Astéroides et briques ADN
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Astéroides et briques ADN



  1. #1
    khurnous

    Astéroides et briques ADN


    ------

    Bonjour,

    Je viens de lire cet article :

    https://www.futura-sciences.com/scie...eroides-98180/

    J'aimerai savoir si :
    1°Cette découverte qui porte sur la production de 5 "éléments" de base pourrait-elle conduire à découvrir qu'il existe une production d'ARN/ADN directement sur les astéroïdes (comètes ?),
    2°Sur quel(s) échantillons d'astérïode(s) ont-elles été trouvées ?
    2°Comment envisager cette découverte avec les créations issues des fumeurs noirs/blancs ? (remplacement, complément, concurrence..)

    Merci !

    Cordialement

    -----
    Dernière modification par khurnous ; 28/04/2022 à 13h51.

  2. #2
    polo974

    Re : Astéroides et briques ADN

    1. C'est un raccourcis très rapide.
    2. C'est dit dans l'article: sur des météorites tombés sur terre il y a 70, 50 et 20 ans. (Et qui n'auraient pas été pollués...
    2 (en fait 3). Ce sont 2 pistes, et ce n'est même pas sûr que la vient de l'une d'elles...
    Jusqu'ici tout va bien...

  3. #3
    Geb

    Re : Astéroides et briques ADN

    Bonsoir,

    En fait, il n’y a que les chimistes qui étudient l’environnement spatial (qui sont parfois appelés "astrochimistes") pour constamment répéter que les astéroïdes et les comètes ont pu jouer un rôle important dans les origines de la vie sur la Terre. Les retours d’échantillons d’astéroïdes et les études in situ de comètes sont largement financés sur les prémisses qu’ils vont aider à comprendre ces origines. Les agences spatiales et leurs employés communiquent systématiquement en ce sens.

    De mon point de vue, c’est sans doute lié à une peur que les programmes ne soient plus financés si on se mettait à parler uniquement de ce qui intéressent vraiment les scientifiques : une meilleure compréhension de la formation du système solaire et des conditions physico-chimiques dans la nébuleuse primordiale.

    Or, en ce qui concerne la question des origines de la vie sur la Terre, les deux hypothèses que l’on pourrait considérer comme les plus "avancées" (ou en tout cas les plus "médiatisées") dans la communauté scientifique, celles de David Sutherland et collaborateurs d’une part (voir par exemple Patel et al., 2015) et de Michael Russell et collaborateurs d’autre part (voir par exemple Branscomb et al., 2017) ne font ni l’une ni l’autre usage, à aucun niveau, de ce que l’astrochimiste français Hervé Cottin appelle "l’apport exogène de matière organique".

    En fait, il y a déjà longtemps, en avril 2008, Michael Russell avait été très clair sur ce qu’il pensait de l’apport exogène. Ce que je retiens de ces propos (parfois très durs), c’est que les hypothèses faisant appel à l’apport exogène sont souvent des "hypothèses paresseuses" ("current theories are lazy"). Pour quelqu’un qui a consacré plus de trente ans de sa carrière, depuis 1988, à développer un semblant de modèle des origines de la vie terrestre (c’est-à-dire une hypothèse relativement cohérente et construite), je comprends sa frustration :

    - The present is the key to the past

    Astrobiology Magazine (AM): Let's first discuss your ideas about the origin of life.

    Mike Russell (MR): The philosopher, given a puzzle, often asks not what is it, but what does it do? So what does life do? Life promotes reactions between molecules that are out of equilibrium to produce more stable molecules. At the same time, it generates a system that continues that process.

    To my mind, the way to think about life is by following the geologist's dictum, "the present is the key to the past." The primary producers, cyanobacteria and plants, photosynthesize by reacting hydrogen from water with carbon dioxide in the atmosphere. Water, H2O, is split and the oxygen is released as waste while the hydrogen itself is split into 4 electrons and 4 protons, and those react with, and reduce, carbon dioxide.

    But there is a deeper biosphere which also lives off carbon dioxide and hydrogen. In this case the hydrogen is generated from water by geochemical reactions, oftentimes in convection cells. That's the way life works now, and I would say it must have always been thus.

    The modern fuel that we're interested in is hydrogen because we're worried about global warming. Well, the first fuel of metabolism was hydrogen. Early life used hydrogen and reacted with an oxidized gas. At that time there was no free oxygen, O2, so life used carbon dioxide, CO2.

    It starts with a core reaction. Any theory of the origin of life needs a geochemical core reaction, but there's a kinetic barrier so it takes place slowly. You can have hydrogen and oxygen in the same room, and they're stable because of the kinetic barrier. It's only if you strike the match that you have a reaction. So hydrogen and carbon dioxide wanted to react but they had to face steep kinetic barriers, and life was the match that let them react together.

