En effet, j'ai été très vague sur ce coup. C'était directement en rapport à la préoccupation du premier message de cette discussion.En tant que mathématicien je n'ai jamais rencontré ce type de problème, mais je ne suis pas certain de bien comprendre, aurais-tu un exemple ?
Je voulais dire par là que les sciences peuvent naître de sentiments "irrationnels" ou "mystiques", de préoccupations qui n'ont en soi rien de "scientifique". Mais cela n'empeche pas ces énoncés d'être scientifiquement valide. Des questions a priori abstraites pouvant trouver leur réalisation dans des recherches scientifiques concrètes. Il semble notamment que ce soit le cas de Gödel. Mais également Leibniz, Faraday, Einstein (pour citer quelques grands noms). L'histoire scolaire des sciences (en tout cas celle qu'on m'avait présenté au Lycée) nous montre ces scientifiques désincarnés racontés dans des hagiographies totalement lisses, décontextualisées, limitées à des suites d'événements marquant les contre-points de l'histoire. C'est bien dommage car cela renvoie une image faussement orthodoxe des sciences.
Ce que je remet en question est une certaine caricature du "scientifique normal" dont l'ombre couvre implicitement la question posée en début de ce fil. On peut croire aux fantômes et être un grand physicien, on peut être curé et généticien, névrosé et psychologue, sujet à des illuminations paranoiaques et grand logicien... Bref, la vérité scientifique n'est pas qu'une affaire d'ethos et la "rationalité scientifique" ne s'actualise que dans la pratique qui la met en oeuvre. Les sciences se construisent au cas par cas.
Mais ce serait aussi mentir si l'on disait quel'ethos ne joue aucun rôle. Un plombier inconnu qui découvrirait une théorie du tout serait perçu a priori comme un Don Quichotte grotesque. En effet, pour intéresser la communauté, pour être "publiable", il faut un titre. Peut-être est-ce la grande nouveauté de ces deux derniers siècles : la professionnalisation de la recherche. Celle-ci menant nécessairement, en plus d'une augmentation sans précédent des découvertes, à des discriminations par statuts. C'est là une problématique éthique qui doit se poser de l'intérieur même du champ épistémologique.
Cordialement.
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