Bonjour,
J’aimerais revenir à la question initiale postée par Boulet5 :
J'imagine que la plupart d'entre nous seront d'accord pour dire que la conscience humaine résulte de l'émergence des neurones et de leurs rapports entre eux.
Maintenant, un neurone pris individuellement n'a pas de conscience. L'ensemble des neurones d'un cerveau même ne leur donne pas de conscience; celle-ci émerge à un autre niveau.
Mais transposons maintenant les neurones aux humains, et donc logiquement, le cerveau à la société: peut-être que notre société est elle-même consciente! Pas de façon imagée mais réellement consciente! Cela peut paraître insensé mais c'est exactement pareil que pour les neurones d'un cerveau: aucun humain n'aurait conscience de cette "super-conscience sociale" mais elle-même aurait conscience d'elle...
Mais peut-être que c'est une idée connue et que beaucoup d'auteurs on en déjà parlé?!?
Qu'en pensez-vous?
J'ai lu, dans un numéro déjà ancien de La Recherche, que l'on avait pu localiser, chez l’homme, la zone cérébrale correspondant à la conscience. Par conscience, on entend ici le fait de savoir que l'on existe. Etre conscient de son existence n'empêche nullement de ne pas se rappeler son nom ou ceux des autres, pas plus que d’être handicapé de certaines fonctions cérébrales.
D’autres zones sont depuis un certain temps bien connues : le visuel, l’auditif, mémoires à différents termes, etc. Il sera intéressant, dans le futur, de voir si on retrouve une zone semblable (conscience) chez certains animaux, et les conclusions que l’on pourra en retirer.
Pour l’heure, ce qui me fascine est le fait que ma pensée, ma conscience, le fait que je pense que j’existe, trouve son origine dans l’organisation d’un (très gros) paquet de neurones, pas n’importe lesquels, mais ceux qui se trouvent dans un endroit précis de mon cerveau.
D’un autre côté, j’admets volontiers que les images se formes par le truchement de toute une machinerie englobant l’œil, le nerf optique, synapses, de nouveau des neurones spécialistes de la question. Il en va de même de tous nos autres sens. On ajoute à cela les neurones qui stockent la mémoire courte, moyenne ou longue, consciente ou inconsciente. Mon sentiment d’exister, ce que j’appelle, moi, conscience, prend en compte tout ou partie de ces informations.
Remarque : on peut perdre conscience, totalement, pendant un certain temps et même un temps très long (coma profond). On peut d’ailleurs la perdre définitivement : cas d’accident où la zone cérébrale de la conscience est endommagée (ce reconstruit-elle ?)
Ca, c’est pour l’aspect médical, humain.
Sur le plan pratique, on est bien obligé d’admettre que ce sont des organisations de neurones qui se chargent :
- de récolter l’information,
- de la traiter,
- de la transmettre à d’autres systèmes chargés d’établir des corrélations,
- de créer nos fameuses pensées.
pour ne parler que des grandes lignes.
Lorsqu’on veut comprendre le fonctionnement d’une horloge, il suffit, en principe, de la démonter et d’étudier le fonctionnement de chaque pièce. Du coup, on pourrait penser faire de même avec le cerveau. Et c’est ce que l’on fait. De zones de fonctionnement en sous zones, en nerfs, en synapses, en neurones et en tout ce qu’on voudra, on comprend tout le cheminement de l’information. Et même le comment de l’apprentissage.
Là où on ne comprend plus rien, c’est comment cette fameuse « pensée » peut se former, exister. Pensée par essence immatérielle et pourtant bien réelle.
Un (un seul) neurone est un élément logique. Ce truc reçoit des informations sous forme d’impulsions électriques, réagit en fonction de son conditionnement (sa programmation, pourrait-on dire), et retransmet sa ou ses réponses, toujours sous forme d’impulsions électriques, à d’autres neurones.
