Allez, en avant ! Je vais mettre les deux pieds dans le plat !
Ceci est un message assez technique. Il contient peut-être des erreurs, et est donc adressé en priorité aux experts en mécanique quantique du forum.
Une interprétation classique du phénomène de mesure peut nous permettre de nous débarrasser des notions d'indéterminisme et de non-localité en mécanque quantique, à condition d'introduire dans notre environnement des chats de Schrödinger un peu plus encombrants que ceux auxquels nous sommes habitués, tout en respectant les prédictions de la mécanique quantique, et en violant bien les inégalités de Bell.
1-Mesure de la valeur d'un spin 1/2
Une particule se déplace horizontalement vers un détecteur de spin vertical. La projection du spin sur l'axe horizontal perpendiculaire à son déplacment est "spin gauche". Son spin vertical est donc dans une superposition à poids égal des états spin haut et spin bas. Le détecteur va donc donner la mesure spin bas dans 50 % des cas et spin haut dans 50 %.
Quel est le mécanisme qui est à l'origine du choix ? D'après la mécanique quantique, il n'y en a pas. C'est une indétermination fondamentale de la nature.
2-Un modèle classique de la mesure
Imaginons maintenant que ce soit l'appareil de mesure qui détermine ce choix. Comme lorsqu'on tire à pile ou face, la trajectoire exacte le la pièce est cahotique à cause de son environnement complexe, et détermine au final le résutat du lancer.
La particule va commencer à interagir avec les atomes les plus proches de l'appareil de mesure. Ceux-ci vont, pendant un temps très court subir l'influence de la particule, et passer dans l'état détection de spin bas + détection de spin haut, superposition des deux. Puis l'ensemble va interagir de plus en plus avec son environnement immédiat, et de façon de plus en plus cahotique. L'appareil de mesure étant conçu pour mesurer les spins verticaux, ses états d'équilibre sont "mesure de spin haut", et "mesure de spin bas". L'ensemble particule + voisinage immédiat dans l'appareil de mesure va donc évoluer de façon un peu chaotique vers un des deux états d'équilibres. La particule a alors acquis son état final : spin haut ou spin bas, tandis que l'appareil se place dans l'état de mesure correspondant. Le choix étant déterminé par l'état quantique de toutes les particules ayant participé à l'interaction.
L'appareil se comporte face à une telle particule un peu comme une bille de verre posée sur une lame de couteau. La bille va tomber d'un côté ou de l'autre avec une probabilité de 50 %, avec un choix de direction extrêmement sensible aux conditions initiales.
On sait que ce modèle, classique, ne rend pas compte des corrélations observées dans les expériences EPR, car il est à variables locales cachées. Introduisons alors notre gros chat dans une expérience EPR.
3-Une expérience EPR
Deux particules de spin 1/2 sont préparées dans un état intriqué.
L'état
pour être précis.
C'est une superposition de l'état où la particule 1 a un spin haut et la 2 un spin bas, et de l'état où la particule 1 a un spin bas et la 2 un spin haut.
On les envoie chacune vers un détecteur de spin. Le résultat d'une mesure de spin vertical sur ce système donne soit spin haut pour la particule 1 et spin bas pour la 2, soit l'inverse. Les spins sont anticorrélés. Si l'un est haut, l'autre est bas.
Ce système est non séparable. Considérons donc qu'il s'agit d'un système quantique de très grande taille, dont les deux extrémités vont arriver chacune sur un détecteur.
Chacune des extrémités va commencer à interagir avec le détecteur. Les atomes des détecteurs vont réagir à l'état du système, et amorcer un passage du détecteur dans un état superposé. Si on reste dans notre vision classique, la réduction du paquet d'onde, c'est à dire le passage de l'ensemble de ces particules dans un des deux états observables possibles, va être entravée par la taille du système quantique. Celui-ci ne devrait pas pouvoir passer instantanément dans l'état final avant que l'onde de décohérence ne l'ait parcouru en entier, et amorcé un basculement de l'ensemble soit du côté 1-haut-2-bas, soit du côté 1-bas-2-haut.
