Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopique ?
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Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopique ?



  1. #1
    chaverondier

    Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopique ?


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    Citation Envoyé par coussin Voir le message
    Plusieurs pensent que c'est l'entropie qui crée la flèche du temps.
    C'est une question intéressante (et difficile) sur laquelle j'aimerais bien avoir des avis et références. Ce qui me manque, pour l'instant, c'est une discussion (étayée par de bonnes références accessibles par le net) confrontant les travaux et affirmations de Prigogine, à savoir l'interprétation de l'écoulement irréversible du temps comme présentant un caractère objectif, dynamique et valide à toutes les échelles d'observation, avec les points de vue bien plus répandus sur la question du temps considérant, au contraire, l'écoulement irréversible du temps comme ayant une origine thermodynamique statistique.

    A ce sujet, les travaux de Balian, notamment, lient indissociablement, écoulement irréversible du temps, évolution irréversible et croissance de l'entropie dite pertinente (cf. Incomplete descriptions and relevant entropies). Cela découle du fait que, dans le formalisme de la physique quantique statistique (ça marche aussi en physique statistique classique), l'entropie S = Tr(Rho ln(Rho)) est invariante sous l'évolution unitaire de l'opérateur densité Rho(t) = U_(t) Rho(0) U_(-t). Du coup, pour briser l'unitarité des évolutions, la fuite d'information hors de portée de l'observateur macroscopique (myopie modélisée par projection orthogonale de l'état Rho(t) sur l'espace des états macroscopiques, états statistiquement caractérisés par la seule donnée des grandeurs pertinentes à l'échelle d'observation macroscopique) s'avère indispensable à la croissance de l'entropie des systèmes isolés.

    Citation Envoyé par balian
    Relevant entropies measure the missing information (the disorder) associated with the sole variables retained in an incomplete description. Relevant entropies depend not only on the state of the system but also on the coarseness of its reduced description. Their use sheds light on questions such as the Second Law, both in equilibrium and in irreversible thermodynamics, the projection method of statistical mechanics, Boltzmann's H-theorem or spin-echo experiment.
    De leur côté, avec l'hypothèse dite du temps thermique (cf. Diamonds's Temperature: Unruh effect for bounded trajectories and thermal time hypothesis), Connes, Martinetti et Rovelli font émerger un écoulement privilégié du temps (réversible par contre) dans une théorie quantique des champs, pourtant généralement covariante, grâce au manque d'information d'un observateur. Cette description incomplète (Hé, hé ! finalement Einstein avait donc raison sur ce point quoi qu'il puisse en avoir été dit) est modélisée via l'état d'un vide quantique sur l'espace-temps de Minkowski (dans le cadre d'une théorie quantique des champs conformément invariante) lorsque ce vide quantique est observé, par exemple :
    • par un observateur inertiel de durée de vie finie, donc causalement enfermé dans son diamant de Lorentz (l'intersection entre le cône de futur de sa naissance et le cône de passé de sa mort, diamant de Lorentz à la base de l'algèbre des observables locales propre à cet observateur) ou encore
    • par un observateur immortel mais uniformément accéléré (donc causalement enfermé dans son Rindler wedge, un diamant de Lorentz de taille infinie, dont découle la température de Unruh).

    En ce qui concerne les travaux de Petrosky et Prigogine, ils font émerger l'écoulement irréversible du temps via une violation d'unitarité se passant totalement de l'observateur macroscopique et de l'entropie dite pertinente découlant de la description incomplète des systèmes physiques pertinente à l'échelle d'observation macrocopique.
    Cf. The extension of classical dynamics for unstable Hamiltonian systems
    The basic step is the extension of the Liouville operator LH outside the Hilbert space to functions singular in their Fourier transformation...The eigenvalue problem for the Liouville operator LH is solved in this generalized function space for LPS. We obtain a complex, irreducible spectral representation. Complex means that the eigenvalues are complex numbers, whose imaginary parts refer to the various irreversible processes such as relaxation times, diffusion.… Irreducible means that these representations cannot be implemented by trajectory theory. As the result, the dynamical group of evolution splits into two semigroups. Moreover, the laws of classical dynamics take a new form as they have to be formulated on the statistical level. They express “possibilities” and no more “certitudes”.
    Ce que je ne comprends pas, c'est que l'on voit fleurir presque partout l'affirmation, en phase avec le point de vue développé par les Balian, Gell-Mann, Bibtoll, Villani, Price... (point de vue rejoignant, à certains égards, les travaux de Connes, Rovelli et Martinetti même si leur approche vise seulement à faire émerger un écoulement privilégié du temps dans un formalisme généralement covariant et non à conférer un caractère irréversible à ces évolutions), selon laquelle l'information :
    • ne se crée pas objectivement,
    • ne se perd pas objectivement,
    • mais se transforme pour devenir peu à peu inaccessible mais, en fait, seulement inter-subjectivement en raison de la myopie de l'observateur macroscopique.
    Ce serait sur cette base seulement intersubjective, est-il défendu, que reposerait l'origine de l'écoulement irréversible du temps.

    Voilà, par exemple, ce que nous dit Villani sur ce thème :
    Citation Envoyé par villani
    Cf. (Ir)réversibilité et entropie, Séminaire Poincaré XV, Le Temps (2010).
    Supposons que l'on dispose d'une dynamique microscopique sur Y^N, et d'une mesure nu sur l'espace Y telle que nu^(tensorielle N) soit une mesure invariante pour la dynamique microscopique; ou plus généralement telle qu'il existe une mesure invariante nu-chaotique sur Y^N. Que devient dans la limite N --> 00 la préservation du volume microscopique ?
    Une conséquence simple de cette préservation du volume (volume d'espace de phase pour éviter la confusion ayant pollué une précédente discussion) est la conservation de l'information microscopique H_nu^(tensorielle N) (mu_N,t), où mu_N,t est la mesure image de mu_N,0 par l'évolution microscopique. En effet, comme mu_N,t est préservée par le flot (par définition) et nu^(tensorielle N) également, la densité f^N(t, y1, ..., yN) est constante le long des trajectoires du système, et il s'ensuit que intégrale de [f^N log f^N dnu^(tensorielle N)] est également constante.
    Les choses sont plus subtiles pour ce qui est de l'information macroscopique.
    Bref, on retrouve l'affirmation (affirmation que j'ai d'ailleurs moi-même défendue sur le fil "conservation de l'information" ouvert par Ansset) selon laquelle, d'un point de vue objectif, l'information se conserverait. On pourrait, est-il défendu, la récupérer si on était capable d'aller la chercher là ou elle se trouve. Simplement, elle se situe à un niveau microscopique où elle est, en pratique, seulement très très incomplètement accessible à l'observateur macroscopique.

    Dans la même veine, (cf. Les idées d’Ilya Prigogine) Murray Gell-Mann s’exprime ainsi dans The Quark and the Jaguar (M. Gell-Mann, The Quark and the Jaguar, Londres. Little Brown and Co, 1994, p. 218-220)
    Citation Envoyé par Gell-Mann
    L’explication de l’irréversibilité est qu’il y a plus de manières pour les clous ou les pièces de monnaie d’être mélangés que triés. Il y a plus de manières pour les pots de beurre et de confiture d’être contaminés l’un par l’autre que de rester purs. Et il y a plus de manières pour les molécules d’un gaz d’oxygène et d’azote d’être mélangées que séparées. Dans la mesure où on laisse aller les choses au hasard, on peut prévoir qu’un système clos caractérisé par quelque ordre initial évoluera vers le désordre, qui offre tellement plus de possibilités.

    Comment ces possibilités doivent-elles être comptées ? Un système entièrement clos, décrit de manière exacte, peut se trouver dans un grand nombre d’états distincts, souvent appelés "microétats ". En mécanique quantique, ceux-ci sont les états quantiques possibles du système. Ils sont regroupés en catégories (parfois appelées macroétats) selon des propriétés établies par une description grossière (coarse grained). Les microétats correspondant à un macroétat donné sont traités comme équivalents, ce qui fait que seul compte leur nombre.

