Article défini ou indéfini en mathématiques ?
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Article défini ou indéfini en mathématiques ?



  1. #1
    Médiat

    Article défini ou indéfini en mathématiques ?


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    Bonjour,
    Une discussion sur un autre fil a abordé un sujet (structures isomorphes) dont ce n’était pas le thème principal, j’ouvre celui-ci afin de proposer une petite synthèse sur ce point et en profiter pour préciser quelques points de vocabulaire.
    Afin de fixer les idées, ce qui suit concerne la logique classique du premier ordre égalitaire (je ne me place donc pas dans la théorie des catégories, mais ce qui suit peut permettre d’aborder celle-ci un peu plus facilement).

    1) Structure
    Si on parle de , de quoi parle-t-on ? De l’ensemble ? Du groupe additif bien connu ? Du corps tout aussi connu ? Ou du seul (nous y reviendrons) ordre total dense sans extremum de cardinal ? Ou encore du corps ordonné ?
    Bien sur, dans la plupart des cas le contexte permet de savoir de quoi l’on parle sans ambigüité, mais il y a un moyen simple de lever cette éventuelle ambigüité, c’est de préciser le langage utilisé ; pour les exemples précédents : , , , , . On pourrait me rétorquer, que l’on ne sait toujours pas que quelle addition, de quelle multiplication et de quelle relation d’ordre il s’agit, mais ce serait pure mauvaise foi, puisqu’à moins de précision contraire, ces opérations et relation sont celles qui sont « naturelles » sur cet ensemble.
    Je précise que je n’ai pas ajouté le symbole d’appartenance pour parler de l’ensemble , car je ne parle pas de comme d’un modèle d’un langage contenant l’appartenance (bref, je ne me place pas dans ZF).
    Les considérations précédentes (inutiles quand le contexte est clair, je le répète) ne sont,cependant, pas innocentes, par exemple, voir la différence entre l’arithmétique de Presburger et celle de Robinson (mon pdf sur l’arithmétique).

    2) Isomorphisme
    Très souvent l’expression utilisée est « isomorphisme de groupe », ou « isomorphisme de corps » (etc.), ce qui, de mon point de vue est un énorme abus de langage (qu’il m’arrive de commettre), la bonne expression serait « isomorphisme du langage des groupes », ou « isomorphisme du langage des corps (ou langage des anneaux, puisque c’est le même) ».
    Je considère qu’il s’agit d’un abus de langage pour au moins deux raisons :
    a) Il n’est pas nécessaire de savoir qu’une structure est un corps pour parler d’isomorphisme du langage des corps.
    b) « isomorphisme de corps » et « isomorphisme d’anneaux » définissent exactement la même chose, et dire qu’il existe un isomorphisme de corps entre deux anneaux qui ne sont pas des corps est un peu « gênant » (alors que « langage des corps » et « langage des anneaux » ne posent pas le même problème).

    3) Structure non élémentairement équivalentes
    Deux structures sont non élémentairement équivalentes, pour un langage donné (cette précision est essentielle (on pourrait même se contenter de langages ayant la même signature, mais ce serait pervers)) si elles ne vérifient pas les mêmes énoncés. Dit brutalement comme cela c’est de peu d’intérêt, par contre si on considère une théorie T dans le langage considéré, alors se demander si deux modèles de cette théorie sont ou ne sont pas élémentairement équivalents a plus de sens (surtout si on se demande si tous les modèles de cette théorie sont élémentairement équivalents, puisque c’est équivalent à dire que la théorie est complète).
    Langage :
    Théorie : Groupes de cardinal 4 (très facile à axiomatiser)
    Il est tout aussi facile de montrer que l’on peut trouver des formules que l’un des deux modèles de cette théorie et vérifie et pas l’autre (laisser en exercice).
    Il serait donc très déplacé d’utiliser un article défini dans ce cas, par exemple, dire « Le groupe à 4 éléments » me paraît rigoureusement impossible.

    4) Structure élémentairement équivalentes
    Évidemment, deux structures sont élémentairement équivalentes, pour un langage donné si elles vérifient les mêmes énoncés.
    Le plus simple pour trouver des exemples sans se lancer dans des démonstrations fastidieuses et sans choisir des structures isomorphes est de prendre une théorie complète (par définition tous les modèles sont élémentairement équivalents) dont tous les modèles ne sont pas isomorphes (ce qui est le cas dès que la théorie admet un modèle infini) :
    Langage :
    Théorie : Ordre total, dense sans extremums.
    Par exemple, les structures et vérifient exactement les mêmes formules (elles sont élémentairement équivalentes).
    Un autre exemple plus sophistiqué : il existe un corps vérifiant exactement les mêmes formules que , mais non archimédien !
    Là encore il ne me semble pas raisonnable d’utiliser un article défini qui reviendrait à con-fondre et , par exemple.
    On voit que la notion de cardinal (infini) n’est pas une contrainte pour parler de structures élémentairement équivalentes.

