D'un point de vue mathématique, un état pur, quand il est représenté sous forme d'opérateur densité, est effectivement un projecteur de rang 1. Un état (vraiment) mixte, d'un point de vue mathématique toujours, est une somme de projecteurs orthogonaux de rangs 1, la somme des coefficients de pondération des projecteurs en question valant 1.
D'un point de vue physique, un état pur mal connu se représente par un état mixte. Par exemple :Je sais alors, quand je reçois un de ses spins, que je vais recevoir un état de spin pur vertical mais, par contre, je ne sais pas bien si ce sera un spin up ou un spin down. J'ai deux fois plus de chances que ce soit un spin up qu'un spin down mais je n'en sais pas plus. Je représente alors la (mé)connaissance de l'état des spins que m'envoie ce collègue par "l'état" mixte (en fait un état de ma connaissance et non un état de spin "objectif") |psi> = 2/3 |up><up| + 1/3 |down><down|
- Imaginons que je détienne un état de spin pur qui m'ait été envoyé par un collègue.
- Supposons qu'il m'envoie systématiquement et uniquement des spins verticaux.
- Supposons qu'il préfère 2 fois sur trois m'envoyer des spins up et une fois sur 3 des spins down (à noter que s'il m'envoie autant de spins up que de spins down, je n'ai aucun moyen connu, à ce jour, de savoir qu'il m'envoie uniquement des spins verticaux. En effet, l'opérateur densité est le même, pour ce flux de spins, que s'il m'envoyait uniquement des spins horizontaux avec autant de spins right que de spins left).
On peut avoir aussi un état mixte (sans aucun changement de propriété mathématique donc) représentant physiquement tout à fait autre chose, à savoir un état qui n'existe pas encore, celui que je vais créer en réalisant la mesure de spin.
C'est exactement ce qui se produit quand je mesure le spin horizontal d'un spin vertical up ou encore le spin d'une paire de spins 1/2 dans un état singulet. C'est ma mesure de spin qui crée ce spin. Dans ce cas, l'état mixte ne représente pas ma connaissance imparfaite d'un état de spin pur déjà préexistant, mais celle (totalement nulle dans ces deux cas) de l'état de spin pur que je vais créer par ma mesure. Il est donc normal que ma mesure de spin de l'une des particules de spin 1/2 dans un état de spin singulet m'apporte une information que je n'avais pas encore et qui n'était pas contenue dans la connaissance parfaite (ou plutôt maximale comme le dit Gatsu) de l'état quantique de spin de ma paire de particules intriquées. En fait, cela revient à réaliser une mesure quantique de la paire de spins en état singulet avec une observable dont les 4 états propres sont les états de spin séparables suivants :
|up up>, |down down>, |up down>, |down up>
Ces observables ne commutent pas avec des observables dont l'un des états propres est l'état singulet. Par exemple les observable dont les états propres (non séparables eux) forment une base de Bell
|e1> = (|up up> + |down down>)
|e2> = (|up up> - |down down>)
|e3> = (|up down> + |down up>)
|e4> = (|up down> - |down up>)
C'est le cœur de l'indéterminisme de la mesure quantique. Quand je mesure un spin d'angle polaire +45° (dans le plan x,z par exemple) d'un état de spin up (donc pourtant parfaitement connu), j'améliore ma connaissance de l'état pur de spin à +45° dans le plan x, z. En fait je participe à la création de cet état et cette création n'est pas complètement maîtrisée car le hasard quantique (la règle statistique de Born) tient absolument à y fourrer son grain de sel. Je ne peux donc pas connaître le résultat de mesure quantique à l'avance.
Pourtant, mon état de spin initial est parfaitement connu (c'est un spin up) mais, contrairement à la mécanique classique avec la structure d'algèbre commutative de l'espace de ses observables (l'algèbre des fonctions continues sur une variété différentielle, cette variété étant l'espace de phase dont les points sont les états possibles du système classique considéré) une connaissance aussi parfaite que possible de l'état quantique du système observé (maximale à ce jour comme l'exprime plus correctement Gatsu) ne me permet pas d'avoir une connaissance parfaite de toutes les observables que je peux mesurer.
