Je ne crois pas que quiconque à ce jour (parmi les physiciens) conteste le phénomène de décohérence (et sûrement pas C. ROVELLI). La décohérence découle mathématiquement de la mécanique quantique (1).
Toutefois, à elle seule, la décohérence ne permet pas de faire émerger l'unicité du résultat de mesure quantique observé. Il manque quelque chose à la décohérence pour obtenir ce résultat. Il semblerait que, ajoutée au phénomène de décohérence, l'interprétation de Rovelli permette de faire un pas supplémentaire dans la résolution du problème de la mesure quantique (avec peut-être les nuances signalées par M. Bitbol).
Pas du tout. Il y a incompatibilité de l'interprétation de Rovelli avec les histoires décohérentes, mais pas du tout avec le phénomène de décohérence (phénomène qui, à ma connaissance, n'est contesté par personne à ce jour).
Le phénomène de décohérence est bien plus qu'une simple théorie parmi d'autres. C'est la conséquence inéluctable de la mécanique quantique et il a été très largement confirmé expérimentalement.
Simplement, la constatation du phénomène de décohérence ne suffit pas à résoudre le problème de la mesure quantique. Il y a en effet conflit de la mesure quantique à la fois avec la localité (cad avec l'invariance relativiste), avec le déterminisme, avec la microréversibilité et avec l'unitarité des évolutions quantiques si l'on interprète le phénomène de mesure quantique comme un phénomène physique objectif, découlant de l'interaction du système observé avec un appareil de mesure (qu'un observateur soit présent ou pas, cette interaction étant censée, dans cette interprétation dite réaliste, modifier instantanément le vecteur d'état du système observé interprété comme un champ physique distribué dans l'espace).
En fait, l'interprétation de la fonction d'onde comme un champ physique objectif distribué dans l'espace entre en conflit avec des principes physiques pourtant très solidement établis (j'aurais pu comprendre ça plus vite, mais la discussion s'est avérée plus délicate que prévue en raison des difficultés à poser des questions susceptibles d'entrer en conflit avec telle ou telle conviction scientifique forte).
Et pourtant, l'abandon de l'interprétation dite réaliste de la réduction du paquet d'onde (abandon hardiment accepté par C. ROVELLI) nous plonge dans un quasi-abime de perplexité car on est alors obligé d'abandonner la notion de réalité extérieure à l'observateur possédant des propriétés objectives (cad indépendantes de l'observateur et de l'acte d'observation).
(1) à condition tout de même de rajouter l'hypothèse de pertinence de la notion de système, hypothèse introduisant implicitement, me semble-t-il, un observateur. Sans recours à un observateur, vis à vis duquel le découpage de l'univers en un système observé et son complémentaire a une pertience, la notion de système ne me semble pas avoir plus de signification physique que la notion de présent ou de passé par exemple.
-----