    Studies of the origin of life area are peculiar. In any other area of science, you must get the initial conditions right. But many people seem to ignore the initial conditions at the origin of life, perhaps because they think it's some kind of miracle.

    When people say to me that life came from other planets, or pre-biotic molecules were delivered from outer space and rained down into the ocean to make a little slick on the surface which was eventually energized to life by photons, I think that's hopeless. There's no core reaction.

    It's like finding a dead whale on the beach -- you can't bring back to life even one of its cells. It's got DNA, RNA, lipids, peptides, broken-down proteins, but it's dead. How could we think that an oil slick comprised of organic dust from space could do any better?

    AM: So you disagree with current theories regarding the spread of life in the universe by the dispersion of organic materials in comets?

    MR: I think the current theories are lazy. They say for life to originate we need some organic molecules, and there's some up there in space, so maybe that'll do. That's just an extraordinary conclusion. No other branch of science works like this.

    The temperature in space is very close to zero -- it's 2.4 Kelvin. It is true that sparse carbon-bearing molecules occasionally react through a process known as tunneling, but that hardly constitutes a proto-metabolism.

    AM: But they're pre-biotic molecules.

    MR: They're not! That is a really bad term. They're not on the way to anywhere. They may as well be excrement. The term "pre-biotic" is misleading, and I would love to see it dropped.

    AM: So you think life can't arise from organic molecules in deep space?

    MR: The organic molecules that make up the carbonaceous chondrites in space are mostly gunge. It's a Beilsteinian nightmare out there. Life works with a few building blocks. Look at a steel and concrete building. If you raze it down and then try to build another building out of the pieces, it would be a hopeless job. You'd do better constructing a new building out of simple raw materials.

    This is how life had to start. You don't start with thousands upon thousands of organic molecules and end up with the 8 or so amino acids the earliest life needed. It's got to be from the bottom up, just like anything else.

    If you find organic molecules elsewhere, for instance on Titan, then you don't need life. The organics are in a stable state. It's a mess; it's tar. The point is that life is what it does. It reacts hydrogen with carbon dioxide. That's why it's going to be the same everywhere.

    […]
    C'était il y a déjà 14 ans, mais je ne pense pas me tromper en disant que Mike Russell, qui a plus de 80 ans aujourd'hui, est toujours du même avis en ce qui concerne le rôle supposé des astéroïdes et des comètes dans les origines de la vie sur la Terre.

    Cordialement.
    Dernière modification par Geb ; 28/04/2022 à 20h54.

  4. #4
    Flyingbike
    Modérateur*

    Re : Astéroides et briques ADN

    Je me disais bien que Geb allait prendre le sujet en main avec des références qui vont bien.

    Pour ma part je suis biologiste mais pas du tout spécialisé là dedans, mais je partage très volontiers le point de vue cité au dessus.

    Ça serait moins putaclick, on n'en entendrait même pas parler.
    La vie trouve toujours un chemin

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    JPL
    Responsable des forums

    Re : Astéroides et briques ADN

    Moi aussi, je le partage à 110% Tant en ce qui concerne l’aspect scientifique que l’aspect pognon-statégie.
    Rien ne sert de penser, il faut réfléchir avant - Pierre Dac

  7. #6
    Bounoume

    Re : Astéroides et briques ADN

    il me vient une question très bête:
    les composés recherchés (bases puriques et pyrimydiques) doivent être sacrément stables et résistantes aux hautes températures.....
    parce que une météorite, ça chauffe beaucoup quand ça traverse l' atmosphère.....
    Comment ces composés, si ils étaient initialement contenus dans la météorite, peuvent-ils résister à la pyrolyse pendant le temps de rentrée dans l' atmosphère**?

    Autres questions indiscrètes: dans quelle gangue chimiquement protectrice les trouve-t-on, en étant tout à fait sûr qu'ils ne sont ni une contamination externe.....ni (à l'état de quelques molécules physiques isolées) le résultat... de l' altération par la chaleur, de composés de C, O, et H autres et pré-existants piégés dans 'la' météorite?.

    ** résister ... à l' abri de l' oxygène, bien sûr! sinon, combustion tout à fait ordinaire....
    et qu' il en reste suffisamment pour que ils demeurent détectables ... ... par quelle technique? ( et sans risque de fausse interprétation.?)
    Dernière modification par Bounoume ; 28/04/2022 à 23h42.
    rien ne sert de penser, il faut réfléchir avant.... (Pierre Dac...)

  8. #7
    Geb

    Re : Astéroides et briques ADN

    Bonsoir,

    Citation Envoyé par Flyingbike Voir le message
    Je me disais bien que Geb allait prendre le sujet en main avec des références qui vont bien.
    Je suis moins actif sur le sujet, mais parfois je ne peux pas m’en empêcher. Surtout que c’était dans le même thème que l’un de mes messages récents.