Je peux seulement avoir une connaissance parfaite de l'ensemble des observables dont l'état observé est un des états propres (un ensemble un peu plus large que l'algèbre engendrée par un ensemble complet d'observables qui commutent mais très petit devant l'ensemble de toutes les grandeurs physiques "possiblement" mais non simultanément observables). Mathématiquement, ces bizarreries de limitation d'accès à l'information et de statistiques quantiques sont modélisées par le caractère d'algèbre des observables unitaire étoilée non commutative de von Neumann et c'est ce qui donne à la théorie quantique son caractère de théorie généralisée de l'information.
L'avantage de l'utilisation des opérateurs densité est qu'il permet de traiter les cas où le système observé n'a pas d'état à proprement parler parce qu'il est intriqué avec son environnement. Pratiquement, c'est toujours le cas car on ne peut pas s'opposer parfaitement à la décohérence (pas plus qu'on ne peut arrêter le temps dont l'écoulement est probablement une conséquence).
C'est d'autant plus important que la mesure quantique elle-même va créer
- d'abord un état d'intrication du système observé avec l'appareil de mesure,
- ensuite un état d'intrication de l'appareil de mesure avec son environnement.
Par contre, le point que signalais GILLESH38 et que j'ai rappelé à diverses reprises dans les messages où j'essayais de mener cette discussion pour obtenir des réponses et des références restant dans le cadre de la physique, c'est que l'opérateur densité réduit ne représente pas toute l'information sur un système. Il représente toute l'information que l'on peut obtenir sur le système observé quand on ignore ses corrélations EPR avec son environnement. L'idée même d'opérateur densité et ce qu'on lui fait dire (notamment tous les no go theorem de la mécanique quantique) demande d'admettre que l'opérateur densité représente l'information maximale que l'on puisse recueillir sur un ensemble de systèmes dans un même état d'intrication avec leurs environnements respectifs.
En fait, cette hypothèse est imparfaite car elle revient à considérer que l'opérateur densité réduit, celui obtenu par trace partielle de l'état intriqué système+environnement sur les degrés de liberté de l'environnement, modélise une irréversibilité parfaite des liens EPR qui se sont établis (à un moment ou à un autre) entre le système et son environnement. Or il n'y a pas d'irréversibilité absolue. L'expérience de l'écho de spin, par exemple, montre comment une aimantation en apparence parfaitement et irréversiblement effacée peut réapparaitre par une manipulation appropriée (s'apparentant un peu à un tour de magie remettant dans un ordre parfait un paquet de cartes qui semblait avoir été irréversiblement mis en désordre en battant ce jeu de cartes).
Toutefois, on peut quand même être tenté de penser qu'extraire de mesures quantiques sur un système plus d'information qu'il n'en est contenu dans son opérateur densité est (sauf astuce à trouver dans la préparation de l'état quantique de son environnement ?) tout aussi impossible que créer un démon de Maxwell (violant le second principe de la thermodynamique) en récupérant une certaine quantité d'information dans la "poubelle à entropie" normalement inaccessible à l'observateur macroscopique.
Théoriquement, la croissance monotone de l'entropie des systèmes isolés n'est pas une règle parfaitement respectée. Elle est (légèrement) violée par des fluctuations statistiques d'entropie autour des états d'équilibre. Dans un but d'obtenir de l'énergie motrice gratuitement, elles sont sans intérêt car elles ne peuvent pas être contrôlées par l'observateur macroscopique. C'est comme ça que j'interprète d'ailleurs l'impossibilité de tirer parti de la non localité quantique pour transmettre de l'information entre évènements séparés par des intervalles de type espace mais, à ce jour, je trouve très très peu de physiciens qui développent cette interprétation thermodynamique statistique de l'impossibilité de se servir de la non localité de la mesure quantique et les modèles mathématiques qui vont avec (tout en la considérant comme une véritable action instantanée à distance malheureusement incontrôlable à ce jour) .
Pour ne pas être gêné par ce problème, il suffit de considérer, par exemple, les expériences d'électrodynamique quantique en cavité de Serge Haroche avec des paires d'atomes de Rydberg (à deux états d'énergie) dans un état d'énergie singulet.
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