Bonjour
le titre est peut être un peu sybillin, donc voilà ce que j'entends par "extrapolation exponentielle" : c'est le raisonnement qui consiste à partir de la constatation d'une quantité quelconque a crû pendant un certain temps, à un rythme plus ou moins exponentiel (donc à un taux constant de x% par unité de temps), et à en déduire qu'il est licite de l'extrapoler dans l'avenir.
C'est en réalité un raisonnement fait dans de nombreux contextes, plus ou moins objectivés quantitativement. Dans la version la moins mathématique, il correspond à l'argument souvent entendu "regarde on n'aurait jamais imaginé il y a XXXX années qu'on allait faire ci ou ça, donc ça sera pareil dans l'avenir , on ne peut jamais savoir " : il s'agit d'une extrapolation exponentielle. Elle est très couramment, voire universellement employée, dans les projections économiques (et par suite d'ailleurs climatiques), qui répugnent à l'idée qu'on pourrait avoir autre chose que la croissance. Elle est également employée dans des raisonnements comme le paradoxe de Fermi. Bref c'est un mode de pensée assez courant.
Essayons d'y porter un regard critique, dans le sens général (bonnes et mauvaises choses). Ce n'est certainement pas une mauvaise méthode pour les petits temps , il n'y a pas de raison qu'un phénomène ayant crû à un certain rythme s'arrête brusquement sans raison. En revanche pour les très grands temps , ça pose un problème certain, puisque l'exponentielle explose notoirement tous les compteurs en un certain nombre assez réduit de temps de doublements : 10 temps de doublements, ça fait déjà un facteur 1000, et 100 temps de doublements, ça fait ... 10^30. Il est à peu près certain que rien ne peut augmenter par 10^30 dans l'Univers. Extrapoler votre croissance de bébé jusqu'à l'age adulte vous aménerait facilement à mesurer plusieurs km par exemple.
On voit donc fort logiquement apparaitre un temps caractéristique qui sert de référence : le temps de doublement, ou ce qui a peu près la meme chose à 30 %, le temps caractéristique de croissance de l'exponentielle en exp(kt) , soit T = 1/k . Ce qui est mathématiquement normal, puisqu'en réalité une exponentielle n'est caractérisé que par ce seul temps caractéristique (il est notable que dans le facteur préexponentiel qui mesure la quantité mesurée elle même , le A de A. exp(kt), il n'y ait en revanche aucune quantité "fiduciaire" , aucun ordre de grandeur naturel, un changement de A étant simplement un changement de l'origine des temps, et n'a donc aucune signification particulière : en réalité l'exponentielle n'est QUE un temps caractéristique de doublement, c'est tout. Ce ne sont que les contraintes extérieures à ce qui se développe qui vont limiter finalement la croissance, mais aucun mécanisme interne à cette croissance - ça vient justement du fait que l'exponentielle est la solution naturelle du "BAU", business as usual, "on continue à faire juste comme avant" ).
La question que je pose est donc : y a-t-il une estimation possible du nombre de temps de doublements qu'il est raisonnable, dans la plupart des cas, d'espérer encore pouvoir faire, étant donné que pour les temps petits par rapport à ce T, c'est raisonnable d'extrapoler, mais pour les temps très grands, c'est totalement déraisonnable ? y a-t-il un "alpha" raisonnable qui permette de dire qu'on peut extrapoler encore alpha T , mais pas beaucoup plus ?
intuitivement, j'aurais tendance à dire alpha de l'ordre de 1 , par le principe copernicien, qui veut qu'on n'a aucune raison d'occuper une place caractéristique particulière dans l'ensemble des évènements. Or extrapoler à alpha > 1 revient à dire qu'on est tout juste au début du phénomène, et qu'il en reste encore beaucoup plus à faire . Ce qui est tout à fait possible, mais improbable. Evidemment aucune valeur de alpha n'est réellement exclue, mais ma question est : si on doit en choisir une, laquelle choisir, si on n'a pas d'autres informations que la croissance passée ?
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