    Et Gell-Man conclut : l’entropie et l’information sont étroitement liées. En fait, l’entropie peut être considérée comme une mesure de l’ignorance. Lorsque nous savons seulement qu’un système est dans un macroétat donné, l’entropie du macroétat mesure le degré d’ignorance à propos du microétat du système, en comptant le nombre de bits d’information additionnelle qui serait nécessaire pour le spécifier, tous les microétats dans le macroétat étant considérés comme également probables.
    Voilà ce qu'en pense Prigogine commentant cette longue citation de Gell-Mann.
    Citation Envoyé par Prigogine
    Le même genre de présentation de la flèche du temps figure dans la plupart des ouvrages. Or cette interprétation, qui implique que notre ignorance, le caractère grossier de nos descriptions, seraient responsables du second principe et dès lors de la flèche du temps, est intenable. Elle nous force à conclure que le monde paraîtrait parfaitement symétrique dans le temps à un observateur bien informé, comme le démon imaginé par Maxwell, capable d’observer les microétats. Nous serions les pères du temps et non les enfants de l’évolution. Mais comment expliquer alors que les propriétés dissipatives, comme les coefficients de diffusion ou les temps de relaxation, soient bien définis, quelle que soit la précision de nos expériences ? Comment expliquer le rôle constructif de la flèche du temps que nous avons évoqué plus haut ?
    Les travaux de Petrosky et Prigogine semblent en effet établir l'existence d'évolutions objectivement irréversibles, indépendamment de la finesse de description de l'état des systèmes considérés, dans le cas des systèmes modélisables comme de grands systèmes non intégrables de Poincaré (modélisation pertinente dans la plupart des situations selon Prigogine).

    Prigogine ne semble pourtant pas avoir largement convaincu la communauté scientifique. Pour ma part, je ne vois pas bien ce que l'on peut contester dans ses travaux ni dans les conclusions qu'il en tire concernant la possibilité de définir la notion d'évolution irréversible sans recours au manque intersubjectif d'information de l'observateur macroscopique.

    Ma question est donc la suivante : Selon le point de vue majoritaire à ce jour, les considérations de symétrie CPT (ainsi que l'unitarité des évolutions et la réversibilité qui en découlent) sont jugées valides à un niveau fondamental. Le paradoxe de la violation de symétrie CPT par l'écoulement irréversible du temps est censé être levé en interprétant l'écoulement irréversible du temps comme une émergence d'origine thermodynamique statistique, autrement dit, un manque d'information seulement inter-subjectif de l'observateur macroscopique. Y aurait-il des arguments scientifiquement étayés permettant donc de s'inscrire en faux par rapport aux conclusions de Prigogine (comme, par exemple, un éventuel passage à la limite implicite ou explicite dans ses modèles, qui pourrait être jugé physiquement non légitime), conclusions de Prigogine attribuant, au contraire, un caractère dynamique et objectif à l'écoulement irréversible du temps ?

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    Dernière modification par chaverondier ; 02/09/2017 à 18h42.

  2. #2
    invitec998f71d

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Bonjour Chaverondier

    j aurais une petite question par rapport à la température ressentie par un observateur ayant une duree de vie finie.
    serait elle differente sil avait été eternel et suivi la meme trajectoire dans le diamant fini considéré?

  3. #3
    chaverondier

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Citation Envoyé par Murmure-du-vent Voir le message
    Bonjour Chaverondier

    J'aurais une petite question par rapport à la température ressentie par un observateur ayant une durée de vie finie. Serait elle différente s'il avait été éternel et suivi la même trajectoire dans le diamant fini considéré?
    Oui (1). Cette température serait nulle. Cf. Diamonds's Temperature: Unruh effect for bounded trajectories and thermal time hypothesis, P. Martinetti, C. Rovelli.
    The temperature associated to an inertial observer with lifetime T, which we denote as "diamond's temperature", is 2hbar/(pi k_b T). This temperature is related to the fact that a finite lifetime observer does not have access to all the degrees of freedom of the quantum field theory.
    Le même formalisme donne d'ailleurs le bon résultat de calcul concernant la température de Unruh associée à un observateur immortel et uniformément accéléré dans le vide quantique d'une théorie quantique des champs en espace-temps de Minkowski.

    An eternal accelerated Unruh observer has access to the local algebra associated to a Rindler wedge. The flow defined by the Minkowski vacuum of a field theory over this algebra is proportional to a flow in spacetime and the associated temperature is the Unruh temperature.
    (1) Mais le qualificatif de ressenti que vous employez me gène. Dans le cas de la température de Unruh (une température pouvant être obtenue à partir du même formalisme, ce qui rend tentant de l'interpréter comme physiquement de même nature), la température mesurée par un "observateur" immortel et uniformément accéléré dans un vide quantique de l'espace-temps de Minkowski, cette température serait, à ma connaissance, mesurable au plan du principe par un (hypothétique) thermomètre uniformément accéléré qui aurait la sensibilité requise. Concernant le cas de la température associée à un observateur inertiel de durée de vie finie, la question (spéculative) de la mesure de cette température reste (si j'ai bien compris) ouverte selon Martinetti et Rovelli.

  4. #4
    invitec998f71d

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Citation Envoyé par Martinetti et Rovelli. Voir le message
    . If this is correct, there should be a physical temperature
    naturally associated to observers with a finite lifetime, whether they are accelerating or not
    D'apres cette hypothese la température lue sur le thermometre de l observateur accéléré a un instant t
    dépendrait bien sur de son acceleration a cet instant mais aussi de son histoire, de la date de sa naissance
    ca on peut le concevoir mais aussi de la date de sa mort.

    comme ceci est une correction a la formule pour des durees finies je prefererais m en tenir
    a la presentation de Jacobson pour sa demonstration des equations d Einsteur de la RG a partir de la thermo

    https://arxiv.org/pdf/gr-qc/9504004.pdf

    "at each spacetime point, with δQ and T interpreted as the energy flux
    and Unruh temperature seen by an accelerated observer just inside
    the horizon."

    ici aussi dans une carte x t l'observateur a x = cte ressent une certaine pesanteur et une certaine temperature.

    pour en revenir a la question initiale Rovelli insiste sur le fait que l on voit si le film est a l endroit ou a l envers (perception
    de la fleche du temps) uniquement quand il y a emission de chaleur dans des chocs des frottements.
    donc de la chaleur emise. et la chaleur est une forme d energie qu on ne peut definir qu'a l'aide d un manque d information
    (mouvement desordonné)
    si on entre dans un ordinateut les trajectoires d un million de molecules d'un gaz eletrisé obeissant
    a la physique classique comment dira t il si le temps est a l endroit?
    quelle est la definition "informatique" d un echange de chaleur?

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    0577

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Bonjour,

    j'ai un problème de vocabulaire avec l'expression "écoulement irréversible du temps", qui me semble être employée à la place de "phénomènes (ou processus) irréversibles". Même en dynamique réversible, le temps est irréversible au sens où il y a un différence entre passé et futur et que l'objet de la dynamique est l'évolution d'un système "au cours du temps", i.e. du passé vers le futur (j'emploie ici temps/passé/futur en un sens intuitif, éprouvé par un observateur, modélisable par une ligne orientée. C'est peut-être naïf mais je ne crois pas qu'on sache mieux faire). Dire qu'une dynamique est réversible, ou invariante sous CPT, c'est dire que si une évolution (donc du passé vers le futur) d'un système est possible, alors une autre évolution (toujours du passé vers le futur) est possible (en mécanique du point matériel, celle dont l'état initiale est l'état finale de l'évolution précédente, avec directions des vitesses inversées). En physique des particules, vérifier la symétrie CPT, c'est mesurer les probabilités de deux processus de collisions spécifiques et vérifier que ces deux probabilités sont églaes. En particulier, je ne comprends pas le sens attaché à des expressions comme "le monde paraîtrait parfaitement symétrique dans le temps".

    Le paradoxe apparent entre dynamique microscopique réversible et dynamique macroscopique/thermodynamique irréversible a été résolu par Boltzmann par la réalisation du fait que les variables de la dynamique macroscopique/thermodynamique sont des variables statistiques du point de vue microscopique. C'est le point de vue qui est exprimé dans les citations de Balian, Villani, Gell-Mann données dans le message initial de ce fil.

    Pour faire simple, je ne comprends pas le point de vue de Prigogine. Je serai intéressé si quelqu'un pouvait exposer clairement ce qu'il pense avoir compris de ce point de vue (ma compréhension naïve est "la dynamique microscopique est irréversible", ce pour quoi je ne vois pas d'évidence).
    Dernière modification par 0577 ; 03/09/2017 à 13h05.

