoyé par Tawahi-Kiwi Voir le message
    Ca, ce n'est pas tout a fait vrai. La solubilité de l'eau dans la lave est tres basse (la raison essentielle pour laquelle les volcans explosent ). Beaucoup plus basse que dans une roche solidifiée ou l'eau est combinée dans toute une serie de minéraux hydratés.
    Un sediment argileux sec, c'est quand meme 10-15 % d'eau. Les roches metamorphiques classiques, c'est toujours quelques % d'eau et toutes les roches magmatiques contenant des micas ou des amphiboles peuvent aussi avoir jusqu'a 1 ou 2 % d'eau.

    La solubilité de l'eau dans une lave basaltique, c'est 0,01%, dans une lave felsique, plutot 0,1%.

    Donc, ton affirmation est vraie seulement dans deux cas, soit sous pression et/ou soit lorsque l'on considere des facteurs cinetiques.

    A une échelle planetaire, concernant des impacts tres importants, il y a évidemment des facteurs supplémentaires a considerer pour imaginer vaporiser l'eau globalement.
    Je me suis peut-être mal exprimé, mais on avait évoqué le sujet tous les deux il y a 11 ans dans cette discussion (mon message #17 et ton message #20).

    C'était une de mes tentatives à l'époque de trouver des sources qui pourraient justifier pourquoi les modèles de formation de la Lune estiment que, suite à l'impact entre la proto-Terre et l'impacteur qui a formé la Lune, la Terre n'aurait perdu que 15 à 20% de son eau dans le processus.

    Cordialement.
    Dernière modification par Geb ; 09/06/2025 à 09h16.

  13. #12
    Tawahi-Kiwi
    Modérateur

    Re : Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    C'était une de mes tentatives à l'époque de trouver des sources qui pourraient justifier pourquoi les modèles de formation de la Lune estiment que, suite à l'impact entre la proto-Terre et l'impacteur qui a formé la Lune, la Terre n'aurait perdu que 15 à 20% de son eau dans le processus.
    Oui, la formation de la Lune fait partie des evenements a l'echelle planetaire ou la realite experimentale (les valeurs que je mentionnais ci-dessus) devient secondaire vis-a-vis de la cinetique du systeme. Pour faire simple, meme si une roche en fusion est sursaturee en eau (et fait donc des vesicules, comme une pierre ponce), si on ne lui laisse pas le temps de liberer toutes ses vesicules de vapeur avant que ce ne soit trop froid / statique; toute cette vapeur reste en place, avec la roche.
    If you open your mind too much, your brain will fall out (T.Minchin)

  14. #13
    Geb

    Re : Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016

    Bonjour,

    Je reviens vers vous pour les dix prochaines minutes de l'analyse du 1er chapitre. J'avais tellement de choses à en dire que j'ai eu du mal à trouver suffisamment de temps pour arriver au bout cette fois-ci.

    À 10′24″ dans la vidéo :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    « Ils appellent ça le "paradoxe du Soleil froid" ».
    J'aurais plutôt traduit "Faint young Sun paradox" par "paradoxe du jeune Soleil faible", mais c'est un détail. Surtout que clairement, notre jeune paléontologue n'y connaît manifestement pas grand-chose à ce dont il est question, scientifiquement parlant, dans cette partie du bouquin, donc je ne lui en veux pas trop de, tout simplement, lire ce qu'il voit.

    À 10′28″ dans la vidéo :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    La seule façon d'expliquer pourquoi la Terre n'a pas gelée à l'époque […]. […] pourquoi il n'y a pas de traces de glaciers ? Réponse : les gaz à effet de serre. Donc, ça nous donne la chimie de notre atmosphère de la Terre primitive. Il devait y avoir forcément des gaz à effet de serre, beaucoup de gaz à effet de serre autour de notre planète, pour compenser le fait que […] l'énergie dégagée par notre Soleil et envoyée sur notre planète était un quart moins intense qu'[elle] ne l'est aujourd'hui. »
    Le paradoxe du jeune Soleil faible implique que la température moyenne à la surface de la Terre aurait dû être inférieure à 0°C jusqu'à 2,0 Ga environ. Or, paradoxalement, le paradoxe semble plus facile à "expliquer" à 4,0 Ga qu'à 2,5 Ga. En effet, pour les périodes lointaines, on a beaucoup moins de données disponibles et donc moins de contraintes dont on doit impérativement tenir compte. Pour les périodes plus récentes, les données (contraintes) sont beaucoup plus nombreuses. En outre, les conditions environnementales (et en particulier la composition atmosphérique) étaient vraisemblablement très différentes à 4,0 Ga et à 2,0 Ga. Donc, la situation est plus difficile qu'il n'y paraît et le paradoxe ne peut être mis de côté d'un revers de la main en disant : « la seule solution, ce sont les gaz à effet de serre ». Pour les périodes plus récentes dans cet intervalle, on a des contraintes (et des spéculations) comme sur la quantité de CO2 dans l'atmosphère terrestre, et peut-être de CH4 et de certains composés soufrés. Mais je dois bien avouer que je ne suis pas ce sujet de très près. Peut-être que Tawahi-Kiwi pourra nous en dire plus ?

    À 10′38″ dans la vidéo :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    « Les plus vieilles roches sur notre planète ont effectivement environ 4 milliards d'années, donc on a les moyens d'observer ces roches et il n'y a pas de traces de glaciers dessus ; parce que les glaciers ça laisse des traces sur les roches. Si la Terre avait été une immense boule de neige recouverte de glaciers, on verrait les traces de ces glaciers, exactement comme on les voit d'ailleurs plus tard pendant l'épisode de la Terre boule de neige il y a 800 millions d'années par exemple. »
    C’est rien d’autre qu’une intuition, mais je ne suis pas du tout convaincu qu’il existe une méthode sûre à travers laquelle on puisse déterminer avec un tant soit peu de sérieux l’existence d’une glaciation globale à l’époque où le gneiss d’Acasta s’est formé. Mais là encore, je ne suis pas du tout un spécialiste et je suis à nouveau curieux de savoir ce que T-K pourrait nous apprendre à ce sujet. En tout cas ce qu’on peut raisonnablement faire avec de nombreux affleurements entre 2,5 et 2,2 milliards d’années (glaciation huronienne) et a fortiori les épisodes similaires au Cryogénien, me paraît beaucoup plus compliqué avec un seul affleurement (à ma connaissance) à 4,0 milliards d’années.

