Ce n'est pas si simple que ça. Le point de vue réaliste flanque par terre (au niveau interprétatif) des symétries très importantes en physique (quasi microréversibilité et invariance de Lorentz). Or ces symétries jouent un rôle très important dans la recherche du Lagrangien ou de l'Hamiltonien d'un phénomène physique qu'on cherche à modéliser par exemple. Elles ont été un excellent guide jusqu'à présent. Laisser tomber une symétrie des lois de la physique, c'est un peu comme si, sur une autoroute, on abattait les barrières de sécurité. Si on fait ça, ça peut rendre service si on veut aller quelque part où l'autoroute ne conduit pas (et où on a la vague impression qu'il faut aller regarder) mais on a perdu un sacré garde fou. En outre, il paraîtrait que l'on ne doit pas se laisser impressionner par ses préjugés, comme par exemple "l'hypothèse" (réaliste) d'existence d'une réalité indépendante de l'observateur et de l'acte d'observation.
Mais à l'inverse, comment admettre que les dinosaures ont eu besoin de nous pour avoir le droit d'avoir existé et d'avoir disparu il y a 65 millions d'années. D'ailleurs, symétrie ou pas, vouloir à tout prix respecter la conservation de l'énergie, c'était quoi sinon s'accrocher à une conviction qui avait fait ses preuves. Ca a été fait en inventant le neutrino au moment où l'interaction faible semblait mettre cette loi de conservation en défaut. On aurait pu accuser cette résistance à l'évidence expérimentale (de défaut d'énergie) de chasse au nounours vert...
...Mouais, ben finalement il a été observé ce nounours vert là. Comme quoi, les préjugés ont parfois la vie dure, mais ils ne conduisent pas systématiquement à des conclusions erronnées.
Ca ne marche pas bien...A moins de construire un modèle qui l'exprime correctement. Pour cela, on a besoin d'admettre que la notion de phénomène irréversible (et la perte d'information qui l'accompagne) peut se définir de façon quasi-objective. Ce qui (me semble-t-il) se rapproche le plus de cette idée, tout en étant un vrai travail scientifique, c'est l'article de Roger Balian sur la mesure quantique, mais je voudrais bien voir la suite, cad comment il s'en sort avec la non localité quantique.
Ils s'appuient sur des lois qui marchent bien puisqu'elles conduisent à des prédictions correctes.
Certains disent qu'en science c'est la seule chose qui compte. A mon sens, c'est vrai dans une optique d'efficacité, mais bon, doit on en conclure pour autant qu'une intuition inexploitable à un moment donné de l'histoire des sciences (parce qu'on a pas les moyens d'observation et/ou pas les outils théorique pour l'explorer) restera à jamais hors de portée d'une approche scientifique ?
En ce qui me concerne, j'ai plutôt tendance à croire à une quasi-objectivité de l'écoulement du temps, bref à penser qu'il existe une entropie plus fine (que celle associée à l'observateur macroscopique) mais présentant un caractère quasi objectif.
Bref, mon sentiment (on va dire que je prends comme hypothèse ce qui m'arrange pour aboutir au point de vue réaliste et c'est assez vrai) c'est que d'une façon ou d'une autre, les symétries des lois de la physique modélisent une sorte d'état d'équilibre local à une échelle inaccessible à l'observation et que seul les états d'équilibre sont observables. Pourquoi ? Parce que les états de déséquilibre à cette échelle ne laissent pas de trace donc ils ne peuvent pas participer à la perception que nous avons des choses qui se sont produites. Dans notre "grille d'observation" ils se produisent en un temps nul.
Un tel point de vue (en admettant qu'on parvienne à le modéliser finement et rigoureusement) permettrait d'expliquer la non localité quantique sans avoir recours à l'hypothèse selon laquelle seule existerait l'observation. Evidemment dans un tel (éventuel) modèle la non localité quantique acquèrerait une sorte de statut objectif et deviendrait une violation d'invariance de Lorentz (si, toutefois, on accepte l'hypothèse d'existence objective d'une entropie bien plus fine que celle associée aux limitations d'accès à l'information des seuls observateurs macroscopiques).
C'est très "nounoursvertien" approche, mais des tas de notions physiques admises par la science d'aujourd'hui sont restées inobservables pendant si longtemps ! Pourquoi conclure que maintenant plus rien d'inobservable par les moyens d'observation actuels ne peut exister et être amené à quitter, un jour ou l'autre, le domaine de la spéculation et de la métaphysique afin de rentrer (au début par un trou de souris) dans le domaine de la physique ?
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