  7. #6
    chaverondier

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Citation Envoyé par Murmure-du-vent Voir le message
    La chaleur est une forme d'énergie qu'on ne peut définir qu'à l'aide d'un manque d'information (mouvement désordonné). Si on entre dans un ordinateur les trajectoires d'un million de molécules d'un gaz électrisé obéissant à la physique classique comment dira t il si le temps est à l endroit? Quelle est la définition "informatique" d'un échange de chaleur?
    Ce qui est important en physique statistique (classique comme quantique) et définit le caractère irréversible des évolutions (comme la transformation d'énergie cinétique pouvant être qualifiée de mécanique en énergie elle aussi cinétique mais qualifiable de thermique), c'est la création d'entropie, c'est à dire effectivement la fuite d'information hors de portée de l'observateur macroscopique.

    Cette fuite d'information nécessite (du moins dans le point de vue dominant interprétant l'irréversibilité des évolutions comme une émergence thermodynamique statistique) une description grossière de l'état du système observé, une description, donc, basée sur des grandeurs pertinentes à l'échelle d'observation macroscopique.

    Dans le cas d'un gaz monoatomique non électrisé (un cas proche de votre exemple mais juste un peu plus simple) ces grandeurs macroscopiques sont la température, la pression et la densité moyennes de volumes de gaz "très petits" mais toutefois suffisamment grands pour pouvoir être considérés comme respectant l'hypothèse de l'équilibre local. Le manque d'information de l'observateur macroscopique, c'est le logarithme du nombre de microétats de ce gaz indistinguables à l'échelle d'observation macroscopique donc regroupés dans un même état macroscopique. C'est ça l'entropie d'un état macroscopique (c'est ce manque d'accès à l'information du à la myopie de l'observateur macroscopique qui trace la frontière entre travail et chaleur et empêche aussi d'agir le malicieux démon de Maxwell).

    L'entropie d'un état du gaz (et donc aussi l'irréversibilité de son évolution, c'est à dire la création d'entropie = l'augmentation du manque d'information de l'observateur macroscopique) n'est donc pas une propriété intrinsèque de l'état exact du gaz (son état microscopique) mais une propriété de sa description macroscopique par un observateur handicapé par une certaine myopie (celle découlant de son échelle d'observation). L'évolution objective d'un système isolé est en effet sensée être hamiltonienne donc isentropique (la conservation de l'information en mécanique hamiltonienne découle du fait que le flot hamiltonien conserve la mesure de Liouville).

    Cette myopie de l'observateur macroscopique est cependant très utile car, sans elle (du moins si on adhère au point de vue majoritaire interprétant l'écoulement irréversible du temps comme une émergence à caractère thermodynamique statistique et non au point de vue de Prigogine), il ne pourrait pas y avoir recueil d'information puisqu'un tel recueil exige (si l'on suit le point de vue dominant) une opération irréversible d'enregistrement de cette information (donc reposant sur la création d'entropie). Selon le point de vue dominant donc, la fuite inter-subjective (non objective donc) d'information dite non pertinente serait donc nécessaire au recueil, c'est à dire à l'enregistrement irréversible, d'information pertinente (à l'échelle d'observation macroscopique).


    Selon le point de vue dominant, l'écoulement irréversible du temps doit être considéré au comme une émergence à caractère thermodynamique statistique découlant du manque d'information de l'observateur macroscopique (cf. Le point de vue de Gell-mann cité dans mon message initial ainsi que le temps macroscopique de Balian par exemple)

    Les travaux de Petrosky et Prigogine en thermodynamique des systèmes hors d'équlibre conduisent au contraire à interpréter l'écoulement irréversible du temps comme un fait de nature, un phénomène dynamique, objectif, valide à toutes les échelles d'observation, se passant de toute considération d'observateur macroscopique. L'objet de ma question (je le rappelle), c'est de savoir si ces travaux (cf. par exemple The extension of classical dynamics for unstable Hamiltonian systems) sont corrects ou reposeraient au contraire sur une hypothèse explicite ou implicite (comme par exemple un passage à la limite explicite ou implicitement contenu dans les hypothèses de modélisation) qui pourrait être jugée non légitime au plan physique et donnant, dans ce cas, raison au point de vue dominant.

    Si Prigogine a raison, ce n'est pas l'unitarité des évolutions découlant de la symétrie CPT qui aurait le dernier mot à un niveau fondamental, mais au contraire la violation d'unitarité par l'évolution des systèmes physiques modélisables comme de grands systèmes non intégrables de Poincaré (comme, dans un modèle toutefois semi-classique, le phénomène d'émission absorption de photons par un atome en interaction avec un champ électromagnétique)

    C'est sur cette question que je souhaiterais avoir des avis solidement étayés par des articles scientifiques accessibles sur le net.

  8. #7
    chaverondier

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Citation Envoyé par 0577 Voir le message
    Pour faire simple, je ne comprends pas le point de vue de Prigogine. Je serais intéressé si quelqu'un pouvait exposer clairement ce qu'il pense avoir compris de ce point de vue (ma compréhension naïve est "la dynamique microscopique est irréversible", ce pour quoi je ne vois pas d'évidence).
    Afin de centrer le débat sur l'aspect physique et mathématique le plus important de l'évolution intrinsèquement (et non seulement inter-subjectivement) irréversible des grands systèmes non intégrables de Poincaré dans le modèle de Petrosky et Prigogine, je ferai une réponse trop courte pour être complète, mais mettant l'accent sur quelques points qui me semblent essentiels en recitant simplement un passage contenu dans mon message initial.

    Cf. The extension of classical dynamics for unstable Hamiltonian systems
    The basic step is the extension of the Liouville operator LH outside the Hilbert space to functions singular in their Fourier transformation...The eigenvalue problem for the Liouville operator LH is solved in this generalized function space for LPS. We obtain a complex, irreducible spectral representation. Complex means that the eigenvalues are complex numbers, whose imaginary parts refer to the various irreversible processes such as relaxation times, diffusion.… Irreducible means that these representations cannot be implemented by trajectory theory. As the result, the dynamical group of evolution splits into two semigroups. Moreover, the laws of classical dynamics take a new form as they have to be formulated on the statistical level. They express “possibilities” and no more “certitudes”.

  9. #8
    yvon l

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Bonjour,
    Je considère l’expérience de pensée suivante :
    Dans un espace infini vide (pression et T = 0), j’ai un dispositif maintenant une quantité fixe de gaz dans un volume donné (Pression, volume, température et énergie sont constantes).
    On ouvre le dispositif (élimination de la contrainte) pour libérer le gaz .
    Le gaz se détend dans l’infinité de l’espace disponible.
    Dans le cadre de vos discussions j’aimerais connaître ce qu’il en serait du point vu entropie, information, et travail pendant la détente .
    Merci
    Dernière modification par yvon l ; 03/09/2017 à 18h02.

  10. #9
    chaverondier

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Je me permets un petit up au cas où un courageux voudrait bien s'attaquer à l'analyse critique du modèle proposé par Petrosky et Prigogine. Ma question vise essentiellement :
    • la légitimité des hypothèses physiques sur lesquelles ce modèle est basé dans le cadre des situations physiques auxquelles Petrosky et Prigogine appliquent ce modèle
    • la légitimité de son interprétation comme une violation de réversibilité (donc une violation de la loi de conservation de l'information), objective, valide à toutes les échelles d'observation pouvant s'obtenir sans besoin de référence implicite à la création d'entropie, une violation de réversibilité obtenue, donc, sans recours à un quelconque coarse graining, ni au concept d'entropie pertinente proposé par Balian par exemple.
    • l'interprétation de la création d'entropie comme étant alors une conséquence et non une cause des évolutions irréversibles puisque le groupe unitaire des évolutions se scinde (dans les situations physiques où le modèle mathématique proposé par Petrosky et Prigogine est, selon leur point de vue, estimé applicable) en deux semi-groupes distincts, l'un concernant les évolutions présent futur et l'autre les évolutions présent passé.

