Proust, temps, mort
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Proust, temps, mort



  1. #1
    inviteb14aa229

    Proust, temps, mort


    ------

    Bonjour à toutes et tous,


    Je viens vers vous pour une question théorique.

    Vous n'êtes peut-être pas des proustiens convaincus ; mais vous avez nécessairement déjà entendu parler de la madeleine, et vous avez peut-être vécu une ou des expériences similaires.

    Dans le premier volume de La Recherche, Du côté de chez Swann, Proust raconte l'épisode célèbre de la madeleine, et du plaisir qu'il a eu à retrouver un souvenir d'enfance en passant par le biais d'une perception commune à deux époques, en l'occurrence le goût de la fameuse madeleine trempée dans du thé.
    Dans le dernier volume de La Recherche, Le temps retrouvé, à l'autre bout de son œuvre, Proust revient sur cet épisode et tâche d’en donner une explication (Folio, bas de la page 179).

    Comme explication à l'origine de ce plaisir, il suggère l'idée que cette fusion psychologique de deux instants distants dans le temps affranchit l'homme "de l'ordre du temps" ; et qu'en sortant ainsi de la temporalité, il échappe à l'idée d'avenir, et par conséquent de mort.
    Je suis perplexe.
    Cette espèce de "sentiment océanique temporel" (que je nomme ainsi en référence au "sentiment océanique" spatial freudien), à l'émotion très intense, peut-il réellement provenir de l'idée d'échapper, ne serait-ce que quelques instants, à l'idée de la mort ? Cela à un niveau inconscient ?

    C’est-à-dire, en détaillant :
    - une réminiscence spontanée peut-elle conduire à un sentiment de "sortie de la temporalité" ?
    - si c’est le cas, cette "sortie de la temporalité" peut-elle conduire au sentiment d’échapper à la mort ?
    - si de nouveau c’est le cas, ce sentiment d’échapper à la mort peut-il conduire à un sentiment si intense de plaisir, ou même à un simple soulagement, moins profond ?
    - tout cela peut-il se faire sur un mode inconscient ?

    Je n'ai pas vraiment étudié de près les exégèses de Proust, mais je n'ai pas l'impression que cette thématique de son œuvre ait été très approfondie. Mais je me trompe peut-être.

    Merci à celles et ceux qui me donneront leur avis sur cette question.

    Bonnes réminiscences.

    Paminode

    -----

  2. #2
    invite6b73e3e6

    Re : Proust, temps, mort

    Bonjour Paminode,

    Tes préoccupations sont originales et tes questions sont bien intéressantes. A mon avis, il faut distinguer la vérité psychologique d'une expérience avec l'interprétation et aussi l'utilisation qu'un écrivain en fait. Proust se veut avant tout un artiste. Il n'écrit pas une autobiographie, mais un roman autobiographique, ce qui n'est pas la même chose. Ainsi l'épisode de la madeleine en ouverture et les réminiscences liées à la matinée Guermantes en clôture sont d'abord deux forts piliers qui supportent l'entièreté de l'oeuvre, scandée d'ailleurs par d'autres résurrections de souvenirs qui justifient le titre. Il apparaît d'ailleurs que ces expériences font l'objet d'au moins deux interprétations pas forcément conciliables. Dans un cas le souvenir s'impose par sa particularité irréductible, la joie qui en découle semble naître de la coïncidence entre le narrateur et un moi profond, extrêmement singulier qui serait l'essence irréductible et absolument spécifique de l'individu. C'est le parfum des aubépines, du lilas, l'odeur "indigeste et fruitée" du couvre-lit à fleurs qui colorent ces joies-là de leur particularité modeste. Tantôt au contraire cette joie semble correspondre avec l'appréhension d'une idée générale, la sortie hors du temps dans cet océan dont tu parles ou ce ciel de Platon empli d'idées pures, intemporelles, élevées mais finalement communes pour tous les hommes qui y ont accès. Ce moi particulier et ce ciel mystique se situent tous les deux hors du temps et leur approche semble toujours un moyen d'échapper à la mort mais l'un est une façon d'échapper à soi et à ses contingences, l'autre au contraire une façon de se recentrer sur soi dans ce qu'on peut avoir de plus particulier.

