Théorème de Bell en théorie des champs
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Théorème de Bell en théorie des champs



  1. #1
    Antonium

    Théorème de Bell en théorie des champs


    ------

    Bonjour à tous,

    En mécanique quantique non relativiste le théorème de Bell montre l'existence de corrélations non locales entre les résultats de processus de mesures pour des événements séparés par un intervalle du genre espace.

    Cependant en théorie des champs le formalisme impose qu'un opérateur de champ scalaire commute en des points séparés par un intervalle de genre espace :

    si et sont séparés par un intervalle de genre espace.

    Mais dans ce cas je crois que des corrélations non locales ne peuvent pas exister... En effet si le commutateur s'annule la mesure d'une fluctuation de en n'influence pas la mesure d'une fluctuation de en

    On m'a cependant assuré que la théorie des champs violait également les inégalités de Bell et donc devrait prévoir des corrélations non locales.

    Quelqu'un aurait-il des explications ou une bonne source à consulter ?

    Merci d'avance pour vos retours.

    -----

  2. #2
    Deedee81
    Modérateur

    Re : Théorème de Bell en théorie des champs

    Salut,

    Je confirme ce résultat.

    Comme source, je ne connais rien de spécifique au théorie de Bell en théorie quantique des champs. Toutefois :

    - Rappelons que le théorème de Bell implique qu'une théorie à variable cachée doit être non locale. Au niveau des théories sans variables cachées, comme la MQ traditionnelle, la théorie est simplement non séparable.
    Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Intric...#%C3%89tat_pur
    par exemple
    - La mécanique quantique traditionnelle exclut déjà l'échange instantané d'information
    https://en.wikipedia.org/wiki/No-communication_theorem
    - Il y a une sacrée confusion entre non localité et non séparabilité. Il faut bien avouer que les interprétations de la MQ ne facilitent pas les choses et encore moins les mauvaises vulgarisations sur le sujet. Et bien sûr le fait qu'en physique classique "non local et non séparable" vont toujours de pair ne facilite pas non plus les choses.

    Tu peux consulter aussi une démonstration du théorème de Bell. Si possible une démonstration purement formelle qui ne fait pas d'autres hypothèses
    (on trouve beaucoup de démonstrations simplifiées mais traitant de situations un peu particulières)

    Celle-là me semble pas mal
    https://plato.stanford.edu/entries/b...ooTheoBellType
    Ou ici
    https://www.math.ru.nl/~landsman/Sven2019.pdf

    A vérifier (celle que j'ai chez moi sur papier est difficile à retrouver, grumpf)

    Mais ces démonstrations montrent clairement qu'on n'utilise que les résultats de base et définitions (pour le spin et la mesure, etc...) et peut s'appliquer aussi bien à la MQ qu'à la TQC. Ou plus prosaïquement qu'on ne suppose jamais que les variables séparées ne commutent pas !
    Dernière modification par Deedee81 ; 23/04/2020 à 14h09.
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  3. #3
    azizovsky

    Re : Théorème de Bell en théorie des champs

    Comme j'aime bien savoir le sens des 'noms barbares' , j'ai trouvé la réponse (3,89) : http://perso.ens-lyon.fr/francois.delduc/Chapitre_3.pdf

  4. #4
    Deedee81
    Modérateur

    Re : Théorème de Bell en théorie des champs

    Oui, mais bon, c'est un grand classique, soit, mais ça ne parle pas du théorème de Bell
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    azizovsky

    Re : Théorème de Bell en théorie des champs

    Oups, j'était à l'ouest

  7. #6
    Antonium

    Re : Théorème de Bell en théorie des champs

    Merci pour les réponses !

    Je pense que je connais bien les démonstrations des inégalités de Bell, notamment les versions plus "modernes" avec les inégalités Bell-CHSH. Je comprends aussi bien ce qu'est un état non séparable, ainsi que le principe de causalité.

    Je crois également bien voir comment en MQ on on calcule ces corrélations à partir des états de Bell, ce qui implique une violation des inégalités. Cependant pour calculer par exemple la projection du spin sur différents axes on va utiliser des opérateurs qui ne commutent pas (typiquement les matrices de Pauli pour le spin). Ce qui m'échappe c'est comment concilier cela avec le résultat de TQC qui implique des opérateurs qui commutent à longue distance.