4-Le matou de Schrödinger
Eh bien restons dans notre système classique ! Pendant le temps que met l'onde de décohérence pour parcourir toute l'étendue du système de deux particules, les détecteurs de particules ont déjà perçu les impacts et commencé à envoyer des ondes électromagnétiques dans les câbles qui les relient au compteur de coïncidence, afin d'amorcer l'établissement du signal électrique qui annonce la détection d'une particule. Pour l'instant, ces câbles sont dans une superposition quantique des états "amorce d'un courant", et "pas d'amorce d'un courant".
Puis l'ensemble système + particules + instruments de mesures + câbles bascule tout entier dans l'un des deux états possibles.
Cette description permet-elle de rendre compte de tous les phénomènes quantiques ?
5-Objections
Objection : Cette description est classique, donc ne rend pas compte du comportement quantique de la matière.
Réponse : La réduction du paquet d'ondes s'est faite dans les règles quantiques, à partir d'un état non séparable qui n'est pas un mélange statistique. On a seulement introduit un délai dans sa mise en place. Donc on reste dans le cadre de la mécanique quantique.
Objection : le mécanisme introduit des variables cachées locales : l'état de l'environnement. Donc il respecte les inégalités de Bell. Celles-ci étant violées en réalité, ce système ne peut pas représenter la réalité.
Réponse : Dans notre système, le résultat de la mesure dépend de l'état des deux appareils de mesure, or les inégalités de Bell supposent que le résultat en A ne dépend pas de l'état de l'appareil B. Nous violons donc une condition nécessaire à leur démonstration. Elles deviennent fausses et nous n'avons pas à les respecter.
Objection : une interprétation locale à variables cachées qui viole les inégalités de Bell et reproduit les résultats de la mécanique quantique... où est l'erreur ?
Réponse : Nous sommes sortis des conditions EPR ! En effet, notre acte de mesure est sorti des régions d'espace-temp A et B pour se faire, de façon très lente, sur l'ensemble du système quantique mesuré.
D'ailleurs, dans l'état que nous avons préparé, parler de mesure sur une particule n'a aucun sens, puisque le système est non séparable. Il n'est pas constitué par la réunion de deux particules. Il constitue une sorte de super-particule élémentaire provisoire... jusqu'à ce qu'on brise l'intrication pour retrouver deux particules séparées. Une mesure de spin ne peut se faire que sur l'ensemble.
Objection : donc en revenant aux conditions EPR, on retrouverait tous les paradoxes de la mécanique quantique.
Réponse : Dans notre hypothèse, il est impossible d'achever une mesure dans une région d'espace temps qui ne contient pas tout le système mesuré, car on suppose que la mesure est une interaction entre l'appareil de mesure et le système mesuré qui se propage à une vitesse inférieure à celle de la lumière. Il est donc fondamentalement impossible de réaliser une véritable expérience EPR.
Objection : cela a déjà été fait par Aspect, Roger, Grangier et Dalibard.
Réponse : qui prouve que leurs mesures étaient totalement achevées avant qu'une interaction ne puisse se propager d'un appareil à l'autre ? ...Puisque l'achèvement d'une mesure n'est pas observable en soi.
Leurs appareils de mesure ont pu rester dans un état superposé assez longtemps pour qu'une influence se propage entre les deux appareils, sans que personne n'ait aucun moyen de le savoir. Il s'agit de photomultiplicateurs. Peut-être même que leur mécanisme de photomultiplication est assez lent et qu'aucun courant électrique n'a eu le temps de s'amorcer dans les câbles avant la propagation d'une influence d'un appareil à l'autre à une vitesse inférieure à celle de la lumière.
