Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)
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Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)



  1. #1
    Geb

    Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)


    ------

    Bonjour,

    Comme le titre l'indique, je m'intéresse au calcul de l'estimation de l'âge du Soleil exprimé par l'astronome belge Paul Ledoux (1914-1988) dans cette publication :

    - Note sur la structure et la composition interne du Soleil (Ledoux, 1948)

    En page 9, il donne la formule suivante :

    t = (M / L) · (ms / M) · (Xe – Xi) · ((4 mH / mHe) – 1) · c²

    Avec :

    M : masse du Soleil,
    L : luminosité du Soleil,
    ms : masse du noyau convectif,
    X : abondance en poids de H,
    Y : abondance en poids de He,
    Xe : abondance en poids de l'hydrogène dans l'enveloppe extérieure,
    Xi : abondance en poids de l’hydrogène dans le noyau convectif,
    mH : masse atomique de l'hydrogène,
    mHe : masse atomique de l'hélium,
    c : vitesse de la lumière.

    Il ajoute (toujours en page 9) : "Si on introduit les valeurs numériques dans cette expression, on obtient t ≃ 5 · 109 années."

    Du coup, j'ai essayé de "refaire le calcul" moi-même en introduisant les valeurs numériques courantes à la fin des années 1940, ainsi que celles distillées dans la publication comme :

    M = 2 · 1030 kg
    L = 3,86 · 1026 W
    ms / M = 0,155
    Xe – Xi = 0,56 – 0,26 = 0,3
    c = 3 · 108 m/s
    mH = entre 1,0075 et 1,0080 unité de masse atomique (en fonction des publications de l'époque)
    mHe = entre 4,002 et 4,00248 unités de masse atomique (en fonction des publications de l'époque)

    Une personne plus compétente que moi pourrait-elle m'expliquer comment Paul Ledoux a calculé ?

    Cordialement.

    -----
    Dernière modification par Geb ; 21/03/2022 à 08h01.

  2. #2
    Deedee81

    Re : Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)

    Salut,

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    Une personne plus compétente que moi pourrait-elle m'expliquer comment Paul Ledoux a calculé ?
    Je doute de savoir répondre mais je pense qu'il faudrait d'abord préciser la question. Est-ce que tu veux savoir :
    - Comment il a obtenu la formule pas 9 (il me semble qu'il faut juste lire ce qui précède) ?
    - Ou les valeurs numériques qu'il a utilisé ? Et si oui, quel résultat as-tu obtenu avec les valeurs ci-dessus ?
    "Il ne suffit pas d'être persécuté pour être Galilée, encore faut-il avoir raison." (Gould)

  3. #3
    Geb

    Re : Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)

    Citation Envoyé par Deedee81 Voir le message
    Je doute de savoir répondre mais je pense qu'il faudrait d'abord préciser la question. Est-ce que tu veux savoir :
    - Comment il a obtenu la formule pas 9 (il me semble qu'il faut juste lire ce qui précède) ?
    - Ou les valeurs numériques qu'il a utilisé ? Et si oui, quel résultat as-tu obtenu avec les valeurs ci-dessus ?
    Effectivement, je n'étais pas très clair sur ce point.

    Dans cette publication, c'est pas vraiment l'âge du Soleil d'ailleurs, c'est plutôt le temps qu'il lui reste sur la séquence principale, mais dans une publication ultérieure intitulée "Contributions à l'étude de la structure interne des étoiles et de leur stabilité" (1949), il se sert de ce résultat pour calculer l'âge du Soleil.

    Si je comprends bien l’idée, on a l’équivalent de 4,65 % (0,155 · 0,3) de la masse du Soleil qui correspond à ce qui doit encore fusionner avant que le Soleil ne quitte la séquence principale.

    Ce qui m'intéresse surtout c'est comment il arrive à 4,65 %. Il ne suffit pas de lire ce qui précède, il faut aussi le comprendre

    Sinon, en utilisant les valeurs suivantes :

    (2 · 1030 / 3,86 · 1026) · (0,155) · (0,56 – 0,26) · ((4,032 / 4,00248) – 1) · (3 · 108

    J'arrive bien à ~5,068 milliards d'années (avec une année astronomique moyenne de 31556925 secondes).

    Cordialement.
    Dernière modification par Geb ; 21/03/2022 à 10h29.

  4. #4
    Calvert

    Re : Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)

    Salut,

    ça dépend un peu du niveau de compréhension que tu veux atteindre... Tout le début de l'article élabore un modèle stellaire (simple, dans le sens avec beaucoup d'hypothèse simplificatrice, pas simple à comprendre) basé sur un polytrope. Il résout ensuite les équations différentielles trouvées pour certaines valeurs caractéristiques (les solutions du tableau 2).

    Ensuite, en partant de grandeurs supposées connues pour le Soleil, il calcule la valeur de log(Q), qu'il utilise pour chercher dans le tableau 2 les valeurs adaptées pour son modèle (en interpolant pour avoir une valeur plus précise). Il obtient ainsi les grandeurs dont tu parles au début du premier post de ce fil.

    Pour être plus complet, il faudrait redériver tout le papier ligne par ligne (et probablement se farcir un peu de Chandrasekhar auparavant).

    Une chose surprenante, c'est qu'il trouve des estimations assez correctes avec des valeurs assez fausses pour le Soleil. En particulier, la valeur d'hydrogène dans l'enveloppe est plus proche de 0.75 que de 0.56, et la valeur centrale actuelle est plutôt autour de 0.33 que de 0.26. Il serait intéressant d'utiliser des valeurs "modernes" pour refaire ses calculs, mais c'est sûrement assez pénible.