    À 13′58″ dans la vidéo :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    « On a vraiment commencé à étudier l'origine de la vie qu'à partir des années 1950. »
    Je vois ce qu’il a voulu dire : en gros, que les résultats de l’expérience que Stanley Miller a publié le 15 mai 1953 ont fait l’effet d’une bombe dans la petite communauté des chercheurs qui s’intéressaient aux origines de la vie sur notre planète et qu’elle a été la première d’une série d’expériences qui seront appelées collectivement la chimie prébiotique.

    Cela dit, je pense que Stanley Miller a eu de très nombreux prédécesseurs que se sont influencés les uns les autres. Je pense même qu’on peut remonter comme ça les filiations intellectuelles jusqu’à la fin du XIXe siècle. D’ailleurs, si j’en avais le loisir (et l’opportunité) je militerais davantage pour que tous ces gens soient mentionnés davantage dans l’historiographie sur le sujet. Ensuite, on est largement revenu d’un tas d’idées assez répandues à l’époque (en particulier par Stanley Miller lui-même et certains de ses anciens étudiants et plus proches collaborateurs) selon lesquelles, par exemple, la démonstration expérimentale du processus serait "facile" et que la chimie à base de composés cyanurés aurait naturellement donnée naissance à la biochimie (dont les voies de synthèse sont pourtant très différentes de la chimie prébiotique à la Miller). Par conséquent, a posteriori, je pense que plutôt que la première expérience de Miller a été une sorte de "distraction temporaire", sur quelques décennies (entre 1953 et 1980), un "leurre", par rapport à ce que je considère être certaines des voies plus "sûres" pour faire des progrès réels, à moyen terme (disons les cinquante prochaine années), dans la compréhension des origines de la vie sur la Terre.

    À 14′19″ dans la vidéo :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    « La chimie prébiotique c'est la chimie organique d'avant la vie, qui est capable de former des molécules complexes, comme des acides aminés par exemple. Cette chimie prébiotique, c'est les expériences de Miller des années 1950 et la météorite de Murchison qui ont démontré qu'elle était possible sur Terre et dans l'espace. Mais on aurait pu s'en rendre compte bien avant si on avait regardé la météorite d'Alais ou la météorite d'Orgueil, qui sont toutes les deux tombées dans les années 1800 et qui étaient aussi des météorites carbonées, donc qui avaient de la chimie du vivant à l'intérieur et qui ont montrées qu'elles avaient des acides aminés aussi. »
    D’abord, des acides aminés, ce n’est pas ce que j’appellerais des "molécules complexes".

    Ensuite, on n’aurait pas pu « s’en rendre compte bien avant ». Il se trouve que le célèbre chimiste suédois Jöns Jakob Berzélius a "regardé" la météorite d’Alais en 1834 et 1835 et il a fait l’hypothèse qu’elle avait été éjectée de la Lune par l’activité volcanique et que les composés organiques qu’on y trouve son peut-être la conséquence d’une activité microbienne extraterrestre. Aussi, ses capacités d’analyses étaient trop rudimentaires à l’époque pour déterminer la présence d’acides aminés. Même chose pour la météorite d’Orgueil tombée le 14 mai 1864 (dont la chimie est suffisamment particulière pour avoir suscité des discussions pour savoir s’il ne s’agissait pas d’un morceau de comète), qui a été analysée dès 1864 par le chimiste français Stanislas Cloëz.

    La chromatographie sur papier utilisée en 1953 par Miller pour identifier 3 acides aminés protéinogènes (glycine, alanine, acide aspartique) dans son dispositif expérimental était une technologie relativement nouvelle à l’époque. À ma connaissance, elle fut disponible à partir du début des années 1940 et sa mise au point a valu le Prix Nobel de chimie à ses inventeurs en 1952.

    Enfin, juste avant la météorite de Murchison, entre 1961 et 1963, il y a eu l’analyse de la météorite de Murray, tombée aux États-Unis en 1950 et à l’époque, les chercheurs qui y ont trouvé des sucres et des acides aminés n’ont pas su convaincre la communauté scientifique que les acides aminés retrouvés dans les échantillons de météorite n’étaient pas le simple fruit d’une contamination extérieure :

    Amino acids and sugars in the Bruderheim and Murray meteorite (Degens & Bajor, 1962)

    All the listed geochemical criteria in addition to the age of the chondrites (4, 5 billion years) make extra-terrestrial organisms rather unlikely as a source for the identified organic compounds. More reasonable seems to be an abiogenic origin or perhaps a terrestrial contamination or both factors to account for the presence of amino acids and sugars in the studied meteorites.
    Pourquoi l’analyse de la météorite de Murchison a été (enfin !) convaincante, contrairement à toutes les autres ? Parce qu’elle a été récupérée très rapidement après sa chute et que les scientifiques et les labos qui l’ont analysé (Kvenvolden et al., 1970) étaient équipés d’équipement "dernier cri" destinés à traiter les futurs échantillons lunaires de la mission Apollo 11.