D'ailleurs même si un observateur humain avait eu le temps de relever le résultat avant qu'une influence ne puisse se propager, il ne serait pas possible de savoir s'il était lui-même dans une superposition d'états pendant un moment.
Objection : j'ai entendu parler d'une expérience EPR menée avec plusieurs kilomètres de fibre optique. Cela n'impose-t-il pas une taille colossale au chat de Schrödinger au bout de la fibre ?
Réponse : j'ai vu cela à la fin des années 90 en couverture de Science et Vie, je crois. J'aimerais beaucoup en savoir plus, si quelqu'un a un lien.
Objection : si le résultat en A dépend de l'état de l'appreil B, nous sommes dans le cadre habituel de la mécanique quantique avec non-localité, non-séparabilité, et en plus un matou de Shrödinger sur les bras. Où est l'intérêt ?
Réponse : la non-localité n'est plus quantique. Ce n'est qu'une banale interaction à distance à vitesse infra-luminique. On a supprimé la notion d'interaction instantanée à distance, et on a expliqué le résultat de la mesure par un chaos déterministe. On s'est donc débarrassé du "Dieu qui joue aux dés", et rétabli le déteminisme absolu. Le résultat de la mesure dépend de l'état quantique du système et des états quantiques de toutes les particules des deux appareils de mesure.
6-Test expérimental.
Cette hypothèse peut être en principe soumise à l'expérience. Plusieurs équipes dont celle de Serge Haroche, ont réalisé des expériences de mesure du temps de décohérence d'un petit chat de Schrödinger, et ont constaté que plus le chat était gros, plus la décohérence était rapide.
Il suffirait donc de relier un chat de Schrödinger au système quantique d'une expérience EPR, de sorte que la corrélation de la paire EPR maintienne le chat dans un état de corrélation quantique. On mesure alors simultanément les corrélations quantiques de la paire EPR et le temps que met le chat à se projeter sur un état classique.
S'il est possible d'abandonner le non-déterminisme et la non-localité quantiques au profit d'un matou de Schrödinger, cela ne peut se faire qu'en imposant une limite inférieure au temps de décohérence d'un système quantique. C'est la durée qui correspond au temps que mettrait la lumière pour le parcourir de part en part. Dans ces conditions, le temps de décohérence du système doit croitre proportionnellement à l'éloignement des deux appareils de mesure EPR.
La durée exacte n'est a priori pas définie avec une grande précision. Les ondes de décohérence qui proviennent des appareils se rejoignent à mi-chemin après avoir parcouru la moitié de la taille du système. Mais le processus peut se propager à une vitesse inférieure à celle de la lumière, ou devoir faire plusieurs allers et retours le long du système avant que le choix du résultat ne soit déterminé, ce qui donnerait des temps de décohérence encore plus longs.
Quoi qu'il en soit, si on mesure un temps de décohérence inférieur à la moitié du temps nécessaire pour traverser le système à la vitesse de la lumière, tandis qu'on a la preuve par ailleurs qu'il y a corrélation quantique (inégalités de Bell violées), et que le chat est toujours corrélé à la paire EPR, alors l'idée du matou de Schrödinger doit être abandonnée, car incompatible avec les observations.
Si en revanche le temps de décohérence est au moins égal à la taille-lumière du système, et donc croit avec l'éloignement des détecteurs, alors on est en présence d'un matou de Schrödinger, et la notion d'action instantanée à distance est réfutée. La notion de non-localité n'a strictement plus aucune utilité puisqu'on n'en observe aucune manifestation expérimentale. Quand au non-déterminisme, plus rien ne s'oppose à ce qu'on l'abandonne en postulant que le résultat de la mesure est entièrement déterminé par les états quantiques du système, de l'ensemble des appareils de mesure et de l'environnement immédiat.
J'attends vos commentaires avec impatience. Toutes les objections auxquelles je n'ai pas pensé sont les bienvenues.
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