    Citation Envoyé par chaverondier Voir le message
    Afin de centrer le débat sur l'aspect physique et mathématique le plus important de l'évolution intrinsèquement (et non seulement inter-subjectivement) irréversible des grands systèmes non intégrables de Poincaré dans le modèle de Petrosky et Prigogine, voici une réponse trop courte pour être complète, mais mettant l'accent sur quelques points qui me semblent essentiels en recitant simplement un passage contenu dans mon message initial.
    Citation Envoyé par Prigogine et Petrosky
    The basic step is the extension of the Liouville operator LH outside the Hilbert space to functions singular in their Fourier transformation...The eigenvalue problem for the Liouville operator LH is solved in this generalized function space for LPS. We obtain a complex, irreducible spectral representation. Complex means that the eigenvalues are complex numbers, whose imaginary parts refer to the various irreversible processes such as relaxation times, diffusion.… Irreducible means that these representations cannot be implemented by trajectory theory. As the result, the dynamical group of evolution splits into two semigroups. Moreover, the laws of classical dynamics take a new form as they have to be formulated on the statistical level. They express “possibilities” and no more “certitudes” [donc aussi une violation du déterminisme, en plus de la violation de réversibilité, intervenant dès le cadre de la physique classique].
    Cf. The extension of classical dynamics for unstable Hamiltonian systems

  11. #10
    viiksu

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Je ne comprends pas bien cette notion d'inter-subjectivité du temps il serait lié à une sorte de myopie de notre cerveau, de notre entendement. Mais pendant les 13 milliards d'années d'histoire qui nous ont précédés le temps c'est bien écoulé "tout seul" ou plus exactement sans nous ou alors l'histoire de l'univers telle que nous la décrivons n'est que le fait de notre imagination?
    Quoi Dieu n'existerait pas? Mais alors j'aurais payé ma moquette beaucoup trop cher (WA).

  12. #11
    chaverondier

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Citation Envoyé par viiksu Voir le message
    Je ne comprends pas bien cette notion d'inter-subjectivité du temps il serait lié à une sorte de myopie de notre cerveau, de notre entendement. Mais pendant les 13 milliards d'années d'histoire qui nous ont précédés le temps c'est bien écoulé "tout seul" ou plus exactement sans nous ou alors l'histoire de l'univers telle que nous la décrivons n'est que le fait de notre imagination?
    La myopie en question est sans rapport avec le cerveau ou l'imagination. Il s'agit du fait que l'état des systèmes physiques, tels que nous les percevons à notre échelle, est caractérisé par un "petit" nombre de grandeurs dites macroscopiques. De ce point de vue, des états distincts à l'échelle microscopique (d'un système donné) sont donc perçus comme identiques à l'échelle macroscopique. Le manque d'information détenue par l'observateur macroscopique c'est (à une constante de proportionnalité près liée à un choix d'unité de température) le logarithme du nombre d'états microscopiques distincts regroupés dans le même état macroscopique. C'est ça la myopie de l'observateur macroscopique vis à vis de l'état d'un système donné.

    Le point de vue le plus répandu concernant l'écoulement irréversible du temps, c'est qu'il est simplement une manifestation (et non une cause) du second principe de la thermo : le temps s'écoule irréversiblement dans le sens où il y a croissance de l'entropie des systèmes isolés. Or, les systèmes isolés évoluent selon une dynamique hamiltonienne, et de ce fait unitaire, dynamiques d'évolution unitaire qui ont la propriété d'être isentropiques (1).

    L'irréversibilité, la création d'entropie, est retrouvée en prenant en compte la notion d'entropie pertinente et en éliminant (à la fin d'une évolution donnée) l'information inaccessible à l'observateur au sens de l'entropie pertinente choisie (entropie dite pertinente définie par un choix des grandeurs macroscopiques retenues pour caractériser les états macroscopiques).

    Prigogine et Petrosky s'inscrivent en faux vis à vis de ce point de vue subjectiviste de l'écoulement irréversible du temps, point de vue qui, pourtant, me semble majoritaire. Prigogine et Petrosky affirment au contraire que l'irréversibilité des évolutions est un fait de nature, objectif, valide à toutes les échelles d'observation. Leur point de vue repose sur une approche théorique à laquelle je ne vois pas de faille évidente. Mon but (à la base) n'est pas de répondre à des questions sur ce sujet, mais au contraire, d'avoir un point de vue critique sur leurs travaux théoriques sur les grands systèmes non intégrables de Poincaré et les situations physiques où ils estiment leur modèle applicable.

    (1) Trace (Transposée U Rho ln(Rho) U) = Trace (Rho ln(Rho))

  13. #12
    viiksu

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Que la flèche du temps soit intrinsèque au temps ou liée à l'entropie qui ne peut-être que croissante qu'est-ce que cela change? La bonne question est: au niveau microscopique y a t'il réversibilité du temps?
    Quoi Dieu n'existerait pas? Mais alors j'aurais payé ma moquette beaucoup trop cher (WA).

  14. #13
    yvon l

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Citation Envoyé par chaverondier Voir le message
    ...
    Bonjour,
    A partir de la controverse Prigogine - Balian, n’auriez-vous pas des exemples (ou illustrations) simples et intuitifs (par ex: température-chaleur) qui pourraient expliquer la différence des 2 points de vue ?
    Merci

  15. #14
    chaverondier

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Citation Envoyé par yvon l Voir le message
    A partir de la controverse Prigogine - Balian, n’auriez-vous pas des exemples (ou illustrations) simples et intuitifs (par ex: température-chaleur) qui pourraient expliquer la différence des 2 points de vue ?
    Un très bon exemple, simple et intuitif, de la façon dont une évolution irréversible peut émerger du manque d'information de l'observateur macroscopique + des considérations purement statistiques, sans avoir aucunement besoin de violation de la réversibilité au niveau microphysique, est celui des urnes de Ehrenfest.

    Dans cet exemple on a deux urnes, l'une est remplie de, mettons, 100 billes, l'autre est complètement vide. On déroule alors un processus très simple. On prend une bille au hasard parmi les 100 billes et on la change d'urne. Au bout de 147 tirages, on constate que l'urne pleine s'est vidée de la moitié de ses billes environ, l'autre moitié ayant été transférée dans l'urne initialement vide. On fait ainsi apparaître, dans cet exemple très simple, ce que l'on appelle un temps de relaxation.

    Concernant le temps de récurrence, en comptant par exemple une seconde par tirage, le temps au bout duquel le système des deux urnes revient dans son état initial (une urne pleine de 100 billes, l'autre complètement vide), en conflit avec l'hypothèse d'irréversibilité (l'objection de Zermelo à l'encontre des travaux de Boltzmann) il faut attendre environ 2930 milliards de fois l'âge supposé de l'univers.

    L'irréversibilité de l'évolution du système considéré dans l'exemple des urnes d'Ehrenfest émerge donc, de façon très convaincante, de la myopie de l'observateur macroscopique (car sa description de l'état du système de deux urnes + 100 billes se limite ici à une seule grandeur macroscopique : le nombre de billes) et de considérations purement statistiques.

    Selon les Balian, Gell-mann, Bitbol, Villani, Price, Lebowitz, Legett... C'est sur le concept seulement intersubjectif d'entropie pertinente que repose l'écoulement irréversible du temps. Selon ce point de vue, des états distincts d'un même système isolé peuvent évoluer vers un même état final seulement si cet état est décrit de façon incomplète. Par exemple, si je mets une bille sur le bord d'un bol dans le champ de pesanteur terrestre, la bille va tomber dans le bol, puis y osciller et peu à peu se stabiliser au fond du bol quelle que soit la position initiale de la bille sur le bord du bol...
    ...mais en fait, si on considère l'état de l'ensemble du système formé de la bille, du bol et des vibrations sonores, des radiations thermiques... émises par frottement, l'information permettant de remonter à l'état initial est toujours présente. Elle est simplement devenue inaccessible en pratique à l'observateur macroscopique. C'est, selon ces auteurs, cette fuite d'information hors de portée de l'observateur macroscopique qui serait la source du caractère en apparence irréversible de cette évolution et, de façon générale de l'émergence d'un écoulement irréversible du temps à l'échelle macroscopique. Voilà qui donne à l'écoulement irréversible du temps un caractère seulement intersubjectif découlant du manque d'information de l'observateur macroscopique.

    Ce n'est pas du tout l'avis de Prigogine. Selon Prigogine, l'irréversibilité de l'écoulement du temps, autrement dit l'irréversibilité des évolutions, est un fait de nature, objectif, valide à toutes les échelles. Selon Prigogine et Petrosky, la majorité des systèmes physiques sont des grands systèmes non intégrables de Poincaré. Ils présentent non pas une évolution unitaire, donc réversible, isentropique et déterministe mais au contraire deux évolutions bien distinctes (deux semi groupes d'évolution donc),
    • une évolution du présent vers le futur,
    • une du présent vers le passé.
    Une irréversibilité objective (point de vue de Prigogine) signifie que plusieurs états initiaux distincts (d'un système donné) peuvent évoluer exactement vers un seul et même état final. Bref, selon Prigogine, la majorité des évolutions violeraient la réversibilité (et d'ailleurs aussi le déterminisme).

