Ce projet mérite probablement une introduction:
D’abord, qu'est-ce qu'un tangente-deltamètre???
C'est un instrument qui mesure la tangente de l'angle de perte des condensateurs.
A quoi cela peut-il servir?
Cela mesure l'aptitude d'un condensateur à fonctionner comme le modèle idéal: une impédance purement réactive, donc non-dissipative, dont le courant et la tension sont parfaitement en quadrature. L'appareil va mesurer les déviations par rapport à cet idéal théorique et les présenter sous l'un des formats communément utilisés pour caractériser cet aspect des condensateurs: la tangente de l’angle de perte. L’angle de perte est la différence entre le déphasage U/I introduit effectivement par le condensateur, et la valeur idéale de 90°.
Mais encore?
Lorsqu'un condensateur n'est pas parfait, ses défauts vont avoir un impact sur le circuit dans lequel il est employé: les échantillonneurs/bloqueurs et convertisseurs A/D vont perdre en précision à cause de l'absorption diélectrique, les circuits accordés auront un Q diminué de par la puissance perdue, les découplages seront moins efficaces à cause de la résistance série, et tout ce qui est déphaseur, filtre, etc, verra son comportement diverger de la théorie. Tous ces phénomènes sont englobés par la tangente delta: un certain nombre d'effets ont un impact sur ce paramètre, et sont fréquemment caractérisé de manière spécifique, en fonction du domaine d'application: en RF, on s'intéressera au Q, en électronique de puissance, ce sera souvent la résistance série (appelée, souvent à tort, ESR), et pour le traitement et la conversion de signal, on s'intéressera plutôt à l'absorption diélectrique.
Il est en principe possible de convertir n'importe quel type de format en n'importe quel autre, mais souvent, lorsque cette donnée est présentée sous un format, elle n'inclut que la source de pertes de ce format, sans convertir et assimiler les autres causes de perte.
Pas clair tout ça? Il vaut mieux prendre un exemple, assez typique de cette façon de faire:
La résistance série.
Si l’on regroupe l’ensemble des pertes dans une résistance en série avec un condensateur idéal, on obtient le schéma équivalent SERIE et son diagramme vectoriel associé.
On voit que la présence de la résistance introduit une tension (en rouge), dont l’effet est de décaler la tension aux bornes du condensateur (en bleu) par rapport à la tension totale aux bornes du dipôle. Ce déphasage se retrouve dans le courant, qui n’est plus parfaitement en quadrature avec la tension U : c’est là qu’apparaît l’angle delta.
Un peu de trigonométrie montre que le rapport entre Ur et Uc, et donc R et Xc vaut notre tangente . Il faut remarquer que R n’a normalement pas d’existence physique (sauf dans l’hypothèse où l’unique source de pertes est la résistance série, ce qui est improbable). C’est la raison pour laquelle elle est baptisée ESR : c’est une valeur équivalente.
Tangente vaut donc R/Xc, mais si on s’intéresse plutôt à la résistance parallèle (résistance d’isolement p.ex.), elle vaudra Xc/Rp. On peut donc convertir cette résistance // en résistance série, pour l’additionner à l’ESR, dont elle est une composante : R’=X²c/Rp.
Cela peut avoir l’air paradoxal : on met une résistance en parallèle avec le condensateur dont on est en train de mesurer l’ESR, et on voit celle-ci augmenter….. du moins idéalement. Parce que, souvent, dans les faits, on verra l’(E)SR diminuer, comme on s’y attendait intuitivement (et erronément).
La cause de ce micmac ? Les petits appareils simplifiés de mesure d’ESR mesurent en fait la SR, la résistance série, voire même l’impédance série, sans démêler parties réactives et réelles.
Ce qui peut donner lieu à d’intéressants paradoxes : un condensateur de 1µF au polypropylène ayant une ESR de 10milliohm aura un moins bon score qu’un chimique de 100µF ayant 100milliohm d’ESR.
Voici quelques formules permettant de passer d’une représentation à l’autre :
A l'heure actuelle, la fonction de deltamètre est incluse dans les RLCmètres d'un certain niveau, les diélectrimètres, les analyseurs de réseau, donc des appareils plutôt complexes et coûteux (si l’on exclut les mesureurs d’ESR).
L’instrument proposé ne va offrir que cette fonction, pour un coût et une complexité abordable.
Ce n’est cependant pas un projet destiné aux débutants : déjà, un débutant n’a que faire de ce type de mesure, et ensuite, la réalisation demande plus que des compétences de base pour être menée à bien.
Méthodes de mesure
Pour mesurer la dissipation d’un condensateur, deux types de techniques sont habituellement utilisées (laissons de côté les mesures plus ciblées du Q, de l’ESR et de l’absorption diélectrique).
La première, dérivée des ponts de mesure traditionnels, consiste à comparer le condensateur testé à une référence-étalon, ayant des pertes très faibles, et connues. Elle exige donc un certain nombre de condensateurs spéciaux, à faibles pertes. Ces condensateurs sont difficiles à se procurer et hors de prix, et ne trouvent leur place que dans des appareils de labo de haut de gamme.
La seconde consiste à créer synthétiquement une référence en quadrature, qui émule le comportement d’une réactance idéale. Une démodulation vectorielle permet alors d’extraire la composante dissipative. Le signal en quadrature peut-être généré de manière digitale dans le cas d’un appareil complet, ou recréé par une PLL lorsque le signal de test est généré de manière externe.
La technique mise en œuvre ici est différente : elle est plus simple et plus directe, et consiste à mesurer directement le déphasage entre la tension et le courant. C’est donc une mesure absolue, qui ne requiert pas de référence, que ce soit sous la forme d’un composant ou d’un signal.
Voir schéma SYNOPTIQUE :
A suivre…
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