1) Le 3.333 se rapporte au paradoxe de Russell : "soit l'ensemble A de toute les ensembles ne se contenant pas eux-même. L'ensemble A se contient-il lui même?" et qui montrait qu'on ne pouvait réduire toute la logique (et les mathématiques) à un principe unique, étant donné qu'on peut à tout moment créer, dans ce même langage logique, un énoncé indécidable (içi, il est nécessaire à la fois que A se contient et ne se contient pas). Pour tenter de sortir du paradoxe, Russell développe la théorie des types, qui pose le problème sous forme de fonctions...Je connais brièvement le tractatus (en fait je bloque à la 3.333, si qqn pouvait m'expliquer comment comprendre la derniere equation se serait appréciable), et peut etre tires-tu ce mot intentionnalité de la notion de "vouloir" développée par wittgenstein (mais encore la, je parle dans le vague).
En effet je ne comprend pas ou tu veux en venir avec cette intentionnalité dont tu parles. Dans
"Je mange des pâtes" où réside-t-elle ?
Witt. reprend le problème (j'utiliserai des couleurs pour clarifier le propos): soit F(fx) qui est son propre argument. Or, si cette fonction est son propre argument, alors il existe une proposition F(F(fx)), qui implique que F et F ont un sens différent et qui contredit le fait que F(fx) est son propre argument. Ce qui est commun aux deux est la lettre "F" qui connote seulement que il y a un "F" qui peut signifier autre chose que "F", mais qui ne dénote rien par lui-même étant donné qu'il a un sens différent en F et F.
Et Wittgenstein de donner une réponse (à la façon de Spinoza). Il y a dans l'énoncé F(F(fx)) une équivoque liée au fait que sa compréhension nécessité un "métalangage" pour le clarifier. Sur un plan formel, ce paradoxe est alors soulevé si au lieu de cette seule forme F(F(fx)) nous remplaçons "F(fx)" par "φ(fx) "et remplaçons également "fx" par "u".
Ce qui donnerai donc, une fois la proposition clarifiée par un énoncé supplémentaire, "(∃φ): F(φu) . φu = Fu".
L'autre problème logique que cela pose étant bien sur que l'usage d'un énoncé supplémentaire (de clarification) implique ici un "acte volontaire" (ou "intentionnel" pour les phénoménologues) et qui soulève des difficultés quand aux fondements philosophiques du "projet logiciste" qui visait justement à une réduction logique qui puisse faire abstraction de toute pragmatique (de tout acte posé par un sujet)...
2) Dans un cadre strictement linguistique, il est plus intéressant de rapporter le Tractatus aux Recherches Philosophiques (appelé aussi Investigations philosophiques), dans lequel Wittgenstein revient sur quelques erreurs qu'il a commis dans le Tractatus ainsi que sur des incompréhensions dont il fut victime... Notamment le fait que dans le Tractatus, Witt. posait la question de la "volonté" dans un cadre strictement "analytique". Or, il se rendra compte que cette manière de porcéder était elle même source d'équivoques. Ainsi, dans les Recherches, Witt. questionne non plus de façon analytique mais par une clarification de la grammaire du langage naturel. Ainsi, cette "volonté" (wille) dans les §611-619.
Par exemple, dans §618 des Recherches : "au sens où il m'est impossible de ne pas réussir à vouloir, il m'est impossible d'essayer de vouloir". C'est une approche pragmatique : le vouloir est en quelques sortes "performatif".
On peut rapprocher, dans une certaine mesure, cette "volonté" chez Witt. de l'"intentionnalité" phénoménologique (par exemple Husserl, qui fut aussi un logicien). Bien que ces deux approches se distinguent par la manière de thématiser, de poser le problème...
Cette intentionnalité désigne une sorte d'acte de l'esprit, une certaine attitude de la conscience dirigée vers quelque chose qui est figuré dans (et par) cette même conscience. C'est ce qu'ils entendent par "conscience intentionnelle", en tant que la conscience est toujours une conscience de quelque chose, et s'y rapporte d'une certaine manière. Ainsi, le "la conscience est toujous une conscience de".
De même que dans le 5.1362 du Tractatus, Wittgenstein pose l'interdépendance du connaitre et du connu comme une "nécessité logique".
Pour reprendre votre exemple, lorsque mon interlocuteur me dit par téléphone "je mange des pâtes", il y a une certaine intentionnalité (ou volonté) implicite qui consiste, par exemple, à provoquer chez moi une certaine réaction. Ainsi, la personne à qui s'adresse le message (moi en l'occurrence) comprend par le fait même que ces mots ne sont pas sortis de la bouche par pur hasard ou par pure coïncidence. Je suppose implicitement que l'émetteur avait une certaine volonté de provoquer un effet chez moi en disant ces mots.