    Citation Envoyé par Deedee81
    Ou plus prosaïquement qu'on ne suppose jamais que les variables séparées ne commutent pas !
    Pourquoi est-ce que ceci n'est pas une contradiction avec ?

  8. #7
    Deedee81
    Modérateur

    Re : Théorème de Bell en théorie des champs

    Salut,

    En fait, même avec Bell ce sont les observables locaux qui ne commutent pas. Ainsi, si on a deux particules (intriquées ou pas en fait) avec des opérateurs de spin, disons Sx(1), Sy(1), Sx(2), Sy(2) (x et y des directions orthogonales arbitraires, et 1 et 2 les particules). Alors :
    [Sx(1),Sy(1)]=i hbar Sz(1) (z troisième direction orthogonale et à un signe près)
    [Sx(2),Sy(2)]=i hbar Sz(2)

    Et tous les autres commutateurs sont nuls, en particulier [Sx(1),Sy(2)] = 0

    Donc ce n'est pas en contradiction avec la théorique quantique des champs car pour celle-ci on a de même :
    pour x différent de y
    (je prend le champ conjugué car habituellement le champ commute toujours... avec lui-même, même localement)
    Mais :

    (en fait à un Dirac près, le commutateur canonique est i hbar delta(x-y) )

    Donc c'est kif kif bourricot
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  9. #8
    ThM55

    Re : Théorème de Bell en théorie des champs

    Bonsoir. Je m'étais posé la même question quand j'avais pris connaissance de l'expérience d'Aspect (question de chronologie, j'avais déjà appris la théorie quantique des champs quand Aspect a publié ses résultats, et que j'ai pour la première fois entendu parler d'EPR, mais c'est la même question). La réponse est que c'est une question portant sur les états dans l'espace de Fock et non sur les champs. A l'époque je m'étais fait ma petite analyse de l'expérience EPR en terme du formalisme de la théorie des champs et je vais l'expliquer brièvement.

    Une remarque préliminaire. C'est vrai que les champs scalaires commutent pour des intervalles de genre espace. Mais pas les champs spinoriels (fermions) car ils anticommutent. En fait ce qui est important c'est les observables, qui sont en général quadratiques dans les champs (par ex l'énergie, l'impulsion). Les champs eux-mêmes ne sont pas des observables. Ces observables doivent commuter pour des intervalles de genre espace, sinon on pourrait avoir une influence observable instantanée d'un point à un autre de l'espace-temps, et cela casserait le principe de causalité (la simultanéité est relative). Les relations de commutation ou d'anticommutation des champs permettent cette commutation des observables, c'est à cela qu'elles servent et non à leur observation directe.

    Pourquoi alors observe-t-on des corrélations dans les états intriqués? N'est-ce pas une contradiction? Non! Pas plus qu'en mécanique classique où, il ne faut pas l'oublier, de telles corrélations existent aussi. La théorie quantique des champs respecte toujours la causalité et la localité. L'explication est que les états intriqués sont obtenus en combinant des degrés de liberté spatiaux avec des degrés de liberté propres au champ (un spin) et cela n'a rien à voir avec la causalité.

    Pour l'expérience EPR, le champ scalaire n'est pas idéal car il n'a pas de polarisation (Einstein-Podolski-Rosen avaient bien imaginé dans leur article de 1935 une fonction d'onde scalaire mais leur expérience de pensée impliquait des mesures simultanées de position et d'impulsion, beaucoup plus difficiles à réaliser que la version Bohm-Bell de l'expérience, qui utilise une polarisation comme un spin ou celle du photon; mais Einstein souhaitait réfuter le principe d'incertitude). Donc au lieu du champ scalaire je vais imaginer un champ vectoriel. Il a 4 composantes en chaque point de l'espace-temps: . Je réduis à 3 en posant A_0=0 (à justifier... je n'ai pas envie de parler de choix de jauge ni de masse du champ, qui n'ont rien à voir avec la question). Je précise aussi qu'on est en représentation de Heisenberg: c'est les champs qui portent la dépendance temporelle et non l'état. Ce champ vectoriel obéit aussi à des relations de commutation, un tout petit peu plus compliquées, mais l'essentiel est que les commutateurs sont nuls hors du cône de lumière. L'opérateur de champ crée une particule en chaque point de l'espace-temps. Par exemple (où x et sont des nombres fixés) est un état à une particule placée en x au temps t, polarisée selon l'axe 1 (|0> est le vide).

