D'une manière générale, nous sommes d'accord sur la plupart des points que tu as soulevés dans ton précédent post. Nous partons donc de l'idée selon laquelle :
Nous sommes de ton avis. Donc voici (en résumé) les raisons pour lesquelles nous pensons que nos thèses n'ont pas seulement un contenu mathématique mais présentent également des hypothèses ayant (peut-être) un sens physique.Envoyé par Rincevent
Tout d'abord, du point de vue des groupes classiques, nous avons commencé par montrer que la fluctuation de la signature entre la forme Lorentzienne et la forme Euclidienne peut être décrite par l'espace homogène symétrique
Σh=SO(3, 1) x SO(4) / SO(3),
SO(3) étant plongé diagonalement dans le produit SO(3, 1) x SO(4). Sur la base de Σh, il est possible de construire l'espace topologique quotient
Σtop = R(3, 1) + R(4) / SO(3) , espace topologique séparé la superposition des deux métriques Lorentzienne et Riemanniennes. Nous avons montré dans nos thèses que Σtop comporte un point singulier unique S pouvant correspondre à l'origine de l'espace de superposition .
Du point de vue des groupes quantiques, nous avons construit (en termes d'algèbres de Hopf) le "produit bicroisé cocyclique" de la forme :
Uq(so(4)produit bicroisé Uq(so(3,1))
où Uq(so(4))op représente l'algèbre de Hopf (ou "groupe quantique") Euclidien et Uq(so(3,1)) le groupe quantique Lorentzien. Le produit bicroisé de cette équation suggère alors un genre d'unification" inattendu entre les algèbres de Hopf Lorentzienne et Euclidienne à l'échelle de Planck et induit la possibilité d'une "q-déformation" de la signature de la forme Lorentzienne (physique) à la forme Euclidienne (topologique). En outre,cette équation définit implicitement une transformation de (semi)dualité (au sens de Majid) entre les groupes quantiques Lorentzien et Euclidien. Notre théorème 3.3.2 montre que ce produit bicroisé
Uq(so(4)produit bicroisé Uq(so(3,1))
unifie les groupes quantiques Euclidien et Lorentzien au sein de la même algèbre de Hopf.
Du point de vue physique, cette notion de fluctuation quantique de la signature peut être interprétée comme une conséquence directe de la condition de Kubo-Martin-Schwinger (KMS) à laquelle, selon nous, pourrait être soumis le système thermodynamique formé par l'espace-temps à l'échelle de Planck. Nous suggérons en effet que, compte tenu des résultats initiaux de Dolan et Jackiw, puis de Weinberg concernant le comportement thermique de l'univers primordial à haute température, il est raisonnable de considérer que le (pré)espace-temps se trouve en état d'équilibre thermique à l'échelle de Planck. Il est alors naturel d'en déduire qu'en tant que système thermodynamique, ce même (pré)espace-temps est soumis à la condition KMS à la même échelle. Dès lors, la métrique devient nécessairement complexe : une partie réelle donnée par SO(3,1) et une partie imaginaire (donnée par SO(4).
Ici, il nous faut préciser ce que représente cette fameuse condition KMS. Il est habituel (et naturel) d’opposer la notion d’équilibre d'un système à celle d’évolution de ce système. En fait, la célèbre théorie modulaire de Tomita-Takesaki a établi que la dynamique intrinsèque d’un système quantique correspond, d’une manière unique, au groupe d’automorphismes à un paramètre fortement continu ?t d’une C* - algèbre de von Neumann A :
αt (A) = ei H t A e- i H t
Ce groupe à un paramètre décrit l’évolution temporelle des observables du système et correspond à l’algèbre de Heisenberg. C'est ici qu'intervient la remarquable découverte de Takesaki et Winnink, reliant le groupe d’évolution αt (A) du système (plus précisément le groupe à un paramètre d’automorphismes de M = Δit M Δ-it) avec l’état d’équilibre de ce même système . La condition KMS n’est autre que cette relation entre évolution αt (x) et équilibre ?(x) d’un système.
Dès lors, on comprend que si la condition KMS "connecte" l'évolution d'un système (SO(3,1) avec l'équilibre d'un système (SO(4), alors la métrique du "système KMS" sera nécessairement complexe : une partie réelle et une partie imaginaire. C'est donc sur la base d'une idée toute simple (celle qui consiste à appliquer la condition KMS au système du pré-espace temps à l'équilibre thermique (échelle de Planck)) que nous avons été conduits vers l'idée de la fluctuation de la signature de la métrique (vers l'idée d'un état "complexe" de la signature).
Pour nous résumer, on peut décrire notre modèle de la manière suivante :
1. Au dessus de l'échelle de Planck, la signature est lorentzienne (+++-) et sera décrite par le groupe de lorentz SO(3,1)
2. Entre l'échelle de Planck et l'échelle 0 la signature sera "complexe" (+++±) et sera décrite par l'espace topologique quotient que nous avons construit R(3, 1) ? R(4) / SO(3)
3. A l'échelle 0, la signature est euclidienne (++++) décrite par SO(4)
Evidemment, si nous considérons une signature complexe (fluctuante) entre l'échelle de Planck et l'échelle 0, nous considérons l'hypothèse selon laquelle, à très haute courbure (i.e. à l'échelle de Planck T ~ MPlanck) la gravitation classique n'est plus valable. Nous proposons donc d'introduire, dans le Lagrangien "quantique" de la théorie, des termes de dérivées supérieures en R2 (tout en considérant, en dimension 4, la possibilité d'un "cut off" des termes de dérivées plus hautes sur la limite R2, ce qui élimine les termes en R3+ ... + Rn de la théorie des cordes). A partir des indications selon lesquelles l'espace-temps à l'échelle de Planck devrait être vu comme soumis à la condition KMS, nous conjecturons alors qu'en supergravité R + R2 (et en N = 2), l'approximation linéarisée de la métrique de Schwartzschild peut être considérée comme une solution locale exacte de la théorie étendue. Nous montrons dans nos thèses que la présence de termes non-linéaires R2 dans le Lagrangien effectif de supergravité peut autoriser la superposition (3, 1) / (4, 0) de la signature de la métrique à partir de l'échelle de Planck
Evidemment, il reste encore du chemin à faire. Nous en sommes conscients. Mais il nous semble intéressant de tenter de décrire la physique à l'échelle de Planck en restant à 4 dimensions (et non pas en faisant appel aux dimensions supplémentaires des cordes qui, selon nous, sont justement des artifices mathématiques sans contenu physique).
I/G
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