    L'objet de ma question est de savoir si le modèle proposé par Prigogine et Petrosky est physiquement valide ou présente au contraire une hypothèse implicite (comme un passage à la limite contenu, par exemple, dans les hypothèses de modélisation) qui serait physiquement non légitime et invaliderait ses conclusions, des conclusions en très nette opposition avec le point de vue à ce jour dominant sur l'origine de l'écoulement irréversible du temps.

  16. #15
    viiksu

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Citation Envoyé par chaverondier Voir le message
    Dans cet exemple on a deux urnes, l'une est remplie de, mettons, 100 billes, l'autre est complètement vide. On déroule alors un processus très simple. On prend une bille au hasard parmi les 100 billes et on la change d'urne. Au bout de 147 tirages, on constate que l'urne pleine s'est vidée de la moitié de ses billes environ, l'autre moitié ayant été transférée dans l'urne initialement vide. On fait ainsi apparaître, dans cet exemple très simple, ce que l'on appelle un temps de relaxation.
    Je ne comprends pas il faut 50 tirages pour vider l'urne?

    Citation Envoyé par chaverondier Voir le message
    ...mais en fait, si on considère l'état de l'ensemble du système formé de la bille, du bol et des vibrations sonores, des radiations thermiques... émises par frottement, l'information permettant de remonter à l'état initial est toujours présente. Elle est simplement devenue inaccessible en pratique à l'observateur macroscopique. C'est, selon ces auteurs, cette fuite d'information hors de portée de l'observateur macroscopique qui serait la source du caractère en apparence irréversible de cette évolution et, de façon générale de l'émergence d'un écoulement irréversible du temps à l'échelle macroscopique. Voilà qui donne à l'écoulement irréversible du temps un caractère seulement intersubjectif découlant du manque d'information de l'observateur macroscopique.
    Si nous sommes dans un système chaotique ce que j'ai du mal à appréhender Prigogine à montré que l'état initial doit être défini avec une précision infinie ce qui n'est pas physiquement possible. Ensuite je ne vois pas cet ce qu'est aspaect macroscopique myope intersubjectif? Est-ce propre à nous humains? Enfin il ne faut pas oublier qu'au niveau atomique la nature est essentiellement aléatoire du fait de la physique quantique donc pour moi un déterminisme absolu est impossible. Mais peut-être ai-je mal compris l'enjeu de cette discussion.
    Quoi Dieu n'existerait pas? Mais alors j'aurais payé ma moquette beaucoup trop cher (WA).

  17. #16
    yvon l

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Citation Envoyé par chaverondier Voir le message
    Un très bon exemple, simple et intuitif...
    L'irréversibilité de l'évolution du système considéré dans l'exemple des urnes d'Ehrenfest émerge donc, de façon très convaincante, de la myopie de l'observateur macroscopique (car sa description de l'état du système de deux urnes + 100 billes se limite ici à une seule grandeur macroscopique : le nombre de billes) et de considérations purement statistiques.

    Selon les Balian, Gell-mann, Bitbol, Villani, Price, Lebowitz, Legett... C'est sur le concept seulement intersubjectif d'entropie pertinente que repose l'écoulement irréversible du temps....
    ..
    Ce n'est pas du tout l'avis de Prigogine. Selon Prigogine, l'irréversibilité de l'écoulement du temps, autrement dit l'irréversibilité des évolutions, est un fait de nature, objectif, valide à toutes les échelles. Selon Prigogine et Petrosky, la majorité des systèmes physiques sont des grands systèmes non intégrables de Poincaré. Ils présentent non pas une évolution unitaire, donc réversible, isentropique et déterministe mais au contraire deux évolutions bien distinctes (deux semi groupes d'évolution donc),
    • une évolution du présent vers le futur,
    • une du présent vers le passé.
    ...
    Merci pour votre exemple.
    Mais Pourquoi alors Balian (la myopie) exclurait nécessairement l’irréversibilité selon Prigogine ?

    Citation Envoyé par viiksu Voir le message
    Je ne comprends pas il faut 50 tirages pour vider l'urne?
    Petite précision: les boules sont numérotées.
    On procède à un tirage du numéro.
    la boule dont le numéro est tiré change d'urne.
    donc environ 50/50 après un certain nombre de tirages.

  18. #17
    yvon l

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Que pensez-vous alors de cela:
    Pourquoi ne pourrions-nous pas dire simplement que le sens du temps est une propriété émergente qui apparaît du fait qu’au niveau microscopique, un équilibre statique n’existe pas (ou est impossible) ??

  19. #18
    mmanu_F

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Salut,

    oui, le "up" est une bonne idée, pour relancer les courageux qui ont creusé un peu la question depuis ton dernier post mais qui n'en ont pas eu assez (de courage) pour finaliser une réponse suffisamment détaillée mais toutefois un minimum organisée. Je reprends donc mes notes et tente une réponse pour te donner les grandes directions que j'ai suivi avec un peu de biblio.

    Le première question qui m'a intéressé était de comprendre pourquoi l'article de Prigogine et Petrosky avait si peu attiré l'attention du reste de la communauté. (Il est pour ainsi dire virtuellement invisible). La question n'est pas sans lien avec ta demande de "débuguer" l'article. Elle va aussi de pair avec mon apparent manque de volonté à aller y creuser. Et je crois que la réponse est assez simple. Elle se résume à un seul mot, contenu dans le titre même : classique. Le cadre classique ne (me) parait effectivement pas être le bon terrain de jeu pour attaquer des questions fondamentales, comme celle considérée ici d'une irreversibilité intrinsèque, fondamentale. Je suis donc parti à la recherche de l'irréversibilité intrinsèque dans un cadre qui parait plus approprié, un cadre quantique, et quasi-automatiquement relativiste (au sens restreint) dans un premier temps, puis au sens général dans un deuxième.



    L'axiome de Hardy

    La tâche ne semblait pas difficile. En effet, le formalisme utilisé par Prigogine et Petrovsky est fortement inspiré par la quantique, les références à celle-ci sont incessantes, matrice-S, théorie quantique (non-linéaire) des champs. Ils affirment en introduction que leurs résultats peuvent être facilement étendus au régime quantique (voir aussi leur dernier paragraphe en conclusion). Ils évoquent un futur article sur la question (leur [37])...

    Effectivement, celà n'a pas été difficile. Cette fois encore, un mot-clé a suffit pour faire le lien avec de vieilles connaissances et faire avancer mon histoire. Les espaces de Hilbert avec lesquels ils jouent, sont "gréés" (rigged). Le mot n'apparait pas dans l'article de Prigogine et Petrosky et le lien m'avait échappé lorsque tu avais suggéré l'article dans la discussion précédente sur l'autre fil. L'article antérieur de Prigogine et Antoniou y fait une référence explicite et plus détaillée. Ainsi, après ces deux articles situés au point critique de l'école Bruxelles-Austin, le système va transiter vers sa phase A(ustin), où je retrouve Gadella et (Arno) Böhm (les références [6, 31, 32, 42, 43, 60] de Antoniou et Prigogine), et un peu plus loin de la Madrid.

    L'irréversibilité intrinsèque au niveau quantique est en effet un thème récurrent dans les travaux de Gadella et Böhm, comme par exemple dansEnfin, l'irréversibilité intrinsèque fait son apparition explicite à la seule place possible pour justifier son statut fondamental, dans les axiomes (de fait modifiés) de la quantique (avec leur extension relativiste) :
    Böhm, Loewe, van der Ven (2002/12) time asymmetric Quantum theory 1. modifying an axiom of Q physics . (Un article de revue sur la question peut aussi être d'intérêt.)

    Mais l'histoire ne s'arrête pas là et si tu m'as suivi jusqu'ici, la suite devrait te satisfaire, puisqu'il s'agit d'un premier pas vers une réponse à ta question (posée dans sa version quantique). De la Madrid (ancien collaborateur de Böhm et Gadella, et auteur de la revue de référence sur les espaces d'Hilbert gréés) a publié une critique quantitative de l'approche de Böhm et Gadella basée sur l'axiome de Hardy : de la Madrid (2006/06) on the inconsistency of the Böhm-Gadella theory with QM. Une série de commentaire (Gadella, Wickramasekara (2007/01) comment on ...), de remarques (Baumgärtel (2007/04) remarks on ...), de réponse au commentaire (de la Madrid (2007/04) reply to comment to ...), et de réponse aux remarques (de la Madrid (2007/05) reply to remarks on ...) a suivi. Je n'ai pas du tout pris le temps de creuser les détails techniques (je t'en laisse le soin) et j'ajouterai seulement que la controverse ne semblait pas résolue en 2009 (page 14), si je me limite à ma sphère de confiance réduite, ni même en 2012 (page 1) (au dire de ces parfaits inconnus .