    Si un point de vue plus récent et en français vous intéresse, voilà ce qu’en pensait un chimiste organicien (Yannick Vallée) et un biochimiste (Juan Fontecilla-Camps), dans un podcast enregistré par Ciel & Espace début 2020 :

    - De l'inerte au vivant, une transition mystérieuse (29 minutes)

    Puisqu’ils proposent une réflexion plus précise et plus technique que la simple idée que des acides aminés et des bases nucléiques "pleuvent" sur la Terre primitive depuis l’espace et hop, la vie est apparue (et paf ! Ça fait des chocapic), je ne suis pas convaincu que le podcast était la meilleure solution pour vulgariser leurs travaux. C’est dommage parce que les occasions au cours desquelles des chercheurs francophones qui contribuent aux domaines des origines de la vie vulgarisent leurs travaux sans passer par les "solutions spatiales" sont assez rares dans les médias francophones. Malheureusement, Futura-Sciences ne fait pas exception.

    Je souhaite attirer votre attention sur deux passages en particulier, qui sont tout à fait raccord avec l’interview de Mike Russell que j’ai cité précédemment :

    De 10′13″ à 13′08″ dans l’audio :

    Yannick Vallée : Il y a deux écoles actuellement dans ce qu’on appelle le proto-métabolisme. Donc, notre école on va dire, […] qui finalement dit que le proto-métabolisme c’est proche du métabolisme actuel. C’est éventuellement une forme simplifiée mais […] les réactions qui sont mises en cause sont à peu près les mêmes. Puis, il y a des gens qui sortent de la vie actuelle et qui disent qu’il y a pu y avoir une chimie totalement différente. En l’occurrence, c’est une chimie qui est beaucoup basée sur les cyanures et qui va pouvoir donner des molécules compliquées, par exemple des [acides aminés] en faite sans utiliser, même, le CO2. C’est une hypothèse respectable. Ça difficulté c’est : si elle marchait si bien, pourquoi ce n’est plus celle-là aujourd’hui ? Et donc, il y a ce débat-là : est-ce que le proto-métabolisme, finalement, c’est un métabolisme qui ressemble à ce qui se fait aujourd’hui, ou est-ce que c’est quelque chose de très, très différent ?

    Ciel & Espace : Et là, on est d’accord, on est toujours dans le cadre de l’hypothèse autotrophe ?

    Juan Fontecilla : En vérité, non. On ne peut pas… "hétérotrophe" qu’est-ce que ça veut dire ? Vous savez, il y a un problème : en discutant avec nos collègues astrophysiciens, souvent on a le problème qu’ils ont l’idée que plus la molécule qui tombe avec une météorite est compliquée, mieux on se porte. Ce n’est pas, peut-être, le cas parce qu’après, cette molécule-là, on devient dépendant de ces molécules. Et après il va falloir la faire soi-même, parce que les météorites ne vont pas exister éternellement. Et ça, ça pose un gros problème. C’est pour cela que je pense qu’on est d’accord que pour faire une molécule complexe, il faut démarrer avec des molécules beaucoup moins complexe, plutôt que d’imaginer qu’ [elles vont] tomber de quelque part, parce que ça va nous compliquer la transition.

    Ciel & Espace : Alors, c’est très intéressant ce que vous dites parce qu’effectivement, les astrochimistes (et d’ailleurs c’était le thème de la première émission de cette série) ont plutôt tendance à dire : « On a une chimie qui peut être très complexe, finalement, dans les nuages moléculaires puis dans le disque proto-planétaire » et effectivement, plus la chimie est complexe, plus ils sont heureux en quelque sorte, en disant finalement : « Voilà, on a les germes de la vie ». Vous, vous avez un point de vue qui est inverse. Vous dites : « En fait, la chimie doit se faire sur Terre ».

    Juan Fontecilla : On crée une dépendance qui est compliquée à reproduire par la suite.

    Ciel & Espace : En tout cas c’est débattu.