    Donc un état intriqué de type EPR pourrait se représenter par exemple comme suit: pour deux points de l'espace x et y distincts, au même instant dans le repère inertiel choisi. Il représente la superposition au temps t de deux états à deux particules localisées en x et y; ici pour simplifier la notation A_1 représente un vecteur et non une composante d'un vecteur: c'est le vecteur (A_1,0,0) où seule la composante selon l'axe 1 est non nulle, de manière similaire pour A_2.

    Cet état de champ est parfaitement légitime, c'est juste une superposition de deux états dans le secteur à deux particules de l'espace de Fock. Et on peut l'utiliser pour mesurer des corrélations. Les champs évoluent selon les équations de Heisenberg pour le champ libre. Cela va entraîner une propagation causale, une convolution avec le propagateur du champ libre. Disons qu'à un certain instant t' on mesure la polarisation en un point x'. Pour effectuer une mesure on fait interagir le champ avec une "source" de Schwinger, un champ classique J_i(x') qui va faire une mesure d'énergie permettant de distinguer une polarisation d'une autre selon deux axes. Le couplage est de la forme (convention d'Einstein, et je suppose A_3=0). Par exemple on peut dire que la polarisation 1 transfère plus d'énergie au champ J que la polarisation 2 (l'appareil de mesure est construit pour le permettre, en ajustant les coefficients a et b reflètent cet ajustement: dans un polarisateur, le photon qui ne passe pas peut être absorbé et thermalisé, celui qui passe sera absorbé un peu plus loin, etc) et cela avec des amplitudes de probabilité calculables (donnant par exemple les lois usuelles de polarisation).

    Ce que je voudrais expliquer avec cet exemple c'est que les dispositifs d'optique compliqués qu'on trouve dans ces expériences peuvent se modéliser simplement de manière abstraite en théorie des champs sans perdre l'essence des expériences.

    Mais cette mesure annihile une particule avec une polarisation précise au point x' avec une certaine probabilité qu'on peut calculer à partir de l'état et du terme d'interaction par les algorithmes de perturbation habituels. L'état quantique est modifié par cette interaction avec le champ classique, on ne peut plus prolonger les équations d'Heisenberg pour les temps > t'. A partir de ce moment, l'état du champ est (si le champ classique la polarisation 1 en x') . C'est un état à une particule de polarisation 2.

    Mais on voit qu'on reproduit exactement la situation usuelle considérée en mécanique quantique non relativiste qui est d'habitude utilisée pour ce problème. Cela n'a plus rien à voir avec les relations de commutation. Mais celles-ci garantissent qu'on ne peut pas échanger un signal non causal (à vitesse supérieure à c).

    J'ajouterais que la remarque de Deedee avec le champ conjugué est tout à fait pertinente. Elle permet de répondre encore plus simplement si on considère la version originale de l'expérience EPR, celle proposée par Einstein en 1935, avec une mesure de position sur un particule et une mesure d'impulsion sur l'autre.
    Dernière modification par ThM55 ; 26/04/2020 à 22h26.

  10. #9
    ThM55

    Re : Théorème de Bell en théorie des champs

    Effectivement, dans EPR, comme Deedee81 l'a écrit, ce sont des opérateurs locaux qui ne commutent pas. Mon explication ne fait qu'illustrer cette remarque.

    Toujours faire confiance à Deedee .
    Dernière modification par Deedee81 ; 27/04/2020 à 06h30. Motif: Correction de mon pseudo :-)

  11. #10
    Antonium

    Re : Théorème de Bell en théorie des champs

    Merci infiniment pour cette explication très détaillée, c'est bien plus que ce que j'attendais ! Ma vision de la QFT est encore très brouillée par le manque de recul (je devrais peut être choisir une autre source que Peskin&Schroeder...) mais je commence à y voir un peu plus clair.
    Encore merci pour les éclaircissements !

  12. #11
    Deedee81
    Modérateur

    Re : Théorème de Bell en théorie des champs

    Salut,

    Citation Envoyé par ThM55 Voir le message
    Toujours faire confiance à Deedee .
    En n'hésitant pas de me demander une référence sur un point donné quand on a un doute. Je ne suis pas infaillible .
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

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