    À 15′24″ dans la vidéo :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    « Aujourd'hui nous vivons dans un environnement oxydant. Ça veut dire que […] le dioxygène de l'atmosphère et le dioxygène qui est dilué dans les océans essaye activement de nous détruire. C'est un environnement qui essaye activement de nous détruire. […] L'oxygène essaye activement de vous tuer. »
    Tout ça parce que l’oxygène oxyde efficacement les molécules organiques ? Je trouve ce passage pas très sérieux voire carrément farfelu sur les intentions génocidaires de la molécule d’oxygène…

    À 17′22″ dans la vidéo :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    « C'est un petit tacle direct à tous les gens qui citent Pasteur, l'expérience de Pasteur, comme étant la preuve que l'abiogenèse est impossible. […] L'expérience de Pasteur montre certes que l'abiogenèse est impossible aujourd'hui, parce que nous vivons dans un environnement beaucoup trop riche en oxygène […] pour que l'abiogenèse soit possible, parce qu'immédiatement, toute molécule organique qui n'est pas protégée par une cellule se fait instantanément oxydée, se fait instantanément pulvérisée. Mais à l'époque ce n'était pas le cas. »
    J’ai l’impression qu’il mélange tout là (ce qui me fait dire qu’il n’a probablement jamais lu Louis Pasteur).

    Dans le contexte des origines de la vie, l’un des premiers à ma connaissance à insister sur l’origine photosynthétique (végétale, en quelque sorte) et le caractère délétère (pour la complexification spontanée de la matière organique) de l’oxygène de l’air fut Svante Arrhenius, au début des années 1900.

    Comme le déclarait un contemporain de Pasteur, Edwin Ray Lankester (1847-1929), tout ce que les expériences de Pasteur ont réussi à démontrer, c'est que dans des conditions spécifiquement conçues pour exclure et tuer tous les organismes connus, un organisme vivant n'apparaît pas ex nihilo. Cela ne dit rien des conditions d'apparition de la vie sur la Terre, mais cela en a effectivement incité certains (d'abord et surtout en Allemagne d'ailleurs) à trouver ailleurs que dans la génération spontanée "classique" des solutions à l'énigme des origines de la vie sur la Terre.

    L’expérience de Pasteur dite des "ballons à col de cygne", datée de février 1860, n'était pas aussi catégorique quant à la réfutation de la génération spontanée qu'il l'a lui-même prétendu. Pour être complet, d'un point de vue historique, Louis Pasteur a travaillé à la réfutation de prétendus phénomènes de génération spontanée publiés par ses contemporains en France et au Royaume-Uni jusqu'au début des années 1880. Ce genre de travail de réfutations devra d'ailleurs être poursuivi après sa mort, même en France, au moins jusqu'à la fin des années 1910.

    À 19′01″ dans la vidéo :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    « Donc, l'expérience de Pasteur est complètement inapplicable pour discuter, en fait, des origines de la vie il y a 4 milliards, 4,5 milliards d'années […]. Enfin, probablement plus proche 4,4–4,3 milliards d'années donc, dans ce cas-là. Parce qu'on ne vit juste pas sur la même planète. On est physiquement sur la même planète, mais on ne vit pas sur la même planète. La planète était complètement différente à l'époque. »
    Je passe mon temps à dire ce qui me gêne dans les propos de Julien Benoit, alors je vais dire que j’aime beaucoup cette remarque. Non seulement je suis d’accord avec cette idée qu’on a beau être physiquement sur la même planète, la Terre primitive était une toute autre planète que celle que nous connaissance aujourd’hui, qu’elle était complètement différente à l’époque, mais je la trouve absolument fascinante, dans tout son pouvoir évocateur et quasiment poétique. Comme dirait le géologue britannique Michael Russell, l’époque de l’apparition de la vie sur la Terre, c’est quasiment un tiers de l’âge de l’Univers ! Tout était différent.

    À 19′38″ dans la vidéo :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    « Comme vous l'avez compris, la chimie de la vie dans l'espace et la chimie de la vie sur Terre est globalement la même. […] il y a de la biochimie qui a lieu dans l'espace aussi. »
    La « chimie de la vie dans l’espace » c’est principalement l’effet tunnel sur des cristaux de glace et de poussière : absolument rien de commun avec la biochimie. La chimie prébiotique atmosphérique à la Miller, s’organise principalement autour de la molécule de HCN, qui est un poison violent pour les organismes vivants. D’où ma remarque sur l’idée que la chimie à la Miller n’était peut-être qu’une distraction, un leurre (même si cette opinion ne fait pas l’unanimité).

    Il y a une vieille publication absolument fascinante d’Alan Schwartz sur la question des composés obtenus dans les expériences « à la Miller » : Mixtures and the Origin of Life (Schwartz, 2007)
    Cordialement.
    Dernière modification par Antoane ; 24/06/2025 à 11h24. Motif: Réparation balise

  15. #14
    philippedelimoges
    Animateur Actualités

    Re : Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016

    Bonsoir Geb,

    Merci pour le partage de toutes ces remarques.

    Cordialement

  16. #15
    Geb

    Re : Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016

    Bonjour,

    Citation Envoyé par philippedelimoges Voir le message
    Merci pour le partage de toutes ces remarques.
    Il n’y a pas de quoi.

    Je remercie pour ma part tous les intervenants et intervenantes qui font et feront en sorte que mes propos ressemblent le moins possible à un monologue.

    Et encore, jusqu’ici nous n’avons pas encore vraiment abordé l’essentiel du sujet : les véritables hypothèses concernant les origines de la vie sur notre planète.

    Ce sera probablement pour ce week-end, bien que de 20′ à 30′ dans la vidéo, il aborde des sujets moins intéressants à mes yeux, comme les traces fossiles de la vie (y compris eucaryotes et multicellulaires), ainsi que les définitions de la vie, autant de sujets sur lesquels je vais essayer (je dis bien essayer) de ne pas m’appesantir.

    Donc, peut-être faudra-t-il attendre le week-end prochain pour toucher le cœur du sujet.

    Cordialement.

  17. #16
    Geb

    Re : Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016

    Bonsoir,

    Voici la suite de mon analyse critique.