On pourrait, à ce stade, comparer ce neurone à un processeur ultra simplifié, n’ayant à sa disposition que quelques instructions simples. Avec une différence de taille : alors qu’un processeur fabriqué fera toujours la même chose suivant le programme implanté, le neurone, lui, modifiera son comportement, sa façon de réagir, suivant la réaction de son environnement (sous forme, encore une fois, d’impulsions électriques). C’est d’ailleurs ce dernier système qui permet à ce neurone « d’apprendre » ce qu’il doit faire.
A ce sujet, il est tout à fait envisageable de fabriquer, un jour, des neurones artificiels se comportant exactement de la même façon. Si l’on greffe une main artificielle, du moment qu’elle rempli son rôle convenablement, à savoir, exécuter les ordres donnés par le cerveau et, en sens inverse, transmettre à ce dernier les informations tactiles, il n’y a aucune raison pour que la personne greffée perçoive une quelconque différence. Les greffés du cœur ont-il l’impression de vivre sans cœur ? Il en va de même pour la greffe de n’importe organe artificiel (pour autant qu’elle soit bien faite).
En dehors de toutes considérations pratiques, pourquoi ce raisonnement ne serait-il pas valable en ce qui concerne les neurones ?
Ce qui importe à ce stade n’est pas la nature du support de l’opération logique effectuée par le neurone, mais l’opération en elle-même.
Et c’est bien là que le problème se pose : comment expliquer l’émergence de la conscience, de même que toute « pensée », à partir du comportement des neurones ?
Restant dans le simple constat des faits, il faut admettre plusieurs choses :
- Un homme sans neurone n’est pas un homme.
- Un homme dont les neurones ne fonctionnent pas n’est pas un homme pensant : cfr. Alzheimer, phase finale.
- Un homme dont les neurones n’ont pas encore appris à fonctionner n’est pas encore un homme pensant dans tous les sens du terme: cas du bébé qui vient de naître.
- Un homme dont une (grosse) partie des neurones ne fonctionne pas est un homme handicapé (mental). Cas grave : l’autiste.
- Un homme adulte, normal, n’utiliserait qu’un cinquième de son cerveau. Je rectifie : on « pense » qu’un homme n’utilise qu’un cinquième de son cerveau, parce que l’on ignore à quoi peut servir le reste…
- …
De tout cela il résulte un fait indéniable : la conscience, de même que toute pensée trouve son origine dans « l’activité » neuronique. Le fait que l’élément de base, le neurone, soit fait de carbone, d’hydrogène, d’oxygène et de quelques autres éléments, ou bien de silicium et autres composants entrant dans la composition des processeurs (dits artificiels) n’a rien à voir avec la chose. Ce qui importe est son comportement. Je dirais même, son comportement dynamique. Ce dernier point me fait penser à une remarque curieuse. La pensée ne peut exister que s’il y a une dynamique temporelle (neuronale). Si le temps devait s’arrêter, ou si les échanges neuroniques devaient s’interrompre pour une raison quelconque, il n’y aurait plus de pensée, ni de conscience. La pensée n’existe ainsi que lorsqu’il y a interaction des neurones. Et pour qu’il y ait interaction, il faut nécessairement un écoulement du temps.
J’ai dit, plus haut, que l’on avait localisé la zone cérébrale correspondant à la conscience. Cela pourrait vouloir dire que si cette zone est abîmée, rien n’empêcherait le reste du cerveau de fonctionner convenablement. Rien n’empêcherait nos cinq sens de fonctionner parfaitement, de transmettre les informations adéquates au cerveau, et de permettre à celui-ci d’en tirer profit et conclusions afin de remplir son rôle : penser. Ou créer des pensées.
J’en reviens à la case départ : la conscience n’est rien d’autre qu’une pensée particulière : celle qui consiste en la réalité de soi.
Et le problème demeure : comment comprendre qu’une organisation particulière d’un grand nombre d’éléments logiques (les neurones) peuvent « créer » la pensée ?
Car il faut bien l’admettre, les pensées existent. De plus, elles sont initiées par des neurones, dans le cas d’un cerveau humain.
Constat : si le nombre de neurones actifs diminue, la pensée se dégrade en pertinence, tout comme l’information disponible se rapportant aux souvenirs.
