Bonjour a tous,
Cela fait pas mal de temps que j'essaie de clairement discriminer ce qui me gene dans l'explication usuelle de la physique du saut et je pense que je suis arrive a un point fixe a la fois en ce qui concerne les problèmes et leur possible resolution que je souhaite proposer ici pour voir ce que vous en pensez.
Position du probleme :
Aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais été réellement satisfait de la manière dont les mécanismes tels que la marche ou le saut (et plein d'autres choses du meme genre) étaient "expliquées" en mécanique Newtonienne.
Pour reposer les choses dans leur contexte, la mécanique Newtonienne "originale" se base sur trois principes a appliquer a la mécanique d'un point materiel :
- le principe d'inertie stipulant qu'un point materiel se déplace en ligne droite tant que son état de mouvement n'est pas altéré par une force extérieure
- le principe de la dynamique stipulant que la variation de la quantité de mouvement d'un point materiel est proportionnelle a la (résultantes des) force(s) extérieure(s) s'exerçant sur celui-ci
- le principe d'action-reaction stipulant que la force exercée par un point materiel A sur un autre B est égale en amplitude et opposée en direction a la force s'exerçant par B sur A
A l'aide de ces trois principes, Newton a révolutionné la physique de son époque (XVIIeme, XVIIIeme siecle AD) en proposant un nouveau cadre explicatif : celui des forces s'exerçant entre les objets et leur influence sur l'état de mouvement des corps.
Le cadre est essentiellement universel et en proposant l'introduction de lois constitutives comme la loi de la gravitation universelle, a permis l'explication d'un grand nombre de phénomènes physiques aussi bien astronomiques que terrestres.
Un problème se pose cependant, selon moi, pour tout ce qui attrait a une physique nécessitant une contribution "active" de la fameuse reaction du support.
En premier lieu, meme dans un cas "passif" la reaction du support n'est pas calculable en pratique i.e., on ne peut pas prédire quelle va être la force exercée par le support sur un objet et donc la stratégie qui tend a dire "en mécanique Newtonienne, il suffit d'avoir les conditions initiales et d'intégrer les equations du mouvement" tire plus sur le mythe qu'autre chose. Ainsi dans un cas simple de statique d'un corps ou d'un mouvement contraint géométriquement par un ou plusieurs supports, les forces réellement exercées par les supports sont incalculables mais les contraintes imposées au mouvement permettent d'évaluer certaines composantes de ces forces et (en supposant les autres composantes nulles par défaut ou en leur affectant des valeurs en fonction du problème) assurent ainsi que la logique Newtonienne est sauve.
En second lieu, lorsqu'on passe a une contribution active de la part du support, le problème me semble plus grave encore. Lorsque j'explique le saut en disant que je saute parce que le sol exerce une force sur moi qui est plus grande que la gravite; cela peut être formulé de telle sorte que, a nouveau, aucune violation des principes précités n'apparaisse. De mon point de vue, c'est la seule chose que ce type d'explication permet i.e. une coherence globale de la théorie qui est assurée. Malgré tout, cette coherence du discours n'implique pas, pour moi en tout cas, une explication satisfaisante de la physique qui est en train d'avoir lieu lors d'un saut ou de la marche ou meme lorsqu'on se tend le bras en fait.
Pour donner quelques exemples de questions naives sur l'explication Newtonienne classique on peut avoir un dialogue de ce type :
Q1- D'ou vient la force du support qui nous permet de sauter ?
A1- C'est la réaction a la force que nous meme exerçons sur le support
Q2- Et la force que nous exerçons sur le support elle vient d'ou ?
A2- De nos muscles
Q3- Cette force provient d'une énergie potentielle ou cinétique ?
A3- C'est un peu plus compliqué. En se contractant, nos muscles accélèrent notre centre de masse, acceleration qui se traduit comme une force sur le support qui lui meme nous fait subir la meme force dans la direction opposée
Q4- Et comment les muscles se contractent ?
A4- C'est du a des molecules biologiques appelées myosines qui exercent une force sur des filaments dans nos muscles appelés filaments d'actine
.......