    Cordialement,

    Clément

  3. #3
    inviteb14aa229

    Re : Proust, temps, mort

    Citation Envoyé par clementdousset Voir le message
    Bonjour Paminode,

    Tes préoccupations sont originales
    Bonjour Clément,

    Merci pour cette réponse.

    Personnellement, je ne trouve pas mon interrogation si originale ; elle me paraît même plutôt naturelle, dans la mesure où :
    - dans notre pays, Proust est une véritable gloire nationale ;
    - des études très nombreuses lui ont été consacrées ;
    - l'histoire de la madeleine est célébrissime, connue même par des personnes qui n'ont pas lu le texte ;
    - de nombreuses personnes vivent régulièrement de telles réminiscences.

    Or il me semble que cette question n'a pas été franchement abordée ; ou, si c'est le cas, ces études ont été publiées de manière très confidentielle. Je vois donc là plutôt un paradoxe.

    Citation Envoyé par clementdousset Voir le message
    A mon avis, il faut distinguer la vérité psychologique d'une expérience avec l'interprétation et aussi l'utilisation qu'un écrivain en fait. Proust se veut avant tout un artiste. Il n'écrit pas une autobiographie, mais un roman autobiographique, ce qui n'est pas la même chose. Ainsi l'épisode de la madeleine en ouverture et les réminiscences liées à la matinée Guermantes en clôture sont d'abord deux forts piliers qui supportent l'entièreté de l'oeuvre, scandée d'ailleurs par d'autres résurrections de souvenirs qui justifient le titre.
    Je suis d'accord. Il ne faut pas confondre un événement de la réalité et ce qu'un écrivain en fait ; ou même un journaliste.
    Toutefois même si Proust a fait de la réminiscence madelinesque un élément littéraire, il n'en demeure pas moins que de telles réminiscences existent bel et bien, en tant qu'expériences psychologiques. Elles peuvent donc être des sujets d'étude, au même titre que toute autre expérience vécue.

    Citation Envoyé par clementdousset Voir le message
    Il apparaît d'ailleurs que ces expériences font l'objet d'au moins deux interprétations pas forcément conciliables. Dans un cas le souvenir s'impose par sa particularité irréductible, la joie qui en découle semble naître de la coïncidence entre le narrateur et un moi profond, extrêmement singulier qui serait l'essence irréductible et absolument spécifique de l'individu. C'est le parfum des aubépines, du lilas, l'odeur "indigeste et fruitée" du couvre-lit à fleurs qui colorent ces joies-là de leur particularité modeste.
    (En vérité, je ne vois pas bien à quelle partie du texte de Proust correspond cette interprétation.)
    Mais dans ce cas, le plaisir ressenti serait alors d'un ordre purement narcissique, comme celui de se sentir entièrement "empli de soi". Est-ce correct ?
    Mais quel serait le lien entre la réminiscence et ce sentiment de soi, le processus psychologique conduisant de l'un à l'autre ?

    Citation Envoyé par clementdousset Voir le message
    Tantôt au contraire cette joie semble correspondre avec l'appréhension d'une idée générale, la sortie hors du temps dans cet océan dont tu parles ou ce ciel de Platon empli d'idées pures, intemporelles, élevées mais finalement communes pour tous les hommes qui y ont accès. Ce moi particulier et ce ciel mystique se situent tous les deux hors du temps et leur approche semble toujours un moyen d'échapper à la mort mais l'un est une façon d'échapper à soi et à ses contingences, l'autre au contraire une façon de se recentrer sur soi dans ce qu'on peut avoir de plus particulier.
    La seconde interprétation renverrait par conséquent au "sentiment océanique" dont parle Freud, sorte de retour à un état premier indifférencié, quand le moi n'est pas encore réellement défini (premières pages du Malaise dans la culture).
    Là encore, il conviendrait de caractériser le processus psychologique conduisant depuis la réminiscence vers cet état.