    Pour conclure cette première partie, j'ajoute deux références qui me paraissent intéressantes, de la Madrid (2006/07) description of resonances within the rigged Hilbert space et une revue assez récente, très digeste, et avec les aspects historiques, qui s'adresse à un public plus large (s'il y a du public qui assiste à cette discussion) : Rosas-Ortiz, Fernández-García, Cruz y Cruz (2009/02) a primer on resonances in QM.



    Interlude

    Il y a un rebondissement intéressant sur le même thème, qui a fait l'actualité récemment. Bien évidemment, il s'agit ici encore, d'une tentative de modification de la quantique pour incorporer l'irréversibilité inhérente à la mesure, en se basant sur l'équation de Lindblad. Comme son nom (ne) l'indique (pas forcément), l'idée n'est pas nouvelle mais elle a été rescuscitée récemment par non moins que l'un des plus grands parmi les grands, le prix Nobel, le physicien théoricien nobelisé d'Austin (tiens donc !) pour son immense contribution à la paternité du modèle standard de physique des particules, j'ai nommé ... Steven Weinberg. Je ne veux pas rentrer dans les détails, mais je pose toutefois ici les liens (voir aussi l'article avec une faute). J'y reviendrai vite fait dans la prochaine partie. Tu pourras jeter un oeil aussi sur l'articles de Distler (qui est aussi d'Austin et dans ma sphère de confiance). Personnellement, je me range volontier du côté des franchement sceptiques au regard de cette approche et il me faudra un peu plus que du bruit expérimental pour me convaincre de la réalité objective de l'effondrement et me pousser à considérer plus avant une quelconque mutilation du cadre théorique quantique, fidèle à l'adage populaire : "à déclaration exceptionnelle, preuve exceptionnelle".



    L'axiome de Hawking

    Le deuxième aspect que je voulais aborder est celui de la gravité. Je ne me vois pas converger (pour l'instant) vers les travaux de Connes et Rovelli, mais ils ne doivent pas être bien loin (cf ma remarque sur l'autre fil). Il y a que j'ai cette idée qui me trotte dans la tête depuis le début (de ce fil). C'est la concomitance dans l'article de Prigogine et Petrosky de la perte d'unitarité, des références à la matrice S, et enfin de systèmes avec un grand nombre de degrés de liberté, comme ceux de Poincaré (un nombre infini même dans un volume infini, pour reprendre l'exemple la limite thermodynamique de Prigogine et Petrosky) qui a permis le déclic, comme dans la scène (qui me parait bien loin de la réalité historique) de "The Theory of Everything", j'ai enfilé mon pull, et j'ai vu ... un trou noir qui s'évapore ! Quel meilleur exemple de système qui semble (depuis plus de 40 ans) intrinsèquement irréversible ?! Mais peut-on imaginer ici mettre en pratique le conseil de Strominger ? Plus explicitement, la première question que je me suis posé (sans vraiment chercher à y répondre alors) était de savoir si tu m'autoriserais à faire s'éffondrer gravitationnellement un grand système de Poincaré. Si oui, il m'a semblé qu'en présence de gravité, ton problème se confonde grandement avec celui de l'information perdue dans les trous noirs. J'ai trouvé cette perspective très plaisante.

    L'idée a été réactivée la semaine dernière (sous l'effet de ton "up") en relisant Hawking, Page (1982/08) thermodynamics of Black Hole in AdS space. Il disaient notamment :
    The gravitational mass (of such a thermal state) in flat space would be infinite if it has infinite volume and therefore the state would collapse.
    Evidemment ! En présence de gravité, dans un espace globalement plat, un grand système de Poincaré dans la limite thermodynamique ne peut que s'éffondrer ! Je n'ai plus besoin de ton autorisation .

    Fort de ce constat, j'ai pu m'approcher un peu de certains détails plus techniques du Prigogine et Petrosky. Mes idées sont encore préliminaires mais je me permets toutefois d'ouvrir deux parenthèses les concernant.

    D'abord, je me demande ce qu'il advient de leurs nécessaires interactions permanentes dans ce contexte ? Elles ne peuvent pas être de même nature (pour un observateur à l'infini) que celles qui apparaissent en l'absence de gravité. J'ai même déjà une petite idée de ce à quoi elle pourraient ressembler, les cheveux des trous noirs, font beaucoup de bruits ces derniers temps, j'en reparlerai un peu après avoir justifié le titre de cette partie...

    L'autre aspect qui me turlupine aussi à la relecture du Prigogine et Petrosky, c'est la reformulation des aspects chaotiques et du spectre continu qui sont centraux dans l'approche de Prigogine et Petrosky. Là encore, ce sont des aspects qui ont une résonnance très forte avec les récents développements dans l'étude des trous noirs en gravité quantique (évidemment plutôt du côté de AdS/CFT). Les trous noirs ont une fâcheuse tendance à vouloir tout faire mieux que tout le monde et il semble qu'il en soit de même pour le chaos. L'article Maldacena, Shenker, Stanford (2015/03) a bound on chaos) me parait être un bon point de départ, accessible, au moins pour l'introduction, où je vois beaucoup de liens possibles (certainement dans un language sensiblement différent) avec la discussion. Mon point d'arrivée du jour est le retour en force de la (un peu moins) mystérieuse présentation de Herman Verlinde, avec plus particulièrement, pour ce qui nous concerne, l'article Jackson, mcGough, Verlinde H. (2014/12) conformal bootstrap, universality & gravitational scattering qui joue aussi avec la limite continue (permise, une fois encore, par le spectre dense des trous noirs) pour "intégrer" la gravité quantique à 3D. (Je suis gêné par le côté purement gravitationnel de cette limite mais c'est une autre histoire.)

    Fin des parenthèses préliminaires, je reviens à la question et au titre de cette partie. Bien évidemment, la gravité du problème de l'information perdue dans le trou noir a conduit à des propositions nombreuses et variées de modifications des lois de la physique pour y remédier et, pour ce qui nous intéresse ici, à des modifications des axiomes quantiques. L'article Hawking (1982/07) the unpredictability of Quantum Gravity te concerne directement, je pense. Il y propose une série d'axiomes quantiques modifiés pour permettre une transition d'un état pur à un état mélangé. Et comme pour l'axiome de Hardy de la première partie, la tentative n'est pas restée sans réponse. Une violation de la localité et/ou de la conservation de l'énergie a été identifiée dans Banks, Susskind, Peskin (1984/01) difficulties for the evolution of pure states into mixed states. Les problèmes semblent suffisament sérieux pour se propager dans nos expériences de labo. Des contre-exemples à ces conclusions ont cependant été trouvés dans Unruh, Wald (1995/03) on evolution laws taking pure states to mixed states in QFT et quand certains critiquent leur généralité, Weinberg qui faisait l'objet de mon interlude, considère que ces contre-exemples sont suffisants pour rendre incertaines les conséquences de l'article de Banks et al. Je te laisse juger.

    Enfin, pour conclure, je voulais revenir sur l'axiome 1 de Hawking, qu'il avait écarté en 1982 et qui est revenu au devant de la scène il y a peu avec les cheveux doux des trous noirs dont je parlait tout à l'heure (sous l'impulsion de Strominger, suivi par Hawking, voir par exemple les dernières nouvelles en juin dernier).

    Bon, je suis conscient que mon message peut paraitre être un sacré bon exemple de système chaotique, mais il contient je pense des (embryons d') idées pertinentes pour la question et j'epsère que tu aura suffisament de courage pour aller y creuser à ton tour. N'hésite pas à commenter, critiquer, questionner, etc, je te répondrai avec plaisir, et si je peux dans un temps fini.
    Dernière modification par mmanu_F ; 26/09/2017 à 10h23.
    La voie ardue mais juste du révolutionnaire conservateur : bâtir en détruisant le minimum.

  20. #19
    chaverondier

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Salut,
    On ne peut pas dire que ma réaction à ta réponse ait été rapide, mais ton message est extrêmement riche tant en termes en terme d'idées qu'en termes de références parfaitement en phase avec ma question, question qu'on peut résumer en :

    Existe-t-il des systèmes subissant des évolutions intrinsèquement irréversibles ?

