Bonjour,
Est-il «légal» de dire qu’on voit la matière tomber dans un trou noir?
https://arxiv.org/pdf/1901.04732.pdf
Les habitués à consulter les pages du forum dédié à l’astrophysique devraient s’attendre à entendre des objections aux phrases identifiés en gras. En relativité générale, aucun observateur externe à un trou noir ne peut voir l’horizon proprement dit, et il n’est pas clair (ou formellement exclu, selon les avis) qu’un observateur interne puisse voir la singularité. Pourtant ces phrases font pleinement sens dans le contexte du discours de Rovelli.we have evidence of stellar-mass holes dancing around with a companion star, of gigantic holes at the center of galaxies pulling in spiraling disks of matter, and of black hole pairs merging emitting gravitational waves that have been detected. All of this is beautifully accounted for by Einstein’s century-old general relativity. Yet, on the other hand, they remain highly mysterious: we see matter falling into them , and we are in the dark about what happens to this matter when it reaches the center of the hole.
Dans ce discours Rovelli rappelle que les trous noirs, s’ils sont indistingables pour un observateur externe (à masse, rotation et charge égale), n’ont aucune raison de l’être pour un observateur interne. Il est donc parfaitement valide de parler de ‘voir tomber’ de la matière, puisqu’il existe des observateurs qui peuvent mesurer si cette matière est hors puis dans un trou noir. Pour sa part, Rovelli le rappelle afin de convaincre les physiciens réticents à accepter l’existence des trous blancs. Sa contribution est de montrer que, la transition entre trou noir et trou blanc, cela semble marcher en LQG. Il en tire argument que les singularités n’en sont pas vraiment (ou plutôt, que des effets quantiques les adoucissent par rapport à ce que la RG seule prévoirait), ce qui est équivalent à montrer que ‘atteindre le centre du trou noir’ devient une possibilité observable. Il pointe également qu’un trou blanc pourrait devenir un rémanent et possiblement contribuer à la matière sombre.
Personnellement j’aime cette idée qu’il n’y aurait pas de gros obstacle théorique à ce qu’un jour nous devenions capable d’imager (plutôt que de simplement imaginer…) la transition entre notre coté du trou blanc et l’autre bord qui est un trou noir. D’une part cela donne un caractère de testabilité potentiel à cette (famille de) théorie, et c’est très compatible avec une évolution unitaire pour les trous noirs donc avec la MQ. Cela met par ailleurs la table pour imaginer les parcours entre univers comme une marche quantique entre des trous noirs/blanc issus les uns des autres, avec des conséquences observables. Un exemple est qu’il devrait y avoir un nombre approximativement maximal dans la quantité de trou noirs compatibles avec la vie telle qu’on la connait (il existe un vieil argument qui prévoit la même chose, basé directement sur le fait que l’entropie des trou noirs domine le bilan entropique), ce qui est une autre piste pour expliquer la matière noire (c’est exclu pour les trous noirs trop gros ou trop petits, mais il reste un gap dans la gamme de masse possible -et c’est dans cette gamme qu’on a vu la première fusion de trou noirs). De façon amusante, cette possibilité est probablement plus proche du multivers des cordistes que de la vision de Rovelli lui-même.
Revenons à nos moutons. Cette discussion est-elle convaincante ou suffisante pour qu’un(e) intervenant(e) en astrophysique se doive de légaliser l’utilisation de termes tels que 'voir chuter dans un trou noir' ou 'atteindre la singularité'? Si non, quel serait un meilleur argument pour une levée de prohibition?
Merci
PS: possiblement intermittent pour 15 jours
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