  5. A voir en vidéo sur Futura
  6. #5
    Geb

    Re : Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)

    Merci Calvert,

    Oui, un modèle simple, c'est ce que je cherchais. C'est la raison pour laquelle j'ai cherché dans les modèles les plus anciens à parler de "milliards d'années". D'ailleurs, je suis content d'apprendre qu'il obtient des estimations correctes avec des valeurs inadéquates. Vu que je ne comprenais rien à la méthode, je n'avais pas encore pris le temps de le comparer aux valeurs modernes.

    Mon interrogation est partie d'une autre discussion (à laquelle tu pourrais sans doute contribuer Calvert) :

    Mort du Soleil (et de la Terre)

    De là, je me suis demandé comment calculer la durée de vie qu'il reste au Soleil sur la séquence principale, ainsi que le premier astronome à avoir proposé une valeur "moderne" de plus ou moins 5 milliards d'années. C'est là que je suis tombé sur ce papier de Ledoux (1948). Aussi, en cherchant le plus ancien à citer la valeur de 5 milliards d'années avec Google scholar, j'ai trouvé quelques détails sur les points d'incertitude sur la méthode (de Ledoux toujours) pour calculer l'âge du Soleil :

    - The Formation of the Planets (Kuiper, 1956)

    The age of the sun cannot at present be accurately determined. Ledoux (1949) computed the value 5 x 109 years; but the adopted model was found subsequently to require revision; an appreciable outer convection zone appears to be present while there is still uncertainty about the presence of a convective core (Strömgren, 1953). For these and other reasons it is at present unsafe to estimate the age of the sun directly (Strömgren, 1955).
    Va falloir que je traduise le message de Calvert maintenant

    Cordialement.
    Dernière modification par Geb ; 21/03/2022 à 11h39.

  7. #6
    Geb

    Re : Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)

    Citation Envoyé par Calvert Voir le message
    Une chose surprenante, c'est qu'il trouve des estimations assez correctes avec des valeurs assez fausses pour le Soleil. En particulier, la valeur d'hydrogène dans l'enveloppe est plus proche de 0.75 que de 0.56, et la valeur centrale actuelle est plutôt autour de 0.33 que de 0.26. Il serait intéressant d'utiliser des valeurs "modernes" pour refaire ses calculs, mais c'est sûrement assez pénible.
    L’idée c’est de construire un modèle dans lequel l’hélium est beaucoup plus abondant dans le noyau convectif (Yi = 70 % en poids) que dans l'enveloppe radiative (Ye = 40 % en poids).

    Apparemment, pour une raison que j’ignore (peut-être que l'un d'entre vous à une idée du pourquoi ?), Paul Ledoux emprunte ces valeurs non pas aux études sur le Soleil, mais à celles concernant l’étoile massive Tau du Scorpion, notamment la seconde partie d’un papier en trois parties, publié en 1942 par l’astrophysicien allemand Albrecht Unsöld (1905-1995) :

    - Quantitative Analyse des BO-Sternes τ Scorpii – II. Teil (Unsöld, 1942)

    Enfin, en référence [6] (citée page 3), Ledoux cite aussi un travail publié en 1946 par l’astronome états-unien Lawrence Aller (1913-2003), qui n’est malheureusement pas disponible en ligne.

    Dans [1], les propriétés de ces modèles ont été étudiées pour le cas où l’abondance de l’hélium est négligeable. Cependant, l’interprétation du spectre de τ Scorpii conduisit Unsöld [6] à des abondances en poids de l’hydrogène et de l’hélium égales respectivement à 0,56 et à 0,41 et depuis, cette grande abondance de l’hélium dans les atmosphères d’étoiles a été confirmée dans différents cas.
    En fait, pour donner une idée de mon absence profonde de compréhension, il me semble que finalement, l’équation en page 9 citée au premier message de cette discussion sert bien, comme Paul Ledoux l’affirme dans le résumé au début de la publication, à calculer l’âge du Soleil et non pas la durée qu’il lui reste sur la séquence principale. Ci-après, un extrait du résumé :

    Si on suppose que la composition chimique initiale du Soleil était uniforme et identique à celle de l’enveloppe, on trouve que le temps nécessaire pour créer la différence de composition actuelle est de l’ordre de 5·109 années, ce qui est du même ordre de grandeur que les autres estimations de l’âge du Soleil.
    La supposition de Paul Ledoux étant donc qu’à l’origine (est-ce justifié ?), la concentration d’hélium dans le noyau convectif était équivalente à celle dans l’enveloppe radiative aujourd’hui (voir dans la publi en page 9) :

    […] puisque la matière du noyau convectif et celle de l’enveloppe radiative ne se mélangent pas, et que seule la première est affectée par les réactions nucléaires, la différence de composition entre elles doit être reliée à l’âge du Soleil.
    Ensuite, il s’intéresse à "la masse totale d’hydrogène qui a été transformée en hélium […] si la composition initiale était uniforme" et on en arrive enfin à l’équation 25 en page 9.

    Donc, il s’agit bien d'une estimation de l’âge du Soleil en fin de compte.

    Cordialement.

  8. #7
    Geb

    Re : Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)

    Bon, apparemment, les premiers papiers qui répondent à toutes les objections de Gerard Kuiper (1905-1973) citées au message #5 de cette discussion s’organisent autour de l’astrophysicien états-unien Martin Schwarzchild (1912-1997) à l’Université de Princeton.