    Autrement dit, existe-t-il un écoulement irréversible du temps objectif, un écoulement irréversible du temps reposant sur une fuite d'information hors de portée de tout observateur indépendamment de son échelle d'observation (et du coup une entropie absolue, un peu comme il existe un zéro absolu de température) ?

    La question qui viendrait tout de suite après, si j'avais une réponse positive à cette première question (et bien sur je n'en ai pas), c'est de savoir si l'écoulement irréversible du temps observable à notre échelle n'aurait pas possiblement une évolution pas du tout monotone vis à vis de l'écoulement irréversible objectif supposé, et ce, avec de possibles faibles traces observables de cette irréversibilité objective presque complètement effacées quand le temps macroscopique diminue (alors que le temps microscopique objectif continue, lui, à augmenter puisque c'est alors lui la bonne référence).

    Je me contenterais de citer (sans ordre particulier) quelques uns des points abordés dans ton message et dans tes références qui avaient effectivement attiré mon attention en relation avec ma question
    • Le phénomène de désintégration radioactive
    • la question de l'irréversibilité objective (ou pas) de la mesure quantique
    • la violation de localité (incontournable si la mesure quantique est interprétée comme un phénomène physique objectif et objectivement irréversible et non comme un simple recueil d'information ne pouvant être abordé que dans une approche épistémique) ou de la conservation de l'énergie
    • le lien d'une irréversibilité objective supposée avec des systèmes à nombre infini de degrés de liberté et avec des considérations de spectres continus
    • la violation d'unitarité des évolutions et le découpage du groupe des évolutions en deux semi-groupes dans un cadre apte à modéliser une irréversibilité objective
    • la nécessité de passer à un extension de l'espace de Hilbert quand on veut un cadre capable de de modéliser une micro-irréversibilité intrinsèque
    • la nécessité d'un "hamiltonien" possédant des valeurs propres complexes pour modéliser une micro-irréversibilité objective
    • la question du passage (ou pas) d'un état pur à un état mixte lors de l'effondrement d'un trou noir, autrement dit la fuite objective ou pas d'information lors d'un tel effondrement.

    Citation Envoyé par mmanu_F Voir le message
    Le première question qui m'a intéressé était de comprendre pourquoi l'article de Prigogine et Petrosky avait si peu attiré l'attention du reste de la communauté. (Il est pour ainsi dire virtuellement invisible). La question n'est pas sans lien avec ta demande de "débuguer" l'article. Elle va aussi de pair avec mon apparent manque de volonté à aller y creuser. Et je crois que la réponse est assez simple. Elle se résume à un seul mot, contenu dans le titre même : classique. Le cadre classique ne (me) parait effectivement pas être le bon terrain de jeu pour attaquer des questions fondamentales, comme celle considérée ici d'une irréversibilité intrinsèque, fondamentale. Je suis donc parti à la recherche de l'irréversibilité intrinsèque dans un cadre qui parait plus approprié, un cadre quantique, et quasi-automatiquement relativiste (au sens restreint) dans un premier temps, puis au sens général dans un deuxième.
    Complètement en phase avec ta remarque.

    Citation Envoyé par mmanu_F Voir le message
    N'hésite pas à commenter, critiquer, questionner, etc, je te répondrai avec plaisir, et si je peux dans un temps fini.
    Il me faudra énormément de temps avant que j'ai exploité convenablement ton message et commencé à vraiment analyser un peu sérieusement les références qui y sont citées. En tout cas, elles sont tout à fait cadrées sur ma question.

    Merci beaucoup de ce travail très conséquent de ta part.

  21. #20
    chaverondier

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquence d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    @mmanu en particulier (et tout autre intervenant souhaitant apporter son point de vue en réponse aux questions posées dans ce post)

    Je ne suis pas encore prêt à poser de bonnes questions sur ton mail très riche sur le sujet de ce fil et sur l'ensemble des références qui y sont listées (j'ai encore quelques prérequis à acquérir pour rentrer dans certaines de ces références à un niveau de détail approprié), mais je signale tout de même une référence complémentaire, bien en phase avec la nécessité de discuter de la fuite d'information ("objective" ? Valide FAPP ? Valide seulement relativement aux limitations d'accès à l'information d'une classe d'observateurs certes très large ?) caractérisant l'écoulement irréversible du temps dans un cadre quantique.

    Comment on "Quantum Solution to the Arrow-of-Time Dilemma" of L. Maccone. Proceedings of the 17th World Multi-Conference on Systemics, Cybernetics and Informatics, July 9-12, 2013 - Orlando, Florida, USA WMSCI 2013 arxiv:0911.2610 de Oleg Kupervasser.

    Je note tout particulièrement ce passage concernant la question du caractère unitaire ou pas du processus de formation des trous noirs.

    Currently, we have no general theory of quantum gravitation. However, for a special case of a 5-dimensional anti-de-Sitter space, many scientists consider this paradox (to) be resolved. Information is supposed to be conserved because of a hypothesis regarding AdS/CFT dualities; i.e., the hypothesis that quantum gravitation in the 5-dimensional anti-de-Sitter space (that is with a negative cosmological term) is mathematically equivalent to a conformal field theory regarding a 4-surface of this world.

    This hypothesis was confirmed for some special cases but is not yet proved for the general case. Suppose that this hypothesis is (be) actually true. At first glance, this hypothesis automatically solves the information problem. Conformal field theory is unitary. If conformal field theory is actually dual to quantum gravitation, then the corresponding quantum gravitational theory is unitary as well. Therefore, in this case, information is not lost.

    However, we suppose that this hypothesis is not correct. The process of the formation of a black hole and its subsequent evaporation occurs on all surfaces of the anti-de-Sitter space (described by conformal quantum theory). This process also includes the observer/environment.

    However, the observer cannot precisely know the initial state and cannot analyse the behaviour of the system (so as) to verify unitarity because he is a part of this system ! (un problème qui concerne d'ailleurs aussi l'observateur du chat de Schrödinger et l'ami de Wigner). Hence, the observer’s influence on the system cannot be neglected. Thus, experimental verification of the information paradox again becomes impossible !
    Concernant les travaux de Bohm, Gadella est consort, je n'arrive pas à me convaincre que leurs travaux apportent une preuve définitive d'irréversibilité quantique objective. En effet, je ne suis pas encore complètement convaincu que leur modélisation (dans le cadre des Rigged Hilbert Space pour pouvoir, notamment, prendre en compte un Hamiltonien possédant un spectre continu si j'ai bien compris) n'est pas dès le départ (tout particulièrement l'hypothèse d'Hamiltoniens de spectre continu), une approximation contenant implicitement l'hypothèse d'une fuite d'information objective, totale, parfaite, indépendante de l'observateur et de son échelle d'observation.

    Le fait que leur modèle produise des prédictions correctes (concernant, par exemple, le cas d'une désintégration radioactive) respecte certes une condition nécessaire mais, à mon sens, cette condition n'est pas obligatoirement suffisante. En effet, la vérification expérimentale de leurs prédictions est forcément (comme toute vérification expérimentale) une approximation susceptible de noyer certains effets dans le bruit des mesures (ou pire, susceptible, de rendre ces effets inaccessibles à l'observation si, par le principe même de mesure, l'observateur devient partie prenante de ces effets), des effets que (peut-être), leur modèle néglige dès le départ. "Thus, experimental verification of the information paradox again becomes impossible !" là aussi.

    Bref, je m'étais quasiment laissé convaincre par les positivistes (les Rovelli, Connes, Martinetti, Villani, Gell-mann, Balian, Bitbol, Lebowitz et consort) que l'émergence d'une flèche du temps était de nature thermodynamique statistique. Je ne suis plus totalement sûr de cette conclusion...
    ...mais je ne suis pas pour autant convaincu par le point de vue des Prigogine, Petrosky, Bohm, Gadella, Bricmont et autres réalistes.

    Bref, je n'ai plus d'avis tranché sur la question
    • de l"objectivité" ou pas de l'écoulement irréversible du temps,
    • du principe de causalité (cf. l'interprétation rétrocausale de l'action de mesures fortes sur des mesures faibles antérieures proposée par les Aharonov, Vaidman, Popescu, Kwiat, Tollaksen, Hosten, Bamber, Rohrlich, Bamber... et le groupe des physiciens adhérant à leur interprétation : Can a Future Choice Affect a Past Measurement's Outcome?)
    • de l'impossibilité ou au contraire la possibilité (comme l'envisage Alain Connes. "Le passé bouge encore") de modifier le passé.