    5) Il existe un isomorphisme entre deux structures
    Déjà, on peut noter que s’il existe un isomorphisme entre deux structures, elles sont élémentairement équivalentes (cela se démontre par récurrence sur la complexité de l’énoncé).
    Contrairement à l’équivalence élémentaire, le cardinal intervient (deux structures de cardinal différents ne peuvent être isomorphes, évidemment)
    Définition : une théorie est -catégorique si tous ses modèles de cardinal sont isomorphes (nous ne nous intéresseront qu’au cas où est infini, et le langage au plus dénombrable (dans le cas contraire les théorèmes sont juste un peu plus long à écrire, mais cela ne change pas fondamentalement les résultats)).
    Théorème de Morley : seuls quatre cas peuvent se produire (et seulement deux questions à se poser)
    Une théorie n’est catégorique en aucun cardinal infini
    Une théorie est -catégorique et en aucun autre cardinal infini
    Une théorie est -catégorique pour tout
    Une théorie est catégorique en tout cardinal infini
    Dans le cas de structures isomorphes l’article défini est approprié à condition de préciser le cardinal, (implicitement ou explicitement) par exemple « Le groupe à trois éléments », ou « l’ordre dénombrable total, dense sans extremums ». On pourrait objecter que ces structures sont « multiples », par exemple la fonction (ou r est un rationnel quelconque) , définie par est un automorphisme de (il y en a plein d’autres), on pourrait avoir l’impression que l’on vient d’exhiber une autre version de à l’intérieur de même. Je reviendrai sur ce point plus en détail et avec des exemples simples.
    (Question annexe : suffit-il, pour définir un automorphisme, de dire qu’il s’agit d’un isomorphisme d’un ensemble dans lui-même ?)

