Différences entres les représentations Schrödinger et Heisenberg
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Différences entres les représentations Schrödinger et Heisenberg



  1. #1
    Husserliana

    Différences entres les représentations Schrödinger et Heisenberg


    ------

    Bonjour,

    Il est souvent fait mention, dans les cours introductifs à la MQ, de l'existence de deux "pictures" en vue de représenter l'évolution temporelle. Si nous gardons les observables fixes et laissons les états évoluer, nous avons l'image de Schrödinger ; si nous gardons les états fixes et laissons les observables évoluer, nous avons l'image de Heisenberg.
    Ma question est la suivante : ces deux images différents-elles par d'autres aspects ?
    Il y a-t-il un lien, plus ou moins direct, entre la Schrödinger's picture et la mécanique ondulatoire de ce dernier ? Ou entre la mécanique matricelle et la Heisenberg's picture ?
    L'une permet-elle mieux que l'autre de faire ressortir le principe d'indétermination ? Et l'autre, le principe de superposition ? Sans bien sûr, qu'il n'y ait d'incompatibilité entre les deux -- tout au plus, sur le plan philosophique....

    -----

  2. #2
    ThM55

    Re : Différences entres les représentations Schrödinger et Heisenberg

    Il y a un lien direct entre les deux représentations (que certains auteurs appellent aussi "images"), c'est une transformation qui fait intervenir le hamiltonien et on trouve cela dans tous les cours de mécanique quantique.

    La différence entre elles n'est pas tellement l'opposition "ondulatoire"-"matriciel", bien que effectivement les formulations initiales de 1925-26 se faisaient dans ces représentations respectives. Mais cette opposition a été réduite par Dirac (et Von Neumann pour la formulation mathématiquement rigoureuse), qui les a unifiées. La différence serait plutôt dans le traitement du temps.

    Dans la représentation de Schrödinger, les opérateurs sont indépendants du temps et l'état en dépend. Mais en théorie quantique des champs, les opérateurs sont des champs qui dépendent des coordonnées d'espace. Comme ils sont indépendants du temps, cela veut dire qu'en représentation de Schrödinger on part d'une configuration initiale des champs et qu'on fait évoluer une fonctionnelle de cette configuration (une fonction qui dépend des champs et donne une amplitude complexe). Si on veut faire une théorie quantique de champs relativiste, ce n'est pas très commode car en donnant une configuration initiale on choisit une hypersurface de simultanéité qui n'est pas invariante de Lorentz. Il se fait que c'est possible et correct, cela permet de tout calculer, mais c'est très peu usité car la covariance relativiste est profondément cachée dans le formalisme ce qui peut rendre les choses très compliquées.

    C'est pour cette raison qu'en théorie quantique des champs on choisit en général pour la formulation théorique la représentation de Heisenberg: les opérateurs, c'est-à-dire les champs, dépendent des coordonnées d'espace-temps, donc en particulier du temps et l'état en est indépendant. Cela permet une formulation manifestement covariante de bout en bout.

    Toutefois pour les problème de diffusion de particules (ce qui se produit dans les accélérateurs), même en théorie non relativiste, on applique en général la théorie des perturbations et on utilise aussi une représentation intermédiaire qui s'appelle la "représentation d'interaction" ou "représentation (ou image) de Dirac". Elle est de Schrödinger pour l'évolution sous le hamiltonien libre sans interaction, et de Heisenberg pour la perturbation (les interactions). Le formalisme permet de calculer facilement et intuitivement les amplitudes de diffusion. On trouve cela aussi dans la plupart des cours d'introduction, dans le chapitre sur la diffusion ("scattering" en anglais) des particules.
    Dernière modification par ThM55 ; 17/09/2023 à 12h29. Motif: typo

  3. #3
    Husserliana

    Re : Différences entres les représentations Schrödinger et Heisenberg

    Merci ThM55 pour cette réponse, stimulante comme toujours
    Quelques rapides questions en conséquence.

    1) Cette "fonction dépendant du champ", en représentation Schrödinger : s'agit-il de ce qu'on appelle une "fonctionnelle d'onde" (wavefunctionnal) ? Soit une fonction sur l'espace dimensionnellement infini des configurations de champ, et qui décrit une superposition de ces mêmes configurations ?

    2) De ce que j'en comprends, dans l'image de l'interaction (ou de Dirac donc), les ET les opérateurs évoluent, les opérateurs selon la partie libre de l'hamiltonien et les états selon la partie qui représente les interactions.... correct ?

    3) Mais ce qui m'échappe, c'est l'intérêt des deux autres représentations (celle de Schrödinger et de Heinseberg) pour une théorie comme la QFT, où le concept même d'interaction semble si central...
    À moins que ces deux représentations prennent toute leur importance dans les approches non-perturbatives justement ?

