Rationalité et dépendance
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Rationalité et dépendance



  1. #1
    ThM55

    Rationalité et dépendance


    ------

    Bonjour les psychologues.

    On connaît quelques exemples de gens d'une intelligence exceptionnelle, avec des comportements très rationnels mais qui sont devenus dépendants au jeu et à la drogue.

    Je me suis intéressé aux cas de deux célébrités, Stu Ungar et Gilles Andruet. Tous deux ont gagné beaucoup d'argent en appliquant des stratégies probabilistes au jeu de blackjack. Comme ils étaient devenus trop performants et trop voyants, les casinos les ont interdits de jeu et ils ont dû changer d'activité. Ungar est devenu un très fort joueur de gin rami, à tel point que plus personne ne voulant l'affronter, il a dû se tourner vers le poker auquel il est aussi devenu un joueur de légende. Gilles Andruet était d'abord joueur d'échecs. Il est devenu champion de France de ce jeu en 1998, avant de se tourner vers le blackjack, puis, après interdiction, vers la roulette, un jeu complètement aléatoire dont les règles sont biaisées en faveur du casino. Ungar aurait gagné au cours de sa carrière environ 30 millions de dollars mais est mort sans argent. Andruet est lui aussi mort ruiné, assassiné par des truands, semble-t-il pour des questions d'argent ou de drogue. La justice n'a pas clairement élucidé toutes les circonstances de ce crime.

    Ce qui est frappant dans les deux cas est l'opposition entre deux types de comportements, l'un très rationnel, l'autre à l'opposé complet. Qu'y a-t-il en effet de plus rationnel que la stratégie aux échecs ou l'application des probabilités au tirage de cartes? Et qu'y a-t-il de plus irrationnel que le jeu compulsif ou le recours aux drogues?

    Je voulais savoir si des études ont évalué l'existence de corrélations entre l'intelligence, les comportements extrêmement rationnels d'une part et les addictions de l'autre (jeux, alcool, drogues,...). Ces deux aspects de la personnalité, une intelligence brillante mais entièrement tournée vers la performance et un comportement compulsif incontrôlable, ne procéderaient-ils pas de causes communes? Peut-être une sorte de compensation pour une personnalité dépressive sous-jacente?

    -----
    Dernière modification par ThM55 ; 02/07/2024 à 09h35.

  2. #2
    pm42

    Re : Rationalité et dépendance

    Ce serait intéressant mais vu que les addictions et les comportements auto-destructeurs sont largement répandus dans toute la population, est ce que tu ne penses pas qu'il n'y a simplement pas de corrélation ?
    Ou que s'il y en a une, elle serait plutôt négative et que tes 2 exemples seraient plutôt des exceptions ?

    On pourrait aussi dire que le fait que des gens "rationnels" aient choisi le jeu pour s'exprimer est déjà un prédicateur d'une personnalité qui aime les émotions fortes et le risque.
    Parce que les échecs sont rationnels mais la compétition est émotionnellement intense.
    Dernière modification par pm42 ; 02/07/2024 à 09h49.

  3. #3
    jiherve

    Re : Rationalité et dépendance

    Bonjour,
    On pourrait aussi dire que le fait que des gens "rationnels" aient choisi le jeu pour s'exprimer est déjà un prédicateur d'une personnalité qui aime les émotions fortes et le risque.
    c'est une remarque que je partage mais ne sombrons nous pas dans la psycho de comptoir ?
    JR
    l'électronique c'est pas du vaudou!

  4. #4
    ThM55

    Re : Rationalité et dépendance

    C'est possible, j'admets que toutes vos remarques sont plausibles. Mais mon intention était de poser la question de l'investigation scientifique (si elle existe) de ce sujet, qu'elle soit expérimentale ou théorique.

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    pm42

    Re : Rationalité et dépendances

    Je suis d'accord que chercher des références serait intéressant. Je faisais juste remarquer qu'on peut poser le problème d'une façon différente, peut-être plus vaste.
    Je ne prétends pas du tout avoir des réponses, j'ai juste proposé un jeu de questions différentes mais connexes.

    P.S : comme je n'ai pas d'ordi sous la main et peu de temps, je ne peux pas chercher moi même.

  7. #6
    mikomasr

    Re : Rationalité et dépendances

    Je pense aussi que le problème de la question initiale est qu’elle assimile arbitrairement "compétence aux échecs" (ou autre jeu de ce type) et "personnalité rationnelle". Il me semble que tu pars d’un a priori qui est lui-même à creuser, avant de se demander s’il pourrait y avoir une corrélation entre "personnalité rationnelle" et "susceptibilité à la dépendance". Par exemple, être bon aux échecs nécessite de prévoir les conséquences de ses décisions sur une durée de quelques dizaines de minutes, ou peut-être quelques heures au maximum, alors que la résistance à la consommation addictive implique de prévoir les conséquences de sa consommation sur du beaucoup plus long terme, et il s’agit là de deux processus mentaux complètement différents.
    En plus, les échecs impliquent des choix entre décisions qui ne se distinguent pas par la récompense immédiate vs. retardée y associée, mais plutôt par leur efficacité dans le cadre d’un jeu ponctuelle. Alors que la décision de consommer ou non une substance oppose récompense immédiate avec punition retardée, à punition immédiate avec récompense retardée.
    Donc il y a différence temporelle et différence de nature des décisions prise.
    Dernière modification par mikomasr ; 07/07/2024 à 13h17.