    À 20′00″ dans la vidéo :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    « C'est à partir de là qu'interviennent les expériences, d'une part de Urey et d'autre part de Miller, dans les années 1950, qui démontrent qu'avec justement, du méthane, de l'ammoniac, du dioxyde de carbone, de l'énergie sous forme d'éclairs et de l'eau liquide, on peut arriver à former des molécules organiques relativement complexes, comme par exemple les acides aminés. »
    L'expérience publiée par Stanley Miller en 1953 est parfois appelée expérience de Miller-Urey, pour donner davantage de crédit à Harold Urey. Cependant, le papier de Urey de 1952 auquel le livre de cours fait également référence n'est pas en soit une expérience à proprement parler, mais il fait le postulat qu'une expérience telle que celle qui sera accomplie par Miller serait intéressante (voir Urey, 1952, p. 362) :

    Citation Envoyé par Harold Urey (1952)
    […] It seems to me that experimentation on the production of organic compounds from water and methane in the presence of ultra-violet light of approximately the spectral distribution estimated for sunlight would be most profitable. The investigation of possible effects of electric discharges on the reactions should also be tried since electric storms in the reducing atmosphere can be postulated reasonably. […]
    Harold Urey n'était pas du tout le premier à faire cette suggestion d'expériences de ce type.

    Aussi, contrairement à ce que dit Julien Benoit, il n'y avait pas de dioxyde de carbone dans l'expérience de Miller de 1953, juste de l'hydrogène (H2), du méthane (CH4), de l'ammoniac (NH3) et de la vapeur d'eau (H2O).

    À 21′47″ :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    « On n'a pas encore réussi à former des acides nucléiques, ce qui va former ensuite l'ADN et l'ARN, mais on n'a pas besoin de ça […] pour pouvoir expliquer l'origine de la vie. »
    Pour faire simple, il y a 3 pistes principales actuellement explorées pour former des acides nucléiques.

    La première, la plus célèbre, est explorée par le groupe de John Sutherland, qui s'organise autour d'une séquence d'événements faisant intervenir entre autres de la lumière ultraviolette, une sorte de mare qui s'assèche et se remplit à nouveau de manière cyclique (assurant une concentration progressive des réactifs), ainsi que des composés cyanurés (Powner et al., 2009).

    La deuxième est explorée par le groupe d'Ernesto Di Mauro (Saladino et al., 2006, 2007, 2008, 2009, 2011, 2012a, 2012b ; Costanzo et al., 2007), dont le composé clé est le formamide en présence de phosphate, dans un milieu hydrothermale. Il existe une variante de cette voie par le formamide, développée un peu plus tard par une équipe tchèque (Ferus et al., 2014a, 2014b) et faisant intervenir l'énergie d'un impact météoritique et les conditions locales créées par ledit impact dans un milieu aqueux en surface.

    La troisième hypothèse explorée par le groupe de Nick Lane (Harrison & Lane, 2018) et soutenue par d'autres équipes comme celles de William Martin et de Michael Russell, n'a donné encore aucun résultat concret à l'heure actuelle (en tout cas, dans le domaine de la synthèse d'acides nucléiques), mais c'est pourtant celle que je considère comme la plus prometteuse. Elle consiste à suivre l'adage bien connu des géologues : « Le présent est la clé du passé ». Autrement dit, c'est par l'analyse minutieuse des voies métaboliques anaérobies de certains procaryotes autotrophes que l'on pourrait parvenir à déterminer des voies de synthèses des nucléotides, telles qu'elles auraient pu être au sein d'organismes primitifs.

    Dans sa vidéo, Julien Benoit favorise une quatrième hypothèse, à 30′14″ :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    De toute façon, les premières molécules réplicatrices n'étaient pas de l'ADN ; ça n'était pas non plus de l'ARN, c'était quelque chose d'autre.
    Cette remarque en passant me fait penser qu'il favorise les phases intermédiaires comme l'hypothèse d'un rôle pour des composés supposés chimiquement plus simples à synthétiser de type "peptide nucleic acid" ou PNA, défendue depuis 1993 par une équipe danoise menée par Peter Egil Nielsen (Egholm et al., 1993;Nielsen, 1993).

    Vous connaissez déjà mon hypothèse préférée, celle qui consiste à partir de certaines des voies métaboliques existantes, donc vous savez déjà ce que je pense de l'hypothèse que semble favoriser Julien Benoit.

    À noter qu'il y a eu d'autres ancêtres supposés de l'ARN qui ont été proposés, comme la "TNA", un dérivé non pas basé sur le ribose ou le désoxyribose (un sucre à cinq atomes de carbone), mais sur le thréose (un sucre "plus simple", à quatre atomes de carbone). On peut encore citer les nucléotides basés sur le cyclohexène (cyclohexenyl nucleic acid en anglais, ou CeNA) et beaucoup, beaucoup d'autres.

    À 22′03″ :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    « Au lieu de l'atmosphère, comme a été proposé par Miller, on a aussi l'hypothèse que les sources hydrothermales, donc les "fumeurs noirs", auraient pu participer à la formation de la première chimie du vivant et c'est d'autant plus pertinent qu'on sait qu'à l'époque, comme la Terre était encore relativement chaude, les plaques tectoniques étaient beaucoup plus petites, avec beaucoup plus de dorsales océaniques et de zones de subductions qu'il n'y en a aujourd’hui. »
    Un "tectonique de micro-plaques", cela peut être effectivement une des possibilités d'activité tectonique généralisée de la Terre primitive (voir par exemple, Hargraves, 1986). Sauf que, si on se complique un peu les choses et qu'on estime l'apparition de la vie très tôt dans l'histoire de la Terre, à 4,35 ou 4,3 milliards d'années, au début de l'Hadéen, on a très peu de contraintes expérimentales pour dire quoi que ce soit de "scientifique" sur l'activité tectonique à l'époque.