    4) Enfin : je suis loin de pouvoir aborder la QFT en physicien amateur... mais de ce que j'ai cru comprendre dans la vulgarisation, la représentation de Heisenberg était aussi centrale pour conceptualiser les fluctuations du vide-- et on invoque alors son inégalité entre opérateur énergie et temps, qui en effet doivent conduire à de telles fluctuations.
    Mais le lien n'est pas du tout clair pour moi, entre la position d'opérateurs (ici les opérateurs de champs, manifestement relativistes) évoluant dans le temps, ET une telle.inégalité, certes dite "de Heinseberg" elle aussi. Est-ce donc un abus de langage que de parler de "Heinseberg picture" dans le contexte des fluctuations du vide ?

    5) Et question corolaire : peut-on aussi prédire de telles fluctuations du vide a) en Schrödinger's picture ? b) Sans faire appel aux inégalités (mais plutôt au seul concept de superposition) ?

    Merci d'avance...

  4. #4
    ThM55

    Re : Différences entres les représentations Schrödinger et Heisenberg

    Citation Envoyé par Husserliana Voir le message
    Merci ThM55 pour cette réponse, stimulante comme toujours
    Quelques rapides questions en conséquence.

    1) Cette "fonction dépendant du champ", en représentation Schrödinger : s'agit-il de ce qu'on appelle une "fonctionnelle d'onde" (wavefunctionnal) ? Soit une fonction sur l'espace dimensionnellement infini des configurations de champ, et qui décrit une superposition de ces mêmes configurations ?

    2) De ce que j'en comprends, dans l'image de l'interaction (ou de Dirac donc), les ET les opérateurs évoluent, les opérateurs selon la partie libre de l'hamiltonien et les états selon la partie qui représente les interactions.... correct ?

    3) Mais ce qui m'échappe, c'est l'intérêt des deux autres représentations (celle de Schrödinger et de Heinseberg) pour une théorie comme la QFT, où le concept même d'interaction semble si central...
    À moins que ces deux représentations prennent toute leur importance dans les approches non-perturbatives justement ?

    4) Enfin : je suis loin de pouvoir aborder la QFT en physicien amateur... mais de ce que j'ai cru comprendre dans la vulgarisation, la représentation de Heisenberg était aussi centrale pour conceptualiser les fluctuations du vide-- et on invoque alors son inégalité entre opérateur énergie et temps, qui en effet doivent conduire à de telles fluctuations.
    Mais le lien n'est pas du tout clair pour moi, entre la position d'opérateurs (ici les opérateurs de champs, manifestement relativistes) évoluant dans le temps, ET une telle.inégalité, certes dite "de Heinseberg" elle aussi. Est-ce donc un abus de langage que de parler de "Heinseberg picture" dans le contexte des fluctuations du vide ?

    5) Et question corolaire : peut-on aussi prédire de telles fluctuations du vide a) en Schrödinger's picture ? b) Sans faire appel aux inégalités (mais plutôt au seul concept de superposition) ?

    Merci d'avance...
    1) Oui! Pas commode à manipuler. Pourtant c'était l'approche que Tomonaga avait employée initialement (avec des modifications, il introduisait plusieurs temps différents) et il avait obtenu les mêmes résultats après renormalisation en QED que Schwinger et Feynman (et il a partagé le prix Nobel avec eux).

    2) Correct.

    3) Comme je l'ai dit, en principe la représentation de Heisenberg semble plus naturelle en théorie des champs relativistes, puisqu'elle assigne le même rôle aux coordonnées d'espace et de temps, celui de domaine de définition des opérateurs de champ, ce qui est en général jugé de bon goût quand on fait de la relativité, bien que pas toujours obligatoire. Ce serait donc bien de tout résoudre dans la représentation de Heisenberg. Cependant, les équations opératorielles sont en général impossibles à résoudre. On sait le faire pour les champs libres, pour lesquels les équations sont linéaires. C'est d'un intérêt limité (pas d'interactions) mais utile pour étudier certaines choses comme le lien spin-statistique. On sait trouver des solutions exactes pour quelques modèles de champs sur un espace-temps à 2 dimensions, mais aucun résultat de ce niveau n'est connu en 4 dimensions du moins avec la certitude exigée par les maths. De plus la théorie des perturbations est assez formelle, mal justifiée mathématiquement et d'ailleurs ne marche pas du tout pour QCD à basse énergie. En fait la théorie des perturbations donne une image faussée de la structure de la théorie dans ce régime. Une autre raison d'utiliser la représentation d'Heisenberg est la construction d'une théorie mieux fondée mathématiquement, par exemple la théorie axiomatique (à laquelle sont associés les noms de Wightman, Streater, Haag,...). Il faut aussi mentionner l'autre approche, celle de l'intégrale de chemin de Feynman.

    4) les "fluctuations du vide" ce sont des effets physiques qui sont observés indirectement par leurs effets sur des particules: voir par exemple l'effet Lamb qui est un décalage d'un niveau d'énergie dans l'atome H. Cela ne dépend pas du formalisme qu'on a utilisé. Comme je l'ai dit, on calcule les mêmes choses en représentation de Schrödinger, c'est juste (beaucoup) plus compliqué pour l'organisation des calculs. Ce choix de formalisme n'a rien à voir avec les inégalités d'Heisenberg, bien qu'un lien existe avec les effets, à savoir la nécessité de tenir compte des particules virtuelles.