    D'autre part, selon ces interprétations, l'oubli de la peur de la mort apparaît plutôt comme un "effet secondaire", alors que Proust semble en faire plutôt la cause principale (Folio, bas de la page 179).
    Vous offririez par conséquent là des interprétations qui seraient moins celle de Proust que les vôtres, et donc vous seriez d'accord que le processus proposé par Proust n'est pas forcément la bonne explication.

    Au plaisir de vous relire.

    Paminode

  4. #4
    invite6b73e3e6

    Re : Proust, temps, mort

    Citation Envoyé par Paminode Voir le message





    (Mais dans ce cas, le plaisir ressenti serait alors d'un ordre purement narcissique, comme celui de se sentir entièrement "empli de soi". Est-ce correct ?



    Paminode
    Il n'y a pas de narcissisme chez Proust mais il y a le sentiment que notre moi profond et véritable -le contraire de celui que nous manifestons dans la vie mondaine- se révèle dans la contemplation ou le souvenir avec une particularité extrême. C'est cette particularité avant tout que l'artiste doit chercher à rendre parce qu'elle compose dans son originalité son monde propre:"Grâce à l’art, au lieu de voir un seul monde, le nôtre, nous le voyons se multiplier, et, autant qu’il y a d’artistes originaux, autant nous avons de mondes à notre disposition, plus différents les uns des autres que ceux qui roulent dans l’infini et, bien des siècles après qu’est éteint le foyer dont il émanait, qu’il s’appelât Rembrandt ou Vermeer, nous envoient encore leur rayon spécial. »

    Les clochers de Martinville, les ciels de Méségise ou de Rivebelle, les brumes de Doncières, le goût de la madeleine trempée dans du thé sont autant de fragments indissolublement liés au monde proustien comme "le petit pan de mur jaune" que Marcel admirait est lié à celui de Vermeer.

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    invite21964698

    Re : Proust, temps, mort

    Bonjour,
    je ne connais rien à la littérature (je connais bien sûr l'épisode de la madeleine) mais je peux expliquer cet épisode et les réminiscences émotionnelles.

    Bower propose que comme le reste de nos représentations mentales, les émotions font partie du réseau mnésique. Les émotions sont donc associées aux évènements de même que le sont les sensations, pensées et tous les éléments appartenant à l'instant vécu. Aussi, quand on vit (de nouveau) un de ces éléments (sensation physique, pensée ou autre) cela va réactiver l'ensemble des choses encodées au même moment. Ainsi si on a ressenti certaines émotions lors d'un évènement et que l'on réactive une partie de cet évènement, on devrait revivre les émotions initiales (dans une mesure moindre peut-être).
    L'émotion forte qu'a pu vivre Proust lorsqu'il a mangé sa madeleine est peut-être en partie dû aux émotions intiales, mais également au simple plaisir de se rappeler de cet évènement.

    Je ne commenterai pas sur le sentiment océanique temporel ou le sentiment d'échapper à la mort, qui à mon avis sont des figures littéraires.

  7. #6
    invite7c43f855

    Re : Proust, temps, mort

    Tout à fait df'accord avec ce dernier message. J'ajouterai que la mémoire n'est plus stockée dans le cerveau comme on le croyait autrefois. Elle n'est plus loocalisée non plus. En fait, les souvenirs sont créés au contact d'un évènement associé à une émotion. Autrement dit, on invente nos souvenirs au jour le jour. Pour plus de détails, lire "L'invention de la mémoire" par Israël Rosenfield qui parle entre autre de Proust.

  8. #7
    inviteb14aa229

    Re : Proust, temps, mort

    Bonjour Clémentine,

    Merci pour cette intervention.

    Votre idée est que, si un instant initial est chargé d'émotions, la réminiscence plus tard de cet instant sera chargée de la même émotion, par la remémoration de celle-ci en même temps que les images, sensations, etc.