    À 23′08″ :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    « Moi, personnellement, j'aurais conclu par le registre fossile de la vie. »
    Je suis assez d'accord. Dès qu'on a une réflexion sur la micro-paléontologie précambrienne, la réflexion sur les origines de la vie devrait être terminée. Or, dans le livre, il y a vraiment une césure avec cette section sur les microfossiles, pour reprendre ensuite la réflexion sur les origines de la vie.

    À 23′28″ :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    « Premiers stromatolithes à 3,5 milliards d'années, peut-être 3,8 milliards d'années. »
    À 3,8 milliards d'années, il ne s'agit pas à proprement parler de stromatolithes fossiles, mais de globules de carbone de la taille d'une cellule, enrichis en carbone-12.

    La controverse sur les supposées traces isotopiques de la vie à 3,8 milliards d'années est parfaitement bien résumée dans le bouquin, mais Julien Benoit n'y fait pas allusion (et c'est selon moi une erreur de sa part) :

    Citation Envoyé par Thomas, Lefèvre & Raymond (2016, p. 11)
    […] Ainsi, il a été proposé qu’il s’agissait des plus vieilles traces chimiques de vie sur Terre. Cependant, plusieurs travaux ont remis en question cette interprétation, en montrant notamment qu’une partie de la matière organique avait été incorporée dans ces roches bien plus tard que leur formation et était donc issue d’un processus plus récent (van Zuilen et al. 2002). De plus, il a été montré que certains processus purement abiotiques, se déroulant lors du métamorphisme, qui fut élevé dans le cas des roches d’Isua (Tmax = 550°C et une profondeur d’enfouissement maximale de l’ordre de 15 km) pouvaient conduire à la formation de graphite avec des compositions isotopiques appauvries en carbone 13. […]
    À 23′34″ :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    « Premières formes de vie possiblement multicellulaires à […] 2,1 milliards d'années. […] Et donc, on a de possibles multicellulaires, comme je le disais, à 2 milliards d'années. [Ce sont] les formes du Gabon qui ont été découvertes par des chercheurs de l'Université de Poitiers. »
    Là encore, le livre que Julien Benoit dit vouloir vulgariser émet des doutes sur cette découverte, doutes auxquels Julien Benoit ne fait aucunement allusion (ce qui n'est pas très sérieux de sa part de mon point de vue) :

    Citation Envoyé par Thomas, Lefèvre & Raymond (2016, p. 15)
    […] Se pose ici la question de notre aptitude à identifier non plus la biogénicité des objets, mais les signatures de tissus différenciés dans ces fossiles. Le problème est encore plus prégnant pour des fossiles datant de 2,1 Ga et retrouvés dans des sédiments du Gabon (El Albani et al. 2010), parfois présentés devant le grand public comme les plus anciens métazoaires. Ceci va à l’encontre de toutes les prédictions faites par des méthodes de datation moléculaire (Eme et al. 2014) et l’on peut plutôt penser à d’éventuels groupes souches. Ces objets centimétriques sont en fait composés d’une accumulation de cristaux de sulfures de fer. Des signatures isotopiques d’activités procaryotes comme la sulfato-réduction y ont été détectées, mais il restera à comprendre ce que ces objets ont pu être initialement : des organismes eucaryotes pluricellulaires modifiés secondairement et fossilisés par l’intermédiaire des activités bactériennes, des colonies de microorganismes eucaryotes ou procaryotes, ou bien tout autre chose ? […]
    À 25′42″ :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    « Normalement, ce qui, selon moi aurait dû être la première question qu'on devrait se poser quand on se pose la question de l'origine de la vie, c'est "Qu'est-ce que c'est que la vie ?" »
    Je ne suis pas certains qu'il faille absolument aborder cette question. Ça me fait penser à une réflexion sur le terme d'organisme "extrémophile" publiée en 2001 :

    - Life in extreme environments (Rothschild & Mancinelli, 2001)

    Perhaps 'extreme' is in the eyes of the beholder. It is clear that to a thermophile that dies at 21 °C and a piezophile that finds atmospheric pressure 'extreme', what determines an extremophily is based on definitions that are perhaps anthropocentric. There are two possibilities that are more scientifically tenable. The first is based on an evolutionary perspective — that is, the earliest environment for life defines what is 'normal'. If life arose in a high-temperature, anoxic hydrothermal vent, any environment that deviates from that is 'extreme'. The second, which we favour, is based on a more objective, physical definition of 'extreme'. This definition is congruent with the colloquial definition, with exceptions.
    Imaginons qu'on puisse (au moins théoriquement) définir l'extrémophilie en partant du principe que l'environnement où la vie apparaît serait le seul définit comme "normal" et tout environnement qui s'en éloignerait significativement serait par conséquent "extrême". Alors, on pourrait selon moi définir la vie à partir de ce à quoi pourraient ressembler les premières formes de vie. Autrement dit, seuls des progrès extrêmement importants dans les scénarios de l'origine de la vie sur la Terre seraient susceptibles (et nécessairement un préalable indispensable) de nous permettre de répondre à la question de la définition et de la nature du vivant terrestre, dans ce qu'il a de plus fondamental.

    En quelque sorte, définir la vie ne devient possible que dans un second temps, après qu'on ait pu définir comment la vie est apparue.

    À 27′28″ :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    « À une époque, on a essayé de définir l'origine du vivant comme l'apparition de la cellule. Or, maintenant, je pense qu'il y a un consensus, quand même, pour dire que on n'a pas besoin de cellule pour être réplicateur et avoir un métabolisme. »
    Je ne sais pas à quelle époque exactement Julien Benoit fait référence et je n'ai pas trouvé trace d'une telle réflexion dans son livre de référence. Il y a l'hypothèse d'un ancêtre "acellulaire" chez Mike Russell et Bill Martin (2003, 2004), mais dans le sens très particulier ou des bulles micrométriques en sulfure de fer et de nickel font office de premières membranes primitives, rapidement recouvertes de substances amyloïdes et d'autres étapes susceptibles de les faire évoluer progressivement vers ce qu'on pourrait finalement rapprocher des caractéristiques de "vraies" membranes biologiques.