    Entre 1952 et 1957, son équipe a publié une série de 6 papiers intitulé "Inhomogeneous Stellar Models", chacun se concentrant sur des détails particuliers :

    - Inhomogeneous Stellar Models. I. Models with a Convective Core and a Discontinuity in the Chemical Composition (Oke & Schwarzschild, 1952)

    - Inhomogeneous Stellar Models II: Models with Exhausted Cores in Gravitational Contraction (Sandage & Schwarzschild, 1952)

    - Inhomogeneous Stellar Models. III. Models with Partially Degenerate Isothermal Cores (Schwarzschild, Rabinowitz & Härm, 1953)

    - Inhomogeneous Stellar Models. IV. Models with Continuously Varying Chemical Composition (Härm & Schwarzschild, 1955)

    - Inhomogeneous Stellar Models. V. A Solar Model with Convective Envelope and Inhomogeneous Interior (Schwarzschild, Howard & Härm, 1957)

    - Inhomogeneous Stellar Models. VI. an Improved Solar Model with the Carbon Cycle Included (Weymann, 1957)

    Je sais que le 5e papier de la liste ci-dessus est particulièrement célèbre parce qu’il prend en compte l’augmentation progressive de température au sein du cœur de notre étoile et signe donc l’acte de naissance du paradoxe dit "du jeune soleil faible" ("faint young sun paradox").

    Cela dit, je ne veux pas minimiser l’importance du travail de Paul Ledoux pour autant, puisque, même si c’est sur des données erronées, il semble être le premier à proposer un âge de ~5 milliards d’années avant même l’estimation de l’âge de la météorite parente du Meteor Crater publiée en 1955 par Clair Patterson (1922-1995).

    C’est peut-être donc en 1957 qu’on obtient pour la première fois une estimation correcte de l’âge du Soleil avec un modèle plus ou moins adéquat ? Faudra que je (re)lise attentivement ces publications pour voir si et quand on cite les fameux 4,5 ou 5 milliards d'années.

    Cela dit, ma question principale demeure. Si tout ce dont on a besoin pour estimer in situ, en quelque sorte, l'âge du Soleil, c'est la masse du noyau convectif (ms), l'abondance en poids de l'hydrogène dans l'enveloppe extérieure (Xe) et l'abondance en poids de l’hydrogène dans le noyau convectif (Xi), j'aimerais beaucoup apprendre comment sont mesurées/estimées ces valeurs, pour savoir si elles-mêmes sont basées sur des estimations d'autres facteurs...

    Cordialement.

  9. #8
    Calvert

    Re : Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)

    Citation Envoyé par Geb
    Cela dit, ma question principale demeure. Si tout ce dont on a besoin pour estimer in situ, en quelque sorte, l'âge du Soleil, c'est la masse du noyau convectif (ms), l'abondance en poids de l'hydrogène dans l'enveloppe extérieure (Xe) et l'abondance en poids de l’hydrogène dans le noyau convectif (Xi), j'aimerais beaucoup apprendre comment sont mesurées/estimées ces valeurs, pour savoir si elles-mêmes sont basées sur des estimations d'autres facteurs...
    Ledoux part d'un modèle polytropique (en fait, deux modèles de polytropes collés les uns sur les autres : un convectif pour le coeur, et un radiatif pour l'enveloppe). Il part des hypothèses suivantes :
    - la composition de l'enveloppe est connue, et c'est la composition initiale de l'étoile également (le Soleil au temps t=0 est homogpne) ;
    - la composition du coeur est obtenue en substituant de l'hélium à de l'hydrogène à la composition de l'enveloppe.

    La variation de composition chimique entre le coeur et l'enveloppe est représentée par le rapport mu_i/mu_e des poids moléculaires dans le coeur et dans l'enveloppe : 1 pour une étoile homogène, et qui augmente à mesure que l'hélium augmente et l'hydrogène diminue.

    La valeur de mu_i/mu_e étant donnée, cela permet à Ledoux de calculer numériquement un modèle correspondant, et pour lequel il impose la masse, la température centrale, la composition chimique de l'enveloppe et une valeur de référence pour les opacités. Ces valeurs devaient être typiques (au moins pour l'époque).

    Les résultats pour chaque caleur de mu_i/mu_e sont donnés dans le tableau 2. En particulier, à chaque valeur de mu_i/mu_e correspond une valeur du paramètre Q dont l'expression est donnée (relation 19).

    Ensuite, il estime cette valeur de Q pour le Soleil (ce paramètre ne dépend que de grandeurs mesurables à la surface du Soleil, et des constantes physiques). Il obtient la valeur de 3.2408 (je n'ai pas vérifié). Partant de cette valeur (et en faisant une interpolation entre les données des lignes 3 et 4 de son tableau), il obtient les valeurs dont il a besoin pour la suite :

    - à partir du mu_i/mu_e correspondant, il reconstruit les valeurs de X_i et Y_i pour le coeur du Soleil ;
    - et m_s la masse du coeur.

    Valeurs qu'il utilise ensuite dans la relation qui t'intéresse, qui donne le temps écoulé entre la naissance du Soleil et le modèle qu'il obtient pour le Soleil actuel.


    Quelques remarques :
    - je répète ma remarque précédente concernant la composition de la surface du Soleil, qui est incorrecte.
    - le modèle de Ledoux est construit comme un coeur convectif surmonté d'une enveloppe radiative, et on sait aujourd'hui que dans le cas du Soleil, c'est le contraire.

    Du coup, je suis étonné que la valeur obtenue soit aussi bonne. Je pense que les résultats de Schwarzschild de 1957 sont plus conformes à ce que l'on sait du Soleil aujourd'hui.