    Dans ce cas, un instant de réminiscence marqué d'une émotion intense implique que l'instant initial remémoré l'ait été tout autant.
    Or dans le cas de l'épisode de la fameuse madeleine, il n'est pas évident que l'instant initial (la première fois que Proust enfant a mangé une madeleine trempée dans du thé) ait été chargé d'une telle émotion. Proust lui-même, adulte cette fois, lors de l'instant deuxième (celui de la réminiscence), considère précisément que ce n'est pas simplement le goût d'une madeleine trempée dans du thé qui est susceptible d'engendrer en lui une telle émotion, et que c'est par conséquent dans le processus lui-même de réminiscence qu'il faut chercher l'origine d'une émotion si intense.
    C'est donc alors qu'il propose son schéma :

    {réminiscence – intemporalité – déni de l’avenir – déni de la mort – émotion – plaisir}

    La question devient donc de savoir si l'émotion ressentie vient de l'instant remémoré ou vient du processus lui-même de remémoration, ce que suggèrent d'autres interprétations en plus de celle de Proust lui-même.
    J'avoue que l'idée que l'émotion était là dans l'instant initial ne me semble guère plausible, tout comme pour Proust. Proust enfant a pu ressentir certes un plaisir à manger une madeleine, mais celui que ressent une personne qui vit une réminiscence est d'une autre intensité.

    Mais je dois dire aussi que le schéma proposé par Proust ne me convainc pas :
    {réminiscence – intemporalité – déni de l’avenir – déni de la mort – émotion – plaisir}
    Et cela pour deux raisons de natures différentes :
    - Pour qu'une personne ressente un plaisir lors d'une plongée dans une intemporalité qui la soulagerait de l'idée de mort, il faut supposer que la personne ressentait l'idée de mort comme un fardeau, une souffrance, que cette personne ait été particulièrement hantée par la peur de la mort. Sans souffrance, pas de raison de supposer un plaisir né du soulagement d'une souffrance qui n'existe pas. C'est sans doute le cas pour de nombreuses personnes qui connaissent des réminiscences, et en tirent du plaisir, alors qu'elles ne sont a priori pas traumatisées par l'idée de mort.
    Ou alors, il faudrait songer qu'une peur de la mort peut nous hanter en permanence, et nous communiquer une souffrance, sans que nous nous en rendions compte (c'est un peu la thèse de Pascal dans le célèbre chapitre de ses Pensées sur le "Divertissement", mais, là encore, on peut être perplexe).
    - Ce schéma proposé par Proust est une reconstruction en apparence logique, mais établie par une réflexion consciente dans la durée. Rien ne prouve que l'inconscient fonctionne de la même manière dans un temps au contraire très bref.

    Ci-dessus, Clément Dousset propose lui aussi des interprétations privilégiant l'idée d'une émotion venant du processus de réminiscence lui-même, plutôt que de l'instant initial :
    - soit le plaisir naîtrait d'une coïncidence du narrateur avec un moi profond, selon un mécanisme encore à élucider ;
    - soit ce plaisir viendrait d'une sorte de régression du sujet dans une sorte de retour à un état premier indifférencié, quand le moi n'est pas encore réellement défini. (Cette seconde interprétation renverrait par conséquent au "sentiment océanique" dont parle Freud : premières pages du Malaise dans la culture).

    Pour ma part, m'inspirant de la première interprétation de Clément Dousset, j'envisagerais :
    - le plaisir lié à la réminiscence viendrait d'une immersion du sujet dans son propre narcissisme, c'est-à-dire que le plaisir ressenti serait alors d'un ordre purement narcissique, comme celui de se sentir entièrement "empli de soi", là encore selon un mécanisme à élucider (et cela même si Proust ne parle pas de son narcissisme, c'est à dire n'est pas conscient que son narcissisme est en jeu dans le processus même de la réminiscence).