  8. #7
    pm42

    Re : Rationalité et dépendances

    Citation Envoyé par mikomasr Voir le message
    alors que la résistance à la consommation addictive implique de prévoir les conséquences de sa consommation sur du beaucoup plus long terme
    Je ne suis pas sur du tout que la résistance à l'addiction est quoi que ce soit à voir avec une capacité à prévoir.
    Tu as raison de dire que ce sont des processus mentaux complètement différents et justement, ceux de l'addiction y compris la résistance n'ont pas grand chose à voir avec la partie du cerveau qui gouverne la rationalité.
    C'est d'ailleurs le cas de pratiquement tous les mécanismes de prise de décision comme montré par la recherche au XXème siècle.

  9. #8
    mikomasr

    Re : Rationalité et dépendances

    Je ne suis pas sur du tout que la résistance à l'addiction est quoi que ce soit à voir avec une capacité à prévoir.
    Pourtant un des grands facteurs reconnus dans l’addiction, c’est l’impulsivité. Et la gestion de l’impulsivité se définit exactement comme ça : réussir à avoir les récompenses retardées suffisamment présentes à l’esprit pour qu’elles pèsent plus lourd dans la balance décisionnelle que les récompenses immédiates. Récompense au sens béhavioriste.

  10. #9
    mikomasr

    Re : Rationalité et dépendances

    D’ailleurs pour donner un exemple, dans le cas du tabagisme où on utilise souvent des techniques d’entretien motivationnel, l’objectif du thérapeute est d’amener le patient à évoquer toutes les conséquences positives de l’arrêt du tabac, même sur le moyen terme, et les conséquences négatives de court terme (ou déjà présentes), pour "noyer" la récompense immédiate liée à la sensation de bien-être provoquée par une cigarette, le problème étant souvent que le patient n’arrive pas à tenir compte des récompenses de long terme (meilleures relations dans la famille, meilleure santé, suppression du tabagisme passif pour les enfants, etc.) parce qu’il est trop focalisé sur le soulagement immédiat.
    Dernière modification par mikomasr ; 07/07/2024 à 13h35.

  11. #10
    ThM55

    Re : Rationalité et dépendance

    Merci pour vos réponses. Je ne suis pas certain de bien les comprendre.

    Je comprends bien la notion de "récompense immédiate", car je suis moi-même un ancien fumeur de tabac (un paquet par jour pendant 10 ans, arrêté en un mois de cure il y a 35 ans). La petite cigarette après une réunion de deux heures sans tabac était bien une "récompense" .

    Mais dans le cas d'une session à la roulette, quelle est la récompense immédiate? J'imagine qu'il doit y avoir une grande satisfaction si par exemple on a misé des jetons sur pair avec succès et qu'on double sa mise. Mais en moyenne sur une soirée cela doit être assez déprimant puisqu'on sait qu'on devrait perdre statistiquement: si je mise toujours sur pair j'ai seulement 48,64% de chances de gagner, et c'est pire avec la plupart des autres mises. C'est tout de même moins attirant qu'appliquer une stratégie rationnelle au blackjack ou découvrir des combinaisons aux échecs. Il doit y avoir autre chose qui est commun à tous ces jeux même ceux qui sont dits "rationnels". Comme l'a mentionné pm42, peut être le stress associé à la situation? On peut envisager cela comme la "récompense immédiate"? Il y aurait un mécanisme dans le cerveau qui rend cela addictif?

    Je dois dire que je trouve cette hypothèse difficile à admettre à cause de mon cas personnel (mais je sais que l'introspection n'a rien de scientifique). Ce stress est justement une des raisons (l'autre raison étant que je n'avais plus le temps) pour lesquelles j'ai arrêté de jouer aux échecs dans un club et dans des tournois il y a plus de 30 ans, je trouvais cela désagréable à la longue. Toute proportion gardée, vu l'énorme différence de ELO, on sait que l'ex champion du monde Magnus Carlsen a renoncé à défendre son titre et n'a apparemment aucune intention de le reconquérir, sans toutefois mettre un terme à sa carrière. Il n'aimait pas le stress associé à cette compétition. C'est sans doute plus dilué et moins intense dans des tournois, surtout pour un joueur qui a comme lui un sens positionnel inné.

    Pour info, il y a aussi des gens très équilibrés et apparemment non dépendants au jeu qui ont mis au point et appliqué des stratégies gagnantes au blackjack. Les plus connus sont la fameuse équipe de mathématiciens du MIT, dont l'histoire très romancée a été le sujet d'un film hollywoodien (Las Vegas 21).