Cette discussion est peut être naive et il existe pleins d'autres questions et pleins d'autres réponses a ces questions mais je pense qu'en substance, elles auront toutes les memes problèmes :
Pb0 : pas de description satisfaisante (i.e. au dela du soucis de coherence basés sur les forces) ne semble émerger si la description reste celle d'un point materiel
Pb1 : tendance a la recursion quasi-infinie vers les processus moléculaires sous-jacents
Pb2 : la causalité n'est pas claire du tout dans l'histoire
Pb3 : absence de pouvoir prédictif du cadre théorique (si je prends un skieur glissant sur une pente, je dois imaginer qu'il ne va pas essayer de sauter pendant la trajectoire sinon je ne peux pas résoudre le problème)
Pb4 : lorsque je saute, le sol semble fournir un travail contre la gravite pour me faire gagner de l'énergie potentielle, d'ou vient l'énergie au depart ? Y aurait il violation de la conservation de l'energie mécanique ?
Resolution standard de ces problèmes :
La resolution standard de ces problèmes tend a admettre que la mécanique du point materiel de Newton n'est pas suffisante pour répondre a l'ensemble de ces questions et qu'il faut ajouter la thermodynamique dans le cadre théorique pour comprendre la cascade d'événements conduisant au saut (de l'enthalpie dégagée lors de l'hydrolyse de l'ATP au saut lui meme). Dans ce cadre de mécanique classique étendue, le premier principe de la thermodynamique permet a un système de fournir un travail "de l'intérieur". Ce cadre théorique me semble suffisant pour répondre (sous entendu de manière plus satisfaisante que Newton seul) a la plupart des questions a la fois d'ordre conceptuel et d'ordre quantitatif que l'on peut se poser de la part des phénomènes impliquant une contribution active du support.
Resolution plus simple de ces problèmes : la relativité restreinte
La manière dont la thermodynamique résout les problèmes que j'ai présentés plus haut est en introduisant le concept d'énergie interne d'un système et en lui permettant d'être échangée en travail exercé sur l'exterieur; ce seul concept suffit majoritairement a expliquer l'origine physique du saut i.e. permet de suivre les "transformations subies par l'énergie" jusqu'a l'execution du saut et ne nécessite pas, en substance, une recursion infinie vers la biochimie.
Telle qu'elle est enseignée habituellement, elle nécessiterait tout de meme l'apprentissage d'enormement de notions pour répondre aux problèmes posés. En outre, elle implique habituellement l'existence d'un volume du système dans lequel est stockée cette énergie.
Je pense qu'il existe un moyen très simple de conserver tout les avantages de la thermodynamique et de les appliquer a une masse ponctuelle et c'est simplement la formulation de la mécanique en relativité restreinte dans la limite des faibles vitesses.
En gros, il me semble suffisant de dire que l'énergie d'un système (assimilable a une masse ponctuelle) est {Energie cinétique + Energie potentielle + énergie de masse} pour résoudre tous les problèmes.
De cette manière, meme si les details ne sont pas aussi clair et prédictifs qu'en thermodynamique, on sait qu'il est possible pour un système d'echanger de l'energie de masse pour de l'energie potentielle ou cinétique; et c'est exactement ce que l'on fait lorsqu'on saute : on perd de la masse (fondamentalement parce que la reaction d'hydrolyse de l'ATP est exothermique) pour gagner en énergie cinétique.
Le problème peut alors être formule comme une collision entre deux points matériels (l'un, la Terre, beaucoup plus massif que l'autre, nous) lies l'un a l'autre par un ressort. Si a l'instant initial, le ressort est au repos et que j'ai une masse m*; je peux me "désexciter" dans un état de plus basse énergie correspondant a une masse m < m* en l'échangeant contre de l'énergie cinétique, en vertu de la conservation de l'energie totale, qui elle meme sera changée régulièrement en énergie potentielle...c'est grosso modo la physique du trampoline. Lors de la "collision initiale", la conservation de l'impulsion implique que mon impulsion doit être exactement opposée a celle de la Terre, ce qui rappelle au passage que la Terre "saute" également un tout petit peu dans le sens ou elle gagne un tout petit peu d'impulsion.
Voila, j'ai fini mon expose et désole pour le roman mais j'ai essaye d'être aussi clair que possible.
Merci d'avance de vos remarques.
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