    Yannick Vallée : Il faudrait que, de temps en temps, des petits hommes verts viennent nous délivrer notre glycine et notre alanine. Ça ce n’est pas possible. Donc, en effet, c’est un travail très respectable de savoir s’il y a de la glycine, qui est l’ [acide aminé] le plus simple dans telle ou telle astéroïde et il y sont sans doute et ça veut dire que c’est relativement facile à faire. N’empêche que la glycine qu’on on utilise aujourd’hui, ce n’est pas celle-là. C’est une glycine qui a été fabriquée sur Terre. Et nous on pense, et je pense qu’on devient presque majoritaires, en tout cas chez les chimistes et les biologistes, on pense que donc, les premiers [acides aminés], peut-être qu’il y en a qui sont tombés du ciel, plus ils étaient simples, mieux c’était, mais très vite, ils ont été fabriqués par un processus à partir de molécules plutôt à un carbone, c’est le CO2, du formaldéhyde, et on fait des liaisons carbone-carbone, on fait des liaisons carbone-azote. Tout ça se fait sur Terre. Parce que si ça ne peut pas se faire sur Terre, alors la vie n’apparaît pas.
    De 16′47″ à 18′10″ dans l’audio :

    Juan Fontecilla : […] Il faut toujours s’éloigner de l’équilibre. C’est le problème de la vie, c’est qu’il faut s’éloigner de l’équilibre. On tombe dans l’équilibre, et là… Un gros problème de la soupe, c’est de ne pas tomber dans l’équilibre. Et un autre problème qu’il y a, qui est quand même assez sérieux, c’est qu’il y a une météorite qui s’appelle Murchison, qui était tombée en Australie dans les années 1960. Ils ont fait une analyse de la quantité de molécules organiques : [ce sont] des dizaines de milliers. Alors, vous imaginez une soupe avec des dizaines de milliers de molécules différentes, et un petit organisme là, qui essaye de dire : « Moi je vais prendre celle-là et pas celle-là ».

    Ciel & Espace : Ah oui, alors ça c’est une question intéressante, parce que de mon point de vue très naïf, vous me dites : « Vous mettez un bouillon et vous bombardez ça de météorites qui sont riches », moi je me dis : « C’est magnifique ».

    Juan Fontecilla : Mais non !

    Ciel & Espace : Vous, vous me dites : « C’est le contraire ».

    Juan Fontecilla : Si on fait, disons, le répertoire du nombre de molécules organiques qu’utilise un être simple, c’est peut-être quelques milliers de molécules organiques. Là, on va parler de dizaines et de dizaines de milliers de molécules qui vont même interférer avec les réactions. Vous voulez récupérer, je ne sais pas, un acide acétique, et il est parmi, vous avez, tous les types d’acides là. C’est très, très compliqué d’imaginer ça comme ça. C’est pour ça que, on verra plus tard, mais imaginer qu’on commence du très simple et qu’on va construire une complexité au fur et à mesure, ça semble, d’un point de vue intellectuel au moins (je ne dis pas d’un point de vue réel, mais intellectuel au moins) plus logique.
    En dehors de ces deux passages, je ne suis pas tout à fait raccord avec tout ce qui se dit, mais malgré tout, dans le cas de ces deux chercheurs, je n’ai qu’une chose à dire : c’est vachement plus intéressant que les astéroïdes et les comètes qui ensemenceraient la Terre avec des acides aminés et des bases nucléiques !

    Citation Envoyé par Bounoume Voir le message
    il me vient une question très bête:
    les composés recherchés (bases puriques et pyrimydiques) doivent être sacrément stables et résistantes aux hautes températures.....
    parce que une météorite, ça chauffe beaucoup quand ça traverse l' atmosphère.....
    Comment ces composés, si ils étaient initialement contenus dans la météorite, peuvent-ils résister à la pyrolyse pendant le temps de rentrée dans l' atmosphère**?
    En fait, ce qu'on observe dans les morceaux relativement gros de météorites, c'est que la couche altérée par la chaleur reste assez fine (de mémoires, quelques centimètres tout au plus). Je n'ai plus le temps de regarder la littérature pour confirmer.

    Citation Envoyé par Bounoume Voir le message
    Autres questions indiscrètes: dans quelle gangue chimiquement protectrice les trouve-t-on, en étant tout à fait sûr qu'ils ne sont ni une contamination externe.....ni (à l'état de quelques molécules physiques isolées) le résultat... de l' altération par la chaleur, de composés de C, O, et H autres et pré-existants piégés dans 'la' météorite?
    Je sais que les premiers scientifiques de "l'ère moderne" (disons après la Seconde Guerre Mondiale) qui disaient qu'il y avait des acides aminés dans la météorite de Murray autour de 1962 n'ont pas été crus. De mémoire, il a fallu attendre les études de John Cronin et un peu plus tard, Sandra Pizzarello, qui ont prouvé l'existence d'acides aminés d'origine météoritique qui n'existent pas dans le vivant actuel, pour parvenir à convaincre les collègues.

