Ce ne sont pas les galaxies qui se déplacent les unes loin des autres mais c'est la bulle de l'univers qui gonfle. Ceci est du à une force mystérieuse (énergie noire). Pouvez-vous me dire si cette énergie est infinie ou pas ? Merci.
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Ce ne sont pas les galaxies qui se déplacent les unes loin des autres mais c'est la bulle de l'univers qui gonfle. Ceci est du à une force mystérieuse (énergie noire). Pouvez-vous me dire si cette énergie est infinie ou pas ? Merci.
Bonjour (un petit bonjour pour commencer ça met d'humeur )
on peut dire, oui qu'elle est infinie, mais comme c'est assez étrange, il vaut le coup je pense de remettre tout ça à plat, car le bilan énergétique de l'expansion de l'univers n'est pas un affaire simple à comprendre.
A la base, on compte quatre formes d'énergie dans l'univers, sur le plan de leur évolution avec l'expansion :
* la courbure : on se souvient qu'en relativité générale, la gravité s'identifie avec la courbure de l'espace temps. L'équation d'Einstein identifie le tenseur de courbure avec le contenu énergétique de l'univers. Mais ce qui complique la résolution de l'équation, c'est que la courbure représente elle même une forme d'énergie. En d'autres termes, la gravité... gravite. La densité d'énergie associée est inversement proportionnelle au carré du facteur d'échelle (le facteur d'échelle c'est en gros "la taille de l'univers").
ρk ~ a-2
Toutefois, il se trouve que cette quantité est proche de zéro, à moins de 1% près, quand on la mesure aujourd'hui. Vu que cette densité d'énergie augmente quand l'univers rapetisse, il faut que sa valeur ait été extraordinairement proche de zéro dès l'origine. C'est ce qu'on appelle le problème de la courbure (un des principaux fait d'observation motivant la théorie de l'inflation cosmique, qui aurait porté cette courbure à une valeur très proche de zéro en un temps extrêmement bref à un stade très précoce de l'histoire de l'univers). La courbure est donc négligée dans la suite du propos. Mais c'est ce qui représente le mieux la densité d’énergie associée à l'espace, intrinsèquement, c-à-d à sa géométrie.
* l'énergie de masse des "poussières" (courbe fushia 'atomic' : matière ordinaire aka baryonique, 'dark' : matière noire), le terme poussières représentant toute la matière dite baryonique (étoiles, planètes, gaz, etc) ainsi ici que la matière noire. En terme plus technique il s'agit de la composante non relativiste. Pour expliciter ça : on se souvient que l'énergie relativiste est donnée par l'addition de deux termes quadratiques :
E2 = (mc2)2 + (pc)2
Lorsque l'énergie de masse mc2 >> pc, avec p l'impulsion et c la vitesse de la lumière, la particule est non relativiste, lorsque c'est l'inverse elle est relativiste. La fraction non relativiste de l'énergie, celle de la masse au repos, est insensible à l'expansion. La fraction relativiste, celle de l'impulsion s'affaiblit avec l'expansion.
Si je double la taille de l'univers, je multiplie son volume par 23=8 et la composante non relativiste formée par les poussières va se diluer dans ce plus grand volume mais la quantité totale (le produit de la densité par le volume) sera conservé. Soit ρ la densité d'énergie et a le facteur d'échelle de l'univers, le symbole ~ signifie "varie comme" :
ρm ~ a-3
* le rayonnement (courbe orange : 'ph' pour photon, 'nu' pour neutrino) : fond radio de l'univers, lumière stellaire... Essentiellement des photons, donc. On peut également mettre les neutrinos avec. En terme plus technique il s'agit de la composante relativiste, càd de la fraction du contenu pour lequel E = pc (ou quasi pour les neutrinos). Cette composante se dilue comme la matière dans des volumes de plus en plus vastes mais il s'ajoute en plus un terme de redshift. La longueur d'onde du rayonnement évolue comme le facteur d'échelle. Comme l'énergie d'un photon (son impulsion p) est inversement proportionnelle à sa longueur d'onde, la densité d'énergie évolue comme 1/a3 (dilution en volume) * 1/a (diminution de l'impulsion) soit :
ρr ~ a-4
* la constante cosmologique ou énergie sombre notée Λ (courbe bleue horizontale notée Dark energy).
Cette composante exhibe trois caractéristiques fondamentales qui changent toute la donne :
1) représentant la densité d'énergie du vide, elle est invariable, et ne se dilue pas avec l'expansion :
ρΛ = cte
2) sa pression est de même valeur mais de signe opposée à sa densité d'énergie : pΛ = -ρΛ . Comme ρΛ est positif, la pression est donc négative. Ce qui est pour le moins exotique.
