Bonjour,
Dans un échange sur l'épistémologie relatif à la physique M. Bitbol fait les remarques suivantes :
En quoi la théorie quantique généralise la théorie des probabilités dont les fondations ont été posées par Andreï Nikolaevich Kolmogorov ?Michel Bitbol. Je me permets de revenir à la question philosophique qu’ont posée M. d’Espagnat et Hervé Zwirn, en la prenant sous un autre angle, peut-être pour essayer de raviver le dialogue.
Mon « autre angle » va consister simplement à comparer la théorie quantique à la théorie classique des probabilités. Vous savez que l’une des lois les plus importantes de la théorie classique des probabilités est la loi des grands nombres. Contrairement à ce qu’on pense souvent, cette loi ne dit pas que la fréquence d’un certain type d’événement tend uniformément et certainement vers la probabilité qui a été calculée a priori en se servant d’arguments de symétrie ou de minimisation de l’information manquante. Elle dit simplement que plus le nombre de tirages est grand, plus la probabilité que la fréquence s’approche de la probabilité calculée a priori, est forte. Elle évalue des probabilités, des probabilités pour que les fréquences mesurées convergent vers les probabilités évaluées, des probabilités pour que ces probabilités de second niveau soient corroborées par des fréquences de second niveau, et ainsi de suite jusqu’à l’infini. Autrement dit, la théorie des probabilités reste (comme on aurait dû s’y attendre) étroitement confinée dans le domaine des énoncés probabilistes. À aucun moment elle ne dit quelque chose sur ce qui est ou sur ce qui peut être, mais simplement sur la probabilité que quelque chose soit
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Michel Bitbol. La théorie quantique est également une forme de théorie des probabilités ; une théorie qui inclut en elle la théorie classique des probabilités d’une manière assez particulière (en la généralisant). Dès lors, la plupart des enseignements que nous avons tirés au sujet du statut et des limites de la théorie classique des probabilités s’appliquent immédiatement à la théorie quantique. Reprenons l’exemple de la théorie de la décohérence, qui est une partie de la théorie quantique. De la même façon que la théorie classique des probabilités ne dit pas que la fréquence mesurée converge inévitablement et strictement vers la probabilité calculée, la théorie de la décohérence ne dit pas que les systèmes vont tendre inévitablement et strictement vers un comportement classique. Elle dit simplement que la probabilité de trouver un système qui, tout en interagissant avec l’environnement, présenterait une forte déviation par rapport au comportement classique, tend vers zéro.
Patrick
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