En effet, des arguments de théorie classique des champs ne sont pas suffisants: la théorie classique des champs est un cadre extrêmement flexible où l'on peut considérer n'importe quel type de champs et écrire (presque) n'importe quelle action tout en restant mathématiquement cohérent.Bref, en particulier à cause d'une telle analyse, je ne vois pas la présence du terme Λgµν comme «générique» ou toute notion d'inévitabilité via des arguments de simplicité ou de symétrie, pas plus pas moins qu'une torsion non nulle. C'est juste une possibilité ouverte par la théorie, un terme ajoutable comme einsatz, et c'est l'observation qui décide (et qui a décidé).
Les choses sont différentes en théorie quantique des champs (et c'est ce à quoi faisait allusion ma référence à Weinberg dans un des messages précédents). Supposons qu'on ne connaisse pas la gravitation ni la relativité générale mais qu'on connaisse la relativité restreinte et la physique quantique et qu'on se demande quelles sont les interactions possibles à longue portée. En physique quantique relativiste, les interactions sont faites par échange de particules et on obtient une interaction à longue portée que si la particule échangée est de masse nulle. La relativité resteinte nous dit que l'espace des états de cette particule est une représentation du groupe de Poincaré et la classification de ces représentations nous dit que notre particule de masse nulle a un spin qui est un entier ou un demi-entier (en fait "hélicité", j'emploie "spin" par abus de langage). Pour avoir un effect collectif à grande distance, notre particule doit être un boson (et non un fermion) et le théorème spin-statistique nous dit que ce n'est possible que si le spin est un entier. Les résultats non-triviaux sont les suivant (et dus essentiellement à Weinberg): pour avoir une théorie quantique relativiste mathématiquement cohérente à grandes distances,
1) les particules de masse nulle de spin entier >2 sont interdites.
2) il existe au plus une particule de masse nulle et de spin 2, qui donne lieu à une force universellement attractive, son couplage aux autres particules de la théorie se fait universellement via le tenseur énergie-impulsion, et sa dynamique peut être codée dans un champ qui peut s'interpréter naturellement comme une perturbation de la métrique et qui doit être invariante sous difféomorphisme.
3) les particules de spin 1 donnent lieu à des forces attractives et répulsives, et leur dynamique peut être codée dans une connexion pour un groupe de Lie compact et doit être invariante sous transformation de jauge.
4) les particules de spin 0 donnent lieu à des forces universellement attractives, mais sans d'universalité imposée: les couplage aux autres particules de la théorie sont essentiellement arbitraires.
On reconnaît dans 2) la propriété "évidente" de la gravitation (attraction universelle) et il n'était nullement évident a priori qu'une étude de compatibilité entre la relativité restreinte et la physique quantique produise une solution avec cette propriété. La conclusion est donc d'identifier la gravitation au cas 2), et on en conclut le formalisme de la relativité générale dans une limite classique: une métrique comme variable dynamique et une action invariante sous difféomorphisme. Le développement en nombre de dérivées pour trouver les termes dominants à grandes distances donne: la constante cosmologique, l'action d'Einstein-Hilbert...
Le point crucial est que les résultats ci-dessus sont extrêment rigides: il est extrêmement difficile d'écrire une théorie quantique relativiste mathématiquement cohérente pour des particules de masse nulle: les cas 2)-3)-4) sont les seules solutions.
En particulier, les modifications de la relativité générale d'inspiration géométrique comme une torsion non-nulle n'apparaîssent pas comme limite classique de 2)-3)-4) et dont donc exclues par la logique précédente.
Remarque: tous les arguments précédents sont faits dans une "théorie effective" quantique relativiste valable à grandes distances. Les difficultées souvent mentionnées entre théorie quantique et gravitation n'apparaissent qu'à des distances extrêmement petites (échelle de Planck, qui est précisément la limite de validité de cette théorie effective) et ne jouent donc aucun rôle dans ce qui précède. En fait, il me semble que les arguments ci-dessus, utilisant la physique quantique d'une manière essentielle, forment la meilleure justification théorique connue actuellement de la forme de la relativité générale (et le meilleur argument théorique contre toutes les modifications du type torsion non-nulle).
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