    5) Oui, on fait en réalité les mêmes calculs sur les mêmes processus, bien que l'équivalence soit peu transparente.
    Dernière modification par ThM55 ; 18/09/2023 à 23h37.

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    ThM55

    Re : Différences entres les représentations Schrödinger et Heisenberg

    Une information importante concernant ces représentations de Schrödinger et de Heisemberg. Je l'ai omise mais j'ai eu tort car me rend compte que c'est important puisque vous mentionnez les incertitudes de Heisenberg. Il s'agit d'un fait mathématique: quel que soit le choix de représentation, le calcul de la moyenne et des dispersions d'une observable quelconque donne exactement le même résultat dans les deux représentations, y compris pour leur évolution temporelle. Bien évidemment, les valeurs possibles des observables (les spectres des opérateurs) sont les mêmes.

    C'est presque évident (sans cela on aurait une théorie incohérente) mais en fait cela se démontre et il faut toujours le garder à l'esprit.

  7. #6
    Husserliana

    Re : Différences entres les représentations Schrödinger et Heisenberg

    Je reviens un peu tard ; mais merci ThM55 pour toutes ces réponses !!
    En fait mon souci venait surtout d'une corrélation (vraisemblablement indue) que j'établissais entre la "Heisenberg picture" et les inégalités du bonhomme Au moins dans le sens où, dans cette "représentation", ces inégalités me semblaient érigées en principe, tandis que dans la Schrödinger picture, elles apparaissaient plutôt comme de "simples" conséquences des transformations de Fourier (c'est ce que j'avais cru comprendre à la lecture d'un article de Dieter Zeh, "Story of waves..." : le choix de la picture n'est pas anodin, pour la détermination de ce qui tient lieu de principe. Manifestement, j'ai mal compris, lu trop vite, etc...).

    Deux questions corollaires, simplement :
    1) Peut-on prédire les effets induits par les particules virtuelles sans en passer par les inégalités d'Heisenberg ? Ou même, conjecturer "l'existence" (sans entrer dans des considérations ontologiques) de ces mêmes particules, sans l'expédient de Heisenberg ?moyennant donc un autre "principe"...
    2) Cette autre approche que vous mentionnez en 3), la QFT via "intégrales de chemins" ; s'agit-il de ce que certaines physiciens entendent par "worldline formalism" ?

  8. #7
    ThM55

    Re : Différences entres les représentations Schrödinger et Heisenberg

    Citation Envoyé par Husserliana Voir le message

    Deux questions corollaires, simplement :
    1) Peut-on prédire les effets induits par les particules virtuelles sans en passer par les inégalités d'Heisenberg ? Ou même, conjecturer "l'existence" (sans entrer dans des considérations ontologiques) de ces mêmes particules, sans l'expédient de Heisenberg ?moyennant donc un autre "principe"...
    2) Cette autre approche que vous mentionnez en 3), la QFT via "intégrales de chemins" ; s'agit-il de ce que certaines physiciens entendent par "worldline formalism" ?
    1) oui bien sûr. C'est ce que l'on fait par exemple dans les calculs d'électrodynamique quantique, la première théorie quantique de champ qui a historiquement été développée. Il y a deux exemples classiques datant de la fin des années 1940. Le premier une séparation entre deux niveaux hyperfins de l'atome d'hydrogène qui sont dégénérés au premier ordre (avec l'équation de Dirac pour l'électron dans un atome d'hyrogène); le second est la modification au facteur gyromagnétique de l'électron, que l'équation de Dirac prédit égal à 2, et les corrections dues aux paires virtuelles modifient de quelques pourcents. Dans les deux cas, ces calculs auraient pu être effectués dès le début des années 1930 mais ils étaient difficile à imaginer. Oppenheimer avait commencé dans cette voie et avait identifié les difficultés de manière correcte (des infinités qui apparaissent dans certains calculs). Ce qui a vraiment motivé les physiciens à les faire jusqu'au bout après la guerre est les résultats expérimentaux. Ces résultats faisaient intervenir des effets dans des fréquences électromagnétiques de l'ordre du Gigahertz. Or, le développement du radar et en particulier du magnétron pendant la seconde guerre mondiale on rendu possibles ces mesures très fines vers la fin des années 1940. Cet exemple montre bien que la théorie avance parfois grâce à des avancées expérimentales.

    2) Je ne sais pas, je n'ai jamais vu cette terminologie. Dans l'intégrale de chemin de Feynman, une amplitude complexe est associée à une trajectoire possible de la particule dans l'espace-temps. On les additionne, il y en a une infinité possible menant d'un point initial A à un point final B et le résultat de cette somme infinie donne l'amplitude de probabilité pour la nouvelle position B de la particule. C'est équivalent à l'équation de Schrödinger, simplement on ne passe plus par le formalisme des opérateurs. Cela peut sembler infiniment plus compliqué mais ça ne l'est pas en réalité et cette méthode joue un rôle essentiel en QFT moderne.
    Dernière modification par ThM55 ; 11/10/2023 à 22h39. Motif: Pff plein de fautes d'orthographe!

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