3) comme l'effet gravitationnel d'un fluide de densité ρ et de pression p est proportionnel à ρ + 3p, cette quantité est négative, et est assimilable à une forme d'antigravité. Un espace remplit de vide de densité d'énergie non nulle entre spontanément en expansion !
Le graphique ci dessous représente l'évolution de ces trois composantes avec le temps cosmique.
Quand l'univers est petit, le rayonnement domine (Radiation Era = ère radiative, jusqu'à 60 ky). En se refroidissant la matière prend le dessus (Matter Era = ère de matière, jusqu'à 9,4 Gy). Puis c'est la constante cosmologique qui domine (Dark energy Era = ère du vide, jusqu'à aujourd'hui et dans les temps futur, sans limitation de durée). C'est cette domination de la constante cosmo qui est responsable de ce qu'on appelle l'accélération de l'expansion. Aujourd'hui la densité de l'univers provient à 0,74 de la cte cosmo et à 0,26 de la matière (et a seulement 0,05 la matière ordinaire). C'est matérialisé par les points sur les 3 courbes à l'abscisse 1.
Si on fait le compte, en intégrant sur le volume de l'univers :
* l'énergie de courbure est nulle, elle a été effacée par l'inflation,
* l'énergie de masse est constante, mais la densité d'énergie diminue avec le volume,
* l'énergie du rayonnement est résiduelle, elle est passé de presque tout à presque rien,
*...et il y a toujours plus d'énergie du vide, à densité d'énergie constante.
Dernière modification par Gilgamesh ; 14/12/2020 à 08h58.
Parcours Etranges
Sans énergie noire il y aurait tout de même de l'expansion. L'energie noire est une des causes de l'expansion observée. On a dû la postuler car l'expansion observée ne colle pas avec l'expansion prédite en prenant en compte seulement la matière et le rayonnement.Ce ne sont pas les galaxies qui se déplacent les unes loin des autres mais c'est la bulle de l'univers qui gonfle. Ceci est du à une force mystérieuse (énergie noire).
m@ch3
Never feed the troll after midnight!
Bonjour,
J'ai du mal à comprendre comment la matière (baryonique) et le rayonnement, auxquels on peut rajouter la courbure, pourraient agir autrement que par gravitation, soit condenser l'univers au lieu de le dilater?
Si on assimile l'énergie noire à la constante cosmologique (au moins dans l'équation d'Einstein), on aurait là il me semble le seul facteur permettant une expansion?
Et il se trouve selon le mécanisme décrit par Gilgamesh, que cette expansion s'accélère "naturellement" puisque la densité d'énergie du vide est invariable et ne se dilue pas...
C'est une question de conditions "initiales". Un univers en expansion va continuer de s'expandre (pendant un temps fini ou infini selon la densité sur- ou subcritique). Certes, ça ne dit rien de comment l'expansion a pu commencer, mais cela explique qu'elle se poursuive.
C'est comme une pierre qu'on a lancée vers le haut, une fois lancée, elle va continuer à monter (dans le vide, pendant un temps fini ou infini, selon la vitesse inférieure ou supérieure à la vitesse de libération). Cela ne dit rien sur ce qui a lancé la pierre au départ bien sûr.
Dans cette analogie, l'énergie noire, c'est comme si la pierre était équipée d'un moyen de propulsion...
m@ch3
Never feed the troll after midnight!
Oui ok mais on a bien besoin de la main du lanceur et de sa force pour décrire la condition initiale, et je doute que l'univers soit décrit par un nombre de conditions initiales différent de 1, ce qui est déjà beaucoup plus que 0...
Il me semble que la condition initiale "expansion naturelle" du vide telle que la décrit Gilgamesh pourrait suffire dès le départ et évoluerait vers une accélération sans autre "ingrédient", tout en expliquant au passage la création de la matière baryonique. Avec malgré tout l'énorme "détail" de sa quantification!
Resterait à décrire son lien avec la gravitation mais c'est un HS dans ce fil et surtout cette section...
Pour ceux qui ne craignent pas l'anglais, je redonne le lien vers le cours de Alan Guth où il décrit l'inflation comme un "prequel" du Big Bang. 1. Inflationary Cosmology: Is Our Universe Part of a Multiverse? Part IOui ok mais on a bien besoin de la main du lanceur et de sa force pour décrire la condition initiale, et je doute que l'univers soit décrit par un nombre de conditions initiales différent de 1, ce qui est déjà beaucoup plus que 0...
Il me semble que la condition initiale "expansion naturelle" du vide telle que la décrit Gilgamesh pourrait suffire dès le départ et évoluerait vers une accélération sans autre "ingrédient", tout en expliquant au passage la création de la matière baryonique. Avec malgré tout l'énorme "détail" de sa quantification!
Resterait à décrire son lien avec la gravitation mais c'est un HS dans ce fil et surtout cette section...
Dernière modification par Gilgamesh ; 14/12/2020 à 22h08.
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