    À 28′11″ :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    « La vie forme un écart à l'entropie. […] Donc, cet écart à l'entropie, c'est quelque chose que la NASA aime beaucoup parce qu'ils sont à la recherche de formes de vie et que détecter un écart à l'entropie revient à détecter la vie, du coup. Bon, ce n'est pas vrai à tous les coups. […] Il y a beaucoup d'écarts à l'entropie qui ont été annoncés dans les médias et qui n'étaient pas vivant. »
    Mis à part les émissions de méthane à la surface de Mars, ou la controverse très vite résolue sur la "détection" de phosphine dans l'atmosphère de Vénus, je n'en connais pas d'autres. Par conséquent, je ne dirais pas qu'il y a déjà eu « beaucoup d'écarts à l'entropie qui ont été annoncés ».

    À 29′43″ :

    Citation Envoyé par Julien Benoit
    C'est surtout la réplication, en fait, qui va être importante et c'est ce qu'on va voir d'ailleurs après dans toutes les recherches qui ont pu être faites pour déterminer l'origine du vivant.
    C'est amusant parce que là encore Julien Benoit est en contradiction complète avec le propos dudit ouvrage :

    Citation Envoyé par Thomas, Lefèvre & Raymond (2016, p. 16)
    […] Malgré le consensus existant sur la nécessité, pour définir un objet comme vivant, d’inclure ces trois composantes et les propriétés qu’elles impliquent, à savoir, l’auto-maintien, la capacité à se reproduire (et par conséquent, à évoluer) et l’individualisation autorisée par le confinement, plusieurs scientifiques et philosophes ont été tentés de réduire la définition de la vie soit à l’auto-maintien, soit à la réplication de l’information (Rizotti 1996 ; Luisi 1998). Ces visions réductionnistes à l’extrême ont engendré deux courants de modèles bien distincts pour l’origine de la vie […]
    Cordialement.
    Dernière modification par Geb ; 29/06/2025 à 23h32.

  18. #17
    Tawahi-Kiwi
    Modérateur

    Re : Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    Peut-être que Tawahi-Kiwi pourra nous en dire plus ?
    Pas vraiment. J'en saurais autant que toi en lisant quelques trucs sur le sujet, donc je n'ai pas d'opinion "éclairée" sur le sujet.

    C’est rien d’autre qu’une intuition, mais je ne suis pas du tout convaincu qu’il existe une méthode sûre à travers laquelle on puisse déterminer avec un tant soit peu de sérieux l’existence d’une glaciation globale à l’époque où le gneiss d’Acasta s’est formé. Mais là encore, je ne suis pas du tout un spécialiste et je suis à nouveau curieux de savoir ce que T-K pourrait nous apprendre à ce sujet.
    Tout a fait. Meme pour le Cryogenien, la question reste toujours ouverte sur la nature de la zone intertropicale, proposant un modele alternatif a la terre boule-de-neige (snowball Earth) ou la zone equatoriale ne serait pas completement gelee (slushball Earth). Je ne pense pas que cette question peut etre repondue de maniere ±definitive sans un nombre respectable d'affleurements qui temoignerait du statut de cette region. Si je suis sceptique pour 0,7 milliards d'annees, je le suis certainement pour des roches 5x plus agees du point de vue purement geologique.
    Si on sait demontrer que les conditions planetaires au tout debut de l'Archeen (soit via l'astrophysique, soit via de la geochimie isotopique) sont bien plus rigoureuses qu'au Cryogenien, peut etre que la probabilite d'avoir une slushball Earth peut etre eliminee; ou dans l'autre sens, qu'une glaciation (meme comme l'actuelle) n'est simplement pas possible.

    Mais regarder le gneiss d'Acasta et deduire qu'il n'y a pas de glaciation, c'est de la foutaise.

    Les glaciations du Cryogenien sont determinees (lithiquement) sur base des diamectites (depots glaciaires), des blocs de delestage (dropstones) et des stries glaciaires. Ce n'est pas pour cette raison que toute les roches du Cryogenien sont des diamectites ou des dropstones indiscutables, ou recouvrent des anciennes roches erodees par des glaciers.
    Sur base de ta citation de l'auteur, on dirait qu'il s'attend a quelques chose de ce type....

    ...le gneiss d'Acasta est un orthogneiss (donc derive de roches magmatiques), on peut donc oublier quoique ce soit comme preuves sedimentaires, et l'erosion striees des glaciers, c'est tres rare, meme au Cryogenien, et sujet a pas mal de problemes interpretatifs si j'en crois Vandyk et al., 2021. De plus, le protolithe d'Acasta etant plutonique, il n'a aucune raison d'etre pres de la surface, et le metamorphisme intense (fusion partielle) quelques centaines de millions d'annees plus tard aurait vite fait d'avoir efface des structures delicates comme des stries glaciaires qui se seraient formees entre temps.

    Cela dit, je pense que Stanley Miller a eu de très nombreux prédécesseurs que se sont influencés les uns les autres. Je pense même qu’on peut remonter comme ça les filiations intellectuelles jusqu’à la fin du XIXe siècle.
    C'est souvent un biais qui apparait dans le grandes avancees de la science....qu'il n'y avait pas de predecesseurs ou que le courant de pensee n'allait pas du tout dans ce sens la. Je le vois souvent avec Alfred Wegener, ou les gens suppose qu'il est le premier a avoir remarquer l'apparence de puzzle detaches des plaques continentales. Ce n'est evidemment pas du tout vrai, on l'avait remarque des le 16eme siecle. Ce qui arrive souvent cependant, c'est que les interpretations ou les reflexions sont a mi-chemin entre la philosophie et la science.

    T-K
    Dernière modification par Tawahi-Kiwi ; 30/06/2025 à 05h55.
    If you open your mind too much, your brain will fall out (T.Minchin)

  19. #18
    Geb

    Re : Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016

    Bonjour,

    Citation Envoyé par Tawahi-Kiwi Voir le message
    Mais regarder le gneiss d'Acasta et déduire qu'il n'y a pas de glaciation, c'est de la foutaise.
    C’est bien ce que je supposais.