    Citation Envoyé par Bounoume Voir le message
    ** résister ... à l' abri de l' oxygène, bien sûr! sinon, combustion tout à fait ordinaire....
    et qu' il en reste suffisamment pour que ils demeurent détectables ... ... par quelle technique? ( et sans risque de fausse interprétation.?)
    En ce qui concerne la technique utilisée dans le papier des chercheurs qui a motivé le lancement de cette discussion, il est disponible gratuitement :

    - Identifying the wide diversity of extraterrestrial purine and pyrimidine nucleobases in carbonaceous meteorites (Oba et al., 2022)

    Si quelqu'un à encore un peu de temps à y consacrer aujourd'hui...

    Cordialement.

  9. #8
    khurnous

    Re : Astéroides et briques ADN

    Bonjour à toutes et à tous,

    Merci d'avoir pris le temps de me répondre !

    Comme je suis très naïf (dans ce domaine), je me permets de pousser une question supplémentaire :

    Donc si j'ai bien compris l'apport "exogène" ne serait pas la source de la vie sur terre, mais aurait t'il pu jouer le rôle de "déclencheur", ou de "facilitateur" comme un "booster" même de manière marginale ?

    Désolé si ma question ne semble pas très bien formulée, mais je ne possède pas forcément les bons termes..

    Cordialement

  10. #9
    Geb

    Re : Astéroides et briques ADN

    Citation Envoyé par khurnous Voir le message
    Donc si j'ai bien compris l'apport "exogène" ne serait pas la source de la vie sur terre, mais aurait t'il pu jouer le rôle de "déclencheur", ou de "facilitateur" comme un "booster" même de manière marginale ?
    Il m’est impossible de la citer correctement (aussi parce que j’ai profondément honte de ce qu’il en reste aujourd’hui), mais dans la défunte discussion que j’avais lancée en 2012, je crois que tu trouves une réponse à ta question dans une publication que Mike Russell a co-écrite en 1992 :

    - Mineral Theories of the Origin of Life and an Iron Sulfide Example (Cairns-Smith et al., 1992)

    Si tu acceptes le point de vue de Russell selon lequel, ce qu’on devrait appeler les "molécules prébiotiques" sont en fait les molécules que les organismes chimioautotrophes actuels utilisent encore pour assembler leurs propres métabolites, alors pour Russell, l’apport exogène de molécules organiques n'est en gros qu'une source additionnelle de… dioxyde de carbone et d'autres molécules très simples et éléments chimiques qui alimentent les métabolismes actuels.

    Je reproduis ici un passage du message #293 de l’ancienne discussion :

    Tout comme Russell, je ne suis pas non plus en faveur de l'hypothèse selon laquelle un apport en matière organique depuis l'espace aurait joué un rôle dans l'apparition de la vie : le taux important de Fe2+ dans l'océan à l'Hadéen ainsi que l'environnement radiatif à l'époque aurait détruit les molécules organiques.

    Le phénomène est décrit succinctement dans une publication datée de 1992 de Russell et ses collègues de l'Université de Glasgow :

    Mineral Theories of the Origin of Life and an Iron Sulfide Example (Cairns-Smith et al., 1992)

    Then again ultraviolet light, in spite of its potential for prebiotic photosynthetic activity in surface waters (Getoff, 1962; Akermark et al., 1980) would actually have tended to clear the oceans of organic molecules through oxidation by photochemically generated ferric iron – crudely:

    Fe2+ + H+ + hv → Fe3+ + ½ H2.

    Under near neutral conditions of pH this kind of reaction is particularly efficient and leads to ferric precipitates (Braterman et al., 1983; Borowska and Mauzerall, 1987). These sinking precipitates would have tended to adsorb and sediment organic materials, sooner or later oxidizing them back to CO2 (Braterman and Cairns-Smith, 1987).
    J'attire ton attention sur ce petit passage : "sooner or later oxidizing them back to CO2". Autrement dit, les météorites ont certes amené des acides aminés et d'autres composés organiques, les estimations les plus optimistes correspondent à une couche d'environ 40 mètres de matière organique d'origine cosmique sur toute la surface de la Terre. Or, l'océan faisait entre 3 et 10 km de profondeur sur toute la surface. Autrement dit, il y avait très peu de molécules organiques (ou une solution très diluée) et beaucoup de fer soluble, principalement sous forme Fe2+ avant l'enrichissement en oxygène. Donc, ce que nous dit Russell, c'est qu'il ne resterait plus que le CO[/SUB]2[/SUB] en définitive. Autrement dit, l'apport météoritique est une source… de CO2.
    Je pense que l’animateur de Ciel & Espace (je ne suis pas parvenu à retrouver son nom) a bien résumé les choses : c’est débattu. Mais moi, tout comme d’autres ici apparemment, je penche plutôt vers l’opinion exprimée par Mike Russell et quelques autres.