3) Mais j'ajoute que cette manière de poser le problème peut être, dune certaine manière, trompeuse car, dans la communication en cours, je n'ai pas besoin de thématiser cela, tout se fait de façon "naturelle", (implicitement). Dans la communication en cours, la volonté (ou l'intentionnalité) est comme manifeste par l'acte même.
Cependant, lorsque je thématise cela sur un plan linguistique, ou d'une philosophie du langage, ou d'une sémiotique,... Je me situe dans un autre "jeu de langage", où le même énoncé "je mange des pâtes" n'a plus le même sens, n'implique plus les mêmes actes intentionnels, Nous en faisons usage avec une volonté différente, qui est celle de parler sur le langage même, donc à un autre niveau de langage.
Je ne peux être que d'accord lorsque vous dites que les pronoms sont relatifs à un contexte d'énonciation. Mais je vais plus loin et j'ajoute que le "je, tu, il, nous..." thématisé par le linguiste n'est pas nécessairement le "je, tu, il, nous..." dans l'usage naturel.Cependant ce que les théories de l'énonciation disent des pronoms je, et tu (et dans une moindre mesure des pronoms vous et nous), c'est qu'ils sont purement déictiques, c'est à dire qu'on ne les comprend qu'en faisant référence à la situation d'énonciation, cad au roles des actants, locuteur et allocutaire. Dans ce sens "il(s)" est une non-personne (dixit un linguiste dont le nom me manque), dont on ne comprend le fonctionnement sémantico-référentiel, qu'en faisant référence à un objet extérieur au cadre énonciatif.
Aussi on parle beaucoup de thématisation dans ce topic. De quoi s'agit-il ?
Il peut y avoir par exemple des cas où "ils" peut désigner une personne. Je pourrais, par exemple, et non sans humour, désigner un une personne A souffrant de dédoublement de personnalité par le "ils" en énonçant à une autre personne B, dans le cadre d'une discussion sur A, "est-ce qu'ils sont passés chez toi hier soir?"...
Sur l'usage de "thématisation", c'est un terme que j'ai choisi pour désigner "le fait de prendre pour thème"; j'aurais pu parler aussi de "théorisation", qui est peut-être plus approprié...
Oui, comme plus haut, cela nécessite alors une certaine clarification, des énoncés supplémentaires ou d'autres modes pour faire comprendre par des analogies...Et bien elle pourrait la comprendre en passant par la connotation socio-culturelle de la douleur, le jugement axiologico/modalisateur de la douleur etc... Bien sur la personne ne pourrait pas se figurer la sensation de douleur avec précision, mais elle pourrait déduire quel genre de sensation c'est, en passant par une analogie avec la tristesse, j'imagine.
En quelques sortes, on pourrait dire qu'elle peut comprendre ce que j'attends d'elle par le fait même d'exprimer ma douleur (par exemple, me doner une aspirine). Mais vous avez saisi ce dont il était question par une telle aporie (ma question était particulièrement vaste, j'aurai du la cibler) : la figuration de ce qui est désigné par "douleur". La question visait à mettre en lumière le rapport implicite à la connaissance de soi qu'implique, en un sens, la résolution du problème.
En somme, le problème reste le même si la personne peut le comprendre par la tristesse. Ce que je voulais dire par là c'est que c'est en vertu de sa propre disposition à ressentir la douleur, ou quelque chose d'analogue à la douleur, que cette personne peut comprendre un énoncé portant sur des états de conscience. De même que, dans un énoncé de type "la conscience est ceci ou cela", que je peux comprendre en vertu notamment de ma propre faculté d'être conscient. Et en vertu de celle-ci je peux être d'accord ou pas avec ce qu'il est dit dans l'énoncé...etc...
Ainsi, mon souci est dans l'association de ces deux perspectives théorique que sont d'un côté la perspective externalisée de la linguistique (par exemple structurale) et de l'autre la perspective phénoménologique. Et de voir s'il est possible de lier ces perspectives sans tomber dans le simple réductionnisme et surtout comment opérer cette liaison.
Mon propos reste donc philosophique, mais je me nourris avec délectation de tous les commentaires très intéressants dans cette discussion... Y a-t-il une place dans vos recherches d pour cette question de l'intentionnalité?
Cordialement.
-----