    J'aimerais bien avoir ton avis sur ce que je viens de dire d'une part (est-ce correct ou pas ? Que peux-t-on y corriger, ajouter, amender) et sur l'article cité de Oleg Kupervasser.
    Dernière modification par chaverondier ; 11/02/2018 à 20h28. Motif: un s malheureux dans le titre du fil

  22. #21
    Nicophil

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquence d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Bonjour,

    Citation Envoyé par chaverondier Voir le message
    • de l'impossibilité ou au contraire la possibilité (comme l'envisage Alain Connes. "Le passé bouge encore") de modifier le passé.
    En vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=xngQofEG7ng
    La réalité, c'est ce qui reste quand on cesse de croire à la matrice logicielle.

  23. #22
    viiksu

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquence d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Citation Envoyé par Nicophil Voir le message
    Non c'est une mauvaise interprétation de la fonction d'onde ou l'on oublie que les seules interprétations sont statistiques, il n'y a pas de retour du futur sur le passé ce qui serait d'ailleurs une rupture de la causalité et cela se saurait.
    Quoi Dieu n'existerait pas? Mais alors j'aurais payé ma moquette beaucoup trop cher (WA).

  24. #23
    mmanu_F

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquence d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Salut,

    Citation Envoyé par chaverondier Voir le message
    J'aimerais bien avoir ton avis sur ce que je viens de dire d'une part (est-ce correct ou pas ? Que peux-t-on y corriger, ajouter, amender) et sur l'article cité de Oleg Kupervasser.
    j'ai regardé l'article de Oleg et j'ai re-ouvert mon dossier bibliographique à ton nom. Ma réponse devrait se limiter pour l'instant à un certain nombre de commentaires sur le thème traité (beaucoup trop légèrement à mon goût) par Oleg et elle ne devrait donc pas trop se faire attendre (enfin... il y a pas mal de points de détail important que je voudrais aborder pour poser la discussion proprement).

    PS: Je ne suis plus aussi présent sur futura que l'année dernière et on peut, si tu le souhaites, échanger nos mels (que je consulte en temps réel) en MP pour limiter un peu de possibles délais inutiles (on peut continuer la discussion ici, ça ne me pose pas de problèmes tant qu'il n'y a pas trop d'équations impliquées.)

    à bientôt.
    La voie ardue mais juste du révolutionnaire conservateur : bâtir en détruisant le minimum.

  25. #24
    invite6c093f92

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquence d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Citation Envoyé par mmanu_F Voir le message
    PS: Je ne suis plus aussi présent sur futura que l'année dernière et on peut, si tu le souhaites, échanger nos mels (que je consulte en temps réel) en MP pour limiter un peu de possibles délais inutiles (on peut continuer la discussion ici, ça ne me pose pas de problèmes tant qu'il n'y a pas trop d'équations impliquées.)
    Bah c'est dommage pour les lecteurs, même si le niveau est "élevé", il y a toujours possibilité de mettre en biblio pour plus tard (le thread ou les liens donnés), alors qu'en mails...

  26. #25
    viiksu

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquence d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Citation Envoyé par didier941751 Voir le message
    Bah c'est dommage pour les lecteurs, même si le niveau est "élevé", il y a toujours possibilité de mettre en biblio pour plus tard (le thread ou les liens donnés), alors qu'en mails...
    ben oui quoi
    Quoi Dieu n'existerait pas? Mais alors j'aurais payé ma moquette beaucoup trop cher (WA).

  27. #26
    mmanu_F

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquence d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Citation Envoyé par viiksu Voir le message
    ben oui quoi
    euh, peut-être que ma phrase n'était pas assez claire. Quand je dis qu'on peut continuer la discussion "ici", je parle de ce fil, ici, sur futura.
    La voie ardue mais juste du révolutionnaire conservateur : bâtir en détruisant le minimum.

  28. #27
    invite69d38f86

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    je reviens sur les urnes d'Ehrenfest, en fait je préfere les deux chiens avec leurs puces qui vont de l'un a l'autre.
    ce qui donne l'impression d'un sens privilégié c'est la longueur de notre vie.
    on ne vit pas assez lontemps pour s'habituer au fait que par hasard toutes les puces puissent se retrouver sur le meme chien.
    il faut une minute peut etre pour qu'un équilibre se fasse entre les puces de l'un et de l'autre. et une éternité pour la récurrence.
    et quand ca se produit ca semble relever du miracle. si ca revenait en moyenne tous les ans comme la liquéfaction du sang de
    saint janvier ca ne ferait pas la une des journaus meme en italie.
    quand le film passe a f'envers il y a un moment comique quand le verre brisé se reforme. car c'est du jamais vu.
    on "sait" que le film passe a l'envers idem pour les puces. la fleche du temps si elle est liée a un manque d'information ce n'est pas forcément par rapport au phénomene observé mais a un manque de recul par rapport aux autres informations possibles qu'on n'a jamais stockées. si on n'avait tout vu on serait blasé de tout meme de la fleche du temps.

  29. #28
    viiksu

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Selon Alain Connes, la flèche du temps serait due à la non commutativité de la mécanique quantique et des espaces géométriques en général comme l'espace-temps qui n'est pas non plus commutatif.
    Quoi Dieu n'existerait pas? Mais alors j'aurais payé ma moquette beaucoup trop cher (WA).

  30. #29
    invite02358800

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    Un très bon exemple, simple et intuitif, de la façon dont une évolution irréversible peut émerger du manque d'information de l'observateur macroscopique + des considérations purement statistiques, sans avoir aucunement besoin de violation de la réversibilité au niveau microphysique, est celui des urnes de Ehrenfest.
    Bonjour,
    C'est sans doute physiquement parfaitement ridicule ce que je vais dire (je suis à 10 000 lieues du niveau nécessaire pour comprendre le centième des propos des deux dernières pages), mais si, au lieu de prendre 100 billes, je n'en prends que 4.
    Au bout de quelques tirages, j'ai une répartition 2-2, je continue et parfois je retrouve la répartition initiale 4-0. Le système paraît donc montrer aussi bien au niveau "macro" que "micro" sa réversibilité au cours du temps.
    Pourtant, si l'observateur macro est capable de discerner les billes les unes des autres, il pourra attacher une information supplémentaire à chaque bille : le nombre de fois que chaque bille a été tirée.
    Dans ce cas, le système qui paraît réversible au niveau micro, devient irréversible au niveau macro non pas par manque d'information de l'observateur macro, mais au contraire par la 'surabondance' d'informations (la bille n°1 ne "sait" pas qu'elle a effectué 10 permutations, que la 2 n'en a fait que 8..., mais l'observateur macro a les moyens de le savoir, et pour lui le système F (1,10); (2;8); (3;4); (4;12) qui, en terme de positions est identique à celui initial I(1,0);(2,0);(3,0);(4,0), lui est pourtant "sensiblement" différent et surtout il est impossible de revenir de F à I.

    La flèche du temps apparaîtrait alors comme conséquence d'un excès et non d'un manque d'informations du niveau macro.

  31. #30
    invite69d38f86

    Re : Flèche du temps. Est-ce la conséquences d'un manque d'information de l'observateur macroscopiqu

    on peut effectivement remplacer les boules des urnes par des automates avec capteurs et processeurs a memoire interne. ou bien par des etres vivants comme des puces sur deux chiens.
    Et la on ne revient jamais a la situation initiale.
    faut il dire pour autant qu'une fleche du temps est apparue du fait d'une croissance de données dans la mémoire des processeuts ou dans nos souvenirs. cad a une diminution locale d'entropie?
    comme dans tout processus l'entropie totale ne peut diminuer ca voudrait dire qu'a cette fleche du temps assiciée localiement aux endroits ou on a une diminution de l'entropie, la ou par compensation on a une croissance encore plus grande de la perte d'information, on aurait une fleche dans l'autre sens.

    pour reveni a la question initiale ou l'on oppose rovelli aux tenants de l'objectivité de la flechen il me semble qu il y a deux moments dans sa pensée. le premier ou il dit que fondamentalement il n'y a pas de temps puis un second ou il émerge.
    je vous conseille la vidéo de connes ou il parle de sa rencontre avec rovelli et ou il a vu qu'ills etaient sur la meme
    idée par rapport a cette question. tous deux voient réapparaitre le temps via l'équaion de KMS (kubo martin schwinger)
    c'est la video qui precede celle plus courte dont le lien a été donné plus haut.
    je suis tombé dessus un cliquant sur le lien et en attendant la vidéo suivante proposée par youtube

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