    Après, certains chercheurs qui travaillent en France m’ont confié que c’était difficile à l’heure actuelle de faire entendre un discours qui s’éloignerait de celui des exobiologistes, des astrochimistes et des agences spatiales. Ça se remarque très bien dans la quantité relative des articles de presse et des conférences grand public pourtant estampillées "origines de la vie" en France (les conférences d'André Brack, François Raulin, Michel Viso, Hubert Reeves, Pierre Thomas, Hervé Cottin, Brice Felden, Sylvie Vauclair, et plus récemment Robin Isnard ou Sylvain Chaty, etc.) qui se limitent tous très largement aux solutions de type "apport exogène". Mais bon, c’est un tout autre sujet. Finalement, les propos tenus par Juan et Yannick sont extrêmement rares dans la vulgarisation en français sur le sujet.

    Cordialement.
    Dernière modification par Geb ; 29/04/2022 à 11h55.

  11. #10
    khurnous

    Re : Astéroides et briques ADN

    Re bonjour,

    Merci Geb, tu arrives à me faire mieux comprendre le sujet et les enjeux.

    Bon après midi !

  12. #11
    Geb

    Re : Astéroides et briques ADN

    Citation Envoyé par khurnous Voir le message
    Merci Geb, tu arrives à me faire mieux comprendre le sujet et les enjeux.
    Bonjour,

    Pas de quoi. De toute façon, depuis dix ans c’est un peu mon hobby de faire le bilan des recherches dans le domaine ces 170 dernières années environ. Parfois, des intervenants du forum me donnent l’occasion d’en remettre une couche.

    Juste une petite précision (sans doute complètement hors sujet). Pour mieux se reconnaître entre eux, les scientifiques "sérieux" dans leur démarche de compréhension des origines de la vie terrestre ont en général une méthode de travail simple. Il y a des caractéristiques qui sont plus ou moins universelles dans le fonctionnement des êtres vivants actuels : le code génétique, l’usage de l’ATP, etc. L’une de ces méthodes est donc que les chercheurs s’attachent à ces détails universels et essayent d’en tirer des conclusions (générales ou parfois très précises) qui leurs permettent de proposer des hypothèses argumentées sur les origines et/ou l’évolution de ces caractéristiques aujourd’hui communes liées au fonctionnement des êtres vivants dans leur ensemble.

    Pour donner un exemple que je connais bien, Michael Russell, qui est un géologue britannique, n’a pas été pris au sérieux tout de suite par les chimistes qui faisaient de la chimie prébiotique. La première publication que Russell a co-écrit sur les origines de la vie a été soumis à un tir croisé de Stanley Miller lui-même, ainsi que Jeffrey Bada et Antonio Lazcano, notamment. Il a fallu que son hypothèse soit adoubée par un biologiste relativement célèbre (pour son hypothèse sur l’apparition des eucaryotes), en la personne de William Martin, pour qu’il soit enfin pris un peu au sérieux.

    Or, Mike Russell est parvenu à piquer la curiosité des biologistes comme Bill Martin lorsqu’il s’est attaché à expliquer l’origine de l’une de ces caractéristiques universelles : le mécanisme chimiosmotique, qui aujourd’hui permet la synthèse de l’ATP par un gradient de concentration des ions H3O+ et OH- de part et d’autre d’une membrane cellulaire. Pour cela, il s’est basé sur sa connaissance d’un fumeur blanc fossile qu’il a étudié le premier dans une mine de nickel en Irlande et en améliorant, en quelque sorte, les travaux du "métabolisme de surface" et du "monde fer-soufre" de Wächtershäuser d’une part et en s’appuyant sur la publication d’un duo de chercheurs américains d’autre part, duo qui en 1991 a proposé une membrane minérale pour le mécanisme chimiosmotique primitif (Koch & Schmidt, 1991).

    Je ne vais pas refaire toute la bibliographie de Mike Russell, mais cette idée de prendre un (micro-)détail qui a trait au fonctionnement ou aux caractéristiques universels, communs à tous les êtres vivants actuels, pour en tirer des conclusions sur les caractéristiques supposées d’une forme de vie primitive ou l’apparition et l’évolution de ces caractéristiques à l’origine, est une "constante universelle" de la recherche sérieuse sur le sujet.

    D’ailleurs, cela vaut aussi pour Yannick Vallée et Juan Fontecilla. Je viens de jeter un rapide coup d’œil aux travaux de Yannick Vallée (je connaissais déjà ceux de Juan Fontecilla).

    Je n’ai pas été surpris de découvrir qu’il a fait des contributions récentes et intéressantes sur les origines de la vie (Vallée et al., 2016; Shalayel & Vallée, 2019; Shalayel et al., 2020; Youssef-Saliba & Vallée, 2021; Youssef-Saliba et al., 2022), qui ne se limitent pas à chercher de la glycine dans les comètes.