  12. #11
    pm42

    Re : Rationalité et dépendance

    Citation Envoyé par ThM55 Voir le message
    Mais dans le cas d'une session à la roulette, quelle est la récompense immédiate?
    Du peu que j'ai lu, si à un moment, le joueur a gagné, celui lui a donné une forte satisfaction et il va rechercher à revivre ce moment.
    Peu importe que ce soit statistiquement improbable : cela n'influe pas plus son comportement que le fait de savoir qu'on va mourir d'un cancer n'empêche les gens de commencer à fumer et de continuer pendant des années.

    Citation Envoyé par ThM55 Voir le message
    Pour info, il y a aussi des gens très équilibrés et apparemment non dépendants au jeu qui ont mis au point et appliqué des stratégies gagnantes au blackjack. Les plus connus sont la fameuse équipe de mathématiciens du MIT, dont l'histoire très romancée a été le sujet d'un film hollywoodien (Las Vegas 21).
    Oui. Il y en a aussi qui on gagné à la roulette et tu peux regarder le parcours de Edward O. Thorp.

  13. #12
    Avatar10

    Re : Rationalité et dépendance

    Citation Envoyé par ThM55 Voir le message
    Et qu'y a-t-il de plus irrationnel que le jeu compulsif ou le recours aux drogues?
    Pour amener un peu de flou à cette assertion:
    https://www.cairn.info/revue-journal...1-page-104.htm

  14. #13
    oualos

    Re : Rationalité et dépendance

    Pour info, il y a aussi des gens très équilibrés et apparemment non dépendants au jeu qui ont mis au point et appliqué des stratégies gagnantes au blackjack
    Il n'y a pas de stratégie gagnante stricto sensu au black jack style martingale de d'Alembert ou autre, pas plus qu'à la roulette ou au bandit manchot: il se trouve que parmi tous les jeux proposés par le casino, c'est celui où l'espérance mathématique entre banquier et joueur diffère très peu, avec un léger avantage au banquier évidemment. Avec de l'expérience et une bonne stratégie on peut gagner en minimisant les risques de perte

  15. #14
    pm42

    Re : Rationalité et dépendance

    Citation Envoyé par oualos Voir le message
    Il n'y a pas de stratégie gagnante stricto sensu
    Cela se discute parce qu'il y a eu des contre-exemples mais soit.

    Citation Envoyé par oualos Voir le message
    Avec de l'expérience et une bonne stratégie on peut gagner en minimisant les risques de perte
    Donc il n'y pas de stratégie gagnante mais avec une bonne stratégie on peut gagner ?

    Cela ne semble pas cohérent.

  16. #15
    oualos

    Re : Rationalité et dépendance

    Quand on cite il faut tout citer: on peut gagner en minimisant les risques de perte
    Si vous connaissez une stratégie gagnante à des jeux de hasard faites-la nous connaître merci!

  17. #16
    pm42

    Re : Rationalité et dépendance

    Citation Envoyé par oualos Voir le message
    Quand on cite il faut tout citer: on peut gagner en minimisant les risques de perte
    Se répéter ne change rien au fait que c'est incohérent. Ou à tout le moins très imprécis ce qui arrive quand on emploie des mots sans définir leur sens précis. Ou le connaitre.

    Citation Envoyé par oualos Voir le message
    Si vous connaissez une stratégie gagnante à des jeux de hasard faites-la nous connaître merci!
    Ce genre de remarque n'apporte rien. Par exemple, le black-jack n'est pas un jeu de pur hasard et il est possible d'y gagner :

    https://fr.wikipedia.org/wiki/MIT_Blackjack_Team
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Ken_Uston
    https://en.wikipedia.org/wiki/Don_Johnson_(gambler)

    Pour la roulette, c'est pareil : chaque roulette individuelle n'est pas équiprobable. Il suffit de chercher "Joseph Jagger", "Gonzalo Garcia-Pelayo", "Richard Jarecki".
    Il est également possible de prédire où la bille va atterrir avant la fermeture des paris : https://en.wikipedia.org/wiki/Eudaemons

    Comme souvent, c'est un peu dommage de faire des affirmations contradictoires, fausses, basées sur des à-priori non valides et une méconnaissance complète du sujet.

  18. #17
    mikomasr

    Re : Rationalité et dépendance

    Mais dans le cas d'une session à la roulette, quelle est la récompense immédiate?
    À la réponse de pm42, je rajouterais que la récompense immédiate est probablement le ressenti du joueur au moment-même où il est en train de jouer. N’étant pas joueur, je ne peux que me projeter, mais j’imagine que cela implique un certain enthousiasme, la tension douce-amère d’un suspense qui se dénoue suffisamment rapidement pour ne pas se transformer en stress franchement désagréable, l’excitation des quelques succès et le biais optimiste de l’espoir en une multiplication des gains. Cela doit sans doute énormément varier d’un joueur à l’autre en fonction du réseau d’associations mentales qui entourent l’acte - comme pour absolument tout acte faisant l’objet d’une addiction comportementale, mais ce qui compte ce sont les émotions vécues dans l’instant, et le bien-être, ou le soulagement, ou le plaisir immédiat qu’elles suscitent. C’est peut-être ta rationalité qui te porte à négliger cette aspect

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