Autre chose, je me souviens parfaitement du visage de la première fille que j’ai connue (ça fait longtemps)… Par quel mécanisme logique (des neurones), suis-je capable de me « souvenir » de cette image ? Il y a là quelque chose de franchement extraordinaire !
Sans parler de la réflexion sur un quelconque sujet, ni des sentiments, amour, haine, peur, etc. Et d’une foule d’autres activités cérébrales.
Quelqu’un a dit qu’une molécule d’eau n’était ni solide, ni liquide, ni gazeuse. En effet, bien qu’une seule molécule puisse se trouvé dans des états énergétiques très différents, il est nécessaire d’en avoir un grand nombre pour former un morceau de glace, ou un liquide, ou un gaz, proprement dit. Si je reçois le contenu d’un verre d’eau sur la tête, je n’en mourrai certainement pas. Par contre, les victimes d’un tsunami considéreront le même élément liquide sous un tout autre aspect.
Où se trouve la différence ? La différence est que l’on n’a pas affaire au même objet : le contenu d’un verre d’eau n’est pas la même chose qu’un océan : ce sont deux choses différentes, bien que formées des mêmes éléments de base. Qui peut parler de marée, de lame de fond, de vague, de cyclone, dans un verre d’eau ?
Rassemblez un grand nombre d’objets identiques suivant un ordre particulier, et vous aurez créé un objet nouveau, avec ses caractéristiques et règles propres. On notera qu’il est pratiquement impossible, au seul vu du comportement individuel de l’élément d’en déduire le comportement de l’ensemble. Pour cela, on a recours à de ordinateurs hyper puissants simulant le comportement de millions, ou milliards d’objets réagissant ensemble.
Pour en revenir à nos moutons, ou plutôt à nos neurones, nous pouvons admettre que le comportement d’un grand ensemble de ceux-ci est très différent du neurone pris isolément. De toute façon, un neurone seul ne sert à rien puisque son rôle est de recevoir des informations, de les traiter et d’en renvoyer d’autres neurones.
La Science, c’est quoi ? C’est l’étude d’objets, dit vivants ou non, de leurs réactions, de leurs comportements. Personne ne met en doute le comportement du Soleil. Il émet toutes sortes de rayonnements, certains nocifs, d’autres nécessaires, du moins le croit-on. Comprendre comment cela se produit est une autre paire de manches ! On sait qu’il est constitué, entre autre, d’une grande quantité d’hydrogène et qu’il est le lieu de réactions nucléaires. Cela est nettement insuffisant pour tout comprendre. Mais peu importe, le résultat est là : il nous chauffe et il est indispensable à notre vie.
Pour ce qui nous occupe, si un grand nombre de neurones s’organisent convenablement, la pensée est générée. Cela est indéniable.
Ce qui est encore plus difficile à saisir, est le fait que notre « pensée » n’est pas unique. Lorsque je suis en train d’écrire ceci, je pense à ce que j’écris, je lis ce que j’écris, j’essaie, autant que possible, d’en vérifier l’orthographe, je pense aussi à regarder l’heure, de même à ce que je ne dois pas oublier de rapporter pour le dîner. Tout cela en même temps, de même qu’une foule d’autres choses dont mon cerveau s’occupe pour me maintenir en relativement bonne santé. Ce faisant, j’en oublie presque ma « conscience ». Je ne passe pas mon temps à penser que j’existe, du moins pas … consciemment.
Une remarque : Boulet5, le 16/6, a signalé une classification entre matière inerte et vivante, à des degrés variables. Si un caillou peut nous sembler inerte, je crois que cela ne vient que du temps mis pour son évolution : quelques milliers, voire des millions d’années. Lorsqu’on regarde l’évolution géologique de la Terre, et que l’on comprime le temps pour le mettre à notre portée, on est très loin d’une quelconque inertie. Autre remarque, sans cette, très lente, évolution, l’homme ne serait pas ce qu’il est. D’ailleurs, un caillou est formé d’atomes. Et il n’y a rien de plus vivant qu’un atome…
FransVing
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