    Toujours sans surprise, je note qu’il a commencé à s’intéresser aux origines de la vie en essayant de comprendre le (micro-)fait suivant :

    - En route to life: The very first step (Milet et al., 2013)

    Today, in eukaryotes and archaea, the first introduced amino acid in all peptides is methionine. It is N-formyl-methionine in prokaryotes. We suggest that this choice was made at the very beginning of the history of life and propose activated forms of methionine and N-formyl-methionine for the formation of the first dipeptides.
    Dans le cas de Juan Fontecilla, j’avais évoqué ses travaux dans la vieille discussion que j’avais lancé, et je sais qu’il cite les travaux de Mike Russell dans plusieurs de ses publications.

    Comme il le rappelle lui-même dans le podcast déjà cité, Juan Fontecilla est spécialiste des enzymes dont les centres actifs contiennent du fer et du nickel. Plus récemment, il a commis des travaux très intéressants sur l’adénosine triphosphate, en essayant de contribuer à une meilleure compréhension de la transition supposée entre un "monde à thioesters" et le monde de la biologie actuelle où c’est l’ATP qui tient le rôle de "monnaie d’échange énergétique" de toutes les cellules vivantes :

    - Primordial bioenergy sources: The two facets of adenosine triphosphate (Fontecilla-Camps, 2021)

    Life requires energy to exist, to reproduce and to survive. Two major hypotheses have been put forward concerning the source of this energy at the very early stages of life evolution: (i) abiotic organics either brought to Earth by comets and/or meteorites, or produced at its atmosphere, and (ii) mineral surface-dependent bioinorganic catalytic reactions. Considering the latter possibility, I propose that, besides being a precursor of nucleic acids, adenosine triphosphate (ATP), which probably was used very early to improve the fidelity of nucleic acid polymerization, played an essential role in the transition between mineral-bound protocells and their free counterparts. Indeed, phosphorylation by ATP renders carboxylate groups electrophilic enough to react with nucleophiles such as amines, an effect that, thanks to their Lewis acid character, also have dehydrated metal ions on mineral surfaces. Early ATP synthesis for metabolic processes most likely depended on substrate level phosphorylation. However, the exaptation of a hexameric helicase-like ATPase and a transmembrane H+ pump (which evolved to counteract the acidity caused by fermentation reactions within the protocell) generated a much more efficient membrane-bound ATP synthase that uses chemiosmosis to make ATP.
    Donc, Yannick Vallée, tout comme Juan Fontecilla, me semblent correspondre tous deux à ce que j’ai envie d’appeler une démarche sérieuse de compréhension des origines de la vie.

    Cordialement.

  13. #12
    OnlineMeteo

    Re : Astéroides et briques ADN

    "Après, certains chercheurs qui travaillent en France m’ont confié que c’était difficile à l’heure actuelle de faire entendre un discours qui s’éloignerait de celui des exobiologistes, des astrochimistes et des agences spatiales."

    Merci pour votre franchise. Je regrette qu'il y a d'autres sujets où même sur des forums passionnés il est interdit d'être franc.

  14. #13
    Deedee81

    Re : Astéroides et briques ADN

    Salut,

    Citation Envoyé par OnlineMeteo Voir le message
    Merci pour votre franchise. Je regrette qu'il y a d'autres sujets où même sur des forums passionnés il est interdit d'être franc.
    Il existe d'autres pleins d'autres forums sur le net qui ne sont pas restreint par une charte aussi stricte qu'ici. Faut juste chercher un peu
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  15. #14
    Geb

    Re : Astéroides et briques ADN

    Bonjour,

    Citation Envoyé par OnlineMeteo Voir le message
    "Après, certains chercheurs qui travaillent en France m’ont confié que c’était difficile à l’heure actuelle de faire entendre un discours qui s’éloignerait de celui des exobiologistes, des astrochimistes et des agences spatiales."

    Merci pour votre franchise. Je regrette qu'il y a d'autres sujets où même sur des forums passionnés il est interdit d'être franc.
    Après, je ne vais pas tomber dans la théorie du complot non plus. De mon point de vue, c'est peut-être juste lié au fait qu'en terme de vulgarisation, se limiter à expliquer "l'apport exogène" et les autres "sources potentielles de matière organique" est plus facile à expliquer que d'aller dans les détails des hypothèses de ceux qui souhaitent réellement étudier le problème sérieusement.

    Ce n'est peut-être pas ça du tout, mais ça peut jouer. Même si aux États-Unis, il y a de très bons vulgarisateurs des aspects techniques, comme Eric Smith.

    C'est évident qu'en écoutant le podcast de Yannick Vallée et Juan Fontecilla, ça devient plus technique que de se limiter à rappeler que pour faire des acides aminés de manière abiotique, on a pensé à l'atmosphère primitive, les sources hydrothermales et les météorites et micro-météorites et de s'arrêter là.