    Citation Envoyé par Tawahi-Kiwi Voir le message
    Sur base de ta citation de l'auteur, on dirait qu'il s'attend a quelques chose de ce type....
    Oui, je ne connaissais pas tous ces détails techniques (merci !), mais j’ai aussi supposé qu’il pensait véritablement à ce genre de traces.

    Du coup, je suis curieux de savoir si les paléontologues ont des cours de géologie à un moment donné dans leur cursus universitaire ?

    Citation Envoyé par Tawahi-Kiwi Voir le message
    C'est souvent un biais qui apparait dans le grandes avancees de la science....qu'il n'y avait pas de predecesseurs ou que le courant de pensee n'allait pas du tout dans ce sens la. Je le vois souvent avec Alfred Wegener, ou les gens suppose qu'il est le premier a avoir remarquer l'apparence de puzzle detaches des plaques continentales. Ce n'est evidemment pas du tout vrai, on l'avait remarque des le 16eme siecle. Ce qui arrive souvent cependant, c'est que les interpretations ou les reflexions sont a mi-chemin entre la philosophie et la science.
    Dans sa publication de 1952, Harold Urey cite un papier qui lui aussi fait l’hypothèse que ce type d’expériences avec des UV ou un arc électrique pourrait nous aider à comprendre les origines de la vie (la référence n° 11 dans sa bibliographie : Rabinowitch, 1945).

    Rabinowitch fait lui-même une liste relativement conséquente (pas exhaustive, mais relativement longue) des travaux de type Miller, sauf qu’à l’époque, on ne connaissait pas grand-chose des voies métaboliques et on s’intéressait surtout à la photosynthèse (et juste un peu à la synthèse organique abiotique dans le cadre des origines de la vie) avec une seule première étape supposée (la synthèse de formaldéhyde).

    Par conséquent, il suffit juste de prendre le temps de lire une seule référence dans le papier d’Urey (Rabinowitch, 1945, p. 83) et on se rend compte que les expériences à la Miller étaient légion entre la fin du XIXe et la fin de la seconde guerre mondiale.

    Qu’est-ce qui ont fait qu’elles n’ont pas été considérées comme des succès ? Parce que la plupart se contentaient de chercher la présence de formaldéhyde, des tests qui n’étaient pas fiables pour des raisons de contamination, que les capacités d’analyses étaient très limitées. Et puis d’ailleurs, certaines de ces expériences ont été considérées comme des succès a posteriori mêmes par Miller lui-même (comme l’expérience de Walther Löb de 1913).

    Cordialement.

  20. #19
    Tawahi-Kiwi
    Modérateur

    Re : Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    Du coup, je suis curieux de savoir si les paléontologues ont des cours de géologie à un moment donné dans leur cursus universitaire ?
    Il y a normalement deux filieres classiques, soit via la geologie, qui inclut des cours d'intro a la zoo et la bota; soit via la biologie, qui inclut au moins un cours d'intro de geologie*.

    Dans mon esprit (cela ne reflete peut etre pas (plus) la realite), c'est plus facile de faire l'impasse sur la geo (ou de ne pas vraiment assimiler les concepts) que la bio en geologie, surtout si on est plutot penche plutot vers le sedimentaire et/ou environnement.

    *A Liege par exemple, Emmanuel Javaux en est un exemple, avec des etudes de bio, mais son memoire de fin d'etudes etait deja "paleo", sur les ours des cavernes. Je crois que le paleobotanicien Cyrille Prestianni a aussi une "origine biologique" mais je pense que tout les autres paleos sont issu de la geologie.

    Dans sa publication de 1952, Harold Urey cite...
    Merci pour l'exemple. C'est interessant d'un point de vue histoire des sciences, de se poser la question de ce qui fait qu'une publication (ou un auteur) semble atteindre une "masse critique de connaissances" a un certain moment, pour devenir le pilier d'un domaine qui se developpe considerablement apres son travail (sans ou avec delai si l'auteur est un peu avant-gardiste).
    T-K
    Dernière modification par Tawahi-Kiwi ; 07/07/2025 à 12h01.
    If you open your mind too much, your brain will fall out (T.Minchin)

  21. #20
    MissJenny

    Re : Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016

    aujourd'hui (en France) les laboratoires de paléontologie sont rattachés aux sciences de l'évolution, donc à la biologie.

  22. #21
    Geb

    Re : Biologie évolutive (Thomas, Lefèvre, Raymond) – de Boeck, 2016

    Bonjour,

    Citation Envoyé par Tawahi-Kiwi Voir le message
    Merci pour l'exemple. C'est interessant d'un point de vue histoire des sciences, de se poser la question de ce qui fait qu'une publication (ou un auteur) semble atteindre une "masse critique de connaissances" a un certain moment, pour devenir le pilier d'un domaine qui se developpe considerablement apres son travail (sans ou avec delai si l'auteur est un peu avant-gardiste).
    D'après moi, ce qui a joué en la faveur de Miller, c'est qu'il y a surtout eu un changement de paradigme, de gros progrès dans les capacités d'analyses (il fallait y penser d'utiliser la chromatographie à l'époque tout de même) et un peu de chance. Cela dit, je pense qu'il faudrait au moins une thèse de doctorat pour démêler objectivement tout ça (et je suis surpris que personne à ma connaissance ne l'ait déjà fait).

    Le développement de la compréhension de la photosynthèse s’est fait en plusieurs étapes imbriquées. Dans un article intitulé "Die Wechselwirthschaft" (qu'on pourrait traduire par "La rotation des cultures"), Justus Liebig (anobli von Liebig en 1845) suggéra en 1843 que les plantes fixent le CO2 sous forme d’acides organiques, qui sont ensuite convertis en sucres.