    Voilà, j'espère que ça aide un peu.

  10. #9
    mach3
    Modérateur

    Re : Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)

    Il semble que le niveau de la discussion justifie de la déplacer en section "Astrophysiciens, physiciens et étudiants avancés". Qu'en pensent les participants ?

    mach3, pour la modération
    Never feed the troll after midnight!

  11. #10
    Geb

    Re : Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)

    Bonjour,

    Citation Envoyé par Calvert Voir le message
    Quelques remarques :
    - je répète ma remarque précédente concernant la composition de la surface du Soleil, qui est incorrecte.
    Je me demande s'il n'a pas pris les valeurs pour l'étoile massive Tau Scorpii tout simplement parce que c'était une des premières mesures in situ ? Est-ce possible/vraisemblable historiquement ? Je viens de jeter un oeil aux travaux de Bengt Strömgren (1908-1987) qui dès les années 1930 proposait déjà des valeurs de 70% d'hydrogène et 27% d'hélium pour l'enveloppe extérieure du Soleil, donc je suis aussi perplexe que toi sur la justification des valeurs utilisées par Ledoux. Mais il y a peut-être eu une longue controverse jusqu'à ce que les valeurs proposées par Strömgren soient finalement acceptées ?

    Citation Envoyé par Calvert Voir le message
    - le modèle de Ledoux est construit comme un coeur convectif surmonté d'une enveloppe radiative, et on sait aujourd'hui que dans le cas du Soleil, c'est le contraire.
    Oui, on voit ça dans les remarques de Kuiper (1956).

    Citation Envoyé par Calvert Voir le message
    Du coup, je suis étonné que la valeur obtenue soit aussi bonne. Je pense que les résultats de Schwarzschild de 1957 sont plus conformes à ce que l'on sait du Soleil aujourd'hui.
    Je vois dans le titre de la 5e publication de la série qu'il y a bien une enveloppe extérieure convective. J'observe par ailleurs que l'équipe de Schwarzschild était sans doute une des premières à utiliser un ordinateur pour travailler sur leurs modèles.

    Citation Envoyé par Calvert Voir le message
    Voilà, j'espère que ça aide un peu.
    Oui, merci. Faudrait que j'essaye de voir un peu d'où sort cette notion d' "opacité" historiquement et comment elle est calculée. Le modèle de Schwarzschild et collaborateurs semble plus compliqué à suivre encore que celui de Ledoux, mais tout les détails que tu apportes m'aide à comprendre l'amélioration des modèles jusqu'en 1957.

    Citation Envoyé par mach3 Voir le message
    Il semble que le niveau de la discussion justifie de la déplacer en section "Astrophysiciens, physiciens et étudiants avancés". Qu'en pensent les participants ?
    Je ne sais même pas comment résoudre une équation différentielle, donc je ne correspondait pas à la description d' "étudiants avancés". C'est la raison pour laquelle je n'ai pas osé poster ma question là. Mais manifestement tu considères que c'est plus approprié de déplacer la discussion dans cette section. Je n'ai évidemment pas d'objections.

    Cordialement.
    Dernière modification par Geb ; 24/03/2022 à 09h34.

  12. #11
    mach3
    Modérateur

    Re : Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    Je ne sais même pas comment résoudre une équation différentielle, donc je ne correspondait pas à la description d' "étudiants avancés". C'est la raison pour laquelle je n'ai pas osé poster ma question là. Mais manifestement tu considères que c'est plus approprié de déplacer la discussion dans cette section. Je n'ai évidemment pas d'objections.
    Etant donné qu'il s'agit de décorticages de publications scientifiques en mode sérieux et sans polémique, je prends sur moi de déplacer en section avancée. La discussion devient trop longue pour la section pédagogique et est de bien trop bonne qualité pour aller en section discussions libres.

    mach3, pour la modération


    PS : continuez, c'est super intéressant
    Never feed the troll after midnight!

  13. #12
    Calvert

    Re : Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)

    Citation Envoyé par Geb
    Je me demande s'il n'a pas pris les valeurs pour l'étoile massive Tau Scorpii tout simplement parce que c'était une des premières mesures in situ ? Est-ce possible/vraisemblable historiquement ?
    C'est ce qu'il fait. De ce que je vois rapidement, Tau Sco est une étoile massive (type spectral B). On s'est rendu compte plus tard (années 60-70) qu'on ne pouvait pas analyser le spectre de ces étoiles avec les méthodes simples utilisées précédemment (notamment à cause de la structure compliquée de l'ionisation de l'atmosphère, et de la turbulence). Ce qui explique qu'elle soit assez fausse (et a été corrigée par la suite). Mais alors pourquoi Ledoux utilise ces valeurs-là...

    Citation Envoyé par Geb
    Oui, merci. Faudrait que j'essaye de voir un peu d'où sort cette notion d' "opacité" historiquement et comment elle est calculée.
    L'opacité mesure la transparence du plasma, et est nécessaire pour calculer comment l'énergie radiative se propage à travers l'étoile. C'est difficile à calculer (et les valeurs "modernes" souffrent encore de problèmes) : cela dépend de la structure électronique des atomes, et pour calculer une opacité, il faut, pour chaque longueur d'onde, calculer comment les photons sont absorbés/réémis, pour un mélange chimique donné, puis faire une somme de tout ça sur toutes les longueurs d'onde, pour obtenir une opacité moyenne (on parle d'opacité de Rossland). Le milieu stellaire étant assez éloigné de ce qu'on peut obtenir en laboratoire, ces calculs reposent sur des modèles pas toujours vérifiables expérimentalement. Les gros progrès concernant les opacités ont été surtout dû aux travaux sur les explosions d'armes atomiques (le laboratoire de Los Alamos est toujours à la pointe dans le calcul des opacités).