    J'envisagerais une autre interprétation encore :
    - comme dans votre interprétation, l'émotion serait présente dans l'instant initial ; mais non pas dans le plaisir de l'acte lui-même, manger une madeleine, mais dans l'état même d'être un enfant, dans l'état de vivre une certaine insouciance dans une époque d'avant les préoccupations, contraintes et déceptions de l'âge adulte. Ce serait l'enfance qui serait globalement à considérer comme un état privilégié chargé d'émotions positives, par rapport à un état adulte plus contraignant et parfois chargé d'émotions négatives.
    La sortie du temps présent, l'arrivée dans un état d'intemporalité ou le retour dans le passé n'entraîneraient pas un déni de la mort comme dans l'interprétation proustienne, mais plutôt un oubli de toutes les difficultés et contrariétés de l'âge adulte.
    Reste à prouver que l'enfance est réellement un paradis, et ne connaît pas elle aussi ses meurtrissures.

    Peut-être y a-t-il encore d'autres processus à évoquer que ces six-là, ou des variantes.
    J'avoue ne pas bien savoir quelle voie choisir.

    J'aimerais avoir votre avis, ainsi que l'avis de Clément Dousset, sur chacun d'eux.

    Je vous remercie encore.

    Paminode

  9. #8
    inviteb14aa229

    Re : Proust, temps, mort

    Citation Envoyé par Neutralino Voir le message
    Pour plus de détails, lire "L'invention de la mémoire" par Israël Rosenfield qui parle entre autre de Proust.
    Bonjour Neutralino,

    Merci pour cette référence de livre.
    Je vais me mettre le plus vite possible en quête.

    Paminode.

  10. #9
    invite6b73e3e6

    Re : Proust, temps, mort

    Citation Envoyé par Paminode Voir le message

    J'aimerais avoir votre avis, ainsi que l'avis de Clément Dousset
    Paminode
    Salut Paminode,

    Vous êtes bien aimable de vous intéresser à mon avis sur vos interprétations riches et intéressantes. J'y songeais tout à l'heure en faisant quelques achats à la supérette de mon bourg. J'y songeais quand je laissais mon regard errer sur les rayonnages, aller de boites en bouteilles, de bouteilles en briques, pots, sachets.... Et je pensais que ce décor de marchandises qui imposait sa présence sans que j'eusse même à le regarder figurait bien celui de ma vie ordinaire où les objets, même en désordre, sont délimités, cloisonnés, étiquettés, distribués dans un monde absolument extérieur, indifférent, banal, où rien de moi-même n'est présent. Ce monde-là, c'est notre cerveau qui le fabrique. Dans les aires cérébrales, la compacité brute du réel coloré et mouvant est découpée, formatée, calibrée, pour remplir les rayonnages de notre champ visuel d'objets communs, interchangeables et creux. Or ce travail de notre cerveau n'a pas toujours existé. Il fut un temps que nous avons vécu et qui existe toujours en notre mémoire où les sensations qui font la vue, les sons, les odeurs entraient sans filtres, sans grilles de lecture et d'interprétation, par la porte ouverte de nos sens juste nés et précipitaient dans notre esprit des émotions inouïes d'une particularité ineffable. Quand je suis sorti de la supérette, le soleil m'a étourdi d'abord, puis des volutes de brise m'ont frôlé le ventre. Derrière le cèdre de la place, au-delà d'un mur gris, un aperçu vaporeux s'est creusé comme une trouée de mémoire vertigineuse. Et... le parking du Shopi est redevenu le parking du Shopi ! On a les hôtels de Guermantes qu'on peut !

    Sérieusement, quand j'examine un peu mes souvenirs d'enfance, ce que j'y trouve, c'est d'abord une énergie d'émotion que je ne connais plus. C'est ensuite une particularité que je pourrais tenter de décrire dans une suite interminable de phrases et qui n'évoquerait sans doute rien du tout pour celui à qui je voudrais la communiquer. Particularité qui est très loin d'être toujours délicieuse. Certains lieux, certaines atmosphères que ma mémoire retrouve ou du moins qu'elle frôle ont des relents de cauchemar sans que j'en sache la raison.

    A plus tard. Je ne vais guère avoir de loisir ce mois. En plus de mon boulot, je vais essayer de consigner ma façon de voir le mécanisme de la vision. Et j'aurais sans doute à répondre à ceux qui voudront bien commenter mon "introduction au modulisme" quand j'aurai achevé son envoi.