    En 1861, Alexandre Boutlerov découvrit la réaction qu'on appellera plus tard « réaction de formose » : en milieu basique, le formaldéhyde se polymérise spontanément pour former divers sucres (pentoses, hexoses), démontrant chimiquement qu’un composé simple comme le formaldéhyde peut produire des sucres, et préfigurant clairement l’hypothèse de Baeyer.

    Fort de cette analogie, Adolf Baeyer (anobli von Baeyer en 1885) proposa vers 1870 que le CO2 serait réduit en formaldéhyde, qui se condense ensuite pour former des sucres. Cette hypothèse, élégante d’un point de vue chimique, reposait davantage sur des analogies de laboratoire que sur des données issues de cellules végétales.

    Au tournant entre le XIXe et le XXe siècle, des chercheurs tels que Alexeï Bach (le mentor d'Alexandre Oparine), Walther Löb, Henry Fenton, Benjamin Moore ou Cyril Baly (voir les listes de Rabinowitch, 1945) menèrent des expériences combinant lumière, CO2 et catalyseurs minéraux, rapportant parfois la détection de formaldéhyde. Mais ces études utilisaient des méthodes analytiques peu spécifiques. Notamment, pour donner un exemple précis, le réactif de Schiff, très susceptible aux faux positifs : il réagit aussi bien avec d’autres aldéhydes (comme l'acétaldéhyde), requiert un contrôle strict du temps de réaction et du pH, et peut donner des résultats erronés en présence de substances polluantes ou de particules issues de la combustion du charbon.

    Ces résultats, souvent considérés comme probants, étaient en réalité le reflet de contaminations environnementales massives, telles que celles provoquées par la combustion du charbon dans les villes industrielles (principal émetteur de formaldéhyde atmosphérique), ou encore liées à des impuretés dans les réactifs et l’absence de contrôles adéquats.

    Le cas le plus notable concerne les travaux de Klein & Werner en 1926, rapportant des détections via tests (au réactif de Schiff et à la Dimédone, qui sont clairement insuffisants pour conclure), mais sans traçage isotopique fiable (encore techniquement impossible à l'époque). Puis, en 1930, Barton-Wright & Pratt démontrèrent que ces résultats étaient essentiellement des artefacts issus de contaminations ou de méthodes inappropriées, fragilisant sérieusement l’hypothèse de Baeyer.

    Parallèlement, dès les années 1930, la biologie a commencé à expérimenter avec des isotopes pour étudier le métabolisme. Rudolf Schoenheimer et David Rittenberg utilisèrent en 1935 du deutérium, et plus tard des isotopes de l’azote, comme l'azote-15, pour démontrer la dynamique du renouvellement protéique et lipidique chez l’animal, inaugurant la méthode de marquage isotopique en biochimie. Entre 1938 et 1942, Sam Ruben et Martin Kamen firent des centaines d’expériences avec le carbone-11, un isotope radioactif, pour tracer l’incorporation du CO₂ dans des végétaux, bactéries et algues. Ce sont ces deux mêmes chercheurs qui obtinrent en 1940 une voie de synthèse fiable du carbone-14 avec le cyclotron de l'Université de Berkeley. Samuel Ruben donna ensuite sa "réserve" de carbone-14 (sous la forme de carbonate de baryum) à Andrew Benson.

    Le tournant décisif survint en décembre 1949, lorsque Melvin Calvin, Andrew Benson et James Bassham, dans leur article The Path of Carbon in Photosynthesis IV, utilisèrent pour la première fois le carbone-14, qui permettait des analyses plus détaillées et fiables, pour tracer avec précision l'incorporation du CO₂. C'est dans ce papier qu'ils identifièrent la première étape stable comme étant la formation de 3-phosphoglycérate (un acide à trois carbones) et non du formaldéhyde, confirmant ainsi expérimentalement la théorie de Liebig et réfutant définitivement l'hypothèse du formaldéhyde .

    En 1960, Bassham & Calvin rappelèrent ce cheminement intellectuel : les idées étaient passées de Liebig (acides organiques d’abord) à Baeyer (formaldéhyde d’abord), avant de revenir en quelque sorte, avec les expériences au carbone-14, à la vision initiale de Liebig.

    Dernier petit détail : Stanley Miller, à l'époque de l'élaboration de son expérience, était en compétition directe avec William MacNevin, de l'Université d'État d'Ohio, qui fut le premier à utiliser des arcs électriques dans un mélange contenant du méthane, mais qui contrairement à Miller, s'était limité à présenter ses résultats dans un article du New York Times daté du 8 mars 1953, annonçant simplement avoir produit des « solides résineux trop complexes pour l'analyser » (voir Lazcano & Bada, 2003). Donc, même Miller a eu une chance incroyable à l'époque. Il s'en ait fallu de peu pour que ce ne soit pas lui qui fasse sa découverte finalement.

    Cordialement.
    Dernière modification par Geb ; 10/07/2025 à 04h41.

Discussions similaires

  1. Cursus à distance pour se spécialiser en biologie évolutive
    Par mikomasr dans le forum Questions sur les choix d'orientation
    Réponses: 9
    Dernier message: 23/11/2021, 11h15
  2. Analyse : Gourdon ou de Boeck
    Par OSCILLATEUR dans le forum Mathématiques du supérieur
    Réponses: 1
    Dernier message: 10/06/2016, 17h35
  3. Bio moléculaire de la cellule De Boeck
    Par invitea567a329 dans le forum Lectures scientifiques
    Réponses: 0
    Dernier message: 21/08/2014, 23h17
  4. Biologie evolutive.
    Par invite3458ba95 dans le forum Orientation après le BAC
    Réponses: 9
    Dernier message: 21/10/2011, 20h58
  5. cursus pour devenir chercheur en biologie évolutive
    Par invite79c70007 dans le forum Orientation après le BAC
    Réponses: 6
    Dernier message: 16/07/2010, 19h38