    Par le passé, on utilisait des sortes de "fit" généraux du genre de celui proposé par Ledoux (relation 2).

    Citation Envoyé par Geb
    Le modèle de Schwarzschild et collaborateurs semble plus compliqué à suivre encore que celui de Ledoux, mais tout les détails que tu apportes m'aide à comprendre l'amélioration des modèles jusqu'en 1957.
    Jusqu'au début des années 50, évidemment pas d'ordinateurs pour s'attaquer à ces problèmes. C'est pourquoi on simplifiait autant que possible les équations pour les rendre attaquables à la main (les modèles polytropiques sont un excellent exemple : Eddington et Chandrasekhar ont fait pratiquement tous leurs travaux sur cette base). Dès que les ordinateurs ont été disponibles, on a pu progressivement re-complexifier les modèles peu à peu : opacités plus complexes, réseaux nucléaires, transport d'énergie radiatif et convectif, etc. A noter que malgré les progrès faits depuis, les modèles stellaires actuels sont toujours unidimensionnels.

  14. #13
    JPL
    Responsable des forums

    Re : Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)

    Citation Envoyé par Calvert Voir le message
    Je pense que les résultats de Schwarzschild de 1957 sont plus conformes à ce que l'on sait du Soleil aujourd'hui.
    Cela fait bizarre, vu qu’il est mort en 1916.
    Rien ne sert de penser, il faut réfléchir avant - Pierre Dac

  15. #14
    Geb

    Re : Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)

    Citation Envoyé par JPL Voir le message
    Cela fait bizarre, vu qu’il est mort en 1916.
    Il ne s'agit pas de Karl, mais de son fils Martin.

    Cordialement.

  16. #15
    mach3
    Modérateur

    Re : Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    Il ne s'agit pas de Karl, mais de son fils Martin.
    Wow... hors-sujet, mais sacré famille

    m@ch3
    Never feed the troll after midnight!

  17. #16
    JPL
    Responsable des forums

    Re : Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)

    J’ignorais qu’il avait un fils dans la même branche. Merci.
    Rien ne sert de penser, il faut réfléchir avant - Pierre Dac

  18. #17
    Geb

    Re : Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)

    Bonjour,

    Je viens de lire une des premières publications à citer le papier de Schwarzschild et collaborateurs de janvier 1957 pour voir ce que les contemporains en pensaient à l'époque et je suis tomber sur ce papier, publié en avril 1959 :

    - Main-Sequence Stars (Haselgrove & Hoyle, 1959)

    Il y a plusieurs infos intéressantes dans ce papier. Tout d'abord, il faut noter que Schwarzschild et collaborateurs estiment la luminosité solaire à t0 à ~0,5 magnitude de moins qu'aujourd'hui (soit 41,51 % de la luminosité actuelle).

    Or, dans ce papier d'avril 1959 donc, Colin Brian Haselgrove (1926-1964) et Fred Hoyle (1915-2001) estiment l'âge du Soleil à environ 5,2 milliards d'années et pour une luminosité actuelle de 3,78 · 1026 W calculent une luminosité à t0 de 2,62 · 1026 W, soit 69,31 % de la luminosité actuelle (ce qui semble plus cohérent avec les données modernes).

    C'est à se demander si la différence s'explique uniquement grâce à B²FH, ou s'il y a quelque chose de fondamentalement nouveau dans leur modèle par rapport à celui de Schwarzschild et al., au-delà d'une meilleure compréhension de la nucléosynthèse stellaire.

    Mais c'est manifestement là aussi un objet de controverses sur plusieurs décennies puisqu'en 1972, Sagan & Mullen choisissent 40 ± 10% comme différence de luminosité entre le Soleil actuel et le Soleil à t0 (voir leur petite discussion en référence 6).

    Pourquoi la différence de 30% semble-t-elle si largement acceptée aujourd'hui ?

    Cordialement.
    Dernière modification par Geb ; 25/03/2022 à 10h42.

  19. #18
    Geb

    Re : Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)

    Bonsoir,

    Citation Envoyé par Geb Voir le message
    Pourquoi la différence de 30% semble-t-elle si largement acceptée aujourd'hui ?
    Bon, apparemment, ça n'a pas l'air d'être une question scientifique tellement essentielle actuellement, au moins depuis la découverte de l'oscillation des neutrinos à la fin des années 1990.

    Je sais qu'aujourd'hui le proxy le plus utilisé ce n'est plus tellement le Soleil, mais l'âge des inclusions riches en calcium et en aluminium (Connelly et al., 2012) mais j'aurais imaginé qu'elle eût été intéressante dans le vieux débat sur l'âge du Soleil.

    La publication la plus souvent reprise à ma connaissance, pour les calculs les plus récents de "zone habitable" a été publiée il y a plus de 20 ans :

    - Solar Models: Current Epoch and Time Dependences, Neutrinos, and Helioseismological Properties (Bahcall et al., 2001)

    John Norris Bahcall (1934-2005) et collaborateurs y calculent une luminosité à l'âge zéro de la séquence principale ("zero-age main sequence" ou ZAMS) de 67,7% de la luminosité actuelle.