    6) Il existe un unique isomorphisme entre deux structures
    La différence avec le point précédent ne porte pas sur la nature des relations entre deux structures, mais sur la structure elle-même puisque s’il existe plusieurs isomorphismes (pour un certain langage) entre deux structures, cela signifie que les structures possèdent au moins un automorphisme (pour le même langage) non trivial (l’identité) ; il est effectivement facile de construire un automorphisme à partir de deux isomorphismes et, réciproquement, de fabriquer un deuxième isomorphisme à partir d’un premier et d’un automorphisme.
    Dans ce cas, il me semble que l’article indéfini peut-être utilisé sans aucune restriction intellectuelle, car un simple renommage des éléments de l’ensemble sous-jacent et de l’interprétation des éléments du langage, permet de passer d’un modèle à l’autre, par exemple le groupe à 1 élément, que je le note ou , ne change rien à la structure (il y a bien deux ensembles, mais une seule structure). Un abus de langage courant (et pas bien grave dans la majorité des contextes) consiste à dire ici que l’on a « un seul modèle » en faisant l’élision du célèbre « à isomorphisme près », alors que l’on a bien deux ensembles, donc deux modèles (mais une seule structure).
    L’idée que je vais défendre maintenant, c’est que si vous êtes d’accord pour dire « Le groupe à 1 élément » (parce qu’il existe un isomorphisme unique entre les différents modèles), alors vous devez être d’accord pour dire « Le groupe à 3 éléments » (parce qu’il existe un isomorphisme entre les différents modèles).
    Le plus simple est de prendre un exemple :
    Langage :
    Théorie : Ordre strict à 4 éléments avec un élément plus petit que tous les autres, un plus grand que tous les autres et deux éléments incomparables (facile à axiomatiser). J’appellerai cette théorie « théorie de l’ordre du losange », juste pour me simplifier la vie, et tout ce qui suit, jusqu’à mention du contraire, se fera dans cette théorie.
    Il est facile de montrer que tous les modèles de la « théorie de l’ordre du losange » sont isomorphes, et qu’on peut y définir un automorphisme non trivial.
    Exemple : , où est la relation de divisibilité (au sens strict donc non égal), là encore il est facile de vérifier que cette structure est un « ordre du losange », mais peut-on dire que c’est l’« ordre du losange », ma réponse (peut-être discutable) est oui : parce que l’on ne sait pas distinguer 2 de 3 (il n’existe pas de formule, permettant de les distinguer dans le langage défini ci-dessus).
    Epurons un peu le modèle : imaginez un losange (il fallait bien qu’il arrive), et orientez tous les côtés dans la même direction (ces flèches représentent les couples du graphe de la relation), sans donner de nom aux sommets. Il devrait être possible de ne voir plus qu’un seul modèle, si vous en voyez toujours deux (en pensant à la flèche du haut et à la flèche du bas), passez derrière votre dessin et faites les pieds au mur, le modèle n’a pas changé et vous voyez la flèche initialement en haut, en bas, et vice versa : c’est vous qui avez changé votre façon de regarder, pas le modèle (et donc pas la structure).
    Que ceux qui ont vu une analogie entre cet exemple simple et le corps des complexes où i et –i jouent des rôles interchangeables se rassurent, ce n’est pas un hasard, et j’y reviendrai.
    Peut-on changer les choses ?
    On peut ajouter un (dans le cas de la théorie du losange) symbole de constante au langage, on vient de voir que la valeur de cette constante n’est pas définissable, par contre il y a quelques axiomes à ajouter, ici, il suffit de préciser que la constante n’est ni le plus petit, ni le plus grand des quatre éléments. Par contre, s’il y a bien deux choix possible pour l’interprétation de ce symbole de constante, fixer ce choix fige le reste (ici un seul autre élément, mais cette remarque est généralisable).
    S’il y a un et un seul automorphisme non trivial dans une structure, ajouter un seul symbole de constante est suffisant pour qu’il n’existe plus.
    Plus généralement s’il y a un nombre fini d’automorphismes non triviaux, alors il suffit d’un nombre fini de constantes (il est assez facile de trouver une borne supérieure).
    S’il existe un nombre infini d’automorphismes non triviaux, c’est beaucoup plus délicat, voici deux exemples extrêmes :
    Langage :
    Théorie : relation d’ordre total.
    , il est clair que pour tout n entier relatif, la fonction , définie par est un automorphisme de (ce sont les seuls), il y a donc automorphismes sur cette structure, mais ils se réduisent à aucun en ajoutant seulement un symbole de constante au langage, 0, par exemple (histoire d’ajouter un peu de confusion constructive), en effet, on peut choisir d’interpréter le 0 du langage par n’importe quel entier relatif (ce qui revient, par exemple, à poser 0 = 1, ou pour écrire les choses correctement, cela revient à interpréter la constante 0 du langage par l’élément 1 de , mais une fois ce choix fait, il n’y a plus d’automorphisme non trivial dans le nouveau langage.
    , toutes les fonctions bijectives et croissantes de dans lui-même, sont des automorphismes, et il va de soi que choisir un nombre fini de points fixes laisse encore beaucoup de possibilités, et donc symboles sont nécessaires (et encore faut-il écrire les axiomes les concernant), et ce n’est même pas suffisant (je développerai ce dernier point si des questions se font jour).
    Revenons sur , on sait bien que la conjugaison est un automorphisme, ce qui revient à dire que si on construit les complexes à partir de (par exemple), baptiser i l’élément (0, 1) ou l’élément (0, -1) revient strictement au même, mais en ajoutant un symbole de constante au langage, par exemple i (et en ajoutant un axiome), alors il n’y a plus d’automorphisme non trivial dans l’ensemble des complexes pour ce nouveau langage (une raison très forte pour justifier le point 2).
    Remarque : pour prolonger la question des structures non isomorphes, il faut regarder du côté de la théorie de la stabilité et des spectres des théories (pour ceux qui veulent faire des recherches, les noms de Saharon Shelah et Ehud Hrushovski sont les centraux)

    J'espère n'avoir pas laissé trop d'erreurs, pardon, de fautes de frappes ...

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    Je suis Charlie.
    J'affirme péremptoirement que toute affirmation péremptoire est fausse

  2. #2
    Médiat

    Re : Article défini ou indéfini en mathématiques ?

    Citation Envoyé par Médiat Voir le message
    Dans ce cas, il me semble que l’article indéfini peut-être utilisé sans aucune restriction intellectuelle, [...]
    Première faute de frappe : il faut lire "Dans ce cas, il me semble que l’article défini peut-être utilisé sans aucune restriction intellectuelle".
    Je suis Charlie.
    J'affirme péremptoirement que toute affirmation péremptoire est fausse

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