L’irréversibilité de l’évolution d’un système ouvert ne pose pas de problème. En effet, l’opérateur densité réduit d’un système qui s’intrique avec l’environnement ne contient pas toute l’information nécessaire pour modéliser le tout quantique inséparable système+environnement. La perte d’information et la croissance de l’entropie n’ont donc rien de mystérieux dans ce cas car elles apparaissent dès que l’on met en place dans le modèle d’un système un horizon d’accès à l’information (information plus complète qui serait nécessaire pour le caractériser).Envoyé par mariposaPuisqu’il y a besoin de systèmes à grand nombre de complexions indiscernables (pour une classe d’observateurs donnée) pour définir une flèche du temps, qu’est-ce qui nous autorise à imposer cette même flèche du temps aux systèmes qui ne possèdent pas cette propriété ?Envoyé par mariposa
Une autre remarque montre notre compréhension incomplète de l’irréversibilité quantique. Quand je considère une mesure quantique comme le passage dans un Stern et Gerlach à axe vertical d'un atome d'argent ionisé dans un état de spin horizontal, que se passe-t-il ? L'atome ressort de l’appareil avec un spin vertical soit dans l'état up soit dans l'état down. Ce sont des événements irréversibles avec perte d’information sur l’état antérieur tels que ceux la qui nous permettent d’enregistrer les traces du passage du temps (1).
Or, tant que l'on considère les équations déterministes de la MQ, l'atome d'argent s'intrique avec le champ électromagnétique du Stern et Gerlach, puis l'ensemble s'intrique avec l'environnement proche et ainsi de suite selon le processus de décohérence unitaire, déterministe, réversible et sans perte d'information (c’est la fameuse chaîne infinie de Von Neumann : cf Decoherence, the Measurement Problem, and Interpretations of Quantum Mechanics http://arxiv.org/PS_cache/quant-ph/pdf/0312/0312059.pdf ).
On n'observe donc jamais (dans la théorie) de moment où l'atome d'argent retourne dans un état de spin vertical pur, décorrélé de l'environnement, en cassant la chaîne infinie de Von Neumann. D’après les équations qui régissent la dynamique quantique, l’atome d’argent reste intriqué avec l’environnement et on ne peut jamais dire qu’il est dans l’état up ou dans l’état down : il reste dans les deux états (l'hypothèse métaphysique de séparation en mondes multiples inobservables ne dit pas non plus quand et comment on se retrouve dans un monde plutôt qu'un autre).
Pourtant, dans la réalité, il existe un moment où l'atome d'argent retombe dans "un état" qui nous semble être un état propre de spin vertical décorrélé de l'environnement. L'atome d'argent se retrouve dans un état up plutôt que down (ou down plutôt que up) et l'intrication avec l'environnement a soudain mystérieusement disparu sans laisser de traces selon le processus de réduction du paquet d’onde irréversible, non déterministe, s'accompagnant de croissance d'entropie et d’oubli de l’état antérieur en violation de la dynamique unitaire, réversible, déterministe et sans perte d’information régie par l'équation de Schrödinger.
Selon quel processus l'atome d'argent choisit-il de se polariser up plutôt que down (ou l'inverse) ? Selon quel processus cette information a-t-elle été perdue et l’intrication a-t-elle été cassée. La dynamique de ce processus de réduction du paquet d’onde est incompatible avec la dynamique quantique régie par l'équation de Schrödinger.
Toutefois, l'analogie avec le passage de la physique statistique classique (évolution unitaire, déterministe, réversible, isentropique à l'échelle appropriée) à la thermodynamique classique (régie par une évolution non unitaire, irréversible, s'accompagnant de croissance de l'entropie et de perte d'information) est si forte qu'elle suggère de creuser dans cette direction.
Il y a donc bien quelque chose qui nous échappe dans l'irréversibilité observée d’une mesure quantique de spin en conflit avec la propagation théoriquement réversible de la chaîne infinie de Von Neumann (pour rester concentré sur un exemple suffisamment précis pour ne pas partir dans des décors physico-philosophiques sans intérêt).Envoyé par mariposa
Bernard Chaverondier
(1) Les événements futurs ne laissent pas de trace. Dit autrement, un déroulement éventuel à rebrousse-temps efface toute trace du futur qui nous soit accessible alors que le déroulement normal dans le sens passé présent conserve les traces du passé.
La question que je me pose est donc de savoir si en réalité, dans un "temps" dont le déroulement nous échapperait (en raison de la nature même de la flèche du temps et de la notion d’information) les processus d'interaction quantique ne pourraient pas faire des allers-retour dans notre temps macroscopique observable, jusqu'à l'obtention d'un "état stable" (regroupant en réalité un grand nombre de complexions indiscernables à nos yeux d'observateur macroscopique, vibrant dans le sens passé-futur puis futur passé).
Cet état stable serait obtenu à l'issue d'un processus d'interférence constructive entre ondes quantiques retardées se propageant du présent vers le futur et ondes quantiques avancées se propageant du futur vers le présent, nous donnant une sorte d'illusion stroboscopique d'un présent "sans épaisseur temporelle" (comme une roue qui tourne semble être immobile quand elle est éclairée par des flash successifs émis à la bonne fréquence).
En tout cas, c'est un peu ce type de processus que suggère le modèle de l'absorbeur de Wheeler et Feynman ainsi que l'interprétation "Transactional Interpretation of Quantum Mechanics" de John Cramer, Department of Physics University of Washington
http://mist.npl.washington.edu/ti/
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