    Pour le reste, l'étude de l'évolution du Soleil est un domaine de recherche assez dynamique, avec une abondance des éléments qui a été mise à jour en 2005 :

    - New Light on Stellar Abundance Analyses: Departures from LTE and Homogeneity (Asplund, 2005)

    Et, comme l'avait mentionné Calvert en ce qui concerne l'opacité, des contributions importantes des laboratoires de Los Alamos, mais aussi des laboratoires Sandia et du Lawrence Livermore National Laboratory :

    - A higher-than-predicted measurement of iron opacity at solar interior temperatures (Bailey et al., 2015)

    - Systematic Study of L-Shell Opacity at Stellar Interior Temperatures (Nagayama et al., 2019)

    Pour l'instant, je ne comprends pas grand-chose des enjeux traités dans les publications ci-dessus, mais je ne désespère pas.

    Cordialement.

  20. #19
    Calvert

    Re : Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)

    Je sais qu'aujourd'hui le proxy le plus utilisé ce n'est plus tellement le Soleil, mais l'âge des inclusions riches en calcium et en aluminium (Connelly et al., 2012) mais j'aurais imaginé qu'elle eût été intéressante dans le vieux débat sur l'âge du Soleil.
    En fait, aujourd'hui, l'âge du Soleil n'est pas une donnée de l'évolution stellaire, mais une contrainte. Les modèles solaires sont "construits" pour qu'une étoile de 1 masse solaire, après 4.53 milliards d'année, ait une luminosité de 1 Lsun et la bonne température effective. Ce n'est déjà pas complètement trivial.

    Concernant les abondances des éléments chimiques dans le Soleil, ça change encore assez régulièrement. Il y a eu plusieurs mises à jour depuis les travaux d'Asplund et al. Les taux de réactions nucléaires sont bien sûr importants, mais ils sont assez bien connus, au moins pour la fusion de H en He. C'est moins bon pour la suite, mais ce n'est pas important pour les modèles solaires. Les opacités sont toujours en chantier et changent aussi régulièrement. La complication ici est de simuler un plasma chaud avec des données atomiques de dizaines d'espèces chimiques, de centaines d'isotopes, des milliards de raies d'absorptions. C'est très lourd numériquement.

    La grande révolution des dernières décennies, c'est l'héliosismologie (et bien sûr, l'astérosismologie). On arrive maintenant à avoir des mesures assez précises :
    - de la localisation de la transition entre l'enveloppe convective et la zone radiative ;
    - de la manière dont se comporte la rotation du Soleil à différentes profondeurs.

    Et depuis qu'on a ces données, on se rend compte que les modèles les reproduisent assez mal. Pourquoi ? Mystère. Le problème de la zone convective est certainement lié au traitement très simplifié de la convection dans les modèles (en 1d, alors que la convection est un processus extrêmement 3d à cause de la turbulence), et aussi aux opacités. Le problème de la rotation interne, probablement parce qu'on ne comprend pas encore quels sont les processus à l'oeuvre dans le Soleil pour transporter le moment cinétique (champ magnétique, turbulence, ondes de gravités, etc.) C'est un domaine très actif, notamment parce que le Soleil est très bien observé et fournit beaucoup de contraintes. Depuis qu'on sait (un peu) le faire avec d'autres étoiles, on s'est rendu compte que le même genre de problèmes existent aussi dans les modèles pour d'autres gammes de masse.

    Du coup, l'évolution stellaire, aujourd'hui est bien comprise dans les grandes lignes (le Soleil va encore vivre quelques milliards d'années, les étoiles massives beaucoup moins, la luminosité solaire au début de sa vie était sûrement 2/3 de la luminosité actuelle, etc). Mais les détails sont encore largement incompris, et ça va encore prendre du temps avant que ça s'améliore.

    Et on n'a pas encore parlé des binaires...

  21. #20
    Geb

    Re : Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)

    Bonsoir,

    Tout d'abord, merci pour toutes ces précisions, ça m'encourage dans ce survol du domaine que j'entreprends, rapide et sommaire, mais néanmoins fascinant.

    Citation Envoyé par Calvert Voir le message
    En fait, aujourd'hui, l'âge du Soleil n'est pas une donnée de l'évolution stellaire, mais une contrainte. Les modèles solaires sont "construits" pour qu'une étoile de 1 masse solaire, après 4.53 milliards d'année, ait une luminosité de 1 Lsun et la bonne température effective. Ce n'est déjà pas complètement trivial.
    L'âge zéro choisit par Bahcall et al. (2001) est à –4,57 milliards d'années. Justement, par rapport à l'âge un peu différent que tu donnes (tu confirmeras plus tard), j'ai lu par ailleurs que les inclusions riches en carbone et en aluminium se formaient, selon toute vraisemblance, dans la partie du disque la plus proche de l'étoile lorsque la température descendait en dessous de 1300 K (voir par exemple Kita et al., 2013). Or, comment s'assurer que l'âge des CAIs ne corresponde pas à une période précédant la séquence principale ? J'imagine que les CAIs ce n'est plus vraiment ton domaine d'expertise, mais comment s'assurer que le Soleil commence bien sa séquence principale dès que les CAIs se forment ?