    Cordialement,

    Clément

  11. #10
    invitee8a155ce

    Re : Proust, temps, mort

    Je viens de parcourir votre discussion suite à une recherche où je cherche désespérément (pour un écrit ) l'auteur de la citation: "l'émotion est un temps pur". Ce pourrait être Proust. D'avance j'envoie mille clics chaleureux à qui trouve la référence.

  12. #11
    inviteb14aa229

    Re : Proust, temps, mort

    Désolé, connais pas. Ggle ne donne rien.

  13. #12
    invitea697910f

    Re : Proust, temps, mort

    Bonjour a tous,

    Et Merci pour cette discussion et ses références , intéressantes au plus haut point..Vraiment !!!

    Si j'ai bonne mémoire, c'est " sa vieille tante" , qu'il qualifie de "Valétudinaire" ou ? la gouvernante de la résidence de vacances de son grand père ?? (sais plus) qui a offert cette tasse de thé
    au narrateur accompagnée "d'une madeleine bien dodue" , alors qu'il était allé faire un tour sous la pluie du coté de chez Swann , et qu'il était frigorifié...
    C'est bien ça ?? ou je mélange tout ??
    N'y a t il pas là un parallèle entre la personne qui lui a offert sa première tasse et pour la quelle il éprouve une grande affection, et la tasse de thé elle même ??

    Personnellement, le support catalyseur du souvenir est différent...
    J'ai souvent des souvenirs qui remontent inévitablement a la surface , quand j'entends certaines chansons... et elles me font remonter le temps jusqu’à mes amours d'adolescence..
    en ciblant une jeune fille en particulier et dans une situation bien précise et ce où que je me trouve et a n'importe quel moment...
    Comment expliquer ? qu'une chanson qui passe a la radio, juste a ce moment là..et que je n’écoute même pas ? puisse être le déclencheur des décennies plus tard de ces souvenirs, pour le moins agréables ??

    Me suis souvent posé cette question ....
    La mémoire et ses dédales sont parfois surprenants... un rien vous transporte dans le passé...

  14. #13
    inviteb14aa229

    Re : Proust, temps, mort

    Citation Envoyé par nytrom Voir le message
    Si j'ai bonne mémoire, c'est " sa vieille tante" , qu'il qualifie de "Valétudinaire" ou ? la gouvernante de la résidence de vacances de son grand père ?? (sais plus) qui a offert cette tasse de thé
    au narrateur accompagnée "d'une madeleine bien dodue" , alors qu'il était allé faire un tour sous la pluie du coté de chez Swann , et qu'il était frigorifié...
    C'est en fait sa mère, « voyant [qu'il avait] froid » alors qu'il rentre d'être sorti en hiver, qui lui propose du thé et « un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines » . (Folio p. 58 - Garnier Flammarion p. 142 - Pléïade... je ne sais pas.)
    « Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu. » (p.60/144)
    Celui « du petit morceau de madeleine » que lui offrait sa tante Léonie.
    Mais le narrateur ne revient sur la tante Léonie que plus loin ; elle joue le rôle en effet de porte d'entrée de toute la remémoration de Combray ; mais sur l'instant, il mentionne plutôt « les vicissitudes de la vie rendues indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire (...) J'avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. »

    N'y a t il pas là un parallèle entre la personne qui lui a offert sa première tasse et pour la quelle il éprouve une grande affection, et la tasse de thé elle même ??
    Votre interprétation n'est pas la même que celle de Proust : l'émotion ressentie vient pour vous de l'instant remémoré et non du processus lui-même de remémoration.

    Personnellement, le support catalyseur du souvenir est différent...
    J'ai souvent des souvenirs qui remontent inévitablement a la surface , quand j'entends certaines chansons...
    La musique est en effet idéale pour ce genre d'expérience. On peut même envisager de se créer des vrais programmes de réminiscences en se composant une suite de disques à écouter, de différentes périodes de son vécu.

    Citation Envoyé par nytrom Voir le message
    " sa vieille tante" , qu'il qualifie de "Valétudinaire"
    Je n'ai pas retrouvé ce mot. Mais je n'ai pas relu tout le bouquin !

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