    Cordialement.
    Dernière modification par Geb ; 02/05/2022 à 11h48.

  16. #15
    OnlineMeteo

    Re : Astéroides et briques ADN

    Il n'y a aucun complot, ce sont des mécaniques sociales standard. Devoir considérer sa place dans l'espace social pour savoir si on a le droit ou pas d'être franc, c'est socialement standard.

    JPL, chef des modérateurs : "Tant en ce qui concerne l’aspect scientifique que l’aspect pognon-statégie."

    Je regrette que sur un forum de passionnés cartésiens, on cède aussi facilement à ces mécaniques sociales standard. Cela pousse à une schizophrénie réelle.
    Au boulot, on doit être schizophrène, c'est la vie. Mais là on n'est pas au boulot.
    Dernière modification par OnlineMeteo ; 02/05/2022 à 13h05.

  17. #16
    Geb

    Re : Astéroides et briques ADN

    Bonjour,

    Citation Envoyé par OnlineMeteo Voir le message
    Il n'y a aucun complot, ce sont des mécaniques sociales standard. Devoir considérer sa place dans l'espace social pour savoir si on a le droit ou pas d'être franc, c'est socialement standard.

    JPL, chef des modérateurs : "Tant en ce qui concerne l’aspect scientifique que l’aspect pognon-statégie."

    Je regrette que sur un forum de passionnés cartésiens, on cède aussi facilement à ces mécaniques sociales standard. Cela pousse à une schizophrénie réelle.
    Que les "spécialistes" cartésiens baignent dans cette schizophrénie au travail, espace social par excellence, oui, je ne suis pas naïf. Mais là on n'est pas au travail.
    J'ai bien peur de ne pas véritablement saisir ton propos. Là encore, pour l'aspect "pognon", ça pourrait s'expliquer assez facilement. Il faut 20 à 30 ans pour faire une mission spatiale et ça coûte très cher. Du coup, on essaye de convaincre les décideurs de continuer le programme par tous les moyens.

    Pour revenir sur la différence entre les chercheurs qui s'intéressent aux origines de la vie terrestres et les astrobiologistes qui cherchent de la vie ailleurs que sur la Terre, c’est peut-être tout simplement que les services de communication des universités où de la recherche sérieuse sur les origines de la vie est entreprise n’ont pas les mêmes moyens que les départements "astrobiologie" des agences spatiales.

    Mais, du coup, on se retrouve dans une situation paradoxale, puisque, de mon point de vue, les personnes qui ont les choses les plus intéressantes à dire sont les mêmes personnes qui ont le moins la parole dans les conférences grand public (peut-être pour des questions de complexité également). Parmi les chercheurs français, il y a quelques rares exceptions heureusement : Robert Pascal, Patrick Forterre, ou Antoine Danchin.

    Au fil des ans, j’ai recensé environ 200 micro-faits observationnels qui ont chacun inspiré des hypothèses concurrentes et des débats passionnants sur des aspects précis liés aux origines de la vie terrestre (sur une trentaine de grands thèmes, comme l’origine et le maintien de l’homochiralité de certaines biomolécules). Et je suis très loin d'en avoir fait le tour ! D’autant que de nouveaux faits observationnels motivent de nouvelles publications sur les origines de la vie pratiquement chaque semaine.

    Ces 200 faits, ce sont autant de questions différentes à résoudre dans un programme de recherche sur les origines de la vie, du type que celle que Yannick Vallée et ses collègues se posaient dans la publication de 2013 citée plus haut :

    - En route to life: The very first step (Milet et al., 2013)

    Today, in eukaryotes and archaea, the first introduced amino acid in all peptides is methionine. It is N-formyl-methionine in prokaryotes.
    Toutes ces questions que les scientifiques se sont posées pour essayer de mieux comprendre les origines de la première population de proto-organismes vivants mériteraient chacune deux heures de conférence. Je trouve ça extrêmement frustrant qu’en France, on a l’air de se contenter de donner la parole aux astrochimistes et exobiologistes, alors qu’ils ont littéralement la tête ailleurs.

    Cordialement.
    Dernière modification par Geb ; 02/05/2022 à 13h20.

  18. #17
    JPL
    Responsable des forums

    Re : Astéroides et briques ADN

    Citation Envoyé par OnlineMeteo Voir le message
    IJPL, chef des modérateurs
    Je ne suis le chef de personne. Je partage simplement avec quelques autres membres de l’équipe (tous ceux dont le pseudo est rouge) des droits techniques supplémentaires pour l’administration du forum.
    Rien ne sert de penser, il faut réfléchir avant - Pierre Dac

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