    Citation Envoyé par Calvert Voir le message
    Concernant les abondances des éléments chimiques dans le Soleil, ça change encore assez régulièrement. Il y a eu plusieurs mises à jour depuis les travaux d'Asplund et al. Les taux de réactions nucléaires sont bien sûr importants, mais ils sont assez bien connus, au moins pour la fusion de H en He. C'est moins bon pour la suite, mais ce n'est pas important pour les modèles solaires. Les opacités sont toujours en chantier et changent aussi régulièrement. La complication ici est de simuler un plasma chaud avec des données atomiques de dizaines d'espèces chimiques, de centaines d'isotopes, des milliards de raies d'absorptions. C'est très lourd numériquement.
    En essayant de trouver d'autres calculs de la luminosité solaire au début de la séquence principale, j'étais tombé sur un passage intéressant dans un bouquin qui retraçait un peu l'histoire de la compréhension de la nucléosynthèse stellaire, à propos du célèbre papier de Hans Bethe (1939) :

    - A Conversation with William A. Fowler – Part II (Greenberg, 2005)

    “I have to say that the major reason that Bethe went wrong in thinking that the carbon-nitrogen cycle powered the sun was because the astronomers told him that the sun was fourteen percent nitrogen by mass. Actually, it’s less than half a percent, we know now. So he had too much nitrogen there.”
    Dans mon esprit de novice, c'est quand même la preuve que, au moins au début, une connaissance plus fine de l'abondance des éléments dans le Soleil (j'imagine qu'on parle juste de la photosphère) a quand même eu une importance considérable (et peut-être encore aujourd'hui).

    Citation Envoyé par Calvert Voir le message
    La grande révolution des dernières décennies, c'est l'héliosismologie (et bien sûr, l'astérosismologie). On arrive maintenant à avoir des mesures assez précises :
    - de la localisation de la transition entre l'enveloppe convective et la zone radiative ;
    - de la manière dont se comporte la rotation du Soleil à différentes profondeurs.
    Oui, et du peu que j'en connais sur l'histoire de l'astérosismologie, la France n'a vraiment pas de quoi rougir dans le domaine. Certains pionniers du domaine sont des scientifiques français. Pour revenir sur la différence entre zone radiative et enveloppe convective. Dans le papier de Ledoux, il fait l'hypothèse que :

    - la partie intérieure échange peu ou pas de matière avec la partie extérieure,
    - la partie extérieure correspond plus ou moins à la composition initiale (du moins en ce qui concerne l'hydrogène et l'hélium) à l'origine.

    Est-ce que ce sont toujours des suppositions considérées comme "vraies" à l'heure actuelle ?

    Citation Envoyé par Calvert Voir le message
    Et depuis qu'on a ces données, on se rend compte que les modèles les reproduisent assez mal. Pourquoi ? Mystère. Le problème de la zone convective est certainement lié au traitement très simplifié de la convection dans les modèles (en 1d, alors que la convection est un processus extrêmement 3d à cause de la turbulence), et aussi aux opacités. Le problème de la rotation interne, probablement parce qu'on ne comprend pas encore quels sont les processus à l'oeuvre dans le Soleil pour transporter le moment cinétique (champ magnétique, turbulence, ondes de gravités, etc.) C'est un domaine très actif, notamment parce que le Soleil est très bien observé et fournit beaucoup de contraintes. Depuis qu'on sait (un peu) le faire avec d'autres étoiles, on s'est rendu compte que le même genre de problèmes existent aussi dans les modèles pour d'autres gammes de masse.
    Par curiosité, est-ce qu'il y a un (ou quelques) papier(s) d'héliosismologie ou d'astérosismologie qui t'as particulièrement impressionné ? J'aimerais savoir à quoi ça ressemble un papier bluffant dans le domaine.

    Citation Envoyé par Calvert Voir le message
    Du coup, l'évolution stellaire, aujourd'hui est bien comprise dans les grandes lignes (le Soleil va encore vivre quelques milliards d'années, les étoiles massives beaucoup moins, la luminosité solaire au début de sa vie était sûrement 2/3 de la luminosité actuelle, etc). Mais les détails sont encore largement incompris, et ça va encore prendre du temps avant que ça s'améliore.
    Le défi que je vois poindre dans beaucoup de sciences, c'est la difficulté de vulgariser les modèles actuels. Pour te donner un exemple, lorsque je cherchais les estimations de l'âge du Soleil, je suis tombé sur pas mal de bouquins de théologie créationiste, et ils font grand cas du fait qu'il n'y aurait "pas de manière directe de calculer l'âge du Soleil" (je ne préfère pas donner de références pour ne pas leur faire de la pub). De là, évidemment, il critique la datation radiométrique et essaye de nous faire avaler la "géologie du déluge". Bref, vaste sujet... Or, pour en revenir à notre sujet, cela me paraît pourtant relativement "simple" avec un modèle comme celui de Ledoux (au moins dans la formule utilisée, peut-être pas dans la manière qu'il obtient les facteurs qu'ils utilisent), mais avec les modèles récents est futur, un quidam comme moi, qui a trop vite oublié les maths de niveau lycée n'a pratiquement aucun espoir de comprendre les modèles et les calculs effectués.

    Citation Envoyé par Calvert Voir le message
    Et on n'a pas encore parlé des binaires...
    Heureusement (?), ce n'est pas le sujet de ce fil de discussion

    Cordialement.
    Dernière modification par Geb ; 29/03/2022 à 23h39.

  22. #21
    Calvert

    Re : Estimation de l'âge du Soleil selon Paul Ledoux (1948)

    Citation Envoyé par Geb
    L'âge zéro choisit par Bahcall et al. (2001) est à –4,57 milliards d'années. Justement, par rapport à l'âge un peu différent que tu donnes (tu confirmeras plus tard), j'ai lu par ailleurs que les inclusions riches en carbone et en aluminium se formaient, selon toute vraisemblance, dans la partie du disque la plus proche de l'étoile lorsque la température descendait en dessous de 1300 K (voir par exemple Kita et al., 2013). Or, comment s'assurer que l'âge des CAIs ne corresponde pas à une période précédant la séquence principale ? J'imagine que les CAIs ce n'est plus vraiment ton domaine d'expertise, mais comment s'assurer que le Soleil commence bien sa séquence principale dès que les CAIs se forment ?
    Pour la formation des CAI, Tawahi-Kiwi sera mieux placé que moi pour répondre. De manière générale, on estime que la durée de formation du système solaire est de quelques dizaines de millions d'années. Pour les modèles solaires, ça ne change rien de placer le t=0 à -4.57 ou -4.53 Gyr (on n'en est pas à ce niveau de précision, et de loin).

    Citation Envoyé par Geb
    Dans mon esprit de novice, c'est quand même la preuve que, au moins au début, une connaissance plus fine de l'abondance des éléments dans le Soleil (j'imagine qu'on parle juste de la photosphère) a quand même eu une importance considérable (et peut-être encore aujourd'hui).
    Oui, oui, c'est sûr que si on change l'abondance des métaux d'un ordre de grandeur, ça change les résultats. Mais ça n'arrivera plus : la métallicité solaire est établie autour de 1.5%. Ca risque de changer un peu, mais pas au point que ça modifie considérablement la luminosité initiale du Soleil. Au sujet de la composition solaire :

    Asplund et al. 2021
    Magg et al. 2022

    Citation Envoyé par Geb
    Oui, et du peu que j'en connais sur l'histoire de l'astérosismologie, la France n'a vraiment pas de quoi rougir dans le domaine.
    Aucunement, notamment à la suite de la mission Corot. Et ses successeurs ont amené un grand nombre de données (Kepler, notamment, qui a de mon point de vue plus contribué à la recherche en physique stellaire qu'en exoplanètes).

    Citation Envoyé par Geb
    Dans le papier de Ledoux, il fait l'hypothèse que :

    - la partie intérieure échange peu ou pas de matière avec la partie extérieure,
    - la partie extérieure correspond plus ou moins à la composition initiale (du moins en ce qui concerne l'hydrogène et l'hélium) à l'origine.

    Est-ce que ce sont toujours des suppositions considérées comme "vraies" à l'heure actuelle ?
    La première est vraisemblablement assez vraie, dans le sens où la composition chimique juste au-dessous de l'enveloppe convective est pratiquement similaire à celle de l'enveloppe elle-même. Il y a des échanges (mal compris) entre la zone convective et la zone radiative, mais peu importants ici pour la modélisation solaire (mais très importants dans le cadre d'autres types d'étoiles. On parle de "convective boundary mixing", et c'est aussi un sujet très actif en ce moment).
    La deuxième est vraie en première approximation, mais pas dans les détails : il y a des processus qui changent un peu cette composition chimique (triage gravitationnel, mélange rotationnel, mélange thermoaline, etc.) C'est pris en compte dans les modèles, de sorte que la composition actuelle observée soit bien reproduite.

    Citation Envoyé par Geb
    Par curiosité, est-ce qu'il y a un (ou quelques) papier(s) d'héliosismologie ou d'astérosismologie qui t'as particulièrement impressionné ? J'aimerais savoir à quoi ça ressemble un papier bluffant dans le domaine.
    Ce n'est pas mon domaine d'études, du coup je ne connais pas très bien la littérature. Un papier récent qui parle des différents problèmes rencontrés actuellement dans les modèles solaires :
    Buldgen et al. 2020


    Citation Envoyé par Geb
    Le défi que je vois poindre dans beaucoup de sciences, c'est la difficulté de vulgariser les modèles actuels. Pour te donner un exemple, lorsque je cherchais les estimations de l'âge du Soleil, je suis tombé sur pas mal de bouquins de théologie créationiste, et ils font grand cas du fait qu'il n'y aurait "pas de manière directe de calculer l'âge du Soleil"
    Je pense que les mesures directes sont des mesures géologiques sur Terre (et peut-être météoritiques), qui fournissent une grande précision concernant l'âge de la Terre. Pour le Soleil, il faut accepter l'idée que notre compréhension de la formation des étoiles et des systèmes stellaires est suffisamment établie pour assurer que la différence d'âge entre le Soleil et la Terre est petite.

    Citation Envoyé par Geb
    De là, évidemment, il critique la datation radiométrique et essaye de nous faire avaler la "géologie du déluge". Bref, vaste sujet...
    Du coup, ils critiqueraient certainement aussi la libération d'énergie par fusion nucléaire qui entrerait de toute manière dans un calcul même grossier de temps de vie d'une étoile. C'est un combat perdu d'avance...

    Citation Envoyé par Geb
    Or, pour en revenir à notre sujet, cela me paraît pourtant relativement "simple" avec un modèle comme celui de Ledoux (au moins dans la formule utilisée, peut-être pas dans la manière qu'il obtient les facteurs qu'ils utilisent), mais avec les modèles récents est futur, un quidam comme moi, qui a trop vite oublié les maths de niveau lycée n'a pratiquement aucun espoir de comprendre les modèles et les calculs effectués.
    Les mathématiques qu'on utilise habituellement en physique stellaire sont relativement simples. On est très loin de ce qui se pratique en physique théoriques, par exemple. La difficulté est plutôt dans la modélisation en 1d (et donc très simplifiée) de phénomènes complexes d'hydrodynamique, de telle sorte qu'on puisse les donner à manger à un ordinateur pour résoudre les équations et obtenir les réponses souhaitées. On est à l'interface de beaucoup de domaines de la physique (hydrodynamique, physique nucléaire, thermodynamique, mécanique), sur quoi s'ajoute